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Démarche d’exploration hybride inscrite dans une logique abductive

Perceptions des dirigeants de la PME de la RSE et pratiques des Ressources

Section 1. Chemin heuristique et méthodologie de recherche

1.1 Notre positionnement épistémologique

1.1.2 Démarche d’exploration hybride inscrite dans une logique abductive

La démarche de recherche représente le mode de raisonnement emprunté par le chercheur pour étudier son objet de recherche. Elle permet à notre sens de décrire

le cheminement emprunté par le chercheur pour lier monde théorique et monde empirique tout au long de la construction de ses connaissances sur son sujet de recherche. Rappelons que nous adoptons dans ce travail la perspective selon laquelle le travail du chercheur en gestion aboutit à une interprétation par rapport à son objet de recherche et son questionnement. Une interprétation résulte de la mise en relation par le chercheur des données qu‟il a recueillies avec un ensemble de connaissances théoriques antérieures, comme nous l‟avons indiqué précédemment. Wacheux (2005) précise que ce lien entre les deux univers ne peut être parfait : « les situations sociales ne cadrent jamais parfaitement avec une modélisation, aussi complexe soit-elle ».

Ce travail de mise en relation peut se faire selon trois modes de raisonnement : l‟induction, la déduction, l‟abduction (Charreire, Durieux, 1999).

Peirce (repris par David, 2000) définit ces trois modes de raisonnement à partir d'un exemple :

Tableau 21: Les trois modes de raisonnement selon Peirce repris par David, 2000)

Déduction A- Tous les haricots de ce sac sont blancs. (règle)

B-Ces haricots viennent du sac. (cas) C-Ces haricots sont blancs (conséquence)

Induction B-Ces haricots viennent du sac. (cas)

C-Ces haricots sont blancs (conséquence)

A-Tous les haricots de ce sac sont blancs. (règle)

Abduction A-Tous les haricots de ce sac sont blancs. (règle)

C-Ces haricots sont blancs (conséquence) B-Ces haricots viennent du sac. (cas)

La déduction consiste à tirer une conséquence (C) à partir d'une règle générale (A) et d'une observation empirique (B).

L'induction consiste à trouver une règle générale (A) qui pourrait rendre compte de la conséquence (C) si l'observation empirique était vraie (B).

L'abduction consiste à élaborer une observation empirique (B) qui relie une règle générale (A) à une conséquence (C), c'est-à-dire qui permet de retrouver la conséquence si la règle générale est vraie. David (2000) explique ou conclut que l'abduction permet de générer des hypothèses (B), la déduction permet de générer des conséquences (C} et l'induction des règles générales (A).

Chacun de ces raisonnements joue donc un rôle particulier dans la construction de la connaissance. La plupart des raisonnements, et en particulier les raisonnements scientifiques, combinent les trois formes de raisonnement.

Pour approfondir les choix possibles d‟approches méthodologiques, Mbengué et al.., (1999) énoncent les différentes méthodes offertes aux chercheurs afin de spécifier les variables et concepts et de modéliser. Nous faisons le choix de nous limiter aux méthodes qualitatives répondant le plus à nos préoccupations. Ces méthodes sont :

- La méthode qualitative déductive : méthode qui consiste à l‟élaboration de codes issus de la littérature et du cadre conceptuel proposé. C‟est cette liste de codes déduits qui va être confrontée au terrain. Miles et Haberman (1991) ne manquent pas toutefois de recommander la liste de codes au contexte de la recherche. Ces chercheurs se positionnement d‟ailleurs comme suivant un positivisme logique « aménagé » Miles et Haberman (1991) dans leurs explications de leurs méthodes d‟analyse de données.

- La méthode qualitative inductive : cette méthode tente de faire émerger du terrain des concepts. Glaser et strauss (1967) et Strauss et Corbin (1990) ont développé cette méthode et proposent un système de « codage ouvert » ou « codage émergent ». Ce type de codage est présent dans notre recherche et en constitue d‟ailleurs une richesse. Toutefois nous ne dérogeons pas à la constitution de codes issus de la littérature lors d‟une première analyse de terrain. Cependant comme le soulignent Miles et Haberman (1991), notre première analyse du terrain s‟appuie sur une grille de lecture issue de la littérature (Irving et Sharma, 2005 ;

Paradas, 2007) ; les concepts étudiés sont donc à la fois, dans un premier temps issus de la littérature et, dans un deuxième temps, émergents du terrain.

Dans le cadre de notre recherche, nous nous situons à la fois dans une méthode qualitative inductive et déductive, dans le sens ou nous nous appuyons, dans un premier temps sur les codes issus de la littérature, ces derniers sont enrichis, dans deuxième temps, par des codes du terrain.

Le processus d‟aller-retours entre la littérature et le terrain, qui transparait à la fois dans la construction de notre grille de lecture et dans la place faite dans notre recherche aux codes émergents, s‟apparente à une logique adductive. L‟abduction initialement développée par Peirce (1960) cité par Vaast, 2003), puis adaptée aux sciences de gestion par Koenig (1993) et David (1999) est définie par la manière suivante par Koenig (1999) : « l‟abduction consiste à tirer de l‟observation des conjectures qu‟il convient ensuite de tester et de discuter ». La logique abductive répond à notre proposition de cadre conceptuel et notre démarche faite d‟aller -retours entre les concepts et les données. (Charreire et Durrieux, 1999).

Ces distinctions posées, nous pouvons dès lors présenter notre démarche de recherche. Rappelons tout d‟abord que notre champ de recherche est faiblement structuré au niveau théorique et empirique (Gond et al, 2003 ; Capron et Quairel 2004 ; Tchankam et Estay, 2004 ; Dupuis, 2005 ; Paradas, 2005, 2007). Nous cherchons dans ce contexte à « créer de nouvelles articulations théoriques entre des concepts » déjà existants et à « intégrer de nouveaux concepts » (Charreire et Durieux, 1999) dans notre champ par un travail de compréhension idiographique et empathique de notre terrain. Cet enjeu a nécessité de nombreuses interactions entre « observations empiriques et connaissances théoriques » (Charreire et Durieux, 1999). Notre démarche peut être qualifiée ainsi selon ces mêmes auteurs d‟« exploration hybride » (Ibid.) : « Le chercheur a initialement mobilisé des concepts et intégré la littérature concernant son objet de recherche. Il va s‟appuyer sur cette connaissance pour donner du sens à ses observations empiriques en procédant par des allers et retours fréquents entre le matériau empirique recueilli

et la théorie » (Ibid). Cette démarche se démarque de « l‟exploration théorique 66» et de « l‟exploration empirique 67» (Ibid).

Selon Charreire et Durieux (1999), ce type de démarche de recherche s‟appuie sur un mode de raisonnement inductif et/ou abductif. Précisons que notre travail de production de connaissances vise à repérer des régularités par rapport à notre objet de recherche dans le cadre d‟un travail exploratoire. Les connaissances qui en découlent peuvent, selon nous, avoir un « statut explicatif » et « compréhensif » (Charreire, Durieux, 1999). Il sera nécessaire de les tester sur d‟autres terrains de recherche et avec d‟autres méthodologies pour tenter de leur donner une portée plus large68. Nous nous situons dès lors dans un mode de raisonnement abductif, selon la définition donnée précédemment par Charreire et Durieux (1999)69

Nous avons à ce stade expliqué l‟inscription de notre processus de recherche dans une démarche exploratoire hybride basée sur un raisonnement de type abductif. Nous reconnaissons avoir eu du mal à nommer le mode de raisonnement suivi lors de la production des connaissances : abduction ou induction. N'avons-nous pas parfois suivi aussi un raisonnement déductif ou hypothético-déductif au tout début de notre processus de recherche et qui a évolué.