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LE DEBAT ARCHITECTURAL ET URBAIN TOUT AU LONG DU XVIII0 SIECLE EST ESSENTIELLEMENT DE L ’ORDRE DU PROJET.

tiel" sans fioritures embellissantes, des objets dans les­ quels on ne pénètre pas, si ce n'est comme technicien de

LE DEBAT ARCHITECTURAL ET URBAIN TOUT AU LONG DU XVIII0 SIECLE EST ESSENTIELLEMENT DE L ’ORDRE DU PROJET.

A l'occasion de ce débat naissent toutes les idées et se consti­ tuent tous les outils qui rendront possible la transformation de la cité en ville, qui fourniront au Baron Hausmann les moyens persua­ sifs et techniques nécessaires pour tracer ses sillons parisiens. Par exemple. Si Patte annonce qu'il convient de considérer du même oeil des travaux d'assainissement et le plan d'un édifice royal, les mentalités ne sont pas encore prêtes à l'accepter; si Verniquet commence en 1774 son travail de levé trigonométrique de Paris qui permettra d'intervenir globalement sur la capitale, il ne se termi­ nera qu'en 1796; si Laugier et d'autres théoriciens répètent que le goût de l'embellissement "doit s'étendre aux Villes entières", les décisions royales restent partielles; etc., etc.

Il s'agit donc avant tout d'UNE "BATAILLE D'IDEES".

Dans ce contexte, Ledoux est moins compétitif que Boullée car il n'a pas encore cerné son discours alors que ce dernier, par sa posi­ tion d'enseignant, a déjà mis au point le sien et a même commencé à le divulguer avec succès parmi les architectes. Dans la cadre de

l'enjeu iconique naturellement provoqué par la mise à plat de l'ar­ chitecture, Boullée est aussi dès 1770 plus présent que Ledoux. Ses

élèves font sous sa conduite un travail de débroussaillage des esprits qui permettra d'y implanter plus tard sans rejet les futures images architecturales du maître. Leaoux, moins immédiatement recherché par des disciples, a de ce fait sa production moins répétée, moins am­ plifiée. Un symptôme de cette forte présence iconique de Boullée est la position d'un de ses projets au début môme du receuil de Krafft et Ransonnette.

S'il a peu construit, Boullée a bien pris place dans la "bataille des idées", par des images et une parole, et CETTE PAROLE D'ARCHI­ TECTE qui est aussi celle des architectes intéresse les Ponts et Chaussées car elle S'ENGAGE A PLUSIEURS NIVEAUX DANS LE DEBAT PRODUCTEUR DE L'IDEOLOGIE DU CORPS.

Diffièrement certes, les uns et les autres s'attachent à une transformation de l'idée de Nature. Les ingénieurs travaillent sur la nature dont ils cherchent à "corriger les irrégularités" quand

les architectes (révolutionnistes) essaient d'intégrer l'idée de

nature dans leur production pour se mettre en harmonie avec elle. Les tins et les autres proposent l'imitation d'une nature originelle tout en mettant en garde contre un attachement servile. Cette double transformation, muée en système de gestion du territoire chez les ingénieurs et en outils projectuels chez les architectes, s'effectue par un passage de "l'image à la Nature, à sa transformation en une représentation" ce qui produit "une 'Esthétique' active et non plus

contemplative" (Patarin). Celle-ci se traduit chez les architectes dans la notion de "caractère", version perlante de la "convenance" classique, première expression de la fonction récupérée plus tard par les ingénieurs pour leur production d'équipements. Architectes et ingénieurs en arrivent à ce point par des chemins séparés

dans un même souci d'efficience projectuelle: les premiers pour

supprimer "le bégaiement classique de l'ars combinataria", les seconds par économie du projet: chez les uns et les autres, la décoration est alors considérée comme utile mais non nécessaire.

Par ailleurs, "les ingénieurs des Ponts et Chaussées ne peuvent pas s'appuyer sur un ensemble de connaissances nouvelles leur per­ mettant de se distinguer des architectes et de légitimer leur ac­ tion* Celle-ci doit donc se réclamer d'impératifs nouveaux capables de la justifier. Ils ont pour nom: la raison, l'utilité, le bonheur de l'homme" (Picon)• Sur ce chemin les ingénieurs des Ponts et

Chaussées rejoignent les architectes révolutionnistes et avec eux tout le courant rationaliste d'origine italienne. La Raison triom­ phe dans leurs formes architecturales simples, platoniciennes et dans leur traitement de la matière du plan. Pour eux la géométrie élémentaire, synonime de raison, doit être une règle de beauté et de sagesse: le bonheur de l'homme, qui en découlera, est le souci de ces architectes qui les premiers composent de grands édifices publics non religieux au service des citoyens: ils les rapprochent jusqu'à incorporer le citoyen dans son environnement, jusqu'à l'irv- tégrer dans son propre spectacle. Le civisme de Boullée s'étale sur presque toutes les pages de son "Essai". Il en acquiert une conception particulièrement élevée de son travail d'architecte:

l'architecture est un art au service de l'homme, un "art bienfaiteur" remplissant "les besoins les plus importants de la vie sociale".

C'est sa croyance en un déterminisme du milieu, corollaire de la pensée sensualiste dont il partage la filiation avec les ingénieurs des Ponts et Chaussées, qui l'amène à affirma? de la sorte l'utilité de son art.

Les architectes et les ingénieurs emploient donc LES MEMES CONCEPTS DE DEPART. Et en outre, ils s'en servent dans UN BUT COM­ MUN: une réflexion en Totalité devant aboutir à vin projet d'organi­ sation du territoire du nouvel Etat.

Les architectes ont de la totalité une conception unitaire. Dans leur projet, l'unité doit être réalisée par le fait culturel répu­ blicain s'exprimant dans von langage formel simple. Le révolutionnisme propose des bâtiments pour de grandes idées: civisme, bonheur de l'homme. Enoncées par les esprits des Lumières, ces grandes idées sont derechef "nouvelles" et par conséquent nécessitent une production environnementale qui le soit auusi : elles déterminent des programmes neufs, programmes de culture porteurs de prestige, d'un prestige d'une dimension à l'échelle de l'Etat. L'architecture est ainsi lan­

cée à la reconquête de l'urbain et du territoire, à partir de pro­ grammes exceptionnels.

Les ingénieurs ont, eux, de la totalité une conception fragmen­ taire. La totalité est décomposable et recomposable: ils cherchent une ré uni fi cation territoriale par le franchissement particulier de chaque obstacle opposée à l'homme, et cela au moyen de la

prouesse technique. Ils apposent un tramage sur le territoire, à