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Dérivation du modèle bidomaine par homogénéisation

3.3 Modèles macroscopiques : modèles bidomaine et monodomaine

3.3.1 Dérivation du modèle bidomaine par homogénéisation

Afin de modéliser la propagation du potentiel d’action dans le tissu, il apparaît nécessaire d’utiliser des modèles macroscopiques homogénéisés. En effet, il est en pratique impossible de construire un modèle cardiaque comme un réseau de cellules : ce type de modèle nécessiterait une connaissance à une résolution sub-cellulaire de la structure cellulaire du tissu ainsi que des connexions électriques entre les cellules. Ceci nécessiterait des résolutions d’imagerie qui ne sont actuellement pas disponibles pour imager l’organe en entier, et des capacités de calcul extrême-ment importantes. Les modèles continus homogénéisés permettent de relâcher cette contrainte spatiale : les échelles spatiales sont d’un ordre de grandeur supérieur, ce qui permet une réduction importante du nombre de degrés de liberté lors de la discrétisation du problème.

Il est possible de dériver un modèle homogénéisé à partir d’une description fine de l’activité électrique au niveau de la cellule : c’est le modèle bidomaine, dont la première formulation a été proposée en 1978 [97].

Plusieurs techniques d’homogénéisation ont été proposées dans la littérature. Une première technique consiste à considérer un volume d’étude, et à faire la moyenne des potentiels électriques à l’échelle microscopique sur ce volume. En utilisant les relations électriques à l’échelle micro-scopique, on peut écrire une EDP sur les valeurs moyennes [98, 99]. Cependant, cette technique ne permet pas de dériver les valeurs des coefficients de conductivité et l’anisotropie du tissu : celles-ci doivent être étudiées par ailleurs. Une deuxième technique consiste à étudier un pro-blème unidimensionnel linéaire de diffusion, en supprimant l’activité ionique. Par une méthode à

7. Les alternans sont une alternance de potentiels d’action courts et longs dues à une adaptation électrophy-siologique des cellules à une stimulation à haute fréquence.

Figure 3.5: Modélisation d’un réseau de cellule idéalisé : les cellules sont organisées de manière périodique et les milieux intracellulaire et extracellulaire sont supposés connexes en trois dimensions. Les gap junctions sont ainsi considérés comme des pores de dimension caractéristique comparable aux dimensions de la cellule.

deux échelles, on peut retrouver les coefficients de diffusion macroscopiques en supposant connus les paramètres microscopiques [100]. Cette méthode peut être raffinée en modélisant la densité de gap-junction ainsi qu’une propagation électrotonique au niveau des disques intercallaires [19]. Une technique d’homogénéisation basée sur la théorie de la Γ-convergence a été proposée par Pennachio et al. [101].8

3.3.1.1 Exemple d’homogénéisation

Sont présentées ici les grandes lignes d’une méthode introduite par Colli-Franzone et al. [103]. On se donne un domaine d’observation Ω = Ωi∪ Ωe, composé d’un grand nombre de cellules de longueur dc réparties de manière périodique et connectées entre elles de manière à ce que les domaines intracellulaires Ωi et extracellulaires Ωe soient des domaines connexes — cf. figure 3.5. Une fois définies les dimensions caractéristiques macroscopique L et microscopique , on peut adimensionnaliser les variables :

– Une variable adimensionnalisée macroscopique ˆX = xL – Une variable adimensionnalisée microscopique ξ = Xˆ

 = dcx.

On adimensionnalise également le problème, qui s’écrit alors, sur une cellule Ω : 

∆ui,e= 0 sur Ω

i,e

(∂Vm

∂t + I(Vm)) = ∇uii = −α∇uee sur ∂Ω i,e

avec α = σe

σi. La première équation modélise le fait qu’il y a conservation de la charge électrique dans les milieux cytosolique Ωi et extracellulaire Ωe. La seconde équation écrit un bilan des charges sur la membrane cellulaire. Trois types de courants entrent en jeu. ∂tVmdécrit un courant capacitif : la membrane possède une couche isolante qui joue le rôle d’une capacité. I(Vm)décrit les courants transmembranaires. Pour simplifier, nous ne prenons pas ici de variables de porte. ∇uii prend en compte les courants ioniques entre deux cellules voisines, connectées par un gap junction. α∇uee prend en compte les courants ioniques diffusifs dans le milieu extracellulaire.

On peut considérer que pour tout t > 0, la fonction x → u(x, t) dépend en fait de deux variables d’espace, une observée à l’échelle macroscopique (X), l’autre à l’échelle microscopique (ξ).

8. Le modèle bidomaine repose notamment sur le choix de dimensions caractéristiques temporelles et spatiales. Si ce choix est différent, le modèle obtenu est différent. Par exemple, Amar et al. [102] proposent un travail d’homogénéisation prenant comme point de départ des hypothèses différentes d’échelle de temps pour la fonction capacitive. L’homogénéisation aboutit alors à une équation différentielle non standard avec effet mémoire.

On a :

xu(x, t) = ∇Xu(X, ξ, t) + −1ξu(X, ξ, t)

xxu(x, t) = ∆XXu(X, ξ, t) + −1(divXξu(X, ξ, t) + divξXu(X, ξ, t)) + −2ξξu(X, ξ, t)

On exprime formellement u(X, ξ, t) = u0(X, ξ, t) + u1(X, ξ, t) + 2u2(X, ξ, t) + ... que l’on injecte dans l’équation du problème adimensionnalisé — on remplacera uimais la même méthode peut s’appliquer sur ue. On identifie les coefficients de même ordre en  et on ignore les coefficients d’ordre 2 en . On aboutit à des systèmes elliptiques d’équations avec conditions de Neumann posés sur chaque cellule Ω

 ∆ξξu0 = 0 sur Ωξu0ξ= 0 sur ∂Ω  ∆ξξu1 = −2divxξu0 sur Ωξu1ξ+ ∇xu0ξ = 0 sur ∂Ω   

ξξu2 = −divxξu1− divξxu1− ∆xxu0 sur Ω

ξu2ξ+ ∇xu1ξ= −(∂tv0+ I(v0)) sur ∂Ω

v0 = ui,0− ue,0

Ces systèmes se résolvent en cascade à l’aide du lemme suivant.

Lemme 3.1 Soit Ω un domaine borné lipschitzien et S une partie de ∂Ω. Si f , f0 et g sont des fonctions 1-périodiques, mesurables, alors le problème : trouver u ∈ H1(Ω), u périodique, telle que



−∆u = f0− divf dansΩ ∇u.ν = f.ν + g surS

admet une unique solution H1(Ω) (à une constante près) ssi la condition de compatibilitéR

f0

R

Sg = 0 est vérifiée.

La condition de compatibilité peut être obtenue par l’alternative de Fredholm.

Le premier système montre que u0 ne dépend pas de la variable microscopique. Dans la deuxième équation, on peut voir que l’on peut écrire u1(t, x, ξ) = −w(ξ).∇xu0 + ˜u1(t, x) avec w = (w1, w2, w3)où wi est solution de l’équation ∆ξξwi = 0sur Ω, et ∇ξwi.ν = ±1 dans la iieme

dimension d’espace, 0 dans les autres directions. La condition de compatibilité de la troisième équation, ainsi que les substitutions de u1, donnent l’équation macroscopique

divxDixui,0= ˆβ(∂tv0+ I(v0))

où ˆβ = |∂Ω

i|/|Ω

i| et le tenseur de diffusion macroscopique Di s’écrit à partir des solutions wi

d’équations cellulaires particulières. Di = 1 |Ω| |Ω  i|I − Z ∂Ω i νi⊗ wiξ !

Ce tenseur prend en compte une anisotropie décrite par les fonctions wi. Cette anisotropie provient uniquement de la géométrie de la cellule, et ne prend pas en compte la distribution des gap junctions sur la membrane qui est considérée uniforme dans le problème cellulaire.

3.3.1.2 Expression du problème bidomaine

Après avoir effectué le même travail sur ue, une notation générique du problème complet peut être formulée comme suit :

               Am(Cm∂Vm

∂t + Iion(Vm, w)) − div(σi.∇ui) = Iapp sur Ω Am(Cm∂Vm

∂t + Iion(Vm, w)) + div(σe.∇ue) = Iapp sur Ω

tw + g(Vm, w) = 0 sur Ω

σi(ui).n = 0 sur ∂Ω

condition à la frontière pour ue sur ∂Ω

Conditions initiales

(3.2)

avec :

– Cm = capacité membranaire, exprimée en µF cm−1.

– Am = surface membranaire par unité de volume, exprimée en cm−1. – Vm= ui− ue = potentiel transmembranaire, exprimé en mV.

– Iion(Vm, w)et g(Vm, w)= fonctions décrivant les échanges ioniques à travers la membrane, exprimés en µA cm−3.

– σi et σe= conductivités intra et extra-cellulaires exprimées en mS cm−1. Ces tenseurs sont anisotropes.

– Iapp = courant extérieur appliqué, exprimé en µA cm−3.

– Ω = domaine représentant les tissus cardiaques. Les longueurs sont exprimées en cm. Les conditions à la frontière sur ue dépendent du couplage du cœur avec le reste du thorax. Les études se centrant sur les dynamiques électrophysiologiques du cœur font généralement l’hy-pothèse du cœur isolé : des conditions de Neumann homogènes sont également choisies pour ue, modélisant une isolation électrique. Le cœur peut également être couplé au thorax, de manière à simuler des ECG, par exemple. Des conditions de continuité du potentiel et du flux sont alors choisies.

Certains auteurs préfèrent l’écriture équivalente                Am(Cm∂Vm

∂t + Iion(Vm, w)) + div(σe.∇ue) = Iapp sur Ω div(σi∇Vm) + div((σi+ σe)∇ue) = 0 sur Ω

tw + g(Vm, w) = 0 sur Ω

σi(∇Vm+ ∇ue).n = 0 sur ∂Ω

condition à la frontière pour ue sur ∂Ω

Conditions initiales