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D´ eveloppement d’une m´ etrique sym´ etrique

1.3 Le th´ eor` eme de Poincar´ e

2.1.4 D´ eveloppement d’une m´ etrique sym´ etrique

Le but de ce chapitre est de d´ecrire les espaces de modules de certaines familles de m´etriques plates sym´etriques sur S2. Pour les ´etudier, on cherche `a se ramener `a des polygones, plus faciles `a param´etrer. Ceci se fait en d´eveloppant ces m´etriques dans R2 pour obtenir un polygone euclidien, dans l’esprit de l’article de Thurston [Thu98] (voir aussi [Par06] et [PB15]). Le cas des m´etriques sym´etriques est particulier : du fait de l’involution σ, toute l’information g´eom´etrique de l’espace (M, d, σ) est contenue dans un h´emisph`ere (l’adh´erence d’une des deux composantes de M ∖C). Il suffit alors de d´evelopper un h´emisph`ere dans R2, ce qui donne des polygones euclidiens relativement simples.

Image du d´eveloppement Soit (M, d, σ) une m´etrique sym´etriques `a n singularit´es distinctes. L’´equateur C partage M en deux h´emisph`eres isom´etriques par σ. Notons W un de ces h´emisph`eres ferm´es : M est obtenue en recollant deux copies de W le long de leur bord. Soit k le nombre de paires de singularit´es conjugu´ees : chaque paire est not´ee {yi, σ(yi)}, o`u yi est choisie dans l’h´emisph`ere W , et l’angle conique de yi est not´e θi. Soit m = n − 2k le nombre de singularit´es ´equatoriales, not´ees xj pour 1 ⩽ j ⩽ m, d’angle

conique φj.

Pour chaque paire de singularit´es conjugu´ees {yi, σ(yi)}, on choisit une g´eod´esique sym´etrique li entre les deux singularit´es, voir Proposition 2.1.5. Les li sont choisies de

mani`ere `a ce qu’elles soient toutes disjointes (voir aussi Figure 2.3). Un tel choix existe d’apr`es la proposition suivante, mais il n’est en g´en´eral pas unique.

Proposition 2.1.6. Pour chaque paire de singularit´es conjugu´ees {yi, σ(yi)}, soit li une g´eod´esique de longueur minimale entre yi et σ(yi). Alors les li sont deux `a deux disjointes. D´emonstration. Supposons que deux de ces g´eod´esiques, not´ees li et lj, se coupent. Soit

p un point d’intersection. li et lj sont sym´etriques, donc σ(p) est encore un point d’in-

tersection entre les deux g´eod´esiques. Consid´erons les deux segments g´eod´esiques l′ i et l

′ j

des g´eod´esiques restreintes entre p et σ(p). Si l′

i(par exemple) est de longueur strictement

inf´erieure `a l′

j, alors on peut trouver un chemin entre yj et σ(yj) plus court que lj. C’est absurde, donc l′

i et l ′

j sont de mˆeme longueur.

Dans une carte en p, l’image de chaque g´eod´esique (restreinte `a la carte) est un seg- ment passant par p. Les deux segments ne co¨ıncident pas (sinon, par connexit´e, les deux g´eod´esiques seraient ´egales, absurde car les singularit´es yi et yj sont distinctes), donc ils

se coupent transversalement en p. C’est absurde, car on peut encore trouver un chemin de longueur strictement inf´erieure entre yj et σ(yj)(par exemple), voir Figure 2.2.

b

lj li

p

Figure 2.2 – Le chemin entre yjet σ(yj)suivant lj jusqu’`a p, puis le segment en pointill´es, puis li jusqu’`a σ(p) et `a nouveau lj, est de longueur strictement inf´erieure `a lj.

Dans la suite, on d´enotera encore li le segment g´eod´esique li∩W . On va alors “ouvrir” l’h´emisph`ere W suivant les g´eod´esiques li, et le d´evelopper `a l’aide des cartes vers R2.

Consid´erons W ∖ {li}i=1,...,k. Pour chaque g´eod´esique li ˆot´ee, on recolle deux com- posantes de bord isom´etriques `a li, partant de yi. L’espace obtenu est not´e W′ : il est

compact et simplement connexe car les g´eod´esiques li ne se coupent pas. W′ admet un

atlas d’isom´etries vers R2, dont les changements de cartes sont des isom´etries euclidiennes positives. Pour tout point dans l’int´erieur de W′, il suffit de consid´erer une carte usuelle

de (M, d) incluse dans W ∖ {li}i=1,...,k. Pour un point p au bord de W′, quatre cas se pr´esentent :

— p appartient `a l’´equateur C et n’est pas une singularit´e : une carte en p est simple- ment la restriction d’une carte en p de (M, d) `a l’h´emisph`ere W .

— p appartient `a une composante de bord isom´etrique `a une g´eod´esique li ˆot´ee : toute

carte de (M, d) en p (restreinte `a l’h´emisph`ere W ) est s´epar´ee en deux composantes connexes par li. Une carte en p pour W′ est alors la restriction `a l’une de ces deux

composantes connexes, correspondant au cˆot´e suivant lequel p est recoll´e.

— p est une singularit´e ´equatoriale xj : une carte en p est la restriction `a W d’une carte

conique en xj ouverte suivant une g´eod´esique appartenant `a l’h´emisph`ere oppos´e

σ(W ). Son image est donc un secteur angulaire d’angle φj/2 du fait de la sym´etrie par σ.

— p est une singularit´e non ´equatoriale yi: une carte en p est une carte conique ouverte

suivant la g´eod´esique li.

Soit p un point de W′, et ϕ

U ∶ U ⊂ W′ → R2 une carte en p. Pour tout x ∈ W′, soit γ un chemin entre p et x : on peut le recouvrir par des cartes (en commen¸cant par la carte U fix´ee). En utilisant les changements de cartes, qui sont des isom´etries euclidiennes, on construit pas `a pas un chemin ˜γ de R2 isom´etrique `a γ, partant de ϕU(p). L’application d´eveloppante dev associe `a x l’extr´emit´e finale dev(x) du chemin ˜γ. Comme W′ est simplement connexe, dev(x) est ind´ependant du choix de γ et du recouvrement

par des cartes associ´e, donc l’application d´eveloppante dev ∶ W′

R2est bien d´efinie pour une carte initiale ϕU donn´ee.

Etudions l’image de l’application d´eveloppante. dev est une isom´etrie locale par construc- tion, donc l’image de tout segment g´eod´esique par dev est un segment euclidien de R2. En une singularit´e ´equatoriale xj, l’angle entre les images des deux segments g´eod´esiques

port´es par C est φj/2. En une singularit´e non ´equatoriale yi, les deux segments g´eod´esiques

au bord de W′ ont pour image deux segments faisant un angle θ

i en dev(yi). Ils sont or- thogonaux aux segments images de l’´equateur, puisque li est orthogonale `a C. On veut

montrer que l’image de dev est un polygone, comme d´ecrit Figure 2.3.

x1 W′ y1 y2 θ1 θ2 φ1 2 dev b b b b b b b b b b

Figure 2.3 – D´eveloppement d’une m´etrique `a 7 singularit´es, dont deux paires conjugu´ees. L’h´emisph`ere W est ouvert suivant les g´eod´esiques liet d´evelopp´e sur R2en un (7+2)-gone.

Proposition 2.1.7. L’application d´eveloppante dev induit une isom´etrie globale de W′sur

un n+k-gone S comme illsutr´e Figure 2.3 : il admet m sommets d’angles φj/2, j = 1, . . . , m, 2k sommets d’angles π/2, et k sommets d’angles θi, i = 1, . . . , k. Chaque sommet d’angle

θi est situ´e entre deux sommets `a angles droits.

On peut voir le polygone S comme un n-gone (o`u n est le nombre de singularit´es de la m´etrique) admettant m sommets d’angles φj/2 et k paires de sommets cons´ecutifs d’angles θi/2, modifi´e de la fa¸con suivante :

— si θi >π, on ˆote un triangle isoc`ele orthogonal au bord, bas´e sur le cˆot´e entre les deux sommets d’angles θi/2 (voir Figure 2.3),

— si θi<π, on recolle un triangle isoc`ele orthogonal au bord, bas´e sur ce cˆot´e, — si θi=π, l’image de la singularit´e yi par l’application d´eveloppante est au bord du

poly`edre.

Pour toutes les m´etriques ´etudi´ees dans les sections suivantes, les singularit´es conjugu´ees seront d’angle sup´erieur `a π.

D´emonstration. Surjectivit´e. L’image par dev de ∂W′ est le bord d’un tel polygone. Les

composantes de C priv´e des singularit´es ´equatoriales xj et des points d’intersection avec

les g´eod´esiques li sont des segments g´eod´esiques, donc leurs images par dev sont des

segments euclidiens. L’angle entre deux d’entre eux au niveau d’une singularit´e ´equatoriale xj est φj/2. L’angle au niveau de l’image d’une singularit´e non ´equatoriale yi est θi, et les deux segments issus de l’image de yi sont orthogonaux aux segments image de l’´equateur.

L’image du bord est donc une courbe ferm´ee qui d´elimite un polygone S comme d´ecrit dans l’´enonc´e de la proposition.

∂W′ est homotope au lacet constant dans W, donc son image par dev, ∂S, est aussi

un lacet trivial dev(W′). Ceci implique que S est enti`erement inclus dans dev(W). dev

est une isom´etrie locale, donc tout point de ˚W′ est dans l’int´erieur de dev(W ) (puisqu’il

est inclus dans l’image d’une carte, ouverte). En particulier, pour tout p ∈ W′, si dev(p)

est au bord de dev(W′

) alors p appartient `a ∂W′. Donc le bord de dev(W′) est inclus dans le bord de S. On a donc :

{ S ⊂ dev(W ′ ) ∂dev(W′ ) ⊂∂S , et S et dev(W ′

) sont compacts (donc ferm´es). Ceci implique que les deux ensembles sont ´egaux : S = dev(W′

). On obtient de plus que pour tout p ∈ W′, dev(p) ∈ ∂S si et seulement si p ∈ ∂W.

Injectivit´e. Pour montrer l’injectivit´e de dev ∶ W′

→ S, on montre que c’est un revˆetement. Puisque S est simplement connexe, le th´eor`eme de rel`evement des chemins et homotopies (voir [Hat02] p.60-61 pour le th´eor`eme et ses cons´equences) implique que dev est injective, donc que c’est une isom´etrie globale.

Soit x ∈ S. Montrons d’abord que x admet un nombre fini d’ant´ec´edents. Supposons le contraire. W′ est compact, donc il existe une suite d’´el´ements distincts p

n∈dev−1({x}) qui converge vers p′

∈ W′. Par continuit´e, p′ appartient aussi `a dev−1({x}). Or il existe une carte en p′telle que dev restreinte `a cette carte est une isom´etrie. C’est absurde, donc

x admet un nombre fini d’ant´ec´edents, not´es p1, . . . , ps.

Si x appartient `a ˚S, alors tout pi ∈dev−1({x}) appartient `a ˚W′. Il existe alors ε > 0 tel que les boules ouvertes B(pi, ε) sont deux `a deux disjointes, incluses dans ˚W′, et telles

que dev restreinte `a chacune des B(pi, ε) est une isom´etrie. La boule B(x, ε) ⊂ S est donc

un voisinage admissible pour x ∈ S.

Si x appartient `a ∂S, tout ant´ec´edent appartient `a ∂W′. Le mˆeme raisonnement permet

de trouver un voisinage admissible pour x. dev est donc un revˆetement de W′ sur S.

A toute m´etrique sym´etrique `a n singularit´es, on peut donc associer via une applica- tion d´eveloppante un polygone comme d´ecrit Figure 2.3. R´eciproquement, ´etant donn´e un polygone respectant les conditions sur les angles de la proposition 2.1.7, on peut construire une m´etrique sym´etrique : pour chaque triangle isoc`ele ˆot´e, on recolle les deux cˆot´es au bord de S, ce qui donne une “pyramide” avec k sommets d’angles θi (ceci correspond aux

“convex caps” de [Fil11]). On recolle ensuite deux copies de cette pyramide le long de leur bord. L’espace obtenu est alors bien hom´eomorphe `a S2, localement isom´etrique `a R2

sauf au niveau des k paires de singularit´es conjugu´ees, et des m singularit´es ´equatoriales d’angles φj. La sym´etrie σ est celle qui ´echange les deux copies de la pyramide.

Dans la construction de l’application d´eveloppante, un choix diff´erent du point base p ou de la carte ϕU donnerait un hexagone S′ qui diff`ere de S par une isom´etrie positive

de R2. De mˆeme, le choix de l’h´emisph`ere σ(W ) au lieu de W donnerait un hexagone isom´etrique `a S par une isom´etrie de R2 qui renverse l’orientation. A chaque m´etrique, on peut donc associer naturellement une classe d’isom´etrie de polygones. Il faut noter cependant que cette classe n’est pas forc´ement unique : un choix diff´erent des g´eod´esiques de d´ecoupe li peut donner un polygone S′ qui n’est pas isom´etrique `a S. Le passage du

polygone S au polygone S′ peut ˆetre d´ecrit simplement en termes d’op´eration de type

”couper-coller” sur S.

Changements de g´eod´esique de d´ecoupe Les g´eod´esiques sym´etriques de la m´etrique (M, d, σ) autres que les li sont visibles sur le polygone S. Elles sont repr´esent´ees par des

segments dans S, puisque l’application d´eveloppante est une isom´etrie, et sont orthogo- nales au bord du polygone d’apr`es la proposition 2.1.5. Les g´eod´esiques sym´etriques sont de deux type dans S. Soit l une g´eod´esique sym´etrique entre les singularit´es yi et σ(yi),

diff´erente de la g´eod´esique de d´ecoupe li :

— si l n’intersecte aucune des g´eod´esiques de d´ecoupe lj, alors l’image de l par dev

est un segment issu de dev(yi) et orthogonal `a ∂S, voir par exemple la g´eod´esique l′

2 sur la Figure 2.5,

— si l intersecte une ou plusieurs des g´eod´esiques lj, alors dev(l) est une union de

segments. Les discontinuit´es ont lieu aux niveau des lj comme d´ecrit Figure 2.4.

Le premier segment est issu de dev(yi), le dernier est orthogonal `a ∂S, voir la g´eod´esique l′ 1 sur la Figure 2.5. S αi γ π− γ l l b × ×

Figure 2.4 – L’image par l’application d´eveloppante d’une g´eod´esique de (M, d, σ) qui croise une g´eod´esique de d´ecoupe est discontinue.

Soit donc {l′

1, . . . , lk′} un ensemble de g´eod´esiques sym´etriques entre les paires de sin-

gularit´es {yi, σ(yi)} (1 ⩽ i ⩽ k), telles que les l′i sont deux `a deux disjointes. Soit S′ le polygone obtenu en d´eveloppant la m´etrique (M, d, σ) suivant les l′

i. S

peut ˆetre construit

`

a partir de S par une modification de type ”couper-coller”, voir Figure 2.5. Pour tous les i, 1 ⩽ i ⩽ k, tels que l′

i est diff´erente de li :

— S est d´ecoup´e le long des g´eod´esiques l′

i. L’espace r´esultant admet plusieurs com-

posantes connexes (leur nombre d´epend du nombre de g´eod´esiques l′

i diff´erentes de

li, et de leur nombre d’intersections avec les g´eod´esiques lj). Ce sont des polygones

dont les cˆot´es sont isom´etriques `a des portions de ∂S, des li ou des li′.

— les portions des anciennes g´eod´esiques de d´ecoupe li sont identifi´ees deux `a deux :

Le polygone obtenu est bien S′, qui d´eveloppe la m´etrique (M, d, σ) apr`es ouverture suivant

les g´eod´esiques l′ i. d´ecoupe suivant l′1 et l′2 identification suivant l1 et l2 l′1 l2′ l1′ l′2 l1 l1 l2 l2 b b b b b b b b b b b b b b b S S′

Figure 2.5 – Le polygone S est d´ecoup´e suivant les g´eod´esiques l′1 et l′2, puis recoll´e le

long des portions de g´eod´esiques l1 et l2. Le polygone S′ obtenu est le d´eveloppement de

la m´etrique correspondante apr`es ouverture suivant l′ 1 et l

′ 2.

Ces op´erations de “couper-coller” peuvent cependant ˆetre d´efinies de mani`ere ind´ependante de la m´etrique (M, d, σ), en consid´erant seulement le polygone S et les segments ortho- gonaux au bord comme d´ecrit pr´ec´edemment (que l’on appellera g´eod´esiques sym´etriques de S). Une modification de S comme d´ecrit ci-dessus sera appel´ee un changement de g´eod´esiques de d´ecoupe pour S.

Notons alors Mθ1,...,θk,φ1,...,φml’ensemble des classes d’´equivalence de m´etriques sym´etriques

`

a k paires de singularit´es non ´equatoriales d’angles θ1, . . . , θk, et m singularit´es ´equatoriales

d’angles φ1, . . . , φm. On rappelle que deux m´etriques sont ´equivalentes s’il existe une simi-

litude entre les deux qui pr´eserve la sym´etrie, voir d´efinition 2.1.3.

D´efinition 2.1.8. Consid´erons l’ensemble des polygones S comme dans la proposition 2.1.7 : ce sont des n + k-gones, admettant m sommets d’angles φj/2, et k triplets de sommets

cons´ecutifs d’angles (π/2, θi, π/2). Deux tels polygones sont dits ´equivalents s’ils diff`erent

d’une similitude et d’un changement de g´eod´esiques de d´ecoupe, comme d´ecrit au para- graphe pr´ec´edent.

On note Iθ1,...,θk,φ1,...,φm l’ensemble des classes d’´equivalence de ces polygones. Alors

par construction, on a la proposition :

est une bijection : ϕ ∶ Iθ1,...,θ k,φ1,...,φm → Mθ1,...,θk,φ1,...,φm [S] ↦ ⎡ ⎢ ⎢ ⎢ ⎢ ⎢ ⎣

m´etrique obtenue en identifiant deux `a deux les cˆot´es des triangles isoc`eles et en recollant deux copies de cet espace le long de leur bord

⎤ ⎥ ⎥ ⎥ ⎥ ⎥ ⎦

La surjectivit´e de φ est assur´ee par l’´etude du d´eveloppement des m´etriques. L’injec- tivit´e vient du fait que deux m´etriques ´equivalentes ont des h´emisph`eres isom´etriques, puisque la sym´etrie est pr´eserv´ee. Leur d´eveloppement diff`ere alors d’une similitude, et du choix des g´eod´esiques d’ouverture.