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De société postcoloniale à pays en voie de développement et aux industries fleurissantes après la première Guerre Mondiale, puis au statut d’une nation en crise économique et à l’abandon et aux mains de multiples dictatures, l’Amérique latine est passé par des stades tellement divers qu’il n’est pas étonnant que ses degrés de développement d’urbanisation aient eu des impacts différents entre ses pays. Pendant des siècles, l’hacienda a été la clef de voûte de la société rurale en Amérique latine ; elle fut le modèle prédominant pour la grande majorité de la population ; de ce fait, il est impossible de traiter le cas de l’urbanisation en Amérique latine sans parler des propriétaires terriens, du phénomène de l’hacienda et des latifundios. C’est premièrement un problème historique et géographique qui a affecté la plupart des pays d'Amérique latine et qui remonte à la période coloniale lorsque se sont réparties les terres. Ensuite c’est un problème qui met l'accent sur l'exclusion sociale de certaines populations en Amérique latine face aux élites blanches et espagnoles qui gouvernaient jadis. L’injustice se trouve dans le partage des terres et l’utilisation de ces dernières par :

- Soit des grandes familles qui, lors de l’héritage, se passaient les propriétés sans les redistribuer de façon égale ;

- Soit par des riches propriétaires terriens qui faisaient travailler des villageois en les payant une misère.

L’État ne participait pas dans cette division des terres car il était lui-même corrompu : les hacendados ou terratenientes représentaient l’oligarchie dominante : une sorte de minorité hégémonique qui contrôlait les vastes propriétés. En général il s’agissait de milliers d’hectares où travaillaient des familles pauvres toutes entières pour le propriétaire ou la riche famille. « L’hacienda est aussi une organisation sociale sous des auspices privés, la société manoriale dont l’idéal est de vivre en vase clos. Idéal d’autarcie économique puisque l’hacienda tend à se suffire et à ne commercialiser qu’un faible excédent »56. Ce prestige social répondait à un principe d’accaparation des riches et un maintient du pouvoir politique en place à cette

51 époque. L'élevage et l'agriculture étaient les principales sources de revenus dans ces sociétés traditionnelles. Cette distribution inégalitaire de la terre rappelle évidemment l'époque coloniale sous la forme de société féodale du Moyen-Âge, où les nobles et le clergé monopolisaient les richesses, les terres et les privilèges. Cette exploitation était une forme d’esclavage pour les populations qui, en travaillant sur ces terres, devaient respecter « la loi du berceau à la tombe » : ils pouvaient travailler et vivre sur les terres mais devaient rembourser les propriétaires à qui ils achetaient tout ; ils gaspillaient ainsi ce qu’ils gagnaient dans la journée pour pouvoir subvenir à leurs besoins.

Pour répondre au problème de l’hacienda, les gouvernements tenteront des réformes agraires dans tous les pays entre 1915 au Mexique et 2001 au Venezuela. La réforme agraire est, comme son nom l’indique, synonyme de transformation de la façon de penser les terres. En 1960, au Venezuela aura lieu l'approbation de la loi pour la seconde réforme agraire du pays (la première ayant eu lieu en 1945). Il s’agissait d’un processus d'élimination du féodalisme et de stimuler le secteur agricole, mais des années plus tard, l’échec est retentissant et des propriétaires sont toujours aux commandes de ces terres.

La forte croissance démographique dans les zones rurales en Amérique latine, associée à la l’augmentation progressive de la domination des terres par les grands propriétaires terriens a montré l’importance d’un plan sur la propriété foncière. Le phénomène a été stimulé par la modernisation de l’industrie agricole en Amérique latine:

“Según el IFAD, 38% de la población rural de América Latina y el Caribe está constituido por pequeños propietarios, 31% por trabajadores sin tierras, 27.1% por grupos étnicos y 5% por pequeñas comunidades de pescadores artesanales.108 Si bien el porcentaje de pequeños propietarios es inferior al de Asia, donde es de 49% y 51% si se excluye a China e India o al de África subsahariana, en cambio, el de trabajadores agrícolas sin tierras es muy superior, al ser en Asia de 26% y 20% si no se considera a China e India, y es de 11% en África al sur de Sahara. Por lo que corresponde a la presencia de grupos étnicos en la población rural, el porcentaje en Asia es de 4.5% (en India los grupos tribales son 5% de la población rural) y en África subsahariana de 0.9%. Los pequeños agricultores, los desposeídos y los grupos étnicos rurales tienden a concentrarse en tierras marginales y de baja productividad y sufren diferentes formas de alienación, derivadas de la localización espacial, la ausencia de infraestructura física y de servicios básicos, el difícil acceso a la tecnología y el crédito. La escasa educación en áreas rurales tiende a acentuar los aspectos negativos de estas poblaciones rurales. Una forma de alienación que impide el acceso a la tecnología y las formas de comercialización es el idioma; por ejemplo, la mayor parte de la población amerindia

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usan sus idiomas nativos y tienen dificultades para comunicarse en español, 70% de la población rural de Bolivia se comunica en quechua o aymara”57.

Malgré les nombreuses réformes agraires mises en œuvre en Amérique latine et la redistribution des terres pour les villageois, l'une des caractéristiques fondamentales de la structure agricole qui est le contrôle des terres, n'a pas beaucoup changé. Néanmoins, au XXe siècle, les exodes ruraux amélioreront la situation des populations. Le continent connaît une forte urbanisation puisque plus de 75% des habitants des pays de l’Amérique latine résident aujourd’hui dans les villes. La capitale du Mexique, Mexico, va connaitre un accroissement de sa population sans précédent. En 1900, Mexico ne comptait pas plus de 500.000 habitants mais de nos jours, sa population atteint les 20.000.000 et correspond à 18,3% de la population totale du Mexique. La croissance des grandes capitales de chaque pays en Amérique latine s’explique à l’aide de facteurs divers : le processus d’industrialisation et l’exode rural y sont pour beaucoup. Les zones urbaines s’industrialisent et les agriculteurs sont attirés vers les villes puisqu’ils y voient une opportunité d’améliorer leur condition de vie, choisir leur métier et avoir un meilleur salaire que celui qu’ils avaient sous le régime de l’hacienda. Ces grandes masses de population qui arrivent dans les agglomérations latino-américaines les font grandir mais elles vont également instaurer une ségrégation spatiale, c’est-à-dire, des contrastes entre une minorité riche et une très grande population pauvre. C’est ce que démontre le tableau suivant :

53 L'urbanisation et le développement économique en Amérique latine est lié à un développement intelligent des ressources, des hommes et à une nécessité économique de sortir de la crise de 1929. Pendant les 70 ans qui vont suivre, pour arriver à la fin du XXe siècle, le continent va se moderniser, la croissance va augmenter mais à des niveaux très inégalitaires selon les pays. L’Amérique latine fait partie des pays sous-développés face aux puissances que sont l’Europe et les États-Unis. Son modèle de société ne lui permettait pas de rembourser ses dettes et de nourrir sa population. Lorsque la croissance de l'économie américaine va faire son bond en avant, à la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’Amérique latine a donc elle aussi connue une augmentation de son pouvoir d’achat, et une expansion sur le marché international avec l’exportation de ses produits agricoles et matières premières. Mais pour atteindre un statut d’urbanisation compétitif, un autre problème guettait l’Amérique latine : celui de l'inégalité sociale entre les latino-américains eux-mêmes :

“Otro gran problema latinoamericano es el de la notoria desigualdad en la distribución del ingreso. La secretaría de la CEPAL lo ha señalado recientemente al examinar la política anti inflacionista que han aplicado algunos países subrayando que “vienen a ser patentes más patentes que nunca las profundas desigualdades de la distribución del ingreso, los contrastes manifiestos y crecientes en ciertos sectores entre grupos de altos ingresos que a su vida holgada de otros tiempos agregan todas las conquistas de la

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técnica moderna [...] mientras el nivel de vida de las masas registra lento crecimiento’’58.Extremar y, en muchos casos, mantener desigualdades muy grandes constituye una barrera al desarrollo económico porque implica mercados estrechos, hace muchas veces inevitables los monopolios, supone bajos niveles en materia de educación, habitación y salubridad y provoca en fin graves resentimientos sociales”59.

Quelle est alors la relation entre les problèmes de la croissance en Amérique latine et les problèmes liés à l'urbanisation? Le terme d’urbanisation signifie le rapport entre la concentration géographique de la population et l'activité économique qui résulte de cette dernière, et qui peut être accompagnée d’un aménagement urbain adapté à dite population. L'urbanisation est vue par les experts et les sociologues comme une conséquence inévitable et logique du développement économique des villes, des pays et des continents ; en effet, le développement et la croissance d’une économie locale ou nationale résulte de l’aménagement des structures politiques, sociales et industrielles. Si un travailleur effectue un travail qu’il lui plait et qu’il gagne un salaire suffisant à ses besoins, il va augmenter ses derniers, sa famille va s’agrandir et son niveau de vie va alors augmenter de la sorte. C’est ce qu’étudient les ethnologues : le lien entre l’urbanisation, l’amélioration du niveau de vie et la place de l’industrialisation dans la vie des hommes. Les activités agricoles conduisent nécessairement à une augmentation rapide des concentrations démographiques dans les grandes capitales puisqu’elles représentent le noyau du développement économique du pays. Le développement économique est essentiel pour l'organisation administrative et politique de la ville. Comparons l’Amérique latine avec le reste du monde (voir page suivante). Comme le suggère, Alfredo E.

Lattes dans son ouvrage Población urbana y urbanización en América Latina 60 ,

l'extraordinaire croissance de la population urbaine et la population totale de l'Amérique latine dans les années quarante se reflète dans les projections démographiques qui ont été faites jusqu’alors.

“El extraordinario ritmo de crecimiento de la población urbana y de la población total de América Latina de los años cuarenta quedó reflejado en las proyecciones de población que se elaboraron entonces. Si hoy confrontamos las proyecciones preparadas

58 . Véase la exposición hecha por el director principal a cargo de la secretaría ejecutiva ante la Comisión en su octavo período de sesiones, celebrado en Panamá en mayo de 1959 (doc. El32461Rev.l y E/CN.12/530/Rev.l, anexo 11, págs. 147 y siguientes).

59 . Tecnología y sociedad la en urbanización en América latina. Actas del seminario sobre problemas de urbanización en América Latina, patrocinado conjuntamente por la ONU, la CEPAL y la Unesco, con la cooperación de la OIT y la OEA, Santiago de Chile, del 6 al 18 de julio de 1959 Redactadas por Philip M. HAUSER relator general presidente del Departamento de Sociología de la Universidad de Chicago. Unesco.

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en los años 1960 (Naciones Unidas, 1969), con las proyecciones que se han elaborado recientemente (Naciones Unidas, 2000) se puede observar que las primeras sobreestimaron considerablemente los tamaños de las poblaciones urbanas y total que serían alcanzados al fin de este siglo. Estas importantes diferencias se explican por dos cambios demográficos específicos: uno, la fecundidad, que disminuyó mucho más rápidamente de lo que se avizoró a mediados de la década de los años 1960, y el otro, el reemplazo de la inmigración de europeos de la posguerra por una emigración de latinoamericanos que se originó, principalmente, en áreas urbanas de la región”61.

Cette croissance, comme l’explique Alfredo E. Lattes, montre des différences importantes entre les estimations des années 60 et la réalité, et ce à deux niveaux spécifiques: l’indice de fécondité d’une part, qui a beaucoup diminué, et le remplacement de l'immigration européenne de l'après-guerre par une émigration latino-américaine qui a pris naissance principalement dans les zones urbaines de la région. De 1925 à 1975 l’indice d’urbanisation a également baissé : les crises économiques, les guerres et l’inflation ont obligées les habitants à se restreindre. Là encore, entre les pays d’Amérique latine, des différences sont notables : le Mexique et le Venezuela ont eu des crises et des inflations bien inégales : en 1996 au Venezuela l’inflation a atteint 103,2% ; or au Mexique elle n’était que de 27,7%62.

61 . Ibid. p. 4

57 Considérons le phénomène d’urbanisation non pas comme cette simple concentration géographique et sociale de la population, mais dans le cadre de société moderne où l'industrialisation joue un rôle de facteur majeur. Nous l’avons dit, le développement de l’industrialisation et la vente de matières premières a été un des secteurs majeurs pour une économie convenable en Amérique latine. Le secteur tertiaire, pour sa part, représente plus de 50% du PIB dans la grande majorité des pays de l’Amérique latine : le commerce, les finances, le tourisme ont donné un second souffle à ces pays : c’est l’une des caractéristiques sociales du XXe siècle. À plus grande échelle, l'urbanisation s’est étendue à des taux impressionnants au Mexique, en Bolivie, à Cuba, au Venezuela et en Uruguay63. Le développement urbain a eu d'abord lieu dans les pays industrialisés puis s’est propagé dans le reste du continent : Brésil, Honduras, Équateur, etc. Le développement inégal entre les territoires et les sociétés est dû à plusieurs causes : une politique trop sévère, l’oligarchie et le système des haciendas, la pauvreté du pays en ce qui concerne les matières premières de son sol, l’extension du pays au niveau de sa superficie, la ségrégation raciale, etc. Après la Seconde Guerre mondiale la croissance va se manifester ainsi :

 Une importante ruée des habitants des campagnes vers les grandes villes : l’exode.

 L'augmentation de la population urbaine due à la fois à l'immigration et à des taux élevés de natalité.

Cette rapide concentration humaine a été suivie par des changements d'ordre économique et social qui ont suscité le vif intérêt des chercheurs de disciplines variées64. Dans les années 80, l'étude sur les questions liées au phénomène urbain et de son évolution historique en Amérique latine, a cédé la place à des questions plus complexes quant au fonctionnement de la société urbaine. Nous pouvons citer la conséquence du gigantisme qui est une urbanisation démesurée qui ne permet pas à une ville de fonctionner de façon correcte : économie en difficulté, délinquance, mafia, crimes, creux entre les très riches et les très pauvres, responsabilités sociales mal gérées par le gouvernement : logement, emploi, éducation, santé et d’autres secteurs clés d’une société. L'abondante littérature en Amérique latine entre également dans la définition d’un pays et d’un continent en plein processus d'urbanisation.

63 . POPIN

64 . Pfell E. Sociología de la urbe en Económica. Instituto de Investigaciones Económicas. Universidad Nacional de La Plata, La Plata, 1959, p. 38

58 Cependant cette déclaration se doit d’être nuancée : la production écrite ne répondant pas à une dynamique politique, économique ou sociale évidente.

Dans un ouvrage édité par les Nations Unies, Población, territorio y desarrollo

sostenible65, dirigé par Dirk Jaspers Faijer, directeur du Centre Latino-américain et Caribéen

de Démographie (CELADE) de la division de la population de la CEPALC et sous la coordination de Paulo Saad, chef responsable du secteur de la population et du développement et Jorge Rodríguez, assistant de recherche du même centre, les différents auteurs se sont intéressés à la question des migrations et de la redistribution de la population dans l'espace latino-américain. Comme nous l’avons souligné auparavant, les auteurs se mettent d’accord sur le fait que le modèle de localisation de la population sur le territoire se base sur plusieurs facteurs et possède différents aspects déterminants qui interagissent entre eux, de manière complexe :

“Entre ellos están la base ecológica y topográfica —que define la aptitud del territorio para el asentamiento humano— y las fuerzas económicas, sociales y políticas —que valorizan los espacios para las personas. Esta interacción de factores tiene efectos acumulados y, por ende, la historia previa ejerce una influencia a veces decisiva sobre la situación actual y su curso futuro. Por eso, el patrón actual de la distribución territorial de la población no surge de las potencialidades y ventajas naturales de cada espacio, sino de un conjunto complejo de decisiones que han dotado de riqueza material, social y cultural a cada territorio”66.

D’un point de vue démographique, nous pouvons constater les conséquences de

l’urbanisation à l’aide du tableau suivant intitulé Evolución del índice de efectividad

migratoria global y la tasa agregada de migración neta en las divisiones administrativas mayores, por países provenant de la même source67. Comme le soulignent les auteurs, ces résultats renforcent l'objectif de l’ouvrage et de notre travail : celui d'examiner la relation entre le développement de la population, le territoire et le développement durable.

65 . Dirk Jaspers Faijer. Población, territorio y desarrollo sostenible. Chile: Nationes Unidas CEPAL, 2012, 239

p.

66 . Ibid. p. 23

59 L’insertion d’une vision du capitalisme et du mimétisme sur les sociétés européennes et d’Amérique du nord a également apporté beaucoup au niveau de l’agriculture, et a transformé l’Amérique latine en ce qui concerne le phénomène de l’urbanisation. C’est ce que suggère également Nora Elena Mesa Sánchez, professeur adjointe à l'Université nationale de Colombie, dans son article intitulé : Interpretación de la urbanización en América Latina, présenté aux 10e et 11e Ateliers Latino Américains du programme d’étude sur le logement en Amérique latine - PEVAL, qui s'est tenu entre le 6 et le 31 mai 198568.

“El desarrollo del capitalismo a nivel agrario ha traído como consecuencia el proceso de descomposición de las formas pre-capitalistas de producción, la pauperización del campesinado y los procesos de movimientos de población que han llevado a fuertes tasas de crecimiento urbano por la inmigración de contingentes de población separados de sus condiciones objetivas de reproducción y sometidos, por tanto a la libertad propia del sistema capitalista: vender su fuerza de trabajo o tener la libertad de morirse de hambre. Estos procesos de desarrollo del capitalismo en la agricultura han tenido

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circunstancias muy propias en cada uno de los países y a ellas no me voy a referir; pero si es necesario destacar, como característica común a todos, el carácter desigual del desarrollo del capitalismo a nivel agrario, que propició efectos diferentes, no sólo en las regiones, sino en los mismos asentamientos rurales: este desarrollo del MPC en la agricultura de cada país, dependió y estuvo marcado por el tipo de inserción que cada uno tenía en la división internacional del trabajo”69.

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C) Les premiers conflits