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PARTIE I - À CHAQUE CIAP SA STRATEGIE DES PUBLICS

4. F OCUS SUR LES MEDIATIONS PRIVILEGIEES

4.1. Entre désirs de médiation numérique…

Aujourd’hui, les médiations mises en place dans les CIAP peuvent être divisées en deux natures : les médiations classiques d’un côté, dans lesquelles nous retrouvons la médiation humaine avec les ateliers, matériauthèques, visites guidées, rencontres, etc. et les médiations numériques de l’autre. Cette deuxième catégorie fait l’objet d’un engouement très fort depuis plusieurs années, tant de la part des pouvoirs publics que des professionnels de la médiation et de l’ingénierie culturelle. Attrayante pour les publics des institutions culturelles, elle est désormais attendue par tous dans les lieux culturels. Car ses intérêts sont majeurs : elle offre l’accès à des ressources en très grand nombre, elle permet le partage d’informations et de commentaires de la part de tous. Elle incite les visiteurs à être plus actifs et à mieux s’approprier les contenus notamment par l’expérimentation, et provoque facilement des émotions chez ses utilisateurs.

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Jessica de Bideran nous le rappelle dans son avant-propos du guide Valorisation numérique des patrimoines (Bordeaux, 2017) 35 , quand l’interactivité devient le dispositif de communication privilégié dans la plupart des domaines culturels, l’échange de données de plus en plus précises permet autant d’offrir des informations extrêmement détaillées sur le patrimoine que d’en récupérer de la part des usagers. C’est ce qu’on appelle l’ère de la Big Data…

Il y a encore quelque temps, ces ressources numériques n’étaient pas si facilement accessibles, leur utilisation n’était pas évidente pour tout le monde. Aujourd’hui la démocratisation numérique, de plus en plus généralisée, permet à une majorité de personnes de les utiliser naturellement. Beaucoup le sont dans les CIAP, comme dans de nombreux lieux muséographiques : des applications mobiles à la réalité virtuelle et augmentée, en passant par la RFID, les bornes interactives et les visites virtuelles, des sites web « classiques » aux MOOCs, des serious games à l’Open Data et l’Open Source, etc. Il existe pléthore de solutions numériques, adaptables plus ou moins facilement aux contraintes de chaque type de public et de chaque lieu.

Certaines sont plus usitées que d’autres. Stéphanie Vitard-Gibiat, l’animatrice de l’architecture et du patrimoine d’Angers et Simon Sappa, ingénieur culturel et dirigeant de l’agence Anamnesia, en ont fait le constat, chacun de leur côté. S’il y a des éléments que l’on retrouve dans quasiment tous les CIAP et qui sont expressément demandé par leurs chefs de projet, ce sont les maquettes et plans interactifs des territoires.

Ils consistent en de grands plans-reliefs représentant le territoire plus ou moins en détail sur lequel une projection numérique vient apporter des informations plus précises et situées. Il est ainsi possible de montrer sur le même plan des informations sur la géologie ou les différents patrimoines de la localité. Ces plans présentent toutefois plusieurs soucis de taille que nous aborderons plus bas.

35 Ortiz, Marylise (sous la dir.), de Bideran Jessica et al. Valorisation numérique des patrimoines. Bordeaux : Sites et cités remarquables de France, 2017. Page 17

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4.2. … et questions objectives d’utilité

De plus en plus de professionnels le comprennent et mettent en garde les inconditionnels du numériques : s’ils sont utiles et attractifs, ces dispositifs doivent servir l’interprétation du patrimoine, pas l’inverse. L’association Sites et cités remarquables de France, dans l’un de

ses guides36, propose aux responsables de projets de CIAP de se poser plusieurs questions

avant de les choisir : pourquoi ces dispositifs ? Qu’interprète-t-on ? Pour quels types de publics et quelles attentes ? Quel est le message à transmettre ? Quels objectifs sont à atteindre ? Et enfin, quels supports et quels médias doit-on privilégier ?

Ces questions nous font penser aux fameux objectifs SMART des plans de communication, qui doivent être spécifiques, mesurables, atteignables, réalisables et temporellement défini… Ce n’est pas étonnant : ce sont des dispositifs de communication financés par les deniers publics, qui doivent être utilisés dans un cadre défini et validé par les autorités compétentes. Ils doivent ensuite prouver leur intérêt ou donner des indications suffisantes pour être améliorés.

Il faut bien comprendre qu’un dispositif numérique, aussi attractif qu’il en ait l’air, ne sera pas utilisé par les publics quels qu’ils soient si son intérêt est nul. C’est le résultat d’études sociologiques dont nous avons eu vent par Noémie Couillard, sociologue et co-fondatrice de l’agence Voix/publics, spécialisée dans l’étude des publics dans les centres d’interprétation et sites patrimoniaux.

Plusieurs autres problèmes ont été relevés sur les médiations numériques, et pas seulement à propos des plans-reliefs : alors que le coût du matériel numérique est relativement élevé, il est fréquent de se retrouver face à du matériel hors services, dans les CIAP comme ailleurs. Là aussi, grosse frustration pour les publics comme pour les médiateurs qui souhaitent les utiliser pour leurs animations. Simon Sappa nous raconte ainsi avoir visité un CIAP de très grande qualité, le 5e lieu à Strasbourg, ouvert en fin d’année dernière. M. Sappa l’a visité trois ou quatre mois seulement après son ouverture et a été conquis par la scénographie de haut vol, qui lui a vraiment donné l’envie d’approfondir sa visite de la ville. Un bémol, et de taille : plusieurs écrans noirs portant la mention « hors service » l’ont empêché de creuser certains aspects du patrimoine strasbourgeois. Très décevant…

Selon lui, ces pannes qui arrivent régulièrement sur le matériel numérique peuvent être prévues en amont. Leur fréquence et la rapidité de leurs réparations dépendent de l’exigence portée sur la maintenance par la localité et les responsables du CIAP. Ce point est confirmé par Pauline Prévot, à Pontoise, qui nous a expliqué comment ses contrats de maintenance

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sont fixés. Elle prévoit des ampoules de rechange et le petit matériel à l’avance pour éviter d’être prise au dépourvu. Car une fois les lignes du budget annuel fixées par la commune, impossible d’en rajouter en cours d’année !

Mme Prévot nous indique un autre sujet sensible : tous les dispositifs ne peuvent s’adresser à tous les publics, d’où l’importance d’en prévoir un certain nombre, et différents les uns des autres. C’est aussi un bon moyen de palier aux éventuelles pannes, en permettant aux médiateurs de présenter leur patrimoine à l’aide d’autres ressources que celles prévues. Voire même de contourner les contraintes sanitaires d’une soudaine pandémie, empêchant la manipulation de certains dispositifs, qu’ils soient numériques ou pas…

4.3. Un contact humain et une expérimentation manuelle encore