• Aucun résultat trouvé

Ce modèle de la socialisation-personnalisation légitime une approche systémique dont nous indiquons quelques propositions. L’approche systé- mique veut caractériser et expliquer les modes d’échanges, les étayages et les conflits selon lesquels se forment et se remanient les activités des sujets en des domaines différents de leur socialisation.

Le système des activités comprend l’ensemble des activités effective- ment réalisées ou projetées par un sujet. Ces activités s’organisent selon des relations de système, relevant de domaines distincts (familial, personnel, pro- fessionnel, social …) assimilables à des sous-systèmes. Chacun de ces sous- systèmes se définit par ses objectifs, ses moyens, contraintes et ressources, et fonctionne de façon autonome grâce aux modes de régulation. Mais il est éga- lement tributaire des autres activités, entre les sous-systèmes s’effectuent des échanges et transferts, informationnels, motivationnels et matériels.

Selon les propositions de la thématique du système des activités, le mo- dèle de vie constitue l’instance de contrôle de ces échanges, il est le produit de l’histoire du sujet, c’est à dire de ses activités antérieures. Mais il est également orienté par les projets du sujet. De ce fait, le modèle de vie assure l’intégration du passé et du présent du sujet en fonction du futur qu’il souhaite plus ou moins confusément faire advenir. Les rapports ou les divisions que les sujets instaurent entre les activités des différents sous-systèmes dépendent de ce modèle de vie. Le travail psychique du sujet recouvre les processus d’élaboration, d’organisation et de coordination des activités. Ces processus sous tendent les réponses des sujets à leurs conditions de vie telles qu’ils les signifient en fonction de leur modèle de vie.

Figure 11 -Système des activités selon Curie (2000)

Dans cette perspective, consonante avec la conception que nous avons présentée plus haut de la personnalisation, face à des changements organisa- tionnels, le salarié n’est pas seulement réactif mais actif. Il n’a pas seulement des comportements adaptatifs, mais il va tenter de maintenir une unité, renou-

veler ses engagements en recherchant des complémentarités (ou des sépara- tions) entre les activités de ses différents domaines de vie. Bakhtine cité par Clot (1995, p. 214-217) nous dit que « chaque activité du travailleur est un écho rempli des appels de ses autres activités ».

En effet, chaque activité procure aux autres des ressources matérielles et informationnelles indispensables à leur accomplissement et constitue de la sorte une condition de leur développement. Mais également chaque activité consomme des ressources individuelles temporelles et énergétiques limitées. Elle peut aussi faire obstacle au développement des autres activités. Nos diffé- rents registres d’activités entretiennent entre eux des relations d’interdépendance relative. Chacun de ces registres prend sens par rapport aux autres, aux conflits et aux aides qui existent entre eux. Ainsi, le travail a des déterminants comme des conséquences à l’extérieur du registre des activités professionnelles.

Nous considérons que les déséquilibres à l’intérieur du système des ac- tivités sont liés « à une défaillance des mécanismes de la régulation que re- quiert une modification, par excès ou par défaut, des ressources ou des con- traintes en un point du système des activités », (Curie, 2000, p. 367-373). Autrement dit, lorsque les régulations entre les diverses activités du sujet échouent, lorsque le sujet ne peut se libérer des contradictions internes deve- nues insupportables pour lui, alors se peuvent se générer des déséquilibres… Les phénomènes de souffrance ne sont pas en soi pathologiques. Ils résultent souvent de l’incapacité (longue ou provisoire) où le sujet se trouve de pouvoir traiter ces contradictions. Le sentiment de pression temporelle, mais égale- ment le sentiment de perdre son temps peuvent être à l’origine de la souf- france liée au travail. L’ennui qui résulte de la privation d’une activité comme l’ennui ressenti dans l’accomplissement d’une autre peuvent indiquer un blo- cage du modèle de vie. Pour plusieurs auteurs (Baubion-Broye, Hajjar et Cu- rie, 1989 ; Roques, Cascino et Curie, 1990 ; Curie, 1993, 2000) les dérégula- tions du système des activités du sujet ont un impact sur l’estime de soi, sur la capacité de se projeter, sur les relations qu’il a noué avec autrui …

Un des enjeux des processus de régulation est d’éviter la dépersonnali- sation. Il ne suffit donc pas d’analyser les causes des problèmes, qu’ils soient catégorisés ou non de pathologiques, pour comprendre les enjeux des trans- formations du travail et leurs effets psychosociaux pour les individus, il faut aussi prendre en compte les processus impliqués dans les réponses construites par les personnes face aux sollicitations de leur environnement. Il convient de réaliser l’analyse des échanges qu’elles établissent entre les différents domaines de vie, au niveau des ressources intra-personnelles (par exemple comme

l’estime de soi et le sentiment de contrôle), mais aussi au niveau des ressources interpersonnelles. Par exemple des soutiens sociaux peuvent représenter des ressources dans la gestion du stress ou dans une éventuelle réorientation pro- fessionnelle. Ces échanges participent à l’élaboration de stratégies qui peuvent conduire les sujets à promouvoir de nouvelles représentations de soi, à instau- rer de nouveaux rapports entre leurs activités et à tenter d’élaborer de nou- veaux projets.

IV-3. LES REACTIONS INDIVIDUELLES A LA VIOLATION