• Aucun résultat trouvé

Comme déjà anticipé, notre recherche s’intéresse à étudier le processus de médiation sémiotique et son organisation didactique, dans le cadre de l’utilisation d’un artefact technologique. En particulier, nous avons choisi d’organiser et d’analyser ce processus, au sein du paradigme théorique et didactique, dit de Théorie de la Médiation Sémiotique, élaboré par Bartolini Bussi et Mariotti.

Par conséquent, nous avons d’abord, essayé d’expliciter les liens entre ce cadre théorique et le travail de Vygotsky auquel il s’inspire. Cela a amené à identifier, d’une part, nos premières hypothèses de travail, d’autre part, un certain nombre de critères de construction de la séquence expérimentale.

Nous pouvons résumer nos hypothèses de la manière suivante :

I. la construction d’un signifié mathématique associée à un mot mathématique est possible, au début, par les élèves, grâce à la possibilité de se référer au même objet, dont l’enseignant parle. En effet, l’artefact, en fonctionnant comme outil de médiation sémiotique, garanti un appui extralinguistique par lequel commencer à discuter. D’autre part, l’objet en question, n’est pas un référent concret mais, lui-même, un référent en voie de construction.

26 Le representamen d’un symbole est nécessairement un légisigne, mais celui-ci ne peut réellement agir qu’en se matérialisant dans une réplique, et le symbole implique dès lors un indice. Ainsi, en mathématiques, le « = » est, en général, un légisigne symbolique, mais chacune de ses répliques dans un contexte donné constitue un sinsigne indiciel

II. Tout signe (mot, symbole mathématique, mais aussi outil psychologique) possède un caractère polysémique.

III. Tout signe issu de la culture mathématique et originairement dépourvu de sens pour les élèves, peut acquérir, à l’issue d’interventions pédagogiques et sociales opportunes dans la zone du développement proximal, une signification stable et mathématiquement consistante. En particulier, même si au début ce signe aura une signification instable et immature, son utilisation

fonctionnelle dans des tâches spécifiques, médiée par les interventions de

l’enseignant et par l’interaction avec les autres élèves, permettra son évolution vers une signification compatible avec la signification qu’il possède déjà dans la communauté de référence.

IV. Même en ne négligeant pas la spécificité de chaque type de signe, tout type de signe, que ce soit de type langagier, ou que ce soit issu de l’utilisation de certains outils, possède une nature commune (puisque il participe à l’activité médiée du sujet) et doit être traité dans une perspective commune.

V. Tout signifié à construire est enracinés dans l’expérience phénoménologique, c’est-à-dire dans l’activité du sujet et dans les rétroactions du milieu dont l’artefact est une composante fondamentale. Cependant son évolution ne peut être obtenue que par des moyens de construction sociale de la connaissance en classe, sous la guide de l’enseignant.

VI. Toute discussion collectives pour se dire une « discussion mathématique de

construction de signifiés » doit posséder comme caractéristique principale

celle de permettre, d’une part, l’élaboration consciente et l’explicitation des signifiés mathématiques personnels, d’autre part, leur évolution vers les signifiés mathématiques culturels visés.

A partir de ces hypothèses de travail, notre étude vise, donc, à analyser, plus précisément, lors d’un processus d’enseignement - apprentissage quels sont l’apport respectif et l’articulation réciproque entre l’expérience phénoménologique dans l’artefact et l’action de l’enseignant. En particulier, nous nous sommes posées les questions suivantes : comment est-il possible d’exploiter le potentiel sémiotique des outils de l’artefact ? Comment mettre en place des conditions susceptibles d’obtenir leur internalisation ? Comment l’enseignant peut-elle choisir ou construire des tâches opportunes afin de permettre l’exploitation de ce potentiel sémiotique, surtout lors des moments de discussions collectives ? C’est-à-dire, comment peut-elle favoriser leur transformation en outils psychologiques, de la part des élèves ? Comment peut-elle s’appuyer sur ces outils et soutenir la construction des signifiés mathématiques visés ?

Et, en fin, quelles sont les conditions qui permettent à ces moments de se constituer et fonctionner comme « discussions mathématiques de construction de signifiés » ?

Afin de répondre aux questions citées ci-dessous, et, en général afin d’approfondir notre recherche, nous avons décidé d’étudier la mise en place de ce processus de médiation sémiotique et sa gestion par l’enseignant, dans le cas particulier d’une notion mathématique donnée, Ce pourquoi nous avons décidé d’adopter comme ingénierie didactique celle de la construction une séquence expérimentale opportune. Nous aurions pu nous rendre dans une classe ordinaire, impliquant l’utilisation d’un artefact, et observer s’il avait des processus de médiation mis en œuvre par l’enseignant, et comment ceux-là étaient organisés. Cependant, d’une part il aurait été difficile de trouver une classe dans la quelle les phénomènes liés à

la médiation sémiotique étaient suffisamment nombreux pour un étude riche. D’autre part, il nous semble que l’analyse des classes ordinaires nécessite au préalable d’avoir déjà un bagage suffisant de réalisations expérimentales explicitement conçues dans le cadre de la TMS. D’ailleurs, la TdS aussi en est devenue un outils d’analyse de classes ordinaires que après vingt ans de constructions d’ingénieries didactiques expérimentales. En outre, l’organisation de ce processus, au sein d’une séquence expérimentale spécifique, devrait nous permettre de mieux comprendre son fonctionnement. Comme le rappelle Artigue (1998) cela va se faire principalement par la prise en compte du décalage entre ce qui est prévu et ne se passe pas et vice versa :

L'anticipation de l'analyse a priori est là pour garantir la réalité du jeu scientifique joué et pour limiter les reconstructions et rationalisations a posteriori. Dans la confrontation aux attentes, l'accent est mis sur les décalages entre analyse a priori et a posteriori (phénomènes prévisibles qui ne se sont pas produits et phénomènes non prévus qui se sont produits) car c'est travers eux qu'en est testée indirectement la validité des hypothèses qui ont conduit à l'analyse a priori. [Artigue, 1998]

Ce pourquoi par l’analyse des l’œuvre de Vygotsky et des liens avec la TMS élaborée par Bartolini Bussi et Mariotti nous avons recherché à identifier aussi des critères généraux de construction de la séquence expérimentale.

Parmi ces critères, rappelons :

la nécessité de concevoir des d’activités socialement significatives pour la

création, la négociations et renégociation de ZDP opportunes.

Ces activités doivent comporter l’utilisation d’artefacts et de signes langagiers particuliers. Ces artefacts devront avoir toujours une dimension culturellement ou historiquement significative (objets concrets issus de l’histoire des mathématiques, artefacts technologiques, textes historiques, etc.).

Les activités avec l’artefact devront s’articuler à d’autres activités de type sémiotique, comme les discussions mathématiques afin de permettre la production et la maturation de signifiés mathématiques personnels vers les signifiés mathématiques culturels visés.

Enfin, les tâches menées avec un artefact doivent comporter une

« saturation en concret » suffisante des concepts scientifiques. Cela aura pour but d’éviter le danger, dont Vygotsky parle, d’un verbalisme excessif. Ainsi, par exemple, des tâches d’anticipation ou de description, permettront de prendre conscience et d’approfondir certains comportements « mathématiques » des objets et des outils à l’écran.

Puisque, par la mise en œuvre de ces critères, nous nous attendons, justement, à pouvoir exploiter le potentiel sémiotique des outils de l’artefact choisi, Cabri-géomètre, notre recherche visera aussi à répondre aux questions suivantes :

Comment, l’interaction avec ces signes et ces outils dans Cabri-géomètre, au sein de ce type d’activités, permet, de facto, de tisser un réseau de concepts, au début éventuellement spontanés, sur lequel développer les concepts scientifiques ?

Plus encore, comment l’enseignant peut s’emparer d’une telle potentialité de

Cabri, pour favoriser la constructions des signifiés mathématiques attendus ?27

En fin, en ce qui concerne l’organisation générale de la séquence expérimentale, nous avons identifié la nécessité d’une organisation spécifique des activités

27 Au cours de ce travail de thèse les questions surgies dan ce chapitre présent pourront d’avantage se préciser.

sémiotiques différentes (activités dans l’artefact, activités de DCs, activités de rédaction de fiches de travail et activités d’écriture de rapports individuels). Nous avons vu que cette nécessité répond à l’objectif didactique incontournable, mis en lumière par Vygotsky, d’un travail explicite sur la prise de conscience et sur le rôle de l’écriture. Ainsi, par exemple, par les discussions collectives et l’écriture de fiches et de rapports individuels, nous nous attendons à pouvoir passer de l’action spontanée et inconsciente au niveau conscient.

Notre étude visera aussi à questionner ce type de passage.

Notre étude du processus de médiation sémiotique et de son organisation didactique se positionne à l’intérieur de la Théorie de la Médiation Sémiotique. Cependant, afin de mettre en œuvre notre ingénierie nous avons fait recours aussi à des éléments de la Théorie de Situation. En effet, dans ces dernières années, ce cadre théorique s’est révélé être non seulement un outil efficace de construction d’un certain type d’ingénierie didactique, mais aussi de modélisation a posteriori de processus d’enseignement- apprentissage non expressément organisés autour d’un milieu adidactique. Nous avons donc estimé que ce paradigme pouvait, d’une part, permettre de repérer d’autres critères de construction de la séquence, d’autre part, à l’aide de ces propres outils didactiques, de modéliser le processus de médiation sémiotique mis en place par l’enseignant. Dans notre travail, nous avons donc décidé d’accorder une place centrale aux concepts de problème, considéré comme situation d’apprentissage source de désadaptation et déséquilibre, de milieu, de

contrat didactique, de validation et de variable didactique.

Même si ces notions ont été dérivées en partie d’une position psychologique et épistémologique différente de celle de Vygotsky, nous prétendons qu’elles ne soient pas contradictoires avec cet approche, mais, au contraire complémentaires. Par exemple, grâce à la notion de milieu, nous nous attendons à modéliser certaines notions qui, dans la TMS sont exprimées en termes métaphoriques comme celle de « zone de développement proximal » ou celle de « constitution d’un espace intersubjectif ». En revanche, la notion de contrat nous devrait permettre de repérer des conditions de fonctionnement des discussions collectives. Nous nous attendons aussi à que le recours à ces deux cadres théoriques, même si leur position réciproque n’est pas symétrique, pourra permettre d’interpréter de deux points de vue le fonctionnement de l’artefact (et comme composante fondamentale d’un milieu source de rétroactions, et comme Instrument de Médiation Sémiotique). Ce regard double pourra conduire à une analyse plus fine de la manière de l’impliquer dans la fabrication de la séquence expérimentale.

Notre travail cherchera donc aussi à étudier cette articulation supposée possible. En particulier, nous nous demandons : comment construire effectivement une séquence qui articule ces deux cadres théoriques ?

L’élaboration de la séquence, constituera ainsi une sorte de théorème d’existence de cette articulation, permettant de dégager des éléments de reproductibilité et de constructibilité.

Dans le cadre des objectifs de notre étude, il se pose évidemment la nécessité de dégager des éléments de modélisation du processus d’élaboration et de transformation des signes. Etant donné que tant la TMS que la TdS, ne nous semblent pas fournir des caractères définitoires des signes suffisamment détaillés pour permettre une analyse au niveau micro, nous avons donc décidé d’avoir recours à des éléments de la sémiotique peircienne. Nous avons élaboré une sorte d’intégration méthodologique, qui n’a pas la prétention d’être un complètement théorique des la TMS ou de la TdS.

Nous nous attendons à que cette intégration puisse permettre de mieux décrire le fonctionnement de certains signes impliqués dans le processus de médiation sémiotique, ainsi que, l’évolution du réseau sémiotique mis en place et développé, en particulier, par les discussions mathématiques.

Au cours de ce chapitre nous avons aussi brièvement abordé la question de la nature du contenu d’apprentissage visé, c’est-à-dire de la notion de fonction. Nous avons identifié dans cette notion un caractère spécifique, généralisateur, unificateur et porteur d’un nouveau formalisme, propre des notions mathématiques qui ont eu une genèse historique longue et difficile.

Ce caractère nous a fait supposer l’impossibilité de repérer une suite de situations fondamentales capables, toutes seules, de façon opérationnelle, de faire émerger cette notion, dans toute sa complexité comme outil de solution de problèmes, au moins, dans un temps raisonnable, dans l’institution scolaire concernée. Nous avons lié cette hypothèse d’impossibilité justement à la nécessité d’articuler le cadre théorique de la médiation sémiotique avec celui de la Théorie des Situation.

Lors du prochain chapitre, nous visons montrer, par une brève analyse épistémologique, combien l’évolution au sein de la genèse historique d’une telle notion a été « très lente, compliquée et sinueuse».

Par cette analyse épistémologique et par un étude des recherches consacrées à l’apprentissage de cette notion, nous identifierons aussi les hypothèses épistémologiques, didactiques et cognitives sur lesquelles bâtir notre séquence d’enseignement - apprentissage. Ces analyses nous fournirons donc des critères ultérieurs de construction de la séquence qui s’ajouteront à ceux déjà dégagés lors du chapitre présent.

Chapitre 2 : Fonctions et graphes de