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D 2 Les différences vis-à-vis de l’externalisation classique

D’un point de vue « nature de la prestation et de l’acte d’achat », le fait de s’adresser à une foule -un fournisseur protéiforme à la fois multiple et singulier- modifie tant les échanges et interactions, dans l’expression des problématiques et la transmission du savoir, que dans l’alignement stratégique, à savoir l’attractivité des individus apportant une réelle valeur supplémentaire à l’entreprise, ou encore dans les modes de gouvernance/pilotage de la prestation.

Lobre explicite dans le tableau ci-dessous chacun des points :

Table 13 – Comparaison des critères de création de valeur : externalisation traditionnelle vs CrowdSourcing (Lobre, 2007)

Eléments source de création de valeur dans une relation

d’externalisation Externalisation traditionnelle

Externalisation Ouverte (CrowdSourcing)

Investissements dans des actifs spécifiques

Nécessaires pour « optimiser » les relations entre clients et fournisseurs. C’est en cela qu’ils sont source de création de valeur.

Reposent sur des compétences et infrastructures technologiques.

Transferts et partages des connaissances

Les prestataires seront plus performants si le client leur transmet des connaissances. Et le client sera plus performant s’il utilise ses prestataires comme sources de connaissances nouvelles

Ils sont limités par la nature de la relation, non pas à un prestataire identifié mais à la foule.

Complémentarité des ressources et des compétences

Il s’agit des synergies procurées par la relation lorsque les ressources et les compétences des deux entreprises « génèrent collectivement des rentes supérieures à la somme des rentes que chacun des partenaires pourraient obtenir en les utilisant de manière indépendante » (Dyer & Singh, 1998)

Cette complémentarité est centrale car il s’agit pour l’entreprise externalisatrice de rechercher dans la foule l’individu qui disposera de ressources et de compétences réellement complémentaires aux siennes afin de bénéficier par exemple d’une plus grande créativité.

Quant à l’individu auprès duquel est externalisée la tâche, il ne peut a priori, en tant qu’individu, exploiter seuls ses ressources et compétences relativement à ce type de tâche.

Bonne gouvernance

Une bonne gouvernance favorise la mise en place de mécanismes créateurs de valeur et permet de réduire les coûts cachés de l’externalisation. Deux modes de gouvernance sont distingués :

- Modes de gouvernance contractuels : constitués des coûts de transaction ex ante (coût de recherche d’un fournisseur, d’établissement d’un contrat) et ex post (coût de suivi du contrat et d’éventuelles renégociations). Ils sont plutôt onéreux.

Nécessite l’établissement de contrats formalisés et complets.

Limite les coûts de recherche des fournisseurs, mais peut induire des coûts de traitement des relations importants. - Modes de gouvernance non

contractuels : moins onéreux que les précédents ils sont formels (prise de participation dans le capital d’un fournisseur) ou informels (gestion de la relation par la confiance).

Renvoient à la problématique de la confiance envers un partenaire identifié versus confiance envers la foule déjà révélée par l’examen des risques de l’externalisation.

Olivier DEPREZ

Ces éléments permettent de mettre l’accent pour l’acheteur sur les « points d’attention » lors d’une démarche de CrowdSourcing.

Il s’agira ainsi de traiter au cas par cas, en fonction de la nature du challenge et de la forme de CrowdSourcing invoquée la meilleure manière de formaliser la connaissance transmise (ou récupérée), la forme de gouvernance/contractualisation la plus adaptée, et enfin la gestion de l’attractivité des ressources les plus complémentaires et génératrices de valeur pour l’entreprise.

Selon la teneur de savoir-faire et de connaissance implicite environnant la problématique à résoudre notamment, la démarche d’externalisation pourra différer et le CrowdSourcing pourrait ne pas être le meilleur choix :

Table 14 - Le CrowdSourcing d'Activités Inventives, catégorisé et vu par la Théorie des Coûts de Transaction (Burger-Helmchen & Pénin, 2012)

Problème intensif en connaissances tacites (savoir-faire) Problème codifié (information)

Spécificité Importante (relation maître-apprenti) Modérée

Incertitude (unité de transaction, valeur de la transaction) Forte Modérée si protection par PI, forte sinon (paradoxe d’Arrow)

Fréquence Transaction longue durée (apprentissage) Transaction quasi-instantanée

Coûts de transaction Elevés Modérés (si PI)

Burger-Helmchen et Pénin (2012) nous expliquent qu’un problème codifié est plus facilement CrowdSourçable.

b)

Dans le point de pénétration au sein de l’entreprise

Plus encore que dans une logique d’Open Innovation « traditionnelle » et centrée sur des fournisseurs, le CrowdSourcing va par ses interactions déplacer les interfaces de dialogue et d’échange, et ce, plus particulièrement dans le CrowdSourcing créatif Pull.

C’est un nouveau changement de paradigme pour l’acheteur qui doit à la fois gérer l’effet de ce changement sur ses prescripteurs internes, mais aussi vis-à-vis de son marché fournisseurs. Von Hippel (2005) l’illustre ainsi :

Figure 59 - Customers-as-Innovators approach (von Hippel & Thomke, 2005)

Selon Von Hippel (von Hippel & Thomke, 2005), ce changement fondamental permet d’éviter les essais-erreurs sans fin, avec des fournisseurs coupés du réel besoin du client final.

Pour autant au-delà de cette introduction d’incertitudes supplémentaires par une démarche nouvelle et innovante, au travers de contributeurs externes sur lesquels aucun pouvoir de subordination n’existe, avec des niveaux de compréhension/contextualisation, de partage d’enjeux et de culture non maîtrisables, l’alignement général avec la stratégie de l’entreprise doit être conservé, et la performance opérationnelle rester au rendez-vous.

L’acheteur en gérant cette interface qui étend l’entreprise aux delà de ses frontières ‘visibles’ (comprendre les partenaires connus, identifiés ou sourçables par les méthodes usuelles) fait preuve d’une capacité hyper-exploratoire, nous pourrions parler d’ « open-marketing achats ».

c)

Conclusion

Nous sommes au début d’un changement de paradigme, en témoigne cet extrait du Futuris27 dont la logique pousse

une fonction Achats à la rationalisation progressive de son panel, pour n’obtenir que les meilleurs fournisseurs au niveau stratégique, et envisager de co-construire la croissance de l’entreprise.

Figure 60 - Les trois modes de collaboration Achats avec le marché Fournisseurs, extrait du Futuris 2011

Au contraire de cette approche, le CrowdSourcing innovant28 inverse la pyramide en donnant accès au monde entier

la possibilité de contribuer au succès de l’entreprise ! Bienvenue à l’ « open marketing achats ».

27http://www.anrt.asso.fr/fr/futuris/futuris_2011.jsp#.V-_3_DuFUlI CrowdSourcing créatif

Olivier DEPREZ