Dom
de Gispert partit, en effet,pour
porterau
Roilasuppliquecapitulaire.Sa démarche
n'aboutit pas. Il en résulta pourtant que, sion
persistait àne
pas accepter laréforme,on
devrait, aussibienà Saint-Michel qu'à Arleset à Saint-Martin, se sécu-lariser, et former parlaréunion desmoines
de ces troisAbbayes un
Chapitre noble.A Cuxa, on
accepta cette proposition, mais à laconditionque
cenouveau
Chapitre auraitun Abbé
séculier, avecla résidence
au
monastèremême
de Saint-Michel, (Registre des délibérations capitulaires de Saint-Michel,page
11.)Sans
enavoirlacertitude absolue,nous
doutons que, à laCour
française,on
adhérâtà cettecondi-tion.
Ce
quinous
porte à penser ainsi, c'est qu'il n'en estplus question dans les délibérationscapi-10
146 HISTOIRE DE L^ABBAYE ROYALE
tulaires. CgvS
documents, au
contraire, trahissentun
esprit de persistance en haut lieupour
faire accepterlanouvelle réforme.Voici, à l'appui denotre appréciation,lesparoles textuelles
que
prononça, le 16 octobre 1773, le Prieurclaustralde
Saint-Michel,Dom
Ribes,devant touslesmembres du
Chapitre :« Je
ne me
sens pas d'autre courageque
celuide
mêler vos larmesaux
nôtres. Je ne m'entends pas enréflexion, formé presque dès leberceauaux
devoirs péniblesde
l'état religieux ; l'amour dontje vousvois brûler
pour
votre état vous instruira bienmieux que
je ne pourrai vous dire, etne
pre-nant conseilque
de Celui qui est la source de la lumière, sinous
n'avons pas laforce d'embrasserun
état plus pénible et plus laborieux, j'aurais la consolation de vous voir fidèlesaux engagements
prisavecle Cielet former la généreuse résolution de
ne
lesfinir qu'avec lavie.«
Ayant
déjà considéré avecvous
tous,dans une
délibération,que
la vocation à l'étatmonastique
est
un don du
Ciel etque
toute réforme prescrite par des lois supérieures peut faire des hypocriteset
non
devrais religieux,nous ne
pouvions, tanten
corpsque chacun
en son particulier,nous
assujétiraux
chefsde
réformeportésdans
labulle qui unit les officiers claustraux àlamense
conventuelle, etaux
éditsde 1768 et 1773.Les
lieux réguliers, telsque
réfectoire, dortoirs et autres, étant détruitsau
point qu'iln'enreste pas seulement detraces, ren-dentimpraticables l'exécution delaréforme etdesDE SAINT-MARTIN DtJ CANIGOU 147 édits, et font
que nous
nepouvons
pas accepter la réforme ordonnée. »(Registredes délibérations capitulairesde Saint-MicheldeCuxa,
page i6.)La
durée de la résistance des troisAbbayes
àcette réforme
imposée
parlePape
et le roi fut de onze ans. C'esten
1768que
Védit de LouisXV
parut, elles trois monastères, en 1779, étaient loin de vouloir se soumettre encore. L'allocution sui-vante,
prononcée dans
la salle capitulaire de Saint-Martin par le Prieurclaustral,Dom
FrançoisSicart, le i*^""septembre 1779, témoigne dela conti-nuation decette triple résistance :
« Ilsera très
humblement
représentédans
notre délibération capitulaire àSa
Majestéque
les bénéficesou
offices claustraux de ce monastère etdes
deux
autres demême
nature situés enRous-sillon, servent de retraite et de ressource
aux
enfants de familles nobles et honnêtesdu
pays, dontles facultéssontcommunément
tropmodiques
pour
leur procurer d'autres établissements;que
ce monastère fait partie de la congrégationde
Tarragone
qui existe enEspagne dans
l'état le plus florissant; que, par ces considérations, les dispositions des bulles et des lois générales con-cernant les réguliers en Francene
semblent pas devoir s'appliqueraux
monastères situés en Rous-sillonou du moins
àceux
qui font partie des congrégations étrangères ;que
si l'observance mitigée à laquelleles religieux de cemonastère se sont voués n'est pas aussi méritoireque
celle des congrégations réformées,elle estdu moins
toujours148 HISTOIRE DE l'ABBAYE ROYALE
respectableparl'essence des
vœux
monastiquesetparla
vie recueillie et retirée, à laquelle se consa-crentles religieuxqui viennenthabiterun
siaffreux désert ». (^Registredes délibérations capitulaires de l'Abbaye royale de Saint-Martindu
Canigou.)CHAPITRE XI
Sécularisation
de Saint-Martin Démarches à
ce sujetLes
religieux dignitaires de Saint-Martin en-voyèrent,en
effet,au
roi la délibération telleque
la motiva
dans
son allocution faite à la salledu
Chapitre, le Prieur claustral
Dom
Réart.Sa
Majestén'enaccepta pas les raisons.Ce
refus royalprovoqua
alorsde
lapartdes religieuxlademande
de sécularisation,ne pouvant
pas, disaient-ils, se soumettre àune
réforme dont la pratique leur paraissait, à eux, impossible, à tous les pointsde
vue.Dom
MarieGrumet de
Montpré, dernierAbbé commendataire de
Saint-Martinet successeurde Dom
Jacquesde
Durfort, étaitau
pouvoir depuis seulementdeux
mois, lorsque le 4 septem-bre 1779, les officiersdu
Chapitre se réunirentune
dernière foispour
réitérer avec instance àSa
Majesté LouisXVI
qui avait succédéà LouisXV,
DE SAINT-MARTIN DU CANIGOU 149 la
demande
de sécularisation. Ils prirent, en effet, la délibération dontla teneursuit :«
Nous
soussignés, réunisen Chapitre, considé-rant que, depuis dix ans,nous sommes menacés
d'être
mis
à la vie séculière, avons résolu de représenter àSa
Majesté très chrétienne,le roide
France,que
si cettemesure que nous sommes
loin de désireretque nous
avons pourtantdemandée,
parce qu'ilnous
est impossible d'accepterun
genre de vie telque
celui qu'onnous
propose",sicettemesure,dis-je, est irrévocablementdécidée, notre position
nous
force àdemander
qu'elles'effectue
au
plus tôt; et les principaux motifs
que nous
alléguons, sontlessuivants :« 1°
Nos
propriétés dépérissent, et laprudence ne Nous permet
plus d'en hasarder l'amélioration.Nous sommes
réduits à cinq officiers claustraux, presque toustrèsâgés, et lesuns
et les autres plusou moins
atteints d'infirmités: ce qui faitque
s'il en vient à décéderun ou
deux, la régularité, le culte, l'acquit desfondations devrontbientôt cesser dans le monastère.Les
survivantsne
pourront plus se secourirlesuns
les autresetserontexposés plusque
jamais à être pillésou
assassinéspar des brigandsdans
cette affreusesolitude. Cette crainte etla rigueur des hivers plusou moins
insuppor-table à notre âge, finiront peut-être par
nous
contraindre à chercherun
autre asile.Pour peu
d'ailleurs
que
notre rentréedans
le siècle soit retardée,Nous
serons hors d'état d'acquérir lesmoyens
d'y êtreutiles.IDO HISTOIRE DE LABBAYE ROYALE
« 2°
Nous
proposons qu'onNous
conserve,en
cas de dissolution, la jouissance des biens etrevenus de nos offices avec le surplus
que
le seigneur Abbe' fournit, selon ses obligations, à lacommunauté',
au
monastère, à l'églisemême,
consentant qu'il remette entre lesmains
d'un séquestrelasomme
à laquelleon
aura évalué les denrées,redevances, vestiaire et sel qu'il est tenu de distribueraux
moines.Que
si ce prélataime mieux
jouir lui seul de tous les biens et revenus des officiers claustraux, il devra s'engager àservir annuellementune
pensionde
800 livres, francheet quitte de toutes charges, dont il
augmentera
le taux proportionnellementaux
extinctions, jusqu'à ce qu'elle s'élève à 1400livres.Pour
prévenirtoute difficulté sur l'époque oiicommencera
cet accrois-sement, la valeur dechaque
office claustral sera fixée ainsi qu'il suit:«
La
grande prévôté, 2o5o livres; l'aumônerie, 600; l'infirmerie, 5oo
; la sacristie, 3oo
;, la prévôté d'Aureilla, 200
; la chambrerie, 200.
«
La
présente délibération, faite en triple ori-ginal, sera envoyée àSa
Majesté très chrétienne, LouisXVI,
roi deFrance
et de Navarre. »« Signés: f
Dom
Sicart, sacristain,prieurclaus-tral, vicaire-général.
f