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DE LA COLLÉGIALE DE VALANGIN (1908-1909)

Dans le document 2 005N 142 année 1-2 (Page 155-168)

Tailles XIX e siècle, période Marthe

DE LA COLLÉGIALE DE VALANGIN (1908-1909)

Lors de la restauration d’un monument historique, il est rare d’intervenir sur un objet vierge de toute intervention. Il est par conséquent de bon aloi de s’interroger non seulement sur le contexte de sa construction, mais également sur l’histoire de ses dégradations, transformations, réparations, modernisations, mises en valeur, etc.

Quelques moments semblent marquants pour la collégiale de Valangin, comme son sac en 1531 et les remises en état qui s’en suivirent, la succession des travaux d’entretien du XVIIIe siècle et en particulier les aménagements intérieurs de 1778-1779, la restauration du temple et de son monument funéraire en 1840-1841, de même que la grande campagne de travaux de 1908-1909.

L’histoire de la collégiale de Valangin de sa fondation jusqu’au milieu du XIXe siècle a été retracée assez fréquemment pour nous dispenser d’y revenir en détail1. En l’absence de nouveaux documents d’archives pour cette période2, nous avons choisi de nous pencher sur les travaux effectués au XXe siècle, proches dans le temps mais somme toute peu connus.

Le projet de 1905-1907

Rappelons que la collégiale de Valangin appartient à la première série d’édifices protégés au titre de monument historique par le Conseil d’Etat en 1905. « Ce qu’il importe de souligner, c’est que l’édifice est un véritable monument historique, de style très pur et de formes élégantes. »3 « Si les façades sont intéressantes par leur silhouette générale et leurs élégantes baies gothiques, l’intérieur ne l’est pas moins par les monuments qu’il renferme ; dans une niche du chœur sont couchées les statues de Claude et de Guillemette de Vergy, sa femme, surmontées d’une plaque de bronze portant leur épitaphe ; au-dessous, une pierre tombale ornée d’un squelette

1 Georges-Auguste MATILE, Musée historique de Neuchâtel et Valangin, tome 1, 1841, pp. 364-371 et tome 2, 1843, pp. 274-293. MARTHE, « Temple de Valangin », Musée neuchâtelois (MN), 1865, pp. 259-263. Charles MONVERT, « Monuments parlans de Neuchâtel par Jonas Barillier », MN, 1899, pp. 49-111. Georges QUINCHE, « Promenade autour de Valangin », MN, 1903, pp. 262-274. Paul VUILLE,

« Le sac de la Collégiale de Valangin en 1531 », MN, 1915, pp. 93-96. Jean COURVOISIER, « La restau-ration du tombeau des seigneurs de Valangin », MN, 1959, pp. 33-36 et 129-140.

2 Les nouveautés seront apportées par les regards renouvelés et les études spécialisées des conservateurs-restaurateurs et des archéologues.

3 Archives fédérales des monuments historiques (AFMH), dossier Neuchâtel-collégiale, notes d’Albert Naef, 12 août 1907 (dossier mal classé).

sculpté en relief. »4 « Le plafond de la nef, un berceau en tiers-point, a conservé des couvre-joints sculptés avec décoration polychrôme. Le reste de l’église, chœur et transept, est voûté sur croisée d’ogives, des pilastres aux angles, reçoivent les retombées des nervures. A noter un joli tabernacle, dans le transept, et au centre de l’édifice un baptistère polygonal, daté de 1600 [sic]. »5Comme en témoigne la description d’Albert Naef, archéologue cantonal vaudois et expert fédéral, le type, l’âge, les éléments architecturaux et décoratifs d’origine, de même que le contexte de fondation servent à justifier l’intérêt du bâtiment. « Malgré les quelques mutilations qu’il a subies, le monument présente encore beaucoup d’intérêt au double point de vue historique et artistique. [...] L’église collégiale de Valangin est incontestablement un des bijoux de notre architecture nationale. »6L’église gothique garde ainsi toute sa valeur aux yeux des spécialistes et des autorités en dépit de l’amputation d’une partie de sa nef au XIXe siècle.

La collégiale méritant donc « d’attirer l’attention de tous ceux qui ont le culte du passé et le désir de maintenir dans leur intégrité les monuments de l’histoire de notre pays »7, un comité se constitue en 1905, se donnant pour mission la restauration de l’édifice. Il se lance dans la recherche de fonds et s’adresse à Léo Châtelain pour les plans et devis. Architecte « dont la compétence est bien connue »8, ce dernier possède une solide expérience, ainsi qu’un large réseau de contacts dans le domaine des monuments anciens. Il constitue en quelque sorte la garantie de démarches facilitées et d’un travail de qualité : « il n’y a aucun doute qu’entre les mains de Mr. Léo Châtelain, cette restauration ne réussisse en tous points. »9

Le premier projet présenté à la Commission cantonale des monuments historiques (ci-après la Commission) comprend la réfection de la voûte sur la Sorge, la fouille du sol, le piquage et l’exploration des murs, le nettoyage et la mise à nu de la pierre de taille, la création d’un nouveau soubassement en bois et le remplacement du calorifère jugé peu pratique et disgracieux par un chauffage en sous-sol. Combinant travaux de consolidation, investigations archéologiques, restauration et modernisation de l’aménage-ment intérieur, le programme correspond au déroulel’aménage-ment habituel d’une

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4 AFMH, dossier Valangin-collégiale, lettre du Conseil d’Etat neuchâtelois au Département fédéral de l’Intérieur, 2 avril 1907.

5 AFMH, dossier collégiale-Neuchâtel, notes récapitulatives d’Albert Naef, 12 août 1907 (document mal classé).

6 AFMH, dossier Valangin-collégiale, lettre du Conseil d’Etat neuchâtelois au Département fédéral de l’Intérieur, 2 avril 1907.

7 Archives de l’Etat de Neuchâtel (AEN), fonds Travaux publics (TP) 47, lettre circulaire du Comité de restauration, juin 1908.

8 AEN, fonds TP 47, lettre circulaire du Comité de restauration, juin 1908.

9 AFMH, dossier Valangin-collégiale, rapport de Frédéric Dubois, 4 juillet 1908.

restauration d’église médiévale dans la région au début du XXesiècle. Le devis prévoit également le « rejointoyage » des voûtes, « le platrissage à nouveau des murs ou rejointoyement »10, la réalisation d’un sol en béton recouvert de gypse et de linoléum, ainsi que l’installation d’un nouveau mobilier (bancs, soubassements, tambour d’entrée). A l’extérieur, la démarche est du même ordre : piquage des façades, lavage de la pierre de taille et rejoin-toyement de l’ensemble. De façon à répondre au confort du pasteur et de ses paroissiens, l’architecte prévoit la création d’un local de chauffage en sous-sol, ainsi que la construction d’une sacristie de forme semi-circu-laire11. Les trois derniers postes du devis concernent les fouilles générales du sol avec exploration archéologique, la « décoration et remise en état de la peinture du plafond cintré »12, ainsi que la consolidation du mur fendu, façade sud. L’estimation du coût des travaux s’élève à 14 000 francs.

Conforme à la déontologie du moment en matière d’intervention sur un monument historique, le projet reçoit l’aval de la Commission et sert de base au dossier présenté, en 1907, au Comité de la Société suisse des monuments historiques pour obtenir des subventions fédérales. L’un des experts fédéraux Frédéric Dubois13 conclut à de simples « travaux de réparation et de nettoyage, mais qui faits avec goût pourront transformer l’église et en faire ressortir la valeur archéologique »14.

En 1907, la Confédération octroie une somme de 5000 francs correspondant au 50 % des travaux de restauration et de consolidation, le chauffage et le mobilier sortant du cadre de la dite subvention. L’essentiel du chantier se déroule durant l’été 1908. En septembre, Frédéric Dubois constate alors que « la restauration extérieure en grande partie terminée a parfaitement réussi »15. Le Comité de restauration invite la Commission à reconnaître l’ensemble des travaux en mars 1909, alors que l’édifice restauré est inauguré le 5 juin 1909. De son côté, la Confédération juge les travaux conformes au programme annoncé et verse la subvention promise par tranches de 1908 à 1911. En contrepartie, elle souhaite qu’une inscription commémorative soit placée dans l’édifice, sa formulation suscitant alors d’innombrables discussions16.

10 AFMH, dossier Valangin-collégiale, devis de Léo Châtelain, 11 décembre 1905.

11 A réaliser en maçonnerie et couverte de plaques de pierre jaune à l’image de la niche funéraire.

12 AFMH, dossier Valangin-collégiale, devis de Léo Châtelain, 11 décembre 1905.

13 Selon les renseignements transmis par Aloys Lauper, Frédéric-Théodore Dubois est vraisembla-blement historien ; il fonde les Annales fribourgeoises en 1913, avant d’être nommé bibliothécaire et conservateur de musée à Lausanne en 1920.

14 AFMH, dossier Valangin-collégiale, rapport de Frédéric Dubois, 4 juillet 1908.

15 AFMH, dossier Valangin-collégiale, rapport de Frédéric Dubois, 30 septembre 1908.

16 En particulier la mention de l’engagement pris par la Commune envers la Confédération, ainsi que l’importance jugée exagérée accordée au peintre-verrier, Clément Heaton, dont le nom figure aux côtés de ceux des architectes Léo & Louys Châtelain.

Quelques caractéristiques de l’intervention de 1908-1909

Comme nous l’avons constaté plus haut, les postes prévus répondent aux critères habituels d’une intervention sur un monument historique au début du XXe siècle. La distribution de subventions et la supervision des chantiers par les commissions cantonale et fédérale spécialisées17 ainsi que par leurs experts respectifs contribuent à progressivement unifier les façons de faire, ainsi qu’à diffuser une sensibilité plus « archéologique » auprès des professionnels et des autorités du moment. Du projet à l’achèvement d’une intervention sur un bâtiment ancien, les changements peuvent être nombreux, alors que toute méthode connaît des exceptions. Survolons quelques éléments marquants du chantier de Valangin.

Consolidation

En 1907, le devis corrigé prévoit une légère hausse des dépenses par rapport au projet de 1905. Le poste qui ne portait que sur une fente de la façade sud devient une reprise en sous-œuvre de l’ensemble des murs lézardés et passe de 250 à 400 francs. Les protagonistes ont malgré tout sous-estimé les travaux de consolidation, puisqu’en 1908 Frédéric Dubois indique qu’il « faudra prévoir un petit crédit supplémentaire à cause des travaux de reprise en sous-œuvre qui ont été plus importants qu’on ne le prévoyait à la façade »18.

Archéologie

Parmi les correctifs apportés au devis initial par Albert Naef et Léo Châtelain se trouvent les sommes consacrées aux explorations archéolo-giques du sol, au « piquage » des voûtes, des murs et des façades19et surtout le nouveau poste consacré aux « relevés » (500 francs)20.

Les responsables du chantier s’attachent à « retrouver les fondations de la partie démolie »21dont les dimensions correspondent à celles données par les textes du XIXe siècle et concluent que « d’après ce plan des fondations, on pourrait supposer qu’il y avait une nef et des bas côtés ; ce qui

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17Commission cantonale des monuments historiques du canton de Neuchâtel depuis 1903 et Comité de la Société suisse des monuments historiques depuis 1886.

18AFMH, dossier Valangin-collégiale, rapport de Frédéric Dubois, 30 septembre 1908.

19Les montants doublent presque. AFMH, dossier Valangin-collégiale, devis corrigé, [Léo Châtelain, 1907].

20Nous n’avons retrouvé pour tout relevé qu’un plan au sol levé par Léo Châtelain en décembre 1905 qui indique « en bleu, résultat des fouilles ». AEN, fonds Léo Châtelain 1/5. L’équipe de l’Intendance des bâtiments de l’Etat ne semble pas non plus s’être lancée dans une véritable campagne de fouilles archéologiques à l’image de leur travail au château de Valangin.

21[Léo Châtelain] « Quelques notes sur la Collégiale de Valangin et sa restauration en 1908-1909 », Le véritable messager boiteux de Neuchâtel, 1910, p. 57.

expliquerait la présence de deux ouvertures ogivales dans les transepts à droite et à gauche de la croisée »22. Ils retrouvent également la fenêtre murée du transept sud qui est remise en valeur.

Frédéric Dubois recommande également l’exécution de « fouilles systé-matiques » et d’en profiter pour « rétablir le sol à son niveau primitif »23. Il n’est par contre guère question de subordonner les travaux de restauration aux résultats archéologiques.

Alors que les experts retracent dans chacun de leur rapport l’histoire de l’édifice, nous nous étonnons qu’ils n’aient pas pressenti le résultat décevant des recherches archéologiques. « L’église a été construite d’un seul jet, par conséquent les fouilles n’ont pas mis à jour des restes de constructions antérieures. »24

Restauration

A l’issu de l’intervention de 1908-1909, « la gracieuse collégiale sortait rajeunie des couches de peinture sous lesquelles on avait tenté de dissimuler ses rides » selon un journal de l’époque25.

Si ces propos peuvent s’appliquer au décrépissage et « rejointoyage » des façades, ils semblent beaucoup plus difficilement applicables aux revêtements intérieurs. Leur récente étude a en effet démontré que les voûtes ont bel et bien été décrépies et les éléments en pierre de taille nettoyés, mais que les parois n’ont pas subi un sort aussi drastique que le suggéraient les devis (voir l’article de Elisabeth et Michel Muttner).

Alors que la Commission proposait de piquer les murs « à fond afin d’arriver à en connaître la structure »26, les dégagements se sont bornés à quelques sondages à la recherche d’ornements peints : « les murs et les voûtes ont été en partie grattés et piqués sans que l’on retrouve aucune trace de peintures. »27 Lors de la reconnaissance des travaux de 1909, la Commission débat d’un projet de décor présenté par Léo Châtelain, lui-même « persuadé qu’il devait y avoir dans le temps une décoration quelconque, très simple »28. Qu’entendent-ils par « peintures murales » ?

22 Ibid.

23 AFMH, dossier Valangin-collégiale, rapport de Frédéric Dubois, 4 juillet 1908.

24 AFMH, dossier Valangin-collégiale, rapport de Frédéric Dubois, 30 septembre 1908.

25 Coupure de presse datée du 28 janvier 1911, mais dépourvue du nom du journal, insérée dans AEN, fonds notes de Jean Courvoisier, 80/14/47.

26 AEN, fonds TP 322, procès-verbal de la Commission cantonale des monuments historiques (PV CCMH), 11 novembre 1905.

27 [Léo Châtelain] « Quelques notes... », p. 57. Elisabeth et Michel Muttner n’ont pas trouvé de traces de sondages systématiques, mais quelques repérages ponctuels, les fragments d’enduit ancien étant relativement faciles à identifier.

28 [Léo Châtelain] « Quelques notes... », p. 57.

S’agit-il de scènes historiées, de décors répétitifs ou de simples filets soulignant les structures architecturales ? Un petit croquis rapide29 et le caractère laconique d’un procès-verbal ne nous autorisent malheureusement pas à trancher, mais ils permettent par contre d’expliquer les échantillons de décoration retrouvés par Elisabeth et Michel Muttner lors de leur étude.

L’opposition farouche de deux puristes de la conservation, l’archiviste de l’Etat Arthur Piaget, ainsi que l’homme de lettres Philippe Godet nous procurent quelques précisions supplémentaires. Ils s’insurgent en effet contre le projet « non pas que les motifs de la décoration ne soient en eux-mêmes intéressants, mais ils ne voient pas quels documents ont pu servir de base à cette adaptation de décors modernes dans un cadre ancien. La preuve étant faite qu’il n’existait aucune peinture sur les murs ni les voûtes de l’église, il faut respecter le caractère austère de ce lieu de culte et ne rien ajouter au ton uni des murs »30. Plus conciliant, Albert Naef tente de défendre son collègue architecte, en affirmant qu’« en principe, [il] ne combat pas une décoration moderne puisque chaque époque doit avoir son caractère particulier »31. Pour des raisons éthiques et peut-être également financières, la Commission abandonnera finalement toute velléité de peinture décorative et se contentera de compléter les lacunes des murs avec un enduit hydraulique avant de les recouvrir d’une couche uniforme de peinture à la colle.

Dans le même ordre d’idée, la Commission renonce à mettre en valeur l’inscription gravée sur le pourtour des fonts baptismaux « en donnant aux lettres une couleur différente de la pierre de taille (rouge ou noir) »32.

Reste la question du traitement de la pierre de taille (fig. 1 et 2). Le projet initial prévoit que « la pierre de taille serait nettoyée, dégagée et laissée apparente »33, postes répétés dans les devis de 1905 et 1907. A la fin du chantier, l’un des experts fédéraux, Frédéric Dubois, juge qu’à

« l’intérieur, le nettoyage de la pierre de taille a complètement transformé l’église »34. La Commission avait en effet décidé « de conserver le caractère irrégulier aux assises des baies, ce mode ayant été appliqué au XVe et XVIesiècles à d’autres ouvrages, mais de supprimer toute apparence de taille en dehors des nervures des voûtes et des colonnettes qui les supportent »35.

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29Il comporte quelques éléments décoratifs sur les nervures et dans les écoinçons des voûtains, ainsi qu’à la limite du soubassement AEN, fonds Léo Châtelain 1/5, croquis au crayon, non signé et non daté.

30AEN, fonds TP 322, PV CCMH, 13 mars 1909.

31AEN, fonds TP 322, PV CCMH, 13 mars 1909.

32AEN, fonds TP 322, PV CCMH, 13 mars 1909.

33AEN, fonds TP 322, PV CCMH, 11 novembre 1905.

34AFMH, dossier Valangin-collégiale, rapport de Frédéric Dubois, 30 septembre 1908.

35AEN, fonds TP 322, PV CCMH, 13 mars 1909.

Le constat des conservateurs-restaurateurs du début du XXIe siècle corro-bore cette façon de faire. Le terme « dégagement » est en outre particulière-ment pertinent puisqu’une sorte de saignée a été pratiquée sur le pourtour des éléments en pierre de taille, avant d’être bordée par un enduit de chaux hydraulique. Un tel procédé souligne l’irrégularité de la structure constructive aux dépens des lignes architecturales de l’édifice.

Le travail effectué n’est par contre pas du goût de l’autre expert fédéral, Albert Naef, qui va réclamer des retouches durant près d’un quart de siècle. Dans son rapport du 25 décembre 1911, Naef soulève quelques détails ou finitions à soumettre au Conseil d’Etat, parmi lesquels :

« A l’intérieur, les assises des pieds-droits et les claveaux des arcs des fenêtres ont été laissés entièrement visibles et rejointoyés. Or ces matériaux, QUI N’ÉTAIENT PAS DESTINÉS À RESTER ENTIÈREMENT VISIBLES, sont d’une irrégularité extraordinaire, les uns très petits, les autres allongés, avec des extrémités brutes ; il en résulte un encadrement découpé de la façon la plus bizarre, qui butte contre les lignes architecturales, un aspect très défavorable et qui nuit certainement à l’effet artistique de l’intérieur. Il faudrait essayer de corriger cela de la façon la plus

Fig. 1. Le chœur et le départ du transept. Etat de l’aménagement intérieur peu avant la restauration de 1908-1909 (archives SPMS).

Fig. 2. Même vue en 1913, après la restauration de 1908-1909 et le dégagement des éléments en pierre de taille (archives SPMS, 1913).

simple, c’est-à-dire en ne laissant la pierre de taille visible que par un encadrement RÉGULIER autour des baies, et en passant un lait de chaux, de la teinte de l’enduit voisin, sur les extrémités irrégulières et découpées. »36

Naef revient à la charge deux ans plus tard contre ces « fausses notes »37, même s’il reconnaît la bonne volonté des responsables du chantier. « On a bien voulu tenir compte de ce conseil, dans une certaine mesure, en passant un enduit mince ou un lait de chaux sur la taille des décrochements, mais cela ne suffit pas. [...] il faudrait rendre à ces parties de la tranquillité, en atté-nuant les profondes découpures, les cernures [sic], qui nuisent à l’harmonie de l’intérieur. Même remarque absolument pour la taille d’encadrement des fenêtres, des portes, des niches diverses [...] A mon sens, ce déchiqueté est illogique, peu beau, il rompt l’harmonie et la tranquillité de l’effet d’ensemble de l’intérieur, il rompt aussi le beau dessin des baies. »38 Il réclame également le crépissage des voûtes en tuf, de façon à ce qu’elles soient « mieux en harmonie avec le caractère tranquille de l’église. »39

Il doit attendre 1915 pour recevoir un courrier de Louys Châtelain40, l’architecte chargé des retouches, qui lui demande des instructions précises.

Ces dernières sont renouvelées en 1916, date à laquelle l’intendant des bâtiments de l’Etat, Charles-Henri Matthey, lui écrit :

« Nous avons constaté que le système le meilleur consisterait à tracer réguliè-rement le pourtour de la taille sur une largeur uniforme de 10-15 centimètres, suivant l’importance et la proportion des baies. Cette correction devra être apportée à tous les encadrements portes et niches comprises. – Le tracé en place à chaque baie au moyen d’un trait de craie ou de fusain nous paraissant indiqué, je viens vous prier de bien vouloir le faire établir. »41

Le travail effectué dans l’intervalle ne semble pas convenir à Naef qui se plaint à nouveau en 1920 « qu’on a bien voulu tenir compte de mes observa-tions, [...] Plusieurs des encadrements les plus tourmentés, ont été masqués ; mais, dans le chœur essentiellement, il subsiste encore beaucoup trop de ces décrochements QUI, À L’ORIGINE, N’ÉTAIENT PAS VISIBLES »42.

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36AFMH, dossier Valangin-collégiale, rapport d’Albert Naef au Département fédéral de l’Intérieur,

36AFMH, dossier Valangin-collégiale, rapport d’Albert Naef au Département fédéral de l’Intérieur,

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