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d'un échantillon de médecins hospitaliers (n = 155)

Dans le document tel-00397901, version 1 - 23 Jun 2009 (Page 46-51)

La carte illustre les tendances observées au plan statistique mais permet de les préciser. Près de la moitié des médecins résident à l'intérieur de la ville centrale et péricentrale, principalement dans le quartier des Prébendes, des Halles et Cathédrale. Toutefois, une part non négligeable d'entre eux habitent en première couronne et manifestent une préférence pour les communes à fort capital réputationnel, environnemental et majoritairement pavillonnaires (St-Cyr, St-Avertin) ainsi que pour certains secteurs équivalents dans des communes mixtes (Tours-Nord, Joué-lès-Tours). Les périurbains sont proportionnellement peu nombreux mais suivent la même logique sectorielle en choisissant certaines communes socialement privilégiées (Fondettes, Ballan-Miré, Veigné, Vouvray) au détriment des communes plus populaires (La Ville-aux-Dames, Notre-Dame-d'Oè).

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53 profil sociologique mixte bénéficie de sa masse, jouit d'une double accessibilité (depuis Trousseau et Bretonneau) et présente des secteurs huppés à fort capital environnemental où ces médecins sont concentrés, principalement autour du lac des Bretonnières et sur le coteau nord (Figure 4). On est moins étonné de trouver ensuite les communes traditionnellement bourgeoises, peu denses, pavillonnaires et « paysagées », St-Avertin d'abord (9,3 % ) , puis St Cyr-sur-Loire (7,7 %) ainsi que son prolongement périurbain, Fondettes (4,1 % ) , qui présente depuis Bretonneau une très bonne accessibilité. Aux antipodes, les communes à réputation populaire et situées dans les varennes sont particulièrement répulsives : St-Pierre-des-Corps n'accueille que 0,5 % de la population médicale hospitalière et n'arrive qu'à la vingt neuvième place tandis que La Riche, pourtant située à proximité de l'hôpital Bretonneau et non loin de Clocheville n'atteint que la onzième place, avec un score de 1,4%! Dans notre échantillon, Yves incarne ce modèle. Ayant quitté le quartier des Prébendes il y a cinq ans, celui-ci a acheté un manoir de neuf pièces entourés de plusieurs hectares au pied du coteau du Cher, à Joué. Alors qu'il se défend d'avoir gardé une accessibilité automobile remarquable - « Lci, c 'est assez accessible, en huit minutes, je suis en centre-ville », il affirme avoir considérablement gagné en capital de logement - « On voulait plus de place, on voulait plus d'espace».

Ainsi, quand ils ne sont pas trop attachés aux modes pédestres - ce qui est le cas quand ils présentent une moindre citadinité généralement intelligible à la lumière de leurs parcours résidentiels - les médecins échangent volontiers un peu d'accessibilité contre une amélioration sensible de leur environnement.

Cependant, ces derniers ne sont généralement pas prêts à concéder trop d'accessibilité et ne sont qu'une minorité à vivre hors de la ville dense, soit moins d'un sixième. En outre, quand ils le sont, c'est très majoritairement en première couronne (soit 75 %). Ce faible engouement périurbain s'explique principalement par le fait qu'ils ont les moyens financiers, contrairement aux autres, d'investir un fort capital de logement (et d'environnement) à plus faible distance de la ville. Dès lors, comment expliquer le substantiel reliquat ? Le choix périurbain recouvre, semble-t-il, deux cas de figure. Pour un premier ensemble d'individus, l'abandon (relatif) de la logique d'accessibilité au profit des valeurs d'écart, d'espacement et de nature, correspond à un moment de l'itinéraire biographique, marqué par l'arrivée en Touraine qui, pour ceux ayant vécu à Paris, se caractérise fréquemment par une « décompensation périurbaine ». Elle correspond également au bas âge des enfants pour lesquels ils ventent le « grand air ». Dans notre échantillon, trois individus sont dans ce cas, et ont déjà (Bernard, Christian) ou projette (Jean-Christophe) un retour à la ville pour optimiser l'accessibilité urbaine de leurs enfants grandissants. Pour d'autres, l'abandon de la logique d'accessibilité au profit du logement est envisagé de manière plus durable. Dans ce cas relativement atypique et qu'incarne dans notre échantillon Pascal, c'est précisément le refus de la ville dense et la revendication d'une habitude et d'une identité «banlieusardes» qui explique la pérennité du choix périurbain. Remarquons à l'occasion que même dans ces exceptions périurbaines, le choix du lieu de résidence ne s'effectue pas au hasard et obéit à deux logiques. D'une part, les médecins valorisent les communes qui bénéficient d'un certain capital

« environnemental », souvent indexé sur leur valeur sociale, paysagère et/ou patrimoniale : Fondettes (15), Montbazon (7), Montlouis (6), Ballan-Miré (5), Luynes (5), Rochecorbon (4), Veigné (4), sur un total de 364. D'autre part, en fonction du lieu de travail, certaines grandes orientations sont privilégiées . Fondettes, Luynes et Ballan-Miré pour l'hôpital

2> En effet, si la proximité au lieu de travail ne joue qu'un faible rôle comme te montre par exemple

l'évitement de La Riche ou l'évitement de Chambray, et que les principales logiques résidentielles sont à chercher ailleurs, par exemple dans le choix de l'accessibilité à la ville ou dans le capital d'environnement, il

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Bretonneau ; Montbazon, Veigné, Esvres, Tauxigny pour l'hôpital Trousseau. Toutefois, pour ce dernier, le meilleur score périurbain, obtenu par Fondettes, montre que la logique

« environnementale » l'emporte largement sur la logique de proximité.

Pour conclure, retenons qu'en accordant une importance primordiale à l'accessibilité à la ville - qui s'explique à la fois par leurs moyens et leurs goûts -, les médecins présentent une relative unité. Celle-ci n'exclue pas qu'en fonction de leur culture propre, et de leur degré de citadinité, ils aient la possibilité d'échanger un peu de capital de situation contre du capital de logement, en choisissant la banlieue. Les nombreuses exceptions périurbaincs - un sixième tout de même - sont là pour relativiser ce trait. La prise en compte de la place dans le cycle de vie montre d'ailleurs que les choses ne sont pas si simples. Alors que les jeunes médecins en cours de qualification valorisent très fortement le centre-ville (environ 70 % y résident) parce qu'ils recherchent la proximité de leur lieu de travail (Chambray, La Riche), des petits logements ainsi qu'une rapide accessibilité aux ressources culturelles et festives qu'offre la ville, les médecins qualifiés (généralement âgés de plus de trente-cinq ans), sont pour une part d'entre eux plus enclins à troquer du capital d'accessibilité contre du capital de logement, ce qui explique un partiel rééquilibrage en faveur des espaces périphériques.

Les personnels non médicaux : un capital de situation plus faible

Les personnels non médicaux se différencient nettement des médecins et se caractérisent par un plus faible capital d'accessibilité : alors qu'ils n'investissent que faiblement le centre, ils s'orientent majoritairement vers la banlieue ou les communes périurbaines et habitent pour une part non négligeable (un sur cinq) à plus de vingt minutes de Tours. La prise en compte de stratégies de localisation plus fines - par exemple dans le choix des communes - renforce les marques de distinction. Toutefois, par delà ces traits communs, les stratégies résidentielles diffèrent sensiblement selon les catégories (ASH, AS, IDE) et exprime à cet autre niveau un jeu de position.

Premièrement, alors que les médecins affectionnent particulièrement le centre-ville, les personnels non médicaux y sont très nettement sous-représentés - soit seulement 20 %. Les raisons de ce relatif évitement sont simples et diamétralement opposées à celles que donnent les médecins. D'une part, ces individus n'ont pas les moyens d'avoir le logement qu'ils souhaiteraient en centre-ville - à savoir une maison individuelle avec jardin dans un quartier calme - et s'orientent de ce fait vers la banlieue ou les espaces périurbains. Dans notre échantillon, nous avons de nombreux exemples d'individus qui, après avoir vécu dans le centre comme jeunes adultes, l'ont quitté pour louer ou acheter plus grand, généralement une maison en périphérie2 4. D'autre part, contrairement aux médecins, les personnes porteuses d'une réelle disposition citadine - revendiquant par exemple une forte mobilité pédestre ou une accessibilité aux nombreuses ressources qu'offre la ville dense -sont rares, la majorité présentant, nous allons le voir, un « habilus » banlieusard ou périurbain. Par delà ces traits généraux, il existe néanmoins des différences sensibles selon les catégories. En premier lieu, les infirmières présentent un score moins faible que les autres (22,1 %) qu'elles doivent d'une part à la fréquence des mariages hypergamiques (enseignants, professions libérales) qui, associés à une forte citadinité, les rapproche parfois des médecins (Annette) ; d'autre part, à un taux de célibat relativement important

n'empêche qu'en fonction du lieu de travail, les localisations ont tendance à être orientées, optimisant les zones qui, tout en ayant les critères requis, présentent depuis le lieu de travail la meilleure accessibilité.

Pas moins de huit personnes sur seize, sans compter celles qui ne sont jamais passées par le centre.

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55 qui joue fréquemment en faveur de la recherche de petits logements, situés à proximité du travail et présentant une forte accessibilité urbaine (Catherine, Sophie). Pour ces deux raisons, il n'est donc pas rare de trouver chez les infirmières une forte citadinité. A l'inverse, les aides-soignantes présentent un score de cinq points inférieur. Chez celles-ci, le taux de célibat est plus faible, l'hypergamie plus rare et la revendication d'une citadinité exceptionnelle. Leur solvabilité leur permet d'investir en capital de logement - et l'on y trouve un très grand nombre d'accédants - mais souvent au détriment du capital de situation et au prix d'une « expulsion » en lointaine périphérie. Le score des ASH talonne celui des infirmières mais a une toute autre signification. Une bonne part d'entre elles n'ont pas les moyens d'accéder à la propriété en maison et demeurent en appartement, en formule locative - et fréquemment en HLM. Elles valorisent dans ce cas la proximité au lieu de travail : le centre ou la très proche banlieue2 3.

A l'inverse du centre, le choix de la banlieue est écrasant (40,4 % ) . Si celui-ci traduit, comme nous l'avons dit, l'échange de capital d'accessibilité contre du capital de logement - lié à la cherté de bien se loger en centre-ville - il est également l'expression d'un schème

« banlieusard » qui valorise le calme, la tranquillité ainsi que la fonctionnalité automobile de la banlieue et dévalue le centre-ville, décrit péjorativement par son « agitation ».

Parfois, ce choix apparaît moins comme le produit d'une rationalité financière que comme la manifestation d'un goût. Cet habitus banlieusard diffère sensiblement de l'habitus périurbain : il valorise l'écart et l'espacement tout en dénigrant la campagne au nom d'une certaine accessibilité. Dans notre échantillon, Fabienne, aide-soignante et résidant à St-Avertin en maison individuelle mitoyenne est dans ce cas : « On avait envie d'un jardin mais on n 'était pas campagne. Non, pour nous et pour les enfants, on voulait pas perdre trop de temps dans les déplacements ». Par ailleurs, l'analyse des communes de banlieue privilégiées dans les choix résidentiels sépare définitivement les personnels non médicaux des médecins. Mis à part Joué-lès-Tours, qui remporte à nouveau un grand nombre de suffrages lié à sa masse, à sa double accessibilité ainsi qu'à la diversité de ses formes d'habitats (IDE : 13,8 % ; AS/AP : 10,8 % ; ASH : 13,7 % ), le choix des autres communes fait apparaître deux logiques qu'on ne retrouve pas chez les médecins. D'une part, une rationalité proxémique, les communes les plus proches des hôpitaux étant les plus fortement investies, à savoir La Riche et Chambray-lès-Tours. Sans doute faut-il y voir la preuve quantitative que ces individus, moins exigeants en capital environnemental sont également moins enclins (pour cette raison) à investir en capital de mobilité. D'autre part, alors que les médecins attachent visiblement une importance à la réputation bourgeoise et au cadre, les personnels non médicaux investissent plus volontiers les communes populaires, La Riche et St-Pierre-des-Corps remportant des scores importants. Pour finir, la singularité de cet habiter banlieusard ne doit pas masquer une réelle diversité. Alors que les agents de service occupent principalement des appartements en formule locative (privée ou sociale), une part importante des infirmières ont eu les moyens - au moins jusqu'à une date récente - d'y accéder à la propriété, principalement en maison, tandis que les AS et, a fortiori, les ASH ne peuvent accéder qu'en plus lointaine périphérie.

25 Nous n'avons pas pu mener pour les personnels non médicaux une enquête « adresse » faute de sources.

Par extrapolation, à partir des quelques cas connus, nous pouvons penser que les IDF et les ASM résidant en centre-ville, n'habitent pas aux mêmes endroits, les unes privilégiant des résidences privées bien situées ou l'acquisition de petites maisons de ville dans les quartiers péricentraux, les autres s'orientant majoritairement vers les secteurs d'habitat social et collectif.

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Enfin, contrairement aux médecins, le choix des espaces périurbains est très important (34,2 % ) , y compris en deuxième et troisième couronnes2 6. Bien entendu, dans un contexte de ressources limitées, cette périurbanisation massive s'explique plus encore que pour la banlieue par le privilège accordé au capital de logement au détriment du capital d'accessibilité. Toutefois, l'argument économique n'épuise pas la réalité périurbaine et ces choix sont dans bien des cas une affaire de goût. Ils correspondent fréquemment à la manifestation d'un habitus « périurbain » qui, outre les avantages reconnus à la maison individuelle et au jardin, se manifeste par une forte attirance pour les espaces peu bâtis, largement végétalisés et ouverts, qu'ils nomment « la campagne ». Cette valeur s'explique généralement à l'aune des itinéraires biographiques, fréquemment marqués par une origine périurbaine ou plus franchement rurale. Nous aurons l'occasion de revenir sur la formation de cet habitus. En outre, remarquons à nouveau les fortes différences catégorielles. La faiblesse (relative) du taux de périurbanisation des AS H exprime le poids de la contrainte financière et les difficultés qu'elles ont à accéder à la propriété. Située au seuil de la solvabilité, l'accession dépend des revenus du mari, de sa capacité d'auto-construction (particulièrement forte quand il travaille dans le bâtiment) ou encore de situations particulières (héritage, origines rurales, mari agriculteur, etc.) A l'inverse, les AS/AP atteignent un score très élevé qui avoisine les 40 %. Comme nous l'avons dit, elles sont généralement juste au-dessus du seuil de solvabilité et ne peuvent accéder à la propriété en banlieue ni, à plus fortes raisons, dans le centre : elles sont « expulsées » en lointaine périphérie et sont les plus nombreuses à occuper les franges externes de l'aire urbaine.

Entre les deux, les infirmières se caractérisent par un taux de périurbanisation moyen : leurs profils sont plus diversifiés, échelonnés entre le centre, la banlieue et la première couronne.

Au final, parce qu'ils disposent de ressources financières plus limitées et qu'ils doivent choisir entre le capital d'accessibilité et de logement, parce qu'ils révèlent une moindre citadinité et qu'ils penchent généralement du côté du cadre et du confort domestique, les personnels non médicaux se distinguent très nettement des médecins. Toutefois, le jeu de la position sociale, qui intervient dans la définition de leurs moyens et dans la construction de leurs goûts, contribue singulièrement à les différencier et montre que les stratégies résidentielles, des ASH aux IDE, prennent un tour différent, les premières étant souvent en dessous du seuil d'accession quand les autres sont parfois très proches des médecins.

Comment ce jeu de la position sociale s'exprime-t-il dans la construction du capital de logement ?

Capital de logement et position sociale

Nous allons aborder beaucoup plus succinctement le capital résidentiel logement, d'une part parce que nous l'avons déjà partiellement évoqué, d'autre part parce que nous ne disposons pas, comme pour le capital de situation, de données quantitatives. Néanmoins, notre échantillon qualitatif nous permet d'échafauder de solides hypothèses et confirme en partie ce que les données relatives au capital de situation ont permis d'avancer.

2 6 Ces données illustrent une exurbanisation particulièrement forte des classes moyennes salariées, et donc d'une certaine manière la prégnance dans ces milieux solvables de l'accession à la propriété et du modèle

« pavillon plus auto » en périphérie. Les chiffres permettent de situer les limites (nécessairement floues) incarnées d'une part par les ASH - qui sont à la limite de la solvabilité - et d'autre part, les IDE dont le fragment supérieur à la possibilité de cumuler logiques d'accessibilité et de l'écart.

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