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CHAPITRE I. R EVUE BIBLIOGRAPHIQUE

4. C ONTRAINTES DE LA PRODUCTION DU BLE TENDRE

4.2. A DAPTATION AUX STRESS ABIOTIQUES

En amélioration des plantes, une meilleure compréhension des mécanismes morphologiques et physiologiques de tolérance au stress hydrique est nécessaire pour sélectionner ou créer des variétés productives sous des conditions de déficit en eau. Fukai et Cooper (1995) ont défini la tolérance au manque d’eau comme les mécanismes par lesquels les plantes tolérantes maintiennent les processus métaboliques, même avec un faible potentiel hydrique. La réponse des plantes au stress hydrique dépend de plusieurs facteurs tels que le stade de développement, la sévérité et la durée de stress, et du matériel génétique ciblé (Chaves

et al., 2002 ; Reynolds, 2006 ; Beltrano et Ronco, 2008 ; Jaleel et al., 2009). Le déficit en eau

est caractérisé par la réduction de la teneur en eau des organes, la fermeture des stomates, le ralentissement de la croissance et de la division cellulaire.

Les processus physiologiques et biochimiques de la plante, comme la photosynthèse, la respiration, la translocation et l’absorption ionique sont aussi afféctés (Figure 4, Barnabás et

al., 2008 ; Jaleel et al., 2009). En outre, plusieurs caractères morphologiques comme la

longueur des racines, le nombre d’épis par m², le nombre de grains par épi, le nombre de talles fertiles par plant, le poids de 1000 grains, la longueur du pédoncule, le poids des épis, le poids de la tige, la longueur des barbes et le poids du grain, extériorisent l’impact du manque d’eau sous forme de réduction (Passioura, 1977 ; Levitt, 1980 ; Kramer, 1983 ; Moustafa et al., 1996 ; Plaut et al., 2004 ; Blum, 2005). Les plantes réagissent au manque d’eau par une multitude de changements adaptatifs complexes, d’ordre morphologiques et physiologiques voire moléculaires (Chaves et al., 2002).

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Figure 4. Effets du stress hydrique sur blé tendre et réponses adaptatives (Barnabás et al., 2008).

L’adaptation à la sécheresse prend trois formes distinctes (Turner, 1993 ; Saadalla, 2008): Evitement de la déshydratation des tissus

Cette caractéristique prend forme grâce au maintien d’un état hydrique interne satisfaisant. Cet état permet à la plante de continuer ses activités métaboliques sans être fortement perturbée par le milieu extérieur qui peut être très stressant (Levitt, 1980). L’évitement de la déshydratation des tissus a lieu suite à la capacité de la plante d’avoir accès à plus d’humidité du sol parce qu’elle dispose d’un système racinaire apte à se développer plus en profondeur (Jackson et al., 2000). Les changements de l’architecture de la plante, pour minimiser les pertes d’eau, comme l’enroulement des feuilles ou le contrôle plus efficace de l’ouverture des stomates, l’accumulation des solutés compatibles intervenant dans l’ajustement stomatique ainsi que la réduction de la charge de l’énergie lumineuse concourent à cette stratégie (Larcher, 2000 ; Mitra, 2001).

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Esquive ou échappement

C’est la situation où la plante grâce à un rythme de développement spécifique, réussit à s’harmoniser à l’environnement de production, en échappant partiellement ou complètement au stress (Belhassen et al., 1995). Cette stratégie est surtout basée sur la modulation de la durée du cycle de sorte qu’il échappe au pic d’avènement du stress ciblé. Cette stratégie est efficace vis- à-vis des stress qui sont plus réguliers en termes de périodes d’avènement mais elle l’est moins pour les stress de nature intermittente.

Tolérance

Cette caractéristique représente la capacité de la plante à maintenir les activités métaboliques avec un potentiel hydrique bas, ceci grâce à l'ajustement osmotique (Morgan, 1984), à la rigidité des parois cellulaires ou la réduction de la taille des cellules pour maintenir la turgescence (Wilson et al., 1980). Les mécanismes par lesquels la tolérance ou résistance est achevée diffèrent selon les espèces végétales et la nature du stress (Foulkes et al., 2007). Du point de vue sélection, la tolérance est considérée comme plus bénéfique que l'échappement ou l'évitement, parce qu’elle s’exprime sous toutes les conditions (Saadalla, 2008).

L’impact du stress hydrique sur la plante se manifeste par des changements des caractéristiques de l’architecture qui sont très variables. Parmi ces changements on note le dépôt de la cire sur le limbe et la gaine foliaires, l’enroulement des feuilles, notamment la feuille étendard et le changement de son inclinaison vis-à-vis des rayons solaires incidents, le maintien d’une surface foliaire photosynthétiquement active plus longtemps grâce à une stabilité plus accrue de la chlorophylle. La cire cuticulaire est avantageuse dans l'adaptation des plantes à la sécheresse. Elle réduit la perte d'eau, ce qui permet le maintien d’un potentiel hydrique foliaire élevé, suite à l'augmentation de la réémission d’une part importante du rayonnement solaire reçu et la réduction de la perméabilité de la cuticule aux pertes d'eau par transpiration.

La modification du degré d’inclinaison du limbe de la feuille étendard parallèlement au rayonnement solaire incident et/ou son enroulement sont une réponse au déficit hydrique chez les espèces de céréales. Ces changements morphologiques gèrent efficacement la charge du rayonnement incident sur les feuilles (Boyer, 1996) ce qui amène par conséquent une réduction de 50 à 70% de la transpiration foliaire (Gusta et Chen, 1987).

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Pour économiser l’eau, la plante programme le dessèchement des feuilles âgées et la réduction de la surface foliaire verte même si la sénescence précoce des feuilles réduit fortement l'activité photosynthétique de la plante. Les cultivars tolérants maintiennent une activité photosynthétique raisonnable sous contrainte hydrique comparativement à des génotypes qui évitent ou échappent de ce phénomène. Foulkes et al. (2007) ont rapporté que la durée de vie de la feuille étendard présente une corrélation significative avec le rendement sous stress hydrique.

La présence de longues barbes est un avantage sous conditions de contraintes hydrique et thermique. Grace à leur surface de contact élevée avec l’air ambiant, elles assurent une meilleure ventilation de l’épi et une meilleure utilisation de l’eau. Cette caractéristique est suggérée comme critère de sélection des variétés de blés tolérantes à la sécheresse (Blum, 1986 ; Weyhrich et al., 1994).

La modulation de la capacité de tallage herbacé est une caractéristique de tolérance chez le blé. Le potentiel des talles émises est généralement de loin plus élevée que le nombre d’épis qui survivent et produisent le grain. De ce fait, certaines variétés réduisent l’émission des talles herbacées pour économiser l’eau disponible et l’utiliser pour produire du grain. Ainsi sous stress hydrique, Keim et Kronstand (1981) rapportent une réduction allant jusqu’à 55% du nombre de talles herbacées émises chez certaines variétés de blé tendre.

Quoique généralement le système racinaire des céréales soit de type fasciculé, se développant en surface, les résultats de certaines recherches montrent que les variétés qui tolèrent mieux la sécheresse possèdent la capacité de produire un système racinaire en profondeur. Ce type de système racinaire s’avère efficace dans la recherche d’une humidité résiduelle localisée dans les horizons profonds et qui serait utile pour faire un rendement acceptable comparativement au rendement nul observé en cas de sinistre (Blum, 1996). Ce type de variétés, lors de la répartition des produits de la photosynthèse, redirige plus d’assimilats vers les racines que vers la partie aérienne, se distinguant ainsi par un ratio racines/tiges plus élevé que celui qui caractérise les variétés sensibles. Narayan (1991) observe un meilleur enracinement sous stress hydrique chez les céréales, cependant le système racinaire des variétés tolérantes est profond que celui des variétés sensibles.

Sur le plan physiologique, l’impact des stress hydrique et thermique prend diverses formes, dont entre autres l’accumulation des osmolytes compatibles, la régulation des

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mouvements stomatiques, la dissipation de l’excès d’énergie lumineuse sous forme de fluorescence et le transfert des assimilats stockés dans les parties végétatives vers le grain. Ainsi le taux des acides aminés libres comme la proline augmente avec la sévérité du stress hydrique. Hale et Orcutt (1987) expliquent cette accumulation par des dommages dans les fonctions métaboliques des plantes stressées, qui ne peuvent utiliser l’azote et le stock sous cette forme moins nocive pour une plante stressée. Certains chercheurs expliquent que la proline joue un rôle de protection des systèmes membranaires (Boyer, 1996). Ainsi Li et al. (1992) mentionnent que les différences de capacité d'osmorégulation sont liées à la capacité d’accumuler des solutés compatibles tels que le potassium, les sucres solubles, les acides aminés, le calcium, le magnésium, et la proline. L’ajustement osmotique est le mécanisme le plus rapporté chez les variétés de céréales tolérantes aux stress. Ce mécanisme est associé positivement au rendement sous stress hydrique et thermique (Li et al., 1992).

Sous stress hydrique et thermique, les variétés de blé régulent différentiellement l’ouverture de leurs stomates pour minimiser la perte d’eau par transpiration. Une variabilité importante existe pour cette caractéristique entre variétés tolérantes, économes en eau, et les variétés sensibles, dépensières en eau. Ainsi Shimshi et al. (1982) ont comparé la réponse stomatique au stress hydrique chez plusieurs espèces de Triticum. Ils ont constaté que les stomates de ces espèces réagissent différemment. Les stomates de certaines variétés sont ouverts 2 jours après la suppression du stress alors que chez d’autres variétés l’ouverture n’est complète que 5 jours après la reprise de l’irrigation. Les mouvements stomatiques, s’ils affectent la sortie de la vapeur d’eau, ils gênent, en contrepartie, l’entrée du CO2 et limitent de

ce fait l’activité photosynthétique de la plante et son rendement globale. L’activité photosynthétique est aussi perturbée par les excès d’énergie lumineuse qui causent des dommages aux membranes thylacoïdales. Les variétés tolérantes dissipent l’excès d’énergie lumineuse sous forme de fluorescence, réduisant ainsi les dommages des membranes thylacoïdales et maintenant l’activité photosynthétique (Chaves, 2003 ; Shah et Paulsen, 2003).

Au cours de la phase de remplissage du grain, les stress hydrique et thermique accélèrent le dessèchement du limbe de la feuille étendard, annulant l’activité photosynthétique de ce dernier et réduisant l’accumulation des assimilats destinés à remplir le grain. Les variétés tolérantes font appel aux assimilats produits avant l’anthèse et qui sont stockés dans les parties végétatives notamment le dernier entre-nœud et le col de l’épi, pour remplir le grain. Ainsi Palta

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augmentation de 36% des réserves produites avant l’anthèse, stockées dans la tige et qui sont transférées vers le grain du blé tendre au cours du remplissage.