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II. 4.2.4.4. Caractérisation du liant extrait des enrobés

III.4. Comportement de la matière minérale en milieu aqueux en présence

d’émulsifiant

L’adsorption électrostatique d’émulsifiant à la surface minérale est un des mécanismes recensés dans la littérature comme initiateur de la rupture des émulsions de bitume. Bien que ce phénomène ait été étudié dans le domaine routier, les études concernent des systèmes granulaires pétrographiquement homogènes, comme la silice ou le quartz [76,113–116]. Peu de références concernent l’adsorption sur substrat hétérogène [117,118]. Dans ce travail de thèse, l’adsorption

de l’interface émulsion de bitume/substrat minéral étudiée par des mesures de mobilité électrophorétique.

III.4.1. Rappel théorique sur le potentiel zêta

Il est rappelé qu’une particule chargée (négativement par exemple) possède une double couche électrique (cf. chapitre I) constituée de :

la couche de Stern contenant les contre-ions,

la couche diffuse. Plus les ions se situent loin de la couche de Stern, plus leur concentration diminue.

L’épaisseur de la double couche κ-1, appelée également longueur de Debye, s’exprime ainsi :

I N e 2 T k A 2 B r 0 1 = ε ε κ équation III.1 où ε0 et εr sont respectivement la permittivité du vide et la constante diélectrique du milieu, kB est la constante de Boltzmann (1,38 10-23 J/K), T est la température, e est la charge de la particule, NA est la constante d’Avogadro et I est la force ionique du milieu. Plus la force ionique est élevée, plus la double couche est comprimée.

Du fait d’une charge de surface sur les particules, des effets électrocinétiques peuvent se produire [119] :

sous l’effet d’un champ électrique, les particules se déplacent alors qu’elles sont en suspension dans un liquide au repos : c’est l’électrophorèse,

à l’inverse, sous l’effet, d’un champ électrique, le liquide se déplace alors que les particules restent immobiles : il s’agit d’électro-osmose,

lorsqu’un liquide se déplace alors que les particules sont fixes, un champ électrique appelé potentiel d’écoulement peut être créé,

lorsque les particules se déplacent dans un liquide fixe, un champ électrique peut être créé : c’est le potentiel de sédimentation.

Dans le cas de l’électrophorèse, la vitesse des particules sous un champ électrique est appelée vitesse électrophorétique v. Le rapport de cette vitesse sur la norme du champ électrique E est appelée mobilité électrophorétique µ :

E v

=

µ

équation III.2

Lorsque la particule se déplace dans un liquide, les ions de la couche de Stern et ceux de la couche diffuse proches de la couche de Stern se déplacent en même temps. La barrière fictive séparant ces ions avec ceux de la couche diffuse est appelé plan de cisaillement. Le potentiel électrique au niveau de ce plan est appelé potentiel zêta ζ (cf. Figure III.6).

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Figure III.6 – Définition du potentiel zêta d’une particule chargée négativement [120]. La valeur du potentiel zêta est exprimée à partir de la mobilité électrophorétique. Lorsque aκ < 1 où a est le rayon de la particule, ζ et µ sont liés par la relation de Henry :

η κ ζ ε = µ 3 ) a ( f 2 r équation III.3 où η est la viscosité du milieu et f(κa) est la fonction de Henry, prenant généralement les valeurs 1,5 et 1,0. Lorsque aκ >> 1, c’est-à-dire lorsque la particule est grande et en milieu à force ionique élevée, ζ et µ sont liés par la relation de Smoluchowski :

ζ η ε ε = µ r

équation III.4

III.4.2. Protocole expérimental de mesure du potentiel zêta des granulats en absence et

en présence d'émulsifiant

Pour chaque nature minéralogique (gneiss, diorite, calcaire), une fraction 0/2 est broyée, tamisée pour obtenir des particules dont la taille est inférieure à 0,063 mm et séchée à 105 °C jusqu’à masse constante. Les granulats n’ont pas été lavés, bien qu’ils contiennent des argiles (cf. III.1.1) et que les argiles possèdent une charge de surface [119,121]. Il était nécessaire de caractériser les granulats à leur état « brut ». De plus, la quantité d’argiles est suffisamment faible pour induire un changement significatif sur le potentiel zêta. Pour tous les essais, 15 mg de granulats ont été introduits dans des flacons contenant 20 ml de liquide. Le système est laissé au repos pendant 30 minutes, temps nécessaire à la phase liquide pour atteindre un pH constant. Passé ce délai, le système est soumis à une agitation magnétique pendant 1 à 3 minutes pour mettre en suspensions les particules qui ont sédimenté. Environ 1 ml de la suspension est prélevé et introduit dans la cellule électrophorétique (cf. Figure III.7). Cette cellule est en forme de U et contient deux

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à-dire avec un décalage de phase entre le faisceau diffusé et le faisceau de référence [121]. La détermination du potentiel zêta comprend deux étapes. Au cours de la première étape, la mobilité est mesurée en appliquant un courant alternatif rapide pour éviter la polarisation des électrodes. Dans la seconde étape, le courant est inversé en une seule période pour définir la résolution du potentiel [121].

Les essais de mobilité électrophorétique sont réalisés sur un zêtamètre (Zêtasizer ZS, Malvern Instruments) (cf. Figure III.7). Au vu de la taille des particules, la mobilité électrophorétique est convertie en potentiel zêta selon l’équation de Smoluchowski. La température d’essai est de 25 °C, la viscosité est égale à 0,8862 mPa.s. et la constante diélectrique est prise à 78,5. La charge initiale des granulats en suspension est d’abord évaluée dans l’eau pure. Plus particulièrement, le potentiel zêta des suspensions est mesuré en fonction du pH en solution. Tous les essais sont réalisés en présence d’un électrolyte (NaCl 0,01 M) afin de fixer la force ionique du milieu. Le pH est varié sur la gamme 2-12 en ajoutant des solutions de HCl ou NaOH concentrées à 0,1 M et 1 M. Dans le cas du calcaire, il a été remarqué que pour les valeurs de pH comprises entre 2 et 6, les liquides passaient d’un aspect turbide à transparent, signe d’une dissolution du calcaire à ces pH. Par conséquent, seuls les résultats de potentiel zêta sur les pH compris entre 8 et 12 ont été considérés.

Pour rendre compte de l’adsorption électrostatique d’émulsifiant sur les granulats, des essais de potentiel zêta ont également été effectués en présence des émulsifiants de l’étude (diamine, polyamine et ammonium quaternaire) à la concentration de 2,2 % en phase aqueuse, soit 23 g/l. Cette concentration est supérieure à la concentration micellaire critique (CMC) des émulsifiants (cf. III.5.1.2). Le ratio solide/liquide est le même que celui des essais dans l’eau pure. Le même électrolyte (NaCl) à la même concentration a été ajouté dans les flacons d’émulsifiant. Les potentiels zêta ont été mesurés pour trois valeurs de pH : 2, 6 et 9. Les pH ont été ajustés par ajout de solutions de HCl et de NaOH, comme précédemment.

Figure III.7 – Cellule électrophorétique (a) et zêtamètre (b).

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