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1.5 Dégradations des matériaux

1.5.7 Conditions de dégradation et hétérogénéités de fonctionnement

Les mécanismes de dégradations ont été présentés composant par composant. Du point de vue du fabricant comme du chercheur, il est intéressant d’analyser les conditions qui mènent à ces mécanismes.

Cyclage en courant

Le cyclage en courant provoque un cyclage en potentiel qui va favoriser la dégradation du platine (mûrissement d’Ostwald, dissolution-redéposition), ainsi que la corrosion du carbone. Il est souvent associé à un cyclage en humidité, soit à cause du temps de réponse

des humidificateurs pour les systèmes réels, soit à cause de la production d’eau qui cycle également. Il a été montré que le cyclage en courant induit des dégradations plus sévères qu’un fonctionnement à courant continu.

Liu et Case ont fait vieillir un AME avec un protocole de cyclage en courant. Ils ont obtenu des dégradations bien plus sévères que lors d’un fonctionnement à courant constant [181]. L’augmentation brutale du courant de perméation d’hydrogène après 500h, ainsi que la plus grandes pertes de fluorures mesurées pour l’AME ayant vieilli en cyclage leur permettent de conclure que la membrane a subi de fortes dégradations mécaniques lors de ce test.

Comme l’on montré Rong et al., la membrane est en effet sujette à des dégradations mécaniques amplifiées lors d’un cyclage en courant, à cause du cyclage en humidité qui en découle [147].

En absence de défaillance de la membrane, ce sont les pertes de surface active à la cathode qui sont responsables de la plus grande part des pertes de performances [182]. Il a également été démontré que lors d’un cyclage en courant, le type de profil de courant imposé (créneaux ou triangles) ainsi que la période caractéristique de ces profils joue un rôle dans les dégradations observées à la cathode comme la chute de surface active et la chute d’activité massique [178]. Les créneaux conduisent à de plus fortes dégradations que les triangles, de même les courtes périodes caractéristiques contribuent à accélérer les dégradations. Cela s’explique par la formation d’une couche d’oxydes passivante à la surface du platine. Lors d’un cyclage rapide en potentiel, la couche d’oxyde n’a pas le temps de se former, le platine à nu n’est pas protégé et il se dissout (équation1.83). Il en va de même pour le carbone. Les émissions deCO2 mesurées s’atténuent fortement après une marche de potentiel. Pandyet al.ont tenté de modéliser les mécanismes en jeu [183]. Leur modèle implique la formation de différentes couches d’oxyde sur le platine et sur le carbone suivant les potentiels, et les interactions entre le carbone, le platine et leurs oxydes. Ceci permet d’expliquer qualitativement les émissions de CO2 autour 0.8V mais seulement en dynamique.

Déficit d’hydrogène

Le déficit d’hydrogène (fuel starvation) est un mécanisme largement documenté dans la littérature. D’une façon générale, il fait référence à un appauvrissement en hydrogène à l’anode. Le terme est parfois utilisé pour faire référence au phénomène de cell reversal

(développé dans la section gestion de l’eau), qui résulte appauvrissement en oxygène ou en hydrogène au niveau global. Mais dans le cas d’une mono-cellule, l’appauvrissement en hydrogène se fait au niveau local. Il peut être lié à un problème de temps de réponse des débitmètres après une augmentation soudaine de la charge électrique, à une alimentation en sous-stœchiométrie, à la présence d’espèces spectatrices empêchant l’accès de l’hydro-gène à une partie de l’anode. L’engorgement d’une partie de l’anode par de l’eau liquide ou par de l’azote ayant traversé la membrane a été mis en évidence lors du fonctionne-ment en mode bouché. Il peut égalefonctionne-ment survenir lors des phases transitoires, comme lors des démarrages et des arrêts. Cette dernière situation sera développée dans le paragraphe suivant.

1.5. Dégradations des matériaux H2 out H2 in 0 5 10 15 20 0 200 400 600 800 1000 Segment j ( m A /c m ²)

before the purge after the purge

(a) 0 5 10 15 20 0 0.2 0.4 0.6 0.8 1 Segment a (V v s. RHE )

before the purge after the purge

H2 out H2 in (b) 0 5 10 15 20 0.5 0.7 0.9 1.1 1.3 1.5 1.5 Segment c (V v s. RHE )

before the purge after the purge

H2 out H2 in

(c)

Figure 1.33 – Distribution des courants locaux (a), des potentiels anodiques locaux (b) et potentiels cathodiques locaux (c) observés sur une cellule segmentée fonctionnant en mode bouché avant et 5s après la phase de purge. Le déficit en hydrogène entraîne une hausse des potentiels locaux près de la sortie anode due à l’accumulation d’eau (et d’azote). Thèse de Sofyane Abbou (LEMTA) [10].

peut conduire à un déficit d’hydrogène proche de la sortie anode (voir figure 1.33). Ce phénomène engendre une hausse des potentiels locaux, qui peuvent dépasser les 1.3V à la cathode. Ces conditions favorisent la corrosion du carbone et du platine.

Démarrages-arrêts

Les phases de démarrage et d’arrêt constituent un cas particulier du déficit d’hydro-gène. Ces phases sont effectuées en circuit ouvert. Nous développons ici le mécanisme ayant lieu lors des démarrages. Les arrêts s’expliquent d’une façon identique en inversant les zones touchées par le déficit d’hydrogène.

Lors des démarrages : les deux compartiments sont remplis d’air, puis on injecte de

l’hydrogène à l’anode. Cela provoque le déplacement d’un front hydrogène/air de l’entrée vers la sortie anode . Reiser et al. [184] ont donné une explication à ce mécanisme en élaborant un montage constitué de deux cellules en parallèle, l’une alimentée en hydro-gène/air (partie active - région A) et l’autre en air/air (partie passive - région B) (voir figure 1.36). Dans la partie passive, les protons traversent la membrane en sens inverse : il y a réduction de l’oxygène côté anode et oxydation du carbone ou de l’eau côté cathode. On observe alors des courants inverses dans la partie touchée par le déficit d’hydrogène

(sortie anode). Les auteurs ont pu grâce à leur montage, prédire pour la première fois l’existence de courants inverses lors de démarrages et d’arrêts.

Siroma et al. [185], ainsi que Maranzana et al. [186, 187] ont quant à eux été les premiers à mesurer lors de phase de démarrage-arrêt en pile, les courants inverses prédits par Reiser et al., en utilisant des cellules segmentées.

Figure1.34 – Schéma explicatif de la dis-tribution de potentiels et des courants in-verses observables en présence d’un front

H2/air proposé par Reiser [184]. L’oxyda-tion du carbone et l’oxydaL’oxyda-tion de l’eau sont les deux réactions envisagées pour expli-quer les courants internes.

Figure 1.35 – Brique de modèle 1D uti-lisée par Maranzana et al. pour simuler les démarrages-arrêts. Le modèle prend en compte 6 équations d’oxydo-réduction et une capacité de double couche. 20 briques identiques sont connectées en parallèle lors de la simulation du passage d’un front

H2/air. Extrait de [188].

Figure1.36 – Confrontation du modèle de Maranzanaet al.donnant les courant internes pour chaque segment le long de l’entrée hydrogène, avec leurs résultats expérimentaux mesurés sur pile segmentée [188].

Un des résultats intéressants de Dillet et al. et Maranzana et al. [189, 188] est la quantification des différentes contributions aux courants internes mesurés, en confrontant la coulométrie (mesure de la charge échangée entre partie passive et active) et la mesure du CO2 à un modèle décrivant les principales cinétiques d’oxydo-réduction à la surface du platine, la réaction d’oxydation du carbone catalysée et non catalysée par le platine,

1.5. Dégradations des matériaux

l’ORR, l’HOR, l’HER, ainsi que la diffusion des gaz (eau, oxygène, hydrogène) dans les différentes couches constituant l’AME (voir figure 1.35). Le modèle est pseudo 2-D et transitoire, ce qui permet de suivre les évolutions des cinétiques en fonction de la vitesse du frontH2/air (c’est-à-dire le débit d’entrée). Il conduit notamment à une estimation de la quantité de carbone corrodée par cycle de démarrage-arrêt en accord avec les observations expérimentales effectuées sur pile segmentée.

Les démarrages et arrêts s’effectuent en circuit ouvert pour la raison suivante. Lorsque un stack est démarré en débitant du courant, les différents cellules ne se remplissent pas simultanément en hydrogène, on assiste à un phénomène de cell reversal (description §1.4.4). Les cellules non alimentées en hydrogène sont passives et subissent de fortes dégradations.