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De quelques droits des actionnaires minoritaires

nuGOTRrnnADE/BAHAR

III. De quelques droits des actionnaires minoritaires

La loi ne traite pas expressément ni même ne mentionne tous les droits des actionnaires; ceux-ci peuvent d'ailleurs résulter seulement des statuts ou même de conventions d'actionnaires. Ces droits sont trop nombreux et trop polymorphes pour que l'on puisse prétendre tous les décrire dans le cadre de la présente étude. C'est la raison pour laquelle nous ne présenterons ci-après que les traits les plus saillants d'une sélection, par essence quelque peu arbitraire, de droits concernant plus particulièrement les actionnaires minoritaires. Nous privilégierons à cet égard l'examen des droits des actionnaires ayant une composante financière plus marquée, au détriment

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Arrêt de la Ire Cour civile du Tribunal fédéral du 25 juin 1991 dans la cause Association Canes contre Nestlé S.A., ATF 117 JI 290, p. 312.

Idem.

FORSTMOSER P.IMEIER-HAYQZ A/NOBEL P., op. cit. note 3, § 39, nos 17 et 67 qui reconnaissent néanmoins qu'il existe souvent des motifs pour traiter de manière différenciée les actionnaires détenant des participations importantes et les "petits" actionnaires; contra WATIER R., op. cit.

note 86, ad art 717 CO. no 26 et J'arrêt Ringier & Co. S. A. c. Jean Frey S. A. et Offset &

Buchdruck S. A., ATF 102-11-265, JT 1977 1 102, p. 106 qui selon BOcUr P., op. cit. note 30, no 47d ne saurait s'appliquer sans autre sous l'empire du nouveau droit vu le principe d'égalité de traitement relatif.

Voir ci-dessous lILF.2.a.

Voir à ce sujet FORSTMOSER P./MEIER·HAYOzA./NOBELP., op. cit. noIe 3, § 39, no 67.

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notamment du droit de vote (dont il a été abondamment question ci-dessus) et des droits qui lui sont liés. S'il est vrai que cette composante fait défaut s'agissant du droit à l'information des actionnaires, il nous est apparu que ce droit est suffisamment important pour l'exercice des droits financiers de ces derniers (ainsi que d'ailleurs pour l'exercice de leurs autres droits) pour justifier les quelques développements que nous lui consacrerons.

A. Droit à la qualité d'actionnaire 1. Le principe et ses raisons d'être

Le droit de l'actionnaire à maintenir sa qualité - qui est considéré comme un principe essentiel du droit de la société anonymel" - ne souffre que de peu d'exceptions en droit suisse. En effet, la société anonyme est une société à capital fixe, régie par le principe du nombre fixe des places de sociétariat. Or ce principe se concilie mal avec l'exclusion des actionnaires, soit leur sortie forcée en dehors du cas de liquidation de la société nt.

L'attitude restrictive par rapport à l'expulsion des actionnaires se justifie également en raison de l'absence d'obligations autres que la libération des actions à la charge des actionnaires et en raison de la nature capitaliste de la société anonyme qui implique qu'en principe les caractéristiques person-nelles des actionnaires minoritaires qui auraient des intérêts opposés à la société ou celles des actionnaires majoritaires qui souhaiteraient être seuls à bord soient indifférentes à la société132

2. Les exceptions au principe

Traditionnellement, il était admis que les actionnaires ne pouvaient être exclus de la société anonyme qu'en cas de non-respect de l'obligation de libérer des actions contractée lors de la souscription de celles-ci. Le conseil d'administration peut en effet prononcer la déchéance d'un actionnaire qui n'a pas entièrement libéré ses actions en temps voulu, si l'actionnaire ne s'exécute pas en dépit d'une sommation qui le rend anentif aux conséquen-ces de l'inobservation de son engagement"'.

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Voir à ce sujet KUNZ, op. cit. MIe 8, § 1, no 257 et § 10, no 190, po\lt lequel le droit au sociétariat est presque "ein ehernes Prlnzip des Aktienrechts"; FORSTMOSER P./MEŒR·HAYOZ A./NoSEL P., op. cil. noIe 3, ~ 44, no 16.

Une liquidation panielle de la société, dans la mesure où elle doit affecter de la même manière tous les actionnaires. peut cettes conduire à affaiblissement absolu de la participation d'un actionnaire, mais ne devrait pas conduire à son exclusion pure et simple.

Voir notMlment FORSTMOSER P .IMEJER·HA VOl A./NOBEL P., op. cfe. Ilote 3. § 44, no 56.

Arl. 681 a!.2 CO.

Lors de la révision du droit de la société anonyme de 1991, le législateur a introduit une disposition pennettant il une société de radier du registre des actionnaires celui qui aurait obtenu son inscription dans ce registre au moyen de fausses indicationslJ' / ' ''. Dans la mesure où cette disposition consacre un cas d'application des règles générales sur les vices du consentement et déploie des effets ex tunelJ6, on ne saurait dire que la radiation des actionnaires constitue un (nouveau) motif d'exclusion. Dans les sociétés cotées, elle n'a d'ailleurs pas pour effet de priver de sa qualité l'actionnaire qui aurait acquis ses actions en bourse; celui-ci se voit relé-guer au rang d'actionnaire sans droit de votelJ7

On a pu se demander, au moment de cette même révision, si l'introduction dans la disposition sur l'action en dissolution de la société pour justes motifs de la possibilité pour le juge de prévoir d'autres mesures que la dissolution autorisait celui-ci à prononcer l'exclusion d'un action-naire en présence de tels justes motifs"'. Sans même se prononcer sur la question de savoir si en l'état du droit de la société anonyme des motifs tenant à la personne d'un actionnaire pourraient en soi justifier son expul-sion, il faut à notre sens. admettre, comme le fait KUNZ, qu'une telle éviction se heurterait déjà à ce que l'actionnaire à exclure n'est pas partie à la procédure qui oppose les demandeurs à la société et non à tous ses actionnaireslJ'. C'est le lieu de signaler que le projet de réglementation sur la société anonyme privée, qui offrirait aux sociétés la possibilité de mettre à la charge des actionnaires des obligations autres que celle de libérer leurs actions, pourrait, selon ses auteurs, inclure une règle sur l'exclusion pour justes motifs"().

Une modification légale toute récente, qui avait pour but de porter la valeur nominale minimum des actions de dix francs suisses à un centime, oblige la société qui entend réduire le capital-actions à zéro francs à canceller les anciennes actions - et, partant, à exclure de fait les actionnai-res qui ne souscrivent pas de nouvelles actions. Dans le cadre de cette

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Art. 686a co.

Dans l'arrêt de la Ire Cour civile du Tribunal fedëra! du 25 juin 1991 dans la cause Association Canes contre Nestlé S.A., ATF 117 Il 290. p. 309, le Tribunal fédéral avait admis la licéité d'une disposition statutaire pennettant au conseil d'administration de radier des actionnaires ayant obtenu leur inscription dans les circonstances visées par "art. 686a CO avant l'entrée en vigueur de cette disposition. p. FORSTMOSER, "Die Rückgangigmachung von Eintragungen im Aktienhucb -problemlos oder unzweideutig rechtswidrig?", Revue suisse de droit des affaires 1989 p. 173, avait soutenu, à mon sens avec raison, qu'une telle radiation ne nécessitait pas même une base statutaire particulière puisqu'eUe pouvait se fonder sur les règles des art. 23 ss CO.

Voir à ce sujet l'article de FORSTMOSER cité dans la note précédente.

Voir ci-dessous 1II.C.2.

RUEDIN R .. op. cit. note 71, no 2116.

KUNZP" op. cit. note 8,§ l, no 282.

Cf. art. 8 du projet de société anonyme privée. in: HIRSCH A.INOBUP., op. cit. note 15, p. 126.

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revlSlon, en effet, le législateur a supprimé l'indication selon laquelle la valeur nominale des actions pouvait être réduite en dessous du minimum légal (c'est-à-dire jusqu'à zéro francs) en cas d'assainissement de la société. Par conséquent, si une société anonyme entend réduire son capital-actions de telle sorte que cette réduction implique une réduction de la valeur nominale des actions à un montant inférieur à un centime, elle ne peut que canceller les actions et exclure par ce biais l'actionnaire qui ne désirerait pas souscrire à l'augmentation de capital subséquente'''. Or, selon la doctrine majoritaire et le Tribunal fédéral, avant la modification de la loi, les sociétés étaient autorisées à ramener la valeur nominale de toutes les actions à zéro francs lorsque la société réduisait le capital-actions à zéro francs puis émettait de nouvelles actions 14" Dans ce cas, les action-naires qui ne souscrivaient pas de nouvelles actions restaient actionnaires de la société puisqu'ils détenaient encore des actions'''. Les conséquences radicales de la nouvelle réglementation justifient - plus encore que par le passé - de limiter la mesure tendant à réduire le capital-actions à zéro francs aux seuls cas dans lesquels les anciennes actions ne valent effective-ment plus rien, à moins, bien entendu, que tous les actionnaires entendent

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Communice.tion de ,'Office fédéral du registre du commerce du 22 janvier 2001 concernant 1'abalssement de: ta valeur nominale des actions à 1 centime.

BAUDENSACHER C., op. cit. note 71, ad art. 622 CO, nos 34 et 35; BÔCX.U P., op. cil. MIe 30, NO 225; FORSTMOSER P ./MEIER-HAYOZ AINOBEL P., op. clt. lIore 3, § 5, no 301; l1J'd:t de la Cour civile du Canton de Bâle-Ville du lS.11.l983, dans la cause J. SI. c. St. AG, Basler luristische MlueilulIgen 1984 p. 169; arrêt de la Ire Cour civile du Tribunal fOdéral du 12 Mai 1960 dans la cause. Krei$ c. Helvetia A.-G., Schweiz. Niihmaschiflefljabrik,ATF 86 Il 78; arrêt de la Ire Cour civile du Tribunal féderal du 7, juillet 1995 dans la cause r. AG c. E. AG et M. AG, ATF 121 111420, Dans ce dernier arrêt, le Tribunal fédéral a considéré en obiler aiclIlm qu'il existait un droit acquis au sociétariat et qu'une réduction de la valeur nominale d'une action avec cancellation du litre suppose le consentement de l'actionnaire concerné. Cependant, cet arrêt a été rendu avant la modiflcacion de l'an. 622 al. 4 CO, de telle sorte que le principe de proponionnalité imposait cette solution y compris dans l'hypothése où le droit au sociétati.1t est considéré comme un droit acquis relatif. Le projet de tivision du code des obligations (référence citée en note 16) précise que si le capital est porté à :zéro, les actions doi\'ent être canceUées sans que l'accord des actionnaires concernés soit requis, et que, dans cette hypotbtsc, le droit prifërentiel de souscription ne saurait être supprimé (art. 732& al. 1 et 2 p·CO).

Dans ce cas, les acl.ÎonnaÎres cooservaieOlla qualité d'actionnaï,e et avaient par cons«tuent le droit de VOle rnl.nimal de l'an. 692 al. 2 CO, mais ne disposaient plus des droitS financiers. BôcKu P., op. cil. note 30, NO 225; FORSTMOSER P JMEJER.-HAYQZ A./N08EL P., op. cil. flote 3, § 5, no 301;

arrêt de ta Cour civüe du Canton de Bâle-Ville du 15.11.1983, dans la cause J. St. c. SI. AG, Bas/er Juristische Mirteilul1gel1 1984, p. 169; arrêt de la Ire Cour civile du Tribunal fediral du 12. Mai 1960 dans la cause Kreis c. Helvetia "'.-G .• Schweiz. Niilrmaschinen!abrik. AIT 86 II 78; Illrl:t de la 1re Cour civile du Tribunal fédéral du 7. juillet 1995 dans la cause T. AG c. E. AG et MAG, ATF 121 111 420. La sociéte peut également maintenir la valeur nominale d'origine pour la détermination du droit de vote (art. 692 al. 3 CO). Il convient de préciser que de telles actions ne constituent pas des actions à droit de vote privilégié (KONG M., in: KSP, Vorbemerkungen ru art.732-735 CO, no 23; KUNZ P., op. cit note 8., § l, no 166; FORSTMOSER P./MEŒR·

HA YOZ A./NOBEL P., op. cit. riote 3, § 53, no 301 note 93 se référant a un A TF 67 1 251). On peut neanmoins se poser la question de savoir si ces actions constituent une categorie spéciale d'actions conferant le droit à ta désignation d'un membre du conseil d'administration au sens de l'art. 709 aI.2CQ.

exercer le droit préférentiel de souscription qui doit leur être accordé et souscrire des nouvelles actions"'.

La Loi sur les bourses autorise un squeeze-out d'actionnaires minoritaires, pudiquement appelé annulation des titres restants"'. Le droit d'exclure les actionnaires est cependant limité à plusieurs titres. Il n'existe qu'en relation avec une offre publique d'acquisition obligatoire ou volon-taire, plus précisément dans les trois mois suivant son échéance, si l'offrant (ou son ayant-droit) dispose de plus de quatre-vingt-dix-huit pour cent des actions de la société cible. Pour pouvoir ainsi exproprier les actionnaires minoritaires, l'offrant doit intenter action contre la société et conclure à l'annulation des actions des minoritaires contre compensation équivalant au prix de l'offre d'acquisition ainsi qu'à l'émission de nouveaux titres à son profitl" .

Le projet de Loi sur les fusions prévoit une possibilité d'exclusion des actionnaires minoritaires qui va au delà dufreeze-out institué par la Loi sur les bourses. Il envisage en effet de permettre des fusions dans lesquelles, plutôt que de recevoir les titres de la société reprenante, les actionnaires sont indemnisés de toute autre manière, à la condition que le contrat de fu-sion soit approuvé par au moins quatre-vingt-dix pour cent des associésl" .

La validité de clauses statutaires prévoyant l'exclusion d'actionnaires est contestée en doctrinel" . Panni les auteurs qui admettent la licéité de telles clauses, certains sont d'avis qu'elles doivent être introduites lors de la fondation de la société ou adoptées ultérieurement par une décision unanime de l'ensemble des actionnairesl" . A notre sens, rien ne s'oppose à ce qu'une société introduise en cours de vie sociale, par une décision prise à la majorité des voixl" , une nouvelle catégorie d'actions devant être

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Cette solution résulte du principe de proportionnalité; dans le même sens BÔCKU P., op. cit.

note 30, no 305i; cf. également les projets d'art. 732a al. l et 2 poCO proposés dans le cadre du projet de révision du code des obligations (cité note 16); contra KUNZ P., op. cit. nOle8, § l, no 279 qui voudrait admettre un droit à indemnisation des actionnaires correspondant à la valeur de la part de liqwdation.

Art. 33 LBVM.

Voir à ce propos Communication de la Commission des OPA na 3: L'annulation des "titres restants" après une OPA, du 21 juillet 1997; BÔCKIJ P., op. cit. note 30, no 1661s; KOPFU Chr.,

"Der Ausschluss der MinderheitsaktionliTe nach einem ijffentlichen Kaufangebot, Revue suisse de jurisprudence 1998, p.53; KUNZ P., op. cil. no/e8, § 10, DO 1 82ss; NOBEL P., "Zur K.rafUos·

erk1ilnmg von Resttiteln aus früheren offentlichen Kaufangeboten, Revue suisse de droit des affaires 1998, p. 37; STIl"l'KNECIfrR., in:KSK, ad art. 33 LBVM.

Art. 8 al. 2 P·LFus.

Voir KUNZ P., op. cil. note 8, § l, no 262-263; FORSTMOSER P./MEIER-HAYOZ A./NoBEl P., op.

cit. note 3, § 44, nos 56-57 et les références citees. Contra DREIFUSS E./LEBRECHT A., op. cit.

note 46, ad art 706b CO, no 15.

KUNZ P., op. cil. note 8, ~ l, no 265.

Les actionnaires touchés doivent donner leur accord à la renonciation à leur droit acquis absolu, mais aucun actionnaire ne peut être obligé à souscrire des actions. Voir en matière de réunion de titres qui peut entraîner l'obligation d'acheter de nouveaux titres ou d'en aliéner, l'art. 623 al. 2 CO lequel prévoit que la réunion suppose le consenlement de l'actionnaire concerné. La doctrine

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touchée priontalrement en cas de réduction du capital, réduction qui devrait bien entendu respecter les dispositions applicables à ce type de modification du capital, mais dont les modalités pourraient par aiJleurs être prévues dès l'émission des actions"'. Il nous apparaît en revanche douteux que le droit à l'exclusion par la société puisse être aménagé par le biais de J'émission de titres ou d'une catégorie de titres frappés d'un droit d'emption au profit de la société, même si celui-ci devait être exercé aux conditions posées pour le rachat d'actions propres, dans la mesure où J'octroi d'un tel droit d'emption à la société implique une obligation correspondante de vendre des titres imposée aux actionnaires laquelle se heurte au principe selon lequel on ne saurait (méme statutairement) imposer d'autres obligations aux actionnaires que la libération de leurs actions "'. Quoi qu'il en soit, les clauses statutaires d'exclusion devraient être assez rares voire inexistantes en pratique. Il n'en va pas de même des clauses cali figurant fréquemment dans des conventions d'actionnaires et dont la licéité ne fait guère de doute'''.

B. Droit au maintien d'une participation proportionnelle

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