• Aucun résultat trouvé

II. 4.2.4.4. Caractérisation du liant extrait des enrobés

II.4.4. Conclusions sur l’étude de formulation

La méthode adoptée pour l’étude de formulation a permis de fabriquer des Bétons Bitumineux à l’Emulsion (BBE) avec ou sans agrégats d’enrobés. Il a été nécessaire de procéder en différentes étapes afin de définir les paramètres sur l’émulsion et les paramètres de mélange (courbe granulométrique, teneur en liant résiduel, teneur en eau totale). Il a été mis en évidence dans ce travail que les paramètres de procédé avaient un impact non négligeable sur l’aspect final des mélanges. En effet, les énergies de malaxage fournies lors des essais d’ajustement, des essais à petite échelle et à échelle intermédiaire sont différentes, si bien que l’aspect hydrique, la cohésion et l’enrobage des formules étaient différents d’une échelle à une autre. Ainsi, après les essais d’ajustement, il a été nécessaire de paramétrer à nouveau les teneurs en liant résiduel et eau totale des mélanges. Entre la petite échelle et l’échelle intermédiaire, les différences sur les propriétés visuelles des mélanges peuvent également être attribuées au procédé de fabrication d’émulsion qui a changé. En effet, les paramètres d’émulsification sur l’Emulbitume et ceux appliqués sur le moulin colloïdal d’usine sont différents, bien que les propriétés finales de ces émulsions soient similaires.

A échelle intermédiaire, la formule F1 montre des résultats satisfaisants en termes de propriétés visuelles et de propriétés mécaniques. La formule F2 a un pourcentage de vides élevé en PCG, mais possède toutefois une bonne tenue à l’eau et une bonne rigidité d’après les résultats. Ceci

de formulation – Application aux Bétons Bitumineux à l’Emulsion

est en grande partie lié à l’effet bénéfique des agrégats dans cette formule. A grande échelle, les propriétés de la formule F1 sont satisfaisantes. Les pourcentages de vides trouvés en PCG sont légèrement plus élevés que lors des essais à échelle intermédiaire, tandis que la compacité en place est élevée ; ceci est dû à un compactage insuffisamment efficace avec un seul mode de compactage (cylindres). Les modules complexes obtenus sur éprouvettes PCG sont très bons car la compacité des corps d’épreuve est bonne. Après 15 mois de mûrissement, la planche expérimentale a pu être carottée et testée en laboratoire. Le module complexe trouvé est satisfaisant au regard du pourcentage de vides obtenu et la compacité en place a augmenté grâce au post-compactage induit par le passage des poids lourds sur la planche.

Bilan du chapitre II et formulation de la problématique scientifique de la thèse

Une méthode de formulation a été proposée et établie afin de réaliser en laboratoire et en vraie grandeur des matériaux à l’émulsion contenant des granulats neufs et/ou des agrégats d’enrobés. A la suite de cette méthode, des interrogations sur le comportement des matériaux à l’émulsion obtenus peuvent se poser :

la rupture de l’émulsion sur les granulats de gneiss et les agrégats d’enrobés a été rapide, et davantage lors des essais à l’échelle intermédiaire et à grande échelle. Le changement d’échelle est certainement à l’origine de l’accélération de la vitesse de rupture de l’émulsion, mais est-ce le seul facteur ? D’après les connaissances sur les mécanismes de rupture d’émulsion détaillés dans le chapitre I et les essais de caractérisation des granulats et/ou agrégats, l’adsorption d’émulsifiant peut être la cause de la rupture chimique de l’émulsion. Mais la méthode empirique de formulation ne permet en aucun cas de répondre à cette hypothèse,

l’enrobage des formules était satisfaisant, même si les gros grains ont été moins bien enrobés que les fractions fines. La surface spécifique est un facteur jouant sur les propriétés finales visuelles des mélanges, mais est-il le seul facteur ? De plus, le mouillage de l’émulsion sur le substrat minéral est-il optimal ?

pour d’autres granulats plus « réactifs », la remontée de pH aurait pu être le déclencheur de la rupture d’émulsion. Mais à quelle vitesse se serait faite cette rupture ? La rupture aurait-elle induit des modifications en surface pouvant perturber l’enrobage ?

avec un autre émulsifiant que celui utilisé (à base de polyamine), quelle aurait été la rupture de l’émulsion ou quel aurait été l’enrobage ?

Par conséquent, même en ayant obtenu des formules adéquates pour couche de roulement, il est à ce stade de l’étude difficile d’expliquer les réelles interactions entre l’émulsion et le substrat

de formulation – Application aux Bétons Bitumineux à l’Emulsion Pour ce faire, il est proposé de travailler à différents niveaux :

étude de l’interaction acide de l’émulsion/substrat minéral. Il ne s’agit pas de reprendre les éléments existant dans la littérature, mais d’apporter des compléments d’information, comme la cinétique de relargage d’ions provenant du substrat et l’effet de l’acide sur la structure et la morphologie du substrat. Ces données permettront de fournir des informations sur la vitesse de rupture d’une émulsion sur un substrat dit « réactif »,

étude de l’interaction émulsifiant/substrat. Le but n’est pas de déterminer l’adsorption d’un émulsifiant sur un substrat selon sa concentration (isotherme d’adsorption), mais de qualifier l’adsorption pour une concentration en émulsifiant représentative des conditions d’utilisation dans une émulsion routière, c’est-à-dire pour une concentration supérieure à la CMC,

étude de l’interaction de l’émulsion sur le substrat via l’évaluation de sa mouillabilité. L’objectif est de déterminer l’aptitude au mouillage selon la nature de l’émulsion, la nature et l’état de surface du substrat. Ainsi, cette étude donnera quelques indications sur l’étalement, le mouillage et l’enrobage d’une émulsion sur un substrat donné.

Il est encore plus intéressant de faire le lien entre cette approche scientifique et les essais empiriques servant à caractériser la rupture, l’enrobage et l’adhésivité de l’émulsion sur le substrat. Les quatre chapitres qui suivent décrivent l’approche scientifique adoptée, les essais correspondant, les résultats obtenus et l’établissement d’une comparaison avec les essais normalisés pratiqués dans le domaine routier.

III. Caractérisation des matériaux et méthodes d’étude de l’interface

émulsion de bitume/substrat minéral

Dans ce chapitre sont présentés le matériel et les méthodes utilisés pour étudier les interactions acide/substrat, émulsifiant/substrat et émulsion/substrat. Afin de déterminer l’influence du substrat sur ces interactions, trois granulats de nature pétrographique différente ont été choisis : un de type gneiss, qui est celui employé lors de l’étude de formulation (cf. chapitre II), un de type diorite et un de type calcaire. Ils ont été extraits de carrières de l’ouest de la France. Les agrégats d’enrobés n’ont fait l’objet que d’une seule étude : celle de leur comportement en phase acide ; c’est pourquoi dans le reste du document le terme « substrat minéral » désignera majoritairement les granulats. Trois émulsions ont également été employées. Elles diffèrent par la nature de l’émulsifiant : un à base de diamine, un à base de polyamine (cf. chapitre II) et un à base d’ammonium quaternaire. En fin de chapitre sont décrits les essais empiriques réalisés dans le domaine routier pour caractériser la rupture et l’enrobage des émulsions sur le substrat.

III.1. Caractérisation des granulats d’étude

III.1.1. Caractéristiques intrinsèques des granulats d’étude

Le gneiss est divisé en trois coupes granulométriques : 0/2, 2/6 et 6/10. La diorite comprend quatre coupes granulométriques : 0/2, 2/4, 4/6 et 6/10, tandis que le calcaire est divisé en trois coupes : 0/4, 4/8 et 8/12,5.

Le découpage granulométrique du calcaire n’est pas très courant dans le domaine des matériaux bitumineux, mais est fréquent dans l’utilisation des matériaux hydrauliques (bétons de ciment).

Un tamisage a été effectué sur certaines fractions granulométriques afin d’obtenir des classes granulaires plus classiques du domaine des enrobés (0/2, 6/10).

Les caractéristiques intrinsèques des granulats (masse volumique, teneur en eau, valeur au bleu de méthylène) sont regroupées dans le Tableau III.1.

de l’interface émulsion de bitume/substrat minéral

Tableau III.1 – Propriétés intrinsèques des granulats de gneiss, diorite et calcaire.

Nature pétrographique Classe granulaire Masse volumique (g/cm3) Teneur en eau (%) Valeur au bleu (g bleu/kg granulat) Gneiss 0/2 2,65 0,2 0,7 2/6 2,65 0,2 - 6/10 2,63 0,2 - Diorite 0/2 2,85 0,5 0,7 2/4 2,86 0,2 - 4/6 2,91 0,3 - 6/10 2,89 0,2 - Calcaire 0/4 2,74 0,1 0,4 4/8 2,60 0,0 - 8/12,5 2,71 0,0 -

Les granulats sont peu argileux, d’après les faibles valeurs au bleu obtenues. Il y a donc peu de risque d’action des argiles dans les phénomènes de rupture des émulsions avec ces matériaux. Les granulats sont en outre naturellement secs, ce qui indique que pour une formulation de ces matériaux avec de l’émulsion, il est nécessaire de les pré-humidifier pour permettre un meilleur collage (cf. chapitre II).

III.1.2. Caractéristiques physico-chimiques des granulats d’étude

III.1.2.1. Identification des familles de minéraux composant les granulats

La composition minérale de ces granulats a été déterminée par diffraction des rayons X (DRX). Pour se faire, un diffractomètre Bruker D8 Advance X-Ray (Bruker AXS GmbH, Allemagne) muni d’une anticathode en cuivre (longueur d’onde λ = 1,5418 Å) a été utilisé. Avant l’analyse, les fractions sableuses (0/2) de granulats ont été broyées et séchées à 110 °C pendant une nuit. Les diffractogrammes obtenus (cf. Figure III.1, Figure III.2, Figure III.3) ont été enregistrés entre 5 et 60° en mode θ-2θ avec un pas de 0,016° en utilisant la radiation CuKα1 et interprétés à l’aide du logiciel EVA Diffracplus®.

de l’interface émulsion de bitume/substrat minéral 0 1000 2000 3000 4000 5000 6000 7000 8000 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 55 60 In te n s it é Q Q Q Q Q Q F F F F F M Cl Cl Cl

Figure III.1 – Diffractogramme du gneiss. Légende : Q – quartz, F – feldspath, M – mica, Cl – chlorite. 0 500 1000 1500 2000 2500 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 55 60 In te n s it é Q Q Q Q Q Q F F F F Cl Cl Cl Cl M K H H H H

Figure III.2 – Diffractogramme de la diorite. Légende : Q – quartz, F – feldspath, M – mica, H – hornblende, Cl – chlorite, K – kaolinite.

de l’interface émulsion de bitume/substrat minéral 0 500 1000 1500 2000 2500 3000 3500 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 55 60 In te n s it é Ca Ca Ca Ca Ca Ca Ca

Figure III.3 – Diffractogramme du calcaire. Légende : Ca – calcite.

L’analyse DRX a révélé la présence de quartz, de feldspath, de mica et de traces d’argile dans le gneiss (cf. Figure III.1). La diorite contient les mêmes minéraux que le gneiss, ainsi que de la hornblende de magnésium (cf. Figure III.2). L’analyse n’a pas permis de distinguer le type de feldspath ou de mica en présence. Néanmoins, une analyse primaire simplifiée sur le gneiss a montré que le mica était majoritairement de la biotite. Le calcaire est composé de calcite pure (cf. Figure III.3).

III.1.2.2. Composition chimique des granulats

L’analyse chimique des granulats a été réalisée par spectroscopie d’émission optique couplée par induction de plasma ou ICP-OES. L’essai consiste à quantifier les éléments présents dans les granulats par détection de leurs signaux lumineux. Le principe et l’appareillage (720-ES, Varian, Inc.) sont représentés en Figure III.4. L’échantillon à analyser (très souvent sous forme liquide) est acheminé vers un nébuliseur dans lequel il va être vaporisé. L’échantillon est ensuite injecté dans un plasma d’argon à haute fréquence sous forme d’aérosol. Les particules de l’échantillon sont ionisées. Lors de l’ionisation, les électrons de chaque élément sont excités et émettent des photons lors de leur retour à l’état fondamental. Ces photons passent dans un ou plusieurs monochromateurs, puis dans des détecteurs. L’intensité de la lumière émise, propre à chaque élément, est comparée à celle de l’élément pur contenu dans un étalon préparé dans les mêmes conditions que l’échantillon. Le rapport d’intensité donne directement la concentration de l’élément dans l’échantillon. Les domaines de longueur d’onde comprennent celles de l’ultraviolet et celles du visible [110].

de l’interface émulsion de bitume/substrat minéral

Figure III.4 – Principe (a) et montage expérimental (b) du spectromètre d’émission atomique.

L’introduction des granulats à l’état solide est possible. Cependant, l’échantillon à analyser doit être homogène et bien échantillonné [111]. Pour éviter cette contrainte, les granulats ont été mis en solution par fusion alcaline. La procédure adoptée est celle décrite dans la norme ISO 14869-2 [112]. Une masse de 0,2 g de granulat préalablement broyé et séché est introduite dans un creuset. Cet échantillon est mélangé à 0,2 g de tétraborate de dilithium Li2B4O7 et à 0,8 g de métaborate de lithium LiBO2. L’ensemble est chauffé à 1000 °C jusqu’à dissolution de l’échantillon. Le produit de réaction obtenu, communément appelé « perle », est dissous sous agitation magnétique dans une solution diluée d’acide nitrique HNO3.

La technique d’ICP-OES a permis d’obtenir les concentrations en éléments majeurs (Al, Ca, Fe, K, Mg, Na, P, Ti, Si) exprimées en mg/kg de granulat (cf. Tableau III.2).

Tableau III.2 – Concentrations en éléments majeurs de chaque granulat (en mg/kg de granulat).

Granulat Al (mg/kg) Ca (mg/kg) Fe (mg/kg) K (mg/kg) Mg (mg/kg) Mn (mg/kg) Na (mg/kg) P (mg/kg) Ti (mg/kg) Si (mg/kg) Gneiss 65389 6245 12593 25198 2201 274 29691 252 777 352504 Diorite 72414 50793 72665 12761 25719 1363 24047 1107 11108 302493 Calcaire 451 401530 1003 386 2029 17 300 183 38 1657

Le calcium est l’élément majoritaire retrouvé dans le calcaire et le silicium est prépondérant dans le gneiss et la diorite. Il est possible par calcul de trouver le pourcentage en oxydes correspondant à chaque élément (Al2O3 pour l’élément Al, CaO pour l’élément Ca,…). Ainsi, le silicium est présent à hauteur de 75,5 % dans le gneiss, ce qui fait de lui un granulat acide au sens des pétrographes ; et à 64,8 % dans la diorite, ce qui la classe parmi les granulats acido-basiques.