• Aucun résultat trouvé

Conséquence de l'abstraction du contexte provoquée par ce genre d'architecture, la dimension des programmes toujours déterminés par l'élève-ingénieur reste vaste. Leur choix est différent de celui concernant la production classique: celle-ci était seulement liée à l'idée du politique (roi, parlement, armée,etc.) alors que celle révolutionniste s'attache essentiellement aux idées et par delà aux sujets culturels: temple des arts, palais de Justice, cathédrale, muséum et bibliothèque. Tous ces thèmes sont ceux traités par Boul- lée (65). Le programme de bains publics fait exception: il est plus conjoncturel, conséquence de la redécouverte de l'hygiène et de la salubrité; mais il est rendu culturel par une mise en situation dans un paysage à forte connotation antiquisante comprennant un arriè­ re plan d'aqueduc, de temple et de colonne trajanne.

Dans le traitement architectural des programmes, la répartition des sur­ faces dans le plan est contrainte par la forte géométrie de la forme générale pla­ naire: celle-ci préside au projet car, comme l'exprime Boullée, elle est le sup­ port du "caractère" (fig.31). On a beau imaginer une forme définie, un cercle, un carré, etc., augmentant ou réduisant sa surface en fonction des besoins de l'élève-ingénieur, elle est encore et toujours la même forme et sa géométrie particulière persiste (fig.32). Seul se modifie son rapport au con­ texte .

f t g .3 1 PalaiL* Pa Juat-tca, S a v a a t r a , pla n avac programma.

K g . 3 2 Changaaant d - i c h a l l a d 'u n a form a a tm p la / ra p p o rt au c o n ta x ta

Ces fo r m e s s o n t d 'a u t a n t p lu s prégnantes q u 'e l l e s r e n fe r m e n t p lu ­

s ie u r s a x e s d e s y m é t r ie e t q u e l a m a n iè r e r é v o lu t i o n n is t e p r é c o n is e

l a s y s t é m a t is a t io n d e l a s y m é t r ie p o u r l a c o n s t i t u t i o n d e l a m a tiè ­

règle de fabrication de la forme du plan architectural; à l'inverse,

c'est elle qui est induite par les formes choisies, pures,

"brutes"

(66), platoniciennes.

Corollaire de la symétrie systématisée, le réseau axial est ren­ forcé. Sevestre, Forestier et Duhreuil (fig.33) en propose une ver­ sion rayonnante; Henry (fig.34), Du Rancé, Duvaucelle et Benoit, une version orthogonale. Le premier type renseigne bien sur le se—

f ig .3 3 fllusiua, OubrairCl, ï y s t â n o d 'a x t s . f ig .3 4 Taaplas des A r t s , Hanry, systima d 'a x a s .

cond. La tentation est grande de parler de trame à propos des quatre derniers projets, à cause de la régularité et de l'orthogonalité de leur système axial, et à cause de la filiation connue menant de cet­ te architecture à l'inventeur de la trame architecturale orthogona­ le, Jean-Nicolas-Louis Durand (67). Mais dans les projets révolution- nistes, ce n'est pas le système d'axes qui précède la forme du plan mais cette dernière qui induit la nécessité d'une organisation in­ terne et qui se sert des axes comme d'outils à cette fin. Le choix du cercle pour le Palais de Justice est une conséquence de la notion de caractère: la symétrie rayonnante est ensuite induite. Le choix du carré pour la Bibliothèque est aussi le résultat de la notion de caractère: la forme de la raison et de la sagesse (Platon) pour un lieu de culture: le système axial n_ fait que composer d'autres car­ rés dans ce carré.

En fait, le système axial dans la production révolutionniste con­ court à renforcer l'idée de la forme. Tout le travail d'organisation se fait à l'intérieur de la forme contrairement au plan classique produit par les élèves-ingénieurs dans lequel le système axial sou­ tient un développement. Sous cet aspect, l'architecture classique produite à l'Ecole Royale des Ponts et Chaussées est centrifuge et celle révolutionniste est centripète; les projets classiques sont,

de ce point de vue toujours baroque, tardo— baroque : leur mode formel en expansion est opposé à la convergence de celui révolutionniste.

Cette confirmation de la forme par le système axial se lit très bien dans le dessin de ce dernier: en effet dans les trois cas de con­

cession à l'environnement par une déformation de la figure planaire, chez Henri, Sevestre et Dubreuil, le tracé des axes ne répercute pas cette caractéristique et laisse penser, si on le,dissocie de son plan, à une forme parfaite (fig.35, 36 & 37). Différemment, dans l'architecture classique, le système axial colle parfaitement à la forme môme irrégulière du plan (fig.38 & 39). Dans l'architecture

révolutionniste, les axes servent donc à mailr iser la forme•

Un autre détail montre le travail sur une forme et dans cette for­ me effectué par l'architecture révolutionniste. Avec la manière clas­ sique, les axes portent les circulations, c'est-à-dire le dévelop­ pement possible puisque le plan est l'expression de la distribution. Dans la manière révolutionniste, les axes portent le programme. En ce cas, les circulations sont dédoublées et situées de part et d'au­ tre d 'un espace central qui est celui de la fonction et du passage des axes (fig.40). Ici pas de différence entre distribution et pro-

82

K g . 40 P»la-Cs da J u s tx c t , Q uvaucalla, plan d« ta d is tr-tb u fL o n .

K g . 41 Pala-Cs da J u s ftc a , Q uva u ca lla , plan da ré p a r - tvtilon du programma.

gramme pour la répartition planaire, tous deux s'inscrivent dans la géométrie stricte du plan sans trouble issu d'un fonctionnalisme

(fig.4l). La distribution dédoublée et uniformément présente sur l'ensemble du plan utilise une surface importante et, dans un rap­ port de surface au programme, on trouve toujours plus de programme que de circulation, mais l'équivalence est proche ou existante

comme chez Dubreuil. L'établissement de ce rapport est d'autant plus difficile que, dans ce cas de monuments "culturels", de nombreuses pratiques sont déambulatoires : dans la cathédrale, le muséum, le palais de justice, etc. (fig.42 & 43).

K g . 42 C a th é d ra l», F o r a i t t a r , plan da la d ta trilb u rto n .

■K g.43 C a th é d ra l», F o ra a tta r, plan da répart'tt'ton du programma.

Les auteurs de cette période ne donnent plus du plan une défini­ tion classique: si elle est anti-baroque, elle n'en est pas pour au­ tant révolutionniste. Quatremère de Quincy et Vagnat se départissent du classicisme en supprimant toute référence à la distribution.

"Le plan dans le dessin d'architecture", dit le premier, "est la représentation de tous les corps solides qui composent les supports d'un bâtiment" (68). Pour le second, il est "la représentation des principaux traits d'un ouvrage, en figurant les nasses solides, par des teintes plus ou moins foncées" (69). Sxit la distribution que

son dédoublement banalise. Son rôle est alors pour l'architecture révolutionniste celui du support à une certaine fluidité du plan: elle fait passer les angles avec des moyens semblables à ceux de la manière classique et, selon l'expression de Boullée, elle per­ met grâce à son omniprésence, à l'usager d'accéder partout "libre et sans espèces de contrainte" (70). Elle sert seulement à la pra­ tique intérieure, elle n'aide plus à la définition du plan et à son agrandissement.

Dans ce changement de définition du plan, il y a aussi un dépla­ cement du regard vers l'espace architectural. Celui-ci résulte de l'impossible transformation de la forme du plan et de l'emploi de la symétrie systématisée: il ne reste d'ouvert que la troisième di­ mension. Dans cette problématique, les élèves-ingénieurs abordent la compacité, expression tridimensionnelle du volume vide, et non pas la densité car les limitas contextuelles n'existent pas encore.

Ce déplacement vers l'espace et la compacité s'accompagne de l'émergence de la construction: la connaissance des massifs, des supports, autorise la déduction de la troisième dimension et par là aide à l'appréhension de l'espace projeté: ce biais sera dévelop­ pé plus tard dans le système des Beaux-Arts; d'autre part, la cou­ leur plus ou moins claire du plan coupé donne aussi la position du plan dans l'espace. -K g.44 p«i»-t* <*■ J u s t i c e , s c v c s t r c , co u pc e t é i â v c r t o n .

Le rendement géométrique du plan.

Cette dérive vers l'espace que montre bien plus clairement la coupe (fig.44) ne réduit pas l'intérêt porté au plan. L'enjeu reste nettement sa conception et sa maîtrise. En apparence, la

géométrie systématisant l'intérieur du plan laisse penser à une solution évidente, vite trouvée pour servir d'appui à un travail plus intéressant sur l'espace. En réalité il n'en est rien. Ce systématisme, malgré l'homogénéisation qu’il réclame, résulte d'un

nouvel attrait de l'intériorité des édifices. Il semble s'éloigner