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de plus elles sont moins denses, moins résistantes, plus pul¬

peuses, si parfois même elles se présentent sous

forme d'un

magma diffluent, sanieux et putrilagineux, aspect

bien différent

de la couenne diphtérique normale, cela tient à la présence

de

microbes qui sont autant d'éléments puissants

d'infection

secon¬

daire, capables d'aggraver singulièrement le

pronostic.

Mais cette diversité d'aspect ne doit pas suspendre notre

ju¬

gement. Ces pseudo-membranes, quel que soit leur aspect,

sont

des productions essentiellement morbides, formées de

fibrine

coagulée, pure ou englobant des cellules épithéliales;

elles

ne

sontni ne deviennent organisées, ni vasculaires; elles ne

parti¬

cipent pas non plus aux phénomènes vitaux des parties

qu'elles

recouvrent; en somme « elles n'ont des membranes proprement

dites que l'apparence et la disposition encouches plus ou

moins

épaisses ». (Littré, Dictionn. de médecine).

Donc pas de confusion possible entre lespseudo-membranes

et les néo-membranes qui sont vasculaires et ont pour

éléments

fondamentaux des fibres semblables à celles des membranes normales de l'économie.

La fausse membrane étant bien établie, pouvons-nousarriver

àen connaître la cause, connaissance de la plus haute utilité puisqu'elle doitnous révéler le moyen de combattre avec suc¬

cès la maladie. L'examen clinique à lui seul est incapable de

nous éclairer à ce sujet; la bactériologie se montrera-t-elle plus puissante ?

Ici trois cas peuventse présenter.

1° Le microscope ne décèle qu'un seul microbe. D'aprèsnos

observationset les expériences de maîtres autorisés, tels que

Gasparini, Staderani, etc..., ce cas est exceptionnel. Bien des

causesviennent sesurajouteret foutque, comme pourladiphté¬

rielaryngée, en pathologie générale, des associations se for¬

ment. Nous-même dans nos expériences sur le lapin, après

nous être entouré de toutes les précautions antiseptiques possi¬

bles, nous avons récolté tantôt du staphylocoque, tantôt du streptocoque, alors que nous avions semé seulement du Lœffler.

Toutefois si le microbe est seul, le problème peut être résolu

à condition qu'onait le remède sous la main; mais c'est là, nous lerépétons, l'exception, et le plus souvent 011 se trouve malheu¬

reusement en présence d'une association microbienne; nous disons malheureusement, car de cette association résulte un réveil de virulence de la part des microbes, réveil toujours per¬

nicieux au pronostic, et c'est le deuxième cas.

Nous rappelons à l'appui de cette théorie les expériences

relatées dans notre deuxième chapitre à propos de la kératite

cliphté ritique que nous avons cherché de produire.

Le bacille de Lœfflerinjecté dans la cornée n'a produitaucun trouble de ce côté; par contre se trouvaient dans un œil des staphylocoques et quelques coques non classés (expérience I),

dans un autre des staphylocoques et des streptocoques très peu nombreux et quelques microbesindifférents (expérience111). Ces

divers agents, que l'on rencontre à l'état normal dans l'œil,

vivaient sansproduire de désordre au fond des replis conjonc-tivaux, lorsqu'au contact dela toxine développéepar le Lœffler

leur virulence, très faiblejusque-là, s'est réveillée et a causé les désordres que nous avons signalés dans notre relation,

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Cette association microbienne se forme d'autant plus facile¬

ment qu'on trouve des microbes en assez grande quantité dans

notre œil, à l'état normal.

Staderani (l), a étudié bactériologiquement la conjonctive de plus de cent yeux sains chez des individus qui se trouvaient

dans des conditions d'ambiance très différentes, depuis le séjour

à l'hôpitaljusqu'à celui à la campagne. Il a fait des culturessur

agar-agar et dans le bouillon; les produits ont étéinoculéssous la peau de lapins; quelquefois on a môme placé sous la peau la

sécrétion même de la conjonctive.

La recherche des micro-organismes a été faite dans le sang, soit que l'animal ait succombé, soit qu'il ait présenté seulement

des symptômes morbides. L'auteura pu constater que le

cliplo-coccus de Fraenkel est encore plus fréquent que les

staphylo-cocciet les streptococci.

Diplococcus de Frœnkel 8 fois sur 10 Staphylococcuspyogenes aureus... 6 » » 10

» » albus. . . 5 » » 10

Streplococcus 15 » » 100

La moindre irritation suffit pour réveiller chez ces microbes

la virulence endormie, une piqûre, la plus légère excoriation, le plus petit traumatisme suffisent à provoquer des désordres très

graves; et il ne faut pas, pensons-nous, aller chercher ailleurs

que dans la présence de ces microbesà l'état normal dans l'œil, l'explication de la plupart des grandes suppurations de la con¬

jonctive ou du globe oculaire dont la cause semble nous

échapper.

Demêmequela clinique, la bactériologie, quoiquenousaidant beaucoup, nerésoutpastout àfaitlaquestion. Elle nous dévoile

bien des microbes, etc'esténorme déjà de savoir qu'entres autres agents morbides on aaffaire soit auLœffler, soit au streptocoque

etc., mais elle ne nous dit pas quel est celui qui doit assumer dans l'affection présente la plus grande part de responsabilité.

(1) Ann. Soc. Roy. dese.méd. et nat. de Brux., 1895.

Par conséquent, il nous semble que dans ces conditions le diagnostic n'est pas possible; nous devons donc rester sur un terrain hypothétique etnous contenterdes moyensde traitement qui s'adressent à la cause ■prédominante en l'espèce. Par suite

notre traitement comprendra tous les moyens vulgaires qui s'appliquent aux affections oculaires : lavages antiseptiques, instillations, etc., lesmoyens particuliers qui visent l'agent pro¬

ducteur du désordre, ou tout au moins le plus actif dans l'espèce et nous sommes ainsi amenés à voir quelle valeur on doit accorderaux traitementsparticuliers qui ont été préconisés

ces derniers temps.

Si le bacille estseul en cause, une médication toute spécifique

enmême temps que récente, s'impose. Le traitement habituel

de la diphtérie vient d'être profondément modifié par la décou¬

verte de Roux. Eneffet, à des procédés le plus souventinfidèles

et qui reposaient à peu près tous sur des tentatives de cautéri¬

sation des fausses membranes, on substitue aujourd'hui une méthode thérapeutique qui permet à volonté, soit de vacciner

contre la diphtérie, soit de la guérir dans la majorité des cas.

En général deux injections suffisent pour amener la guérison

à peu près complète de l'affection; en tout cas, après la pre¬

mière, le mal est enrayé et les fausses membranes, auparavant

si adhérentes qu'on ne parvenait pas à les enlever même avecle

secours des pinces, se détachent maintenant par simple frotte¬

ment.

De plus, la période de purulence est considérablement rac¬

courcie. Nous constatons d'après nosobservations que la

guéri-son complète survient dans les cas particulièrement heureux à

la fin du premier septénaire, dans les cas les plus longs à la fin

dusecond, au plus tard dans les premiers jours du troisième,

au lieu d'être reculée par le fait de la purulence à une époque

très lointaine, comme cela arrivait avantla découverte de Roux.

Linjection, toutefois, ne peutseule constituer tout le traite¬

ment, car elle n'a d'effet que sur la diphtérie et noussavons, dautre part, que l'œil renferme à l'état normal de nombreux microbes dontla virulence est exaltée par le Lœffleret qui

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mencent à faire sentir leur action au moment où la diphtériea,

pourainsi dire, terminé son rôle.

Il faut donc dès le début entretenir la propretéde l'oeil. A cet

effetonusera deliquides antiseptiques faibles dont les plus usités

sontles solutions de sublimé, d'acide salicylique, de perman¬

ganate de potasse, etc. Nous donnons cependant la préférence

au cyanure de mercure à 1/1000 dont la causticité est moindre

et le pouvoir antiseptique supérieur. Fienzal (1) cependant a

recommandé leslavages aujusdecitron qui combattenttrèseffi¬

cacementles fausses membranes.

Quant aux attouchements au nitrate d'argent, la question d'opportunité en est fort controversée. De Graeffe, de Wcc-ker, etc., les proscrivent en tout temps et surtout à la période

de début. D'autres conseillent de ne s'en servir qu'après l'élimi¬

nation des faussesmembranes,pendant la période de purulence.

Nous croyons qu'on a fort exagéré l'action nocive de ce pro¬

duit, etque ce sel, employé à un faible titre,estun excellent an¬

tiseptique, incapable de nuire en quoi que ce soit à l'évolution

des fausses membranes, et se montrant pour ainsi dire indis¬

pensable à la période de purulence.

Le traitement diffère un peu lorsqu'il s'agit d'une conjoncti¬

vite où des streptocoques, des staphylocoques, etc., et même

ces divers agents àla fois sont associés au bacille de la diphté¬

rie. Alors la guérison est plus difficile à obtenir ; elle peut

même ne pas se produire. Les observations de guérison de

cetteforme de conjonctivite sont très rares.

Ordinairement, les manifestations diphtéritiques de l'œil dis¬

paraissent très vite, sous l'action du sérum de Roux ; mais

avant leur disparition, les cornées se sont ramollies par suite

de la strangulation des vaisseaux et du défaut d'alimentation,

et ne se défendent plus contre l'invasion des microbes quiles pénètrent avec la plus grande facilité et les opacifient : nous

avons des symptômestoujours redoutables, car c'est la perte

de la vision plus ou moins complète qui en résulte.

(1) Recueil d'ophtalmologie.

Ici donc le traitement local occupe une place aussi prépon¬

dérante que le traitement général qui ne peut rien contre les

manifestations secondaires de la diphtérie.

Bien des traitements ont étéproposés, depuis le jusdecitron,

donttout le monde reconnaît les bons effets, jusqu'aux sels les plus variés : nitrate d'argent, sublimé, aristol, aloès et quinine, atropine, huile de cade, etc., pour qui certains réclament en particulier la priorité. Leur nombre seul prouve leur ineffica¬

cité. A toutes ces substances, nous préférons les injections de

cyanure de mercure.

Ajoutons cependant que, considérant cette association micro¬

bienne comme une véritable complication de la maladie, nous

devons la traiter comme telle, endehors de la diphtérie, et nos efforts tendrontàrechercher le médicament susceptible d'anéan¬

tir ces microbes dans les conditions les moins défavorables à l'évolution des membranes diphtéritiqucs sous l'action du sé¬

rum.

Dès lors, faisanti abstraction des lésions de la conjonctive,

nous n'avonsqu'à envisager les désordres de la cornée et à les soigner comme de simples kératites, puisqu'il est démontré de

par ailleurs que le bacille de Lœffler est impuissant à se déve¬

lopper dans la cornée etqu'il nepeuty avoir, par le fait même,

de kératite diphtéritique.

Nous proposons donccomme le meilleur adjuvant de laséro¬

thérapie dans les conjonctivites à diphtérie associée les injec¬

tions sous-conjonctivales de cyanure de mercure préconisées

par notre maître, le docteur Fromaget (l). Nousavons du reste expérimenté ce mode de traitement sur le lapin et les résultats

nous ont parutrès favorables.

ExpérienceIV. Le 21 février au matin, après avoir excorié et déchirélaconjonctive palpébrale d'un lapin avec une pince à mors, nous avons instillé quelques gouttes de bouillon dans lequel le Lœf¬

fler avait été ensemencé vingt-quatre heures auparavant.

(MSociété d'anatomieetdephysiologiede Bordeaux, févrieretmars1897.

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-Unpansementocclusif suit de près les instillations et le lapin est

isolé dans une cage de fer.

Le 22 au soir, trente-six heures après, lepansement est enlevé et

nous constatons que les paupières sont collées et que la fente pal-pébraledonneissueàtrèspeude sérosité ayantpresquel'aspect d'un

larmoiementintense. La paupière supérieure seule est cèdématiée,

tellement gonflée et durcie par l'infdtration que c'est au prix des plus grands efforts qu'il nous a été possible de la refouler assez en avantpourapercevoir la partie supérieure de la cornée; nous avons constaté alors la présence de fausses membranes que les pinces

étaient impuissantes à enlever, même parcelle par parcelle. Nous

étions donc en présence d'une infiltration profonde, donnant à la

muqueuse desséchéeun aspectexsangue,jaunâtre, lardacé,tel qu'on

l'observe dans laplupart desformesmalignes décritesparlesauteurs.

Parcontre, lapaupière inférieure selaissait facilement renverser;

elle ne présentait, du reste, aucune trace d'infiltration,pas le moin¬

dre dépôt de sécrétion, bien que se trouvant placée dans les mêmes

conditions quela paupière supérieure. Lasouplesse decette dernière

a facilité en quelque sorte l'examen de la cornée, en mettantà nu

une surface plus grande de cette membrane.

Lapartie inférieure de la cornée ne présentait rien d'anormal; au contraire, lapartie supérieure, celle correspondantexactement chez

lelapin à la zone d'infiltration de la conjonctive supérieure, étaitle siège d'une opacité assez intense pour ne pas permettre l'examen

de la partie correspondante de l'iris. Il existait depuis le limbe et à

peu prèsauniveau du méridien vertical de la cornée, sur une éten¬

due de deux millimètres environ, une ulcération effilée vers le cen¬

tre et constituée seulement par la disparition de l'épithélium. À cet endroit, la sensibilité était totalement abolie.

Lachambre antérieure contenait un peu d'hypopion et l'irisne semblait pas modifié.

Examen bactériologique : Quelques bacilles de Lœffler etstaphy¬

locoques.

Traitement : Nouspratiquonsaussitôtuneinjection de sérum anti¬

diphtérique (2 cent, cubes 1/2) suivie d'une injection

sous-conjonc-tivale de cyanure demercure à 1 p. 1,000.

Le 24, après 36 heures d'intervalle, nous enlevons le pansement etl'état de l'œil semble à peu près stationnaire; cependant, la con¬

jonctive est plus souple et nous avons pu larenverser. Elle présente lesmêmes caractères que la veille.

Le cyanure a produit une réaction assez intense. Le chémosis est

abondant, maisl'hypopion n'a pas augmenté.

Nouvelle injection de sérum Roux (2 cent, cubes).

Le 26 : L'infiltration a beaucoup diminué; la paupière est très souple etse luxe avecla plusgrande facilité; l'ulcération cornéenne est à peu prèsla même; le pus de la chambre antérieure s'est un

peu résorbé.

Deuxième injection sous-conjonctivale de cyanure.

Le 28 : Les fausses membranes se détachent par simple frotte¬

ment; le chémosis estassez intense, mais il n'y a plus d'hypopion.

Troisième injection de sérum Roux (2cent, cubes).

3 mars : Plus de fausses membranes. L'ulcération de la cornée est presqu'entièrement cicatrisée. L'œil qui, jusqu'aujourd'hui, n'a sécrété qu'une légère sérosité, est maintenant en pleine période de purulence. Nous pratiquons des lavages au cyanure de mercure, les injections de ce sel nous paraissant superflues.

2e Examen bactériologique :Staphylocoques plus quelquescoques.

5 mars : La suppuration est un peu moins abondante; l'œil sem¬

ble marcher vers la guérison.

Expérience V. Le 22 au soir, ensemencement du Lœffler dans l'œild'un lapin, comme dansl'expérience IV. Pansement occlusif.

Le 23 aumatin : Larmoiement de l'œil; les paupières un peu col¬

lées laissentéchapper dupus en très petite quantité. Légèreinfiltra¬

tionconjonctivale des deux paupières. La cornée est saine de même que l'iris.

Examen bactériologique : QuelquesLœfflerassociésàdesmicrobes

non classés.

Injection de sérum Roux.

Le 24 : Etat stationnaire; la purulence semble cependant avoir augmenté.

Injection sous-conjonctivale de cyanurede mercure pour prévenir

les lésions possibles de la cornée qui

devient

un peu nuageuse.

Le 27 : L'infiltration observéequatrejoursauparavantadisparu;