• Aucun résultat trouvé

1.5 Dégradations des matériaux

1.5.4 Dégradation du ionomère de l’électrode

Malgré le grand nombre de travaux sur la dégradation du ionomère de la membrane [161], très peu d’études sont publiées sur la dégradation du ionomère présent dans l’élec-trode. Deux premiers constats peuvent l’expliquer : le PFSA est présent en faible quantité dans des couches actives, et il fait partie d’un ensemble composite dont les éléments (pla-tine et carbone) perturbent en général son observation.

D’un autre côté, la couche active subit d’importantes dégradations de ce composant. Sa structure est modifiée pouvant aller jusqu’à de forts amincissements. Le corrosion du carbone en est principalement responsable. Le platine subit également de fortes dégrada-tions dont une partie avec perte de matière. La question qui se pose à nous est desavoir si le liant ionomère subit également une perte de matière en vieillissant, et si sa structure évolue. Enfin, il serait intéressant de relier ces éventuels changements avec la modification des propriétés de conduction, et d’estimer l’influence que cela peut avoir sur les performances de l’AME.

Les méthodes de mesure usuellement employées pour l’étude de la membrane ou pour l’étude de l’électrode se heurtent à certaines limites lorsqu’il s’agit d’observer les dégra-dation du ionomère. La mesure classique des émissions de fluorures reflète la dégradégra-dation

chimique de la membrane et on ne peut raisonnablement l’attribuer à la perte de masse du ionomère présent dans les électrodes, étant donnée la bien plus grande quantité de PFSA dans la membrane. En microscopie électronique, il est difficile de distinguer le carbone et le ionomère car un problème de contraste en Z se pose (C et F ont des masses atomiques très proches, et bien inférieures à celle du Pt, [70]). D’autres techniques de mesures et expériences on donc été envisagées.

Figure 1.31 – Emissions de fluorures pour 3 configurations différentes : GDE ; GDE+membrane et GDE+membrane contenant des particules de Pt. Extrait de [165].

(a) 0.0 0.5 1.0 1.5 2.0

anode cathode anode cathode

OCV-hold Load cycling

We ig h t % F E D C B A (b)

Figure 1.32 – Analyse RMN 19F qualitative (a) et quantitative (b) des produits de dégradation issus des couches actives d’AME ayant subi un test à l’OCV ou en cyclage en courant. Les quantités extraites à la fois à l’eau et au méthanol ont été additionnées [166]. Parry et al. ont étudié des AME ayant fonctionné en cyclage en courant avec une pollution de 5ppm de CO dans l’hydrogène. L’étudepost mortem par XPS des AME après 630h a révélé une variation dans la composition des électrodes : le ratio ionomère/carbone (I/C) est passé de 2.3 à 1.6 environ. Cela suggère une perte de masse du Nafion® présent dans l’électrode. Silvaet al.ont abouti à des conclusions proches en faisant vieillir un stack

1.5. Dégradations des matériaux

en cyclage en courant [167]. Ils ont observé un amincissement des électrodes, d’environ 20 à 30% de leur taille d’origine suivant les cellules. Dans le même temps, ils ont observé par analyse EDSX du fluor une baisse de 30 à 60% de la masse de fluor dans l’électrode. Peu de détails sont donnés sur le protocole expérimental de l’analyse EDSX. On peut émettre une réserve sur la méthode : le faisceau d’électrons envoyé est reconnu comme destructif pour le ionomère. Zhang et al. ont mené une analyse XPS sur des AME neufs et vieillis. Ils ont mesuré une diminution de la concentration de surface d’espèces fluorées de 51% environ pour un AME neuf à 38% pour un AME vieilli 300h. Comme Silvaet al., Assma El Kaddouri a également observé lors de sa thèse un amincissement des couches actives de cathodes après 10000 h de fonctionnement en système. Dans ses travaux, des mesures par analyse thermogravimétrique couplée à la spectroscopie de masse n’ont en revanche pas permis de conclure à une baisse significative de la fraction massique de ionomère dans la couche active. Danerol et al. ont étudié les propriétés d’adhésion des couches actives anode et cathode, avec la membrane. Ils ont utilisé l’immersion dans un solvant à base d’éthanol et d’eau, et une mesure de résistance à l’arrachement. Dans tous les cas, les couches actives ayant vieilli ont révélé de meilleures propriétés d’adhésion avec la membrane. Les auteurs suggèrent un mécanisme de diffusion-cristallisation du ionomère à l’interface. Assma El Khadouri a aussi pu mettre en évidence, par déconvolution de spectres DRX issus de poudre de GDE, une augmentation du taux de cristallinité du ionomère présent dans les couches actives de cathodes ayant fonctionné 10000h en stack. Cette augmentation de l’ordonnement structural du ionomère à la cathode est attribuée en partie à une attaque chimique des chaînes latérales (baisse de l’IEC) et en partie à un changement structural. Enfin ses travaux ont pu mettre en évidence 3 produits de dégradation par extraction soxhlet. Il s’agit de l’acide 1,1,2,2-tetrafluoro-2-(1,2,2,2-tetrafluoroethoxy)ethanesulfonique, de l’acide triflique et de l’acide trifluoroacétique. La mise en évidence de ces produits de dégradation suggère une attaque radicalaire des chaînes latérales. Takasakiet al. ont étudié par RMN du 19F les produits de dégradation provenant de la cathode et de l’anode d’AME ayant fonctionné à l’OCV d’une part et en cyclage en courant d’autre part [166]. Les auteurs ont détecté des produits de dégradation différents de ceux observés par Assma El Kaddouri, mais concluent également sur une dégradation de la chaîne latérale. Ces produits représentent une quantité variable de l’ordre de 1% de la masse totale de l’électrode neuve (voir figure 1.32).

Aokiet al.ont réalisé une étudeex-situde la dégradation du ionomère contenu dans des GDE soumises à un mélange d’air et d’hydrogène, ainsi qu’à une solution aqueuse conte-nant du peroxyde d’hydrogène [165]. Ils ont utilisé 4 configurations : (i) une GDE seule, faite de Pt/C (50% en masse), (ii) une GDE associée à une membrane(GDE+membrane), (iii) une GDE associée à une membrane dont 20% des sites ioniquesH+ ont été échangés avec des ions Fe2+ et (iv) une membrane contenant des particules de platine (GDE+Pt-membrane). Les auteurs ont mesuré les émissions de fluorures ainsi que les concentration en radicaux HO•. Dans les conditions les plus proches d’un fonctionnement réel (GDE soumises à un mélange air + H2), comme en solution aqueuse de H2O2, les émissions de fluorures de l’ensemble GDE+Pt-membrane se sont révélées bien plus faibles que celles de l’ensemble GDE+membrane (voir figure 1.31). Ceci suggère un rôle de piège à radi-caux joué par les particules de platine. On peut toutefois déplorer l’absence de donnée ou d’image MET renseignant sur la densité de particules de platine présentes dans la

membrane, pour pouvoir comparer avec le modèle de Gummalla et al., cité dans la par-tie sur la dégradation chimique de la membrane [155] et qui prévoit un effet inhibiteur des particules de platine dans la membrane seulement lorsque celles-ci sont présentes en grande quantité. Enfin, cette étude révèle que la densité de platine dans l’électrode ne permet pas de supprimer toute dégradation du ionomère qui la compose.

Récemment, Morawietz et al. ont mesuré l’épaisseur du film de ionomère par micro-scopie à force atomique (AFM) sur des couches actives anodiques et cathodiques d’AME neufs, et d’AME ayant fonctionné 235h en continu en conditions automobiles classiques [75]. A l’anode, une diminution significative de l’épaisseur moyenne du film est obser-vée (amincissement d’environ 30%). A la cathode aucune variation n’est obserobser-vée sur un AME commercial possédant une membrane de 30µm, alors qu’un amincissement du film d’environ 30% est observé sur un AME maison possédant une membrane de 10µm. Se-lon les auteurs, l’augmentation de la perméation d’hydrogène à la cathode, à cause de la membrane plus fine utilisée conduit à une hausse de production de radicaux libres. La différence de tenue au vieillissement peut également provenir du liant ionomère utilisé. En effet, une dispersion de PFSA de type Aquivion® a été utilisée dans le cas des élec-trodes maison, alors que rien n’est précisé au sujet des élecélec-trodes commerciales (Johnson Matteys®, UK).

Pour conclure, le ionomère de l’électrode semble affecté par les dégradations. Ces dé-gradations semblent moins sévères dans l’électrode que dans la membrane, probablement à cause de la présence de particules de Pt qui jouent le rôle de piège à radicaux.