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Comme déjà mentionné, nous estimons (par opposition aux modèles synchroniques) qu’une approche systémique et constructiviste est pertinente et nécessaire pour l’investigation de situations de travail et de leur évolution. Nous procédons donc à une analyse que l’on peut qualifier « génétique » de la souffrance.

La structure de l’outil de saisie et la procédure de recueil répondent aux objectifs de méthode fixés :

• accéder à de la dimension subjective (grâce à la restitution rétros- pective du vécu par la personne),

• prise en compte de la dynamique du phénomène de souffrance au travail (grâce à la méthode longitudinale choisie).

A partir de l’analyse des dossiers, nous avons répertorié les éléments biographiques et d’autres faits, évènements, facteurs qui sont présents de fa- çon récurrente dans les descriptions de ces situations au travail et du vécu des personnes. Selon nous, ces éléments jouent un rôle dans le développement de ces phénomènes de souffrance au travail et les processus sous-jacents que nous détaillons dans la partie « problématique » de la thèse.

Nous avons ensuite intégré ces éléments, qui correspondent à nos va- riables, dans le questionnaire et découpé ce dernier en 6 différentes parties :

Les éléments socio biographiques

Cette première partie concerne les données socio biographiques des su- jets :

L’identification du sujet (nom, prénom et numéro de saisie informa- tique) ; le sexe ; l’âge (pour l’analyse des résultats, l’âge a été regroupé en 4 classes : moins de 30 ans, 30 à 39 ans, 40 à 49 ans, 50 ans et plus) ; la situation familiale ; enfants à charge.

Nous relevons aussi : la date de la première consultation ; la durée de l’accompagnement (pour l’analyse des résultats, la durée de l’accompagnement a été regroupée en 3 classes : moins de 6 mois, de 6 à 12 mois, supérieure à 12 mois) et nous essayons d’identifier des antécédents psychiatriques potentiels.

Pour mettre en lumière la temporalité et l’aspect dynamique, et faciliter une approche « génétique » de la souffrance au travail, il nous a semblé judi- cieux de découper notre outil de recueil en plusieurs périodes qui représentent des phases bien distinctes. Le but est d’analyser par ordre chronologique les événements évoqués par les personnes pour saisir la dynamique et l’évolution des situations et de leur état de santé.

Ainsi, nous nous intéressons aux événements et aux vécus présents avant, mais aussi après, « l’événement déclencheur » de cette situation doulou- reuse ce qui justifie l’utilisation d’une méthode rétrospective et longitudinale.

La phase d’intégration et d’immersion dans l’organisation durant laquelle la construction du contrat psychologique s’achève Ici figurent des éléments factuels comme :

• Le secteur d’activité : relevé selon la classification de nomencla- ture d’activité française NAF utilisée par l’INSEE, avec l’indication du secteur (privé ou public) et renseigné de façon détaillée.

• Le dernier poste occupé : relevé selon la classification des types de profession CSP également utilisée par l’INSEE identifié de fa- çon précise.

• L’ancienneté dans l’entreprise :

⇒ Regroupement en 3 classes pour l’analyse descriptive : infe- rieure à 4 ans / entre 4 et 10 ans / supérieure à 10 ans

⇒ Regroupement en 2 classes pour l’analyse statistique : ancien- neté inferieure ou égale à 5 ans / supérieure à 5 ans.

• L’ancienneté au poste :

⇒ Regroupement en 5 classes pour l’analyse descriptive : infé- rieure à 1 an / de 1 an à moins de 5 ans / de 5 ans à moins de 10 ans / de 10 ans à moins de 20 ans / supérieure à 20 ans. ⇒ Regroupement en 2 classes pour l’analyse statistique: ancien-

neté inferieure ou égale à 4 ans / supérieure à 4 ans.

• Le nombre de changements de postes dans l’entreprise regroupé en 5 classes pour l’analyse statistique :

⇒ aucun changement de poste / 1 changement / 2 change- ments / 3 changements / plus de 3 changements de poste.

• Nous étudions ensuite des éléments qui traduisent la qualité et le type de la relation d’emploi à l’issue de cette phase (donc avant que la situation ne devienne difficile et douloureuse) comme :

⇒ le parcours professionnel dans l’entreprise : si oui ou non il se traduit par une évolution de carrière,

le soutien social perçu (ou non) et la provenance de ce sou-

tien : du responsable hiérarchique / des pairs / des syndicats ou délé- gués du personnel / de la médecine du travail / et d’éventuelles préci- sions.

⇒ les sentiments de confiance, de considération et de respect mutuel présents (ou non) durant cette phase,

⇒ présence (ou non) d’un fort investissement professionnel, ⇒ le type d’engagement identifié en référence au modèle de

Meyer et Allan (1991) qui définissent 3 différents types d’engagement professionnel : affectif / moral / dans la conti- nuité (cf. chapitre III).

⇒ le type de contrat psychologique initial en référence à la ty- pologie de Rousseau (1998) et de Morrisson et Robinson (1997), nous admettons la « distinction de deux grands types de contrat psychologique qui se situent à l’opposé d’un conti- nuum contractuel bipolaire allant du contrat psychologique transactionnel au contrat relationnel » (cf. chapitre III). Le contexte personnel et professionnel avant la « rupture du contrat psychologique »

Nous recueillons ici différents changements personnels et des modifica- tions susceptibles d’intervenir dans l’environnement de travail qui, d’après nos constats initiaux issus de l’analyse des dossiers, influencent la relation d’emploi.

Nous relevons l’absence ou la présence :

• d’événements intervenus dans la vie privée ou professionnelle du sujet, comme : un mariage / une naissance / une demande d’un congé parental / une demande d’un congé de formation ou sans solde / un arrêt maladie / l’obtention d’un diplôme / le décès ou une longue maladie d’un proche / un divorce ou une rupture / l’adhésion à un syndicat / un changement de poste dans l’organisation / une promotion / et /ou autres (précisions).

• de transformations dans le contexte professionnel : démissions / un rachat / une fusion / licenciements / l’organisation subit un plan d’économie / un contexte devenant fortement concurrentiel / une restructuration / un changement de hiérarchie / et /ou autres (pré- cisions).

Ici sont explorés les effets de ces changements sur les relations et les conditions de travail (réels et perçus). Ce sont des indicateurs de la rupture :

• une détérioration (ou non) suite aux changements intervenus, • une augmentation de charge de travail (ou non),

• une augmentation du contrôle exercé sur le sujet (ou non), • une perte d’autonomie (ou non),

• la mise en place d’un management par la peur (ou non), • une détérioration de la communication (ou non),

• une baisse de considération (ou non), • une baisse des récompenses (ou non),

• changements des valeurs, de la culture de l’entreprise (ou non). À partir d’une conception systémique des activités de socialisation et de personnalisation (cf. chapitre IV), nous nous intéressons aux activités de la sphère hors travail et aux rapports qu’elles ont avec les activités de divers do- maines de leur existence :

• elle représente pour le sujet soit une ressource, soit une contrainte, ou alors elle est neutre.

Conséquences de la rupture du contrat psychologique (telles qu’elles sont repérées lors des entretiens d’évaluation)

Nous commençons par relever le ou les événements qui ont, selon le psychologue, provoqué ces situation professionnelles difficiles :

• événement(s) déclencheur(s) identifié par le psychologue lors de l’entretien d’évaluation (avec l’accord du sujet).

Cette partie est essentiellement prévue pour recueillir des données sur les perceptions de cette rupture et les réactions affectives associées :

• identification d’une perception de violation du contrat psycholo- gique : pour ce faire nous nous appuyons sur les travaux de Morri- son et Robinson, 1997 (cf. chapitre III) : selon ces acteurs la per- ception de violation est une « réaction émotionnelle » qui peut accompagner la perception de la rupture ;

• recherche d’une modification de l’engagement professionnel : une baisse serait souvent consécutive au sentiment de violation (cf. Chapitre III Morrison et Robinson, 1997 ; Meyer & Allen, 1991) ; • recherche d’une attitude de résistance ;

• identification d’une perception de harcèlement moral ;

• évaluation de la situation depuis l’événement déclencheur : perçue par le sujet comme un enlisement de la situation (ou non).

Pour ces trois derniers éléments nous faisons référence aux études me- nées par Viaux (2004) (cf. Chapitre II), qui montrent que lorsque le sujet tente de s’opposer à la « stratégie d’autrui dominant » (perçue comme des stratégies de harcèlement), il va progressivement « s’enliser dans un conflit non plus de travail mais de valeurs » Viaux (2004, 36-54).

• identification du sentiment prédominant lors de l’entretien d’évaluation : rappelons que selon Morrison et Robinson, 1997 «la réaction affective qui peut accompagner la perception de la rupture se traduit par des sentiments comme : l’incompréhension, la trahi- son, la non-considération, le non-respect, l’humiliation, la tristesse, la colère, l’injustice, l’impuissance, la culpabilité, la peur, la décep- tion, la solitude, la méfiance ».

Nous y étudions aussi les réactions concrètes, vécues des sujets : les comportements et diverses actions qu’ils ont engagés. Nous nous appuyons ici sur la classification des actions en réponse au sentiment de violation du con- trat psychologique proposée par Robinson et Morrison (2000). (cf. chapitre III). Il y aurait, selon ces auteurs, des actions passives et actives :

• pas d’actions engagées (le sujet réagit « passivement »)

• diverses actions engagées comme : une action juridique / une réo- rientation professionnelle / une VAE ou un bilan de compétence / le recours à un syndicat / une démarche auprès l’inspection du tra-

vail / des renégociations des bases du contrat psychologique / une procédure de démission / une demande d’un congé / une sollicita- tion médicale

• et nous prêtons attention à d’éventuelles précisions de ces actions. Nous examinons si la personne est en activité (ou non) au moment de l’entretien d’évaluation :

• un retrait physique (ou non) : si oui, nous cherchons les raisons : • un arrêt pour maladie / une réduction du temps de travail / un

abandon de poste / ou autre (précisions). Conséquences sur la santé physique et mentale

Pour pouvoir décrire l’état de santé (physique et moral), nous avons lis- té un certain nombre de syndromes psychiques et de troubles médicaux dont souffrent les sujets qui sont reçus lors de nos consultations.

L’évaluation s’effectue sur la base des diagnostics posés par les méde- cins (généralistes et/ou du travail) et le psychologue du dispositif.

• troubles physiques : nous retenons les trois troubles les plus fré- quents : troubles du sommeil / troubles de l’appétit et/ou diges- tifs / somatisation,

• signes de détérioration de la santé mentale (ici nous indiquons éga- lement les syndromes les plus rencontrés) : syndrome anxiodépres- sif / dépression,

• nous répertorions néanmoins d’autres problèmes de santé (physique ou mentale).

Le traitement psychotrope est renseigné de la façon suivante : pas de traitement / traitement anxiolytique / traitement antidépresseur / traitement anxiolytique et antidépresseur / autre.

De même nous indiquons si le sujet a sollicité (ou non) une aide psy- chothérapeutique autre que celle qu’offre le dispositif de la consultation.

Pour évaluer l’état psychologique de la personne nous avons choisi de retenir les deux critères suivants : pas de symptômes psychologiques / syn- drome anxiodépressif et/ou dépression

Et nous mentionnons si la situation professionnelle entraine (ou non) d’autres répercussions :

• pas de répercussions / répercussions matérielles / répercussions familiales / répercussions matérielles et familiales / autres répercus- sions (précisions).

Résultantes à plus long terme observées au cours de l’accompagnement

Ce paragraphe s’intéresse aux diverses évolutions, changements de re- présentation et de rapport au travail. De même, nous relevons l’issue profes- sionnelle (provisoire ou définitive) pour le sujet de cette situation difficile au niveau professionnel.

Nous relevons tout d’abord les éléments qui informent sur l’évolution de la situation professionnelle. Ainsi, par exemple :

• un enlisement de la situation (ou non), • une amélioration de la situation (ou non),

• une retrait temporaire/partiel (ou non) avec des précisions,

• une rupture définitive avec l’environnement professionnel (ou non) : démission ou licenciement. Dans le cas d’un licenciement nous relevons la cause : pour inaptitude à tous poste de l’entreprise / pour faute / licenciement négocié (rupture conven- tionnelle ou autre) / économique.

Puis nous indiquons les stratégies de l’organisation telles qu’elles sont perçues par le salarié : stratégies de harcèlement psychologique / volonté de renégocier les bases du contrat psychologique / stratégies neutres / stratégies de soutien.

Ensuite, nous relevons les éléments qui permettent d’identifier des changements de perceptions, de représentations, d’attitudes chez le sujet :

• une redistribution du système des activités (ou non) : si oui, nous recherchons comment cette redistribution s’opère,

• un changement de représentation du travail (ou non) : ⇒ les représentations restent identiques,

⇒ le sujet prend conscience des enjeux dans les relations du tra- vail,

⇒ la « valeur travail » perd de son importance,

⇒ le sujet prend conscience des enjeux dans les relations du tra- vail et la « valeur travail » perd de son importance,

⇒ autres et précisions.

• le contrat psychologique se transforme (ou non) :

⇒ le contrat psychologique relationnel reste relationnel,

⇒ le contrat psychologique transactionnel reste transactionnel, ⇒ le contrat psychologique relationnel devient transactionnel, ⇒ le contrat psychologique transactionnel devient relationnel. • le sujet se désengage affectivement (ou pas).

• Sont examinés des changements professionnels concrets comme : • un changement de poste (ou non),

• une mutation dans un autre service, entité, administration (ou non), • l’intégration dans une autre entreprise, administration (ou pas), • un changement de métier (ou pas).

Nous apportons des précisions sur ces changements professionnels temporaires ou définitifs et sur d’éventuels projets professionnels ou de vie.

A terme, nous nous intéressons à l’évolution de l’état de santé de la per- sonne :

• le sujet se trouve dans le même état de santé,

• l’état de santé du sujet s’est amélioré depuis l’entretien d’évaluation, • l’état de santé du sujet s’est dégradé depuis cet entretien.

Cet outil de saisie a été structuré de façon à permettre aux données re- cueillies d’être confrontées aux hypothèses précédemment formulées. Ce rele- vé, sous forme simplifiée, d’un questionnaire, est présenté ci après.