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I.2 Un maintien inégal et fragile sur le terrain

I.2.1 Des insertions variables selon les organisations

Avec ou sans restitution, la question du nombre d’entretiens et d’observations qu’il était possible de mener dans chaque organisation a été résolue de façon très variable d’une entreprise à l’autre, et d’une organisation non lucrative à l’autre.

Les portes d’entrée dans les organisations ont été du même type pour toutes : nous avons d’abord sollicité des entretiens avec les responsables du mécénat dans les entreprises, et les responsables des relations avec les entreprises dans les organisations non lucratives. Ces entretiens conditionnaient notre accès d’une part à d’autres salariés de l’entreprise, à des éléments de documentation écrite, mais aussi à des opportunités de participation à des activités de bénévolat d’entreprise.

En raison de la durée de notre enquête de terrain dans cette entreprise, d’avril 2004 à mai 2006, et de l’ampleur du programme de bénévolat d’entreprise en son sein, Axa a constitué le terrain sur lequel nous avons pu rencontrer le plus grand nombre de salariés- bénévoles et participer au plus grand nombre d’activités de bénévolat d’entreprise. Les entretiens avec les salariés-bénévoles donnaient lieu à d’autres entretiens, et à des invitations à participer à des activités de bénévolat d’entreprise. Par ailleurs, la lettre d’information diffusée au sein de l’entreprise pour informer les salariés des activités bénévoles du mois à venir nous permettait de repérer ces activités et de demander à y participer. En outre, au dos de cette lettre figuraient les coordonnées des salariés-

bénévoles « correspondants » : ces salariés assuraient, sur leur temps libre, la coordination du bénévolat d’entreprise et la communication des activités bénévoles auprès de leurs collègues, sur chaque site de l’entreprise. Nous avons utilisé cette liste comme un annuaire, et contacté la plupart des « correspondants ». Afin d’observer l’activité quotidienne des permanents d’Axa Atout Coeur, le service de bénévolat d’entreprise d’Axa –dont le statut juridique est un statut associatif loi 1901 mais qui dépend directement du service de la communication - une place d’observateur extérieur a été adoptée dans les locaux de l’association à plusieurs reprises. Il a ainsi été possible d’assister aux communications téléphoniques avec d’autres associations, avec des bénévoles- correspondants, avec le service de communication interne de l’entreprise, aux discussions entre les permanents au sujet des actions à organiser et des coups de fil passés, aux commentaires sur leurs collègues et sur leur travail, aux visites de leur responsable, aux visites de salariés retraités venus proposer leur aide…. L’enquête de terrain menée autour d’Axa Atout Cœur a également porté sur des associations accueillant des salariés-bénévoles d’Axa. Tous ces éléments ont permis de mieux comprendre en quoi consistait le quotidien de cette association, qui en étaient les principaux acteurs, quelles étaient les relations qu’ils entretenaient entre eux et quelles étaient les priorités du moment. Au cours de ces observations, il a également été possible de consulter la presse interne et divers documents de communication interne, qui ont permis de mieux situer l’association au sein de l’entreprise, et d’être au courant du calendrier de son activité.

De façon générale, dans toutes les organisations étudiées, nous avons récolté toute la documentation possible : dépliants de présentation des programmes de bénévolat d’entreprise, rapports annuels d’activité, rapports de développement durable, dépliants de présentation des associations, discours des dirigeants d’entreprise et des dirigeants associatifs sur les sites internet institutionnels, photographies de salariés-bénévoles, plannings des activités de bénévolat d’entreprise, films de promotion des programmes de bénévolat d’entreprise, objets de communication liés au bénévolat d’entreprise (T- shirts, posters, blocs de post-it, bracelets, badges…etc…).Ce matériel abondant a constitué la base de nos données sur le discours officiel entourant le bénévolat d’entreprise, et sur les efforts consacrés à promouvoir cette politique d’entreprise. Il a également constitué une base informative sur les organigrammes des organisations

étudiées, les différentes activités de bénévolat d’entreprise proposées dans chaque entreprise, et les organisations non lucratives avec lesquelles les services de mécénat entretenaient des relations.

On peut qualifier cette position d’enquête, faite d’entretiens et de participation, d’ « implication douce »55 : nous avons ainsi pu rencontrer une partie des enquêtés à la fois en entretien et durant leurs activités bénévoles, sur leur lieu de travail et en dehors de celui-ci. Cette implication a été similaire, même si de moindre ampleur, chez Pinault- Printemps-Redoute, Ford, le Club Med, Nokia et Timberland en France, et chez Ralph Lauren, Citigroup, Disney aux Etats-Unis : dans ces entreprises, il a été possible de mener un ou plusieurs entretiens avec des responsables du bénévolat d’entreprise, avec des salariés-bénévoles, au sein de nonprofit organizations accueillant des salariés- bénévoles, et de participer à des activités de bénévolat d’entreprise. Comme dans le cas de l’enquête de terrain menée chez Axa, notre présence a suscité dans la plupart de ces entreprises des discussions entre salariés, et il a été possible de se faire une idée du degré d’interconnaissance existant entre salariés-bénévoles et responsables du bénévolat d’entreprise. Notons que des entretiens ont été menés dans les deux pays pour Axa, Timberland et Disney. Cependant, la participation à des activités bénévoles s’est limitée à la France pour les deux premiers, et aux Etats-Unis pour Disney.

L’implication sur le terrain pour l’étude de SFR en France, Crédit Suisse First Boston aux Etats-Unis et IBM dans les deux pays s’est limitée à des entretiens avec des responsables du bénévolat d’entreprise, des salariés- bénévoles des syndicalistes, et à l’observation de réunions ou de conférences dans lesquelles les responsables du bénévolat d’entreprise intervenaient. Quant à la SNCF en France, à Verizon,

55 nous nous référons ici à Jean- Pierre Olivier de Sardan, 2000, « Le « je » méthodologique. Implication et explicitation dans l’enquête de terrain », Revue française de sociologie, 41-3, p.417- 445., p.433 : « Mais, la plupart du temps, le chercheur se situe entre les deux pôles, il n’est ni dans l’implication forte, ni dans l’extériorité, et occupe une position intermédiaire d’implication douce. Nettement plus intégré et familier, de par sa résidence locale et/ ou sa présence prolongée et/ ou sa compétence culturelle, qu’un simple visiteur ou un touriste, qu’un enquêteur ou un expert de passage, il n’est pas pour autant un acteur direct du jeu local. Il y a cependant son rôle propre. Ce rôle qu’il revêt ou qu’on lui concède varie évidemment, d’abord selon un facteur personnel non négligeable, mais aussi selon les objets traités, et selon les cultures d’accueil, et les possibilités qu’elles ont de donner au statut de « chercheur en sciences sociales », souvent absent du répertoire local ». Si cet article traite d’abord de recherches anthropologiques et ethnographiques, il s’applique aussi aux recherches sociologiques menées sur la base de méthodes ethnographiques, comme l’entretien et l’observation.

Mitsubishi-Bank of Tokyo, aux Etats-Unis, et General Electric dans les deux pays – plus exactement General Electric et NBC aux Etats-Unis, GE Bank en France - , seuls des entretiens avec des responsables du mécénat et des salariés bénévoles ont pu être menés. Seuls les responsables du mécénat ont pu être rencontrés chez BNP-Paribas, Accenture, Vinci, Schneider Electric en France, Goldman Sachs et Mc Graw Hill aux Etats-Unis, et Deloitte dans les deux pays.

Le degré d’insertion très variable d’une entreprise à l’autre a dépendu de l’ampleur des politiques de bénévolat d’entreprise – lorsque celles-ci de reposaient que sur l’organisation de quelques activités disséminées dans l’années, il arrivait fréquemment, notamment aux Etats-Unis, que nous ne puissions, pour des raisons de retour en France, participer à ces activités –, de la dimension collective de ces activités – l’observation d’activités bénévoles effectuées par un seul salarié a été impossible – et de la façon dont les responsables du bénévolat d’entreprise envisageaient notre enquête : plusieurs d’entre eux nous ont expliqué que la présence d’une bénévole n’appartenant pas au personnel de l’entreprise allait à l’encontre des objectifs de cohésion interne portés par les politiques de bénévolat d’entreprise.

Du côté des organisations non lucratives, hormi Unis-Cité et la fondation des orphelins d’Auteuil en France, et City Year, New York Cares et une nonprofit

organization éducative de Harlem aux Etats-Unis au sein desquelles il a été possible de

mener à la fois des entretiens et des observations, nous nous sommes limités dans chaque organisations à des entretiens avec les salariés en charge des partenariats avec les entreprises ou de la gestion des bénévoles.