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II. Matériaux à l’émulsion : propriétés mécaniques, démarche théorique et

II.3. Formulation des matériaux à l’émulsion de bitume : aspects « théoriques »

II.3.1. Démarche de formulation des matériaux à l'émulsion de bitume

La première étape de formulation consiste à définir une recomposition granulométrique du matériau à fabriquer. Il convient ensuite de fixer une teneur en liant résiduel et en eau totale dans le mélange. Des méthodes empiriques existent pour trouver ces paramètres.

Il est nécessaire de connaître quelques paramètres importants sur les granulats et/ou les agrégats. Avant de chercher la teneur en eau totale optimale du mélange, la teneur en eau des granulats et/ou des agrégats doit être connue. Souvent, les granulats et/ou les agrégats contiennent des fines qu’il faut quantifier avant de recomposer le squelette granulaire de l’enrobé.

La formulation d’un enrobé dépend aussi des caractéristiques de l’émulsion. Celle-ci doit, en effet, être compatible avec la matière minérale, c’est-à-dire favoriser la cohésion intergranulaire et l’adhésion. D’ailleurs, il est courant dans le domaine routier d’affirmer qu’il existe des couples émulsion/granulats. Le choix de l’émulsifiant et de l’acide de l’émulsion s’avère crucial. Une affinité chimique doit se produire entre les molécules de l’émulsifiant et le substrat minéral pour que le film de liant s’étale. De même qu’avec la matière minérale, il est nécessaire de connaître la teneur en eau de l’émulsion pour déterminer la teneur en eau totale du mélange. Cette approche repose en grande partie sur l’expérience et le tâtonnement, sans beaucoup de considérations physiques.

Pour la fabrication d’un enrobé à l’émulsion, les paramètres de procédé sont également à considérer. Il n’existe pas de méthode commune en France. A l’heure actuelle, les procédés de fabrication de ces matériaux restent des méthodes d’entreprise. Par exemple, pour les Bétons Bitumineux à l’Emulsion, la société SCREG propose un pré-enrobage à chaud des sables, puis un enrobage complet avec l’émulsion et les gravillons en une seule fois [90]. Dans le protocole établi

de formulation – Application aux Bétons Bitumineux à l’Emulsion enrobage séquencé. L’ensemble est mélangé dans le malaxeur [91].

Il est noté que les paramètres de procédé ayant une influence sur l’aspect et la cohésion du matériau final sont :

le type de malaxeur : il est souvent rapporté que selon la configuration des arbres (horizontaux ou verticaux), la répartition de l’émulsion sur le substrat minéral peut varier,

l’inclinaison du malaxeur, la vitesse de malaxage,

le temps de malaxage : pour une formule à teneur en eau totale faible, plus le temps de malaxage est long, moins le mélange final sera maniable. Pour une formule à teneur en eau totale élevée, plus le temps est long, plus l’exsudation d’eau sera forte.

La première étape de validation d’une formule d’enrobé consiste à observer l’aspect que cette formule présente juste en sortie de malaxage. Le résultat visuel dépend de la teneur en eau totale. Si celle-ci est faible, le mélange sera plutôt noir et « sec » et donc difficile à manier. Au contraire, à forte teneur en eau totale, le mélange présentera un aspect marron avec une exsudation d’eau plus ou moins forte (« soupe »). Il ne pourra alors pas forcément être compacté dans de bonnes conditions. La répartition du liant sur le substrat minéral est également observée. Cependant, les exigences sont différentes selon le type de matériau fabriqué. Pour un Béton Bitumineux à l’Emulsion (BBE), les granulats et/ou les agrégats doivent être intégralement recouverts de liant. Pour une Grave-Emulsion (GE), la fraction granulaire n’est pas intégralement enrobée. Pour évaluer la qualité d’enrobage de la formule finale, le pourcentage de granulats et/ou d’agrégats recouverts par le liant est estimé visuellement. L’enrobage est sujet à la surface spécifique totale de l’enrobé. Il est établi que les matériaux granulaires présentant une surface spécifique élevée (fillers, sables) vont adsorber plus de liant, au détriment des autres éléments (gravillons). Cette relation entre épaisseur de film et surface spécifique est caractérisée par une grandeur appelée module de richesse K [2] et définie comme suit :

5 TL K Σ α = équation II.2

TL est la teneur en liant résiduel de l’enrobé, α est un coefficient dépendant de la masse volumique réelle des granulats MVRg :

MVRg 65 , 2 = α équation II.3

Σ est la surface spécifique de l’enrobé défini par l’équation de Duriez [92] :

f 150 s 12 S 3 , 2 G 25 , 0 + + + = Σ équation II.4

G est la fraction granulaire de taille supérieure à 6,3 mm,

S est la fraction granulaire de taille comprise entre 0,25 et 6,3 mm, s est la fraction granulaire de taille comprise entre 0,063 et 0,25 mm, f est la fraction granulaire de taille inférieure à 0,063 mm.

de formulation – Application aux Bétons Bitumineux à l’Emulsion

Dans l’équation II.3, TL est exprimée en % ppc (partie pour cent), c’est-à-dire en pourcentage de liant par rapport à la masse de granulats secs. Cependant, cette unité a été abandonnée au profit de la teneur en %, c’est-à-dire en pourcentage de liant par rapport à la masse totale de l’enrobé (bitume + granulats et/ou agrégats). Dans tout le document, les teneurs en liant (comme les teneurs en eau totale) seront exprimées en %.

Des normes sur quelques matériaux à l’émulsion préconisent des valeurs minimales du module de richesse K. Pour un BBE, le module de richesse doit être de 3,6 minimum pour une émulsion à 60 % de liant [85].

L’efficacité du collage liant/substrat minéral réside dans la durabilité de ce collage, même sous l’effet de l’eau. Cette propriété est appelée adhésivité passive (cf. chapitre I).

La cohésion intergranulaire est également un critère de qualité pour un enrobé à l’émulsion. L’appréciation de la cohésion consiste généralement à un essai réalisé « à la main », où une pression manuelle de l’enrobé est effectuée, permettant d’apprécier le collage entre granulats.

Le mélange doit être suffisamment maniable pour être mis en œuvre sur le chantier. La maniabilité d’un mélange est évaluée « à la main », mais d’autres méthodes moins « empiriques », comme la méthode de mesure de couple ou le maniabilimètre Nynas existent. Celles-ci permettent d’évaluer la résistance de l’enrobé sous une sollicitation (torsion, cisaillement). Très souvent, cet essai est réalisé à différents temps de cure. Il est remarqué que plus ce temps est long, moins le mélange est maniable. Cet essai est nécessaire car le lieu de fabrication de l’enrobé peut être éloigné de celui du chantier. Le mélange doit donc être suffisamment maniable à l’issue du transport pour être mis en œuvre.

Une fois l’enrobé à l’émulsion fabriqué et jugé visuellement convenable d’après les critères énumérés ci-dessus, il convient de tester son comportement mécanique (cf. Figure II.3 (b)). La méthode d’évaluation diffère de celle adaptée aux enrobés à chaud (cf. Figure II.3 (a)) par un remaniement des essais ainsi que la prise en compte du mûrissement des matériaux. Par exemple, pour un enrobé à chaud, l’essai d’orniérage est réalisé à 60 °C ; ce qui est difficilement praticable pour les enrobés à l’émulsion qui sont davantage fragilisés pour des températures élevées.

de formulation – Application aux Bétons Bitumineux à l’Emulsion

Figure II.3 – Schéma d’étude de formulation pour les enrobés à chaud (a) et pour les enrobés à l’émulsion (b) [93,94].

Même après validation de toutes les étapes de l’étude, il n’est pas garanti que l’enrobé à l’émulsion, appliqué sur le chantier, présente les propriétés souhaitées. En effet, il n’existe pas de loi de transposition de petite à grande échelle, si bien qu’en pratique, il est nécessaire d’effectuer des allers et retours entre le laboratoire et le chantier.