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Désarmement, Démobilisation et Réinsertion (DDR)

6. Le genre dans les interventions au sein des conflits

6.2 Désarmement, Démobilisation et Réinsertion (DDR)

Les programmes de DDR sont destinés à réintégrer les anciens combattants dans le tissu social après un conflit. L'intégration de cadres sensibilisés à la problématique hommes-femmes dans ces

programmes est nécessaire dans la reconstruction au terme d'un conflit parce qu'elle encourage la participation égale des femmes et des hommes dans la négociation des processus de résolution de conflit et de construction de la paix, soit en tant qu'anciens combattants, soit en tant que membres d'une famille ou d'une communauté hébergeant d'anciens combattants. L'une des plus importantes fonctions des programmes de DDR est peut-être d'apporter des formations et un soutien aux anciens combattants, pour les aider à comprendre comment leur société a évolué sous l'impact du conflit et comment ils peuvent se réintégrer dans les structures sociales de l'après-guerre.

L'ONU reconnaît qu'il est essentiel, pour un développement et une paix durable, de faire en sorte que les anciens combattants, leurs familles et communautés d'accueil, de même que les personnes chargées de les réinsérer aient une certaine compréhension des dimensions de genre des conflits armés et de la

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reconstruction après la guerre. Ceci est illustré au point treize de la résolution 1325, qui appelle " toutes les personnes impliquées dans la Planification du Désarmement, de la Démobilisation et De la réinsertion à examiner les différents besoins des anciens combattants des deux sexes et à prendre en compte les besoins de ceux qu'ils ont à leur charge " (ONU 2000).

Les anciennes combattantes

Les femmes combattantes sont souvent plus marginalisées que d'autres groupes de femmes dans les sociétés touchées ou récemment affectées par un conflit du fait de leur engagement direct dans les combats militaires, généralement perçus comme un domaine typiquement masculin. À la différence de leurs homologues masculins, les anciennes combattantes sont souvent exclues de toute participation aux nouvelles structures politiques et ignorées des organisations de vétérans. (Farr 2002).

Les femmes combattantes bousculent les rôles socialement dévolus à chaque sexe

" Avant que la guerre commence, notre société était très conservatrice et rigide. Les femmes n'avaient pas leur place au milieu des hommes. Elles leur parlaient en baissant la tête. Qui aurait pensé qu'elles prendraient les armes ? Mais au cours des dix dernières années, les choses ont énormément changé. Nous voyons de jeunes femmes sur le champ de bataille qui se battent à égalité avec les hommes... Aujourd'hui, partout dans le monde, des femmes participent à des luttes armées. Pourquoi pas nos femmes ? Au lieu de mourir en hurlant, d'être violées par une armée ennemie, c'est un soulagement d'affronter l'armée avec [votre propre] arme. "

" Nos femmes ont prouvé qu'elles pouvaient tout faire... Nos femmes remplissent des tâches de police. Ce n'était pas le cas avant... J'apprécie leurs actes héroïques, leur assurance et les sacrifices qu'elles ont endurés seules pour le pays. Elles ne protègent pas seulement le pays, mais toutes les femmes de ce pays ". (Extraits du récit de Kokila de Jaffna, Sri Lanka, Bennett et al. 1995: 146)

Bien que des femmes citent des expériences positives en tant que combattantes et/ou perçoivent le travail d'anciennes combattantes comme un pas en avant, ces évolutions ne sont pas toujours durables du fait d'une gestion des programmes de DDR hermétique aux questions de genre. En l'absence de démarches sensibles à la problématique hommes-femmes, des services de réinsertion seront peut-être mis sur pied pour les hommes mais pas pour les femmes.

Réintégration et réinsertion : pour les hommes seulement ?

" Je connais des [organisations] qui s'occupent de garçons anciens combattants. Elles les aident à se réinsérer, les envoient à l'école, les aident à devenir ingénieurs, professeurs, ou ce qu'ils ont envie d'être. Elles leur fournissent de la nourriture, des vêtements [et] des services médicaux. Mais je n'ai jamais entendu parler d'un quelconque centre de réinsertion pour les femmes. La plupart des femmes se contentent de dire à leurs amies [qu'elles étaient combattantes]. Il n'y a pratiquement aucune femme qui dit que le gouvernement devrait essayer de les aider. (Extraits du récit d'Agnès au Liberia dans Bennett et al 1995: 37)

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Dans les rares cas où les femmes ont reçu des bourses de démobilisation égales à celles des hommes, comme en Érythrée, ce fut sans accorder de réelle attention à la complexité des rôles, des priorités et des responsabilités sexospécifiques.

Bourses de démobilisation en Érythrée

Les anciens combattants des deux sexes ont reçu des allocations de démobilisation sans considération de leurs rôles et obligations sexospécifiques dans l'après-guerre. Les mères isolées avec des enfants, par exemple, ont dépensé ces allocations en nourriture et médicaments pour pourvoir aux besoins immédiats de leur famille. Quant toute la somme fut consommée, ces femmes se retrouvèrent

appauvries et vulnérables. Leurs homologues masculins, par contre, investirent l'argent dans l'agriculture et le commerce, ou le placèrent à la banque. Du fait d'un manque généralisé de moyens, couplé à une marginalisation politique persistante, les organisations de femmes comme celles qui travaillaient en Érythrée étaient dans l'incapacité d'offrir un soutien ou des conseils adéquats aux femmes impliquées dans les programmes de DDR (Roche 1999), ou de se mobiliser pour dénoncer cet autisme à l'égard des questions de genre.

Transformer les relations de genre dans le contexte de l'après-guerre

Les anciens combattants ne sont pas les seuls à requérir soutien et assistance. De nombreuses femmes des communautés d'accueil deviennent chefs de famille en l'absence de soutiens de famille masculins. Les anciens combattants, s'attendant à retrouver leurs rôles de soutien de famille se trouvent confrontés à cette réalité que les femmes se débrouillent toutes seules et cet abandon des rôles masculins et féminins traditionnels n'est pas facilement réversible. Dans le même temps, les femmes qui se sont illustrées dans des rôles non stéréotypés en tant que combattantes, peuvent vouloir conserver la position dominante ou l'indépendance qu'elles ont gagnées durant le conflit, tandis que les hommes s'attendent à ce qu'elles rentrent à la maison et continuent de remplir leurs rôles assignés d'épouse, de nourrice et de mère.

Les services de guidance et autres manquent, qui soient capables de prendre en compte ces

conséquences sexospécifiques de la guerre sur les anciens combattants et les communautés d'accueil. Il est clairement besoin de programmes de DDR sensibilisés à la problématique hommes-femmes, qui prennent en considération ces rejets des rôles stéréotypés sous l'influence du conflit armé. Sans formation et assistance pour comprendre l'impact des conflits armés sur les rôles sexospécifiques, les relations de genre entre les anciens combattants et leurs familles et communautés d'accueil ne peuvent qu'empirer.

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Égalité des sexes en matière de DDR - Rwanda

La gestion de l'après-guerre au Rwanda est souvent citée comme exemple d'une intégration réussie de la notion de genre. Comme de nombreux autres aspects de la reconstruction au Rwanda, le programme de DDR intégrait un fort élément de genre. Les programmes de DDR eurent lieu dans des camps de démobilisation où résidaient, par exemple, 90 hommes âgés de 19 à 30 ans pour trois mois de formation à la réinsertion. Dans ce cadre, il reçurent une formation axée sur la problématique hommes-femmes pour les informer de changements intervenus dans la société rwandaise, comme l'adoption de nouvelles lois octroyant aux femmes des droits d'héritage et de possession. (UNIFEM 2002).

Bien qu'exclues des fonctions dirigeantes, la participation des femmes aux programmes de DDR est importante. Elles ont participé, par exemple, à des programmes en direction d'enfants soldats dans différentes zones de conflit. Les troupes de maintien de la paix de l'ONU en Bosnie ont également travaillé avec des femmes de la région pour récupérer les A.L.P.C. et d'autres armes illégales des mains d'ancien(ne)s combattant(e)s.

L'inclusion des hommes et des femmes anciennement marginalisés est fondamentale pour une opération de DDR réussie. Néanmoins, cette inclusion n'a pas été inscrite au rang des priorités dans les politiques, la législation ou les institutions de l'après-guerre, tant au niveau national qu'international. Le défaut de mise en œuvre effective du point 13 de la résolution 1325 s'explique par plusieurs facteurs, dont un manque de moyens, de financement et de formation du personnel.

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