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1.5 Dégradations des matériaux

1.5.1 Dégradation du catalyseur

(a) (b)

Figure 1.24 – (a) Diagramme de Pourbaix du platine - d’après [127] et (b) Diagramme de Pourbaix de surface pour le platine [111] : la couche de surface s’enrichit en oxygène avec l’augmentation du potentiel - calcul ab initio basé sur la DFT, d’après [128].

Une des principales causes des chutes de performance des PEMFC en fonctionnement provient de la perte de surface active à la cathode (voir Chapitre II section Voltamé-tries). Cette perte de surface active s’explique par plusieurs mécanismes résumés ci-après. La dissolution du platine - à l’origine de deux de ces mécanismes - dépend fortement

1.5. Dégradations des matériaux

des conditions potentiel et de pH à la cathode. Une cathode en fonctionnement nominal évolue à des potentiels proches de 0.7V. Mais lors d’événements particuliers tels que le déficit d’hydrogène (fuel starvation) ou les démarrages-arrêts, le potentiel à la cathode peut localement monter jusqu’à 1.5V (voir section Conditions de dégradation). Les dia-grammes de Pourbaix, ou diadia-grammes potentiel-pH (voir figure 1.24) nous renseignent sur les domaines d’existence ou de prédominance des différentes espèces de platine suivant les conditions de pH et de potentiel. Ils mettent en évidence l’instabilité thermodynamique du platine métal aux forts potentiels. Le chemin réactionnel de la dissolution du platine est encore sujet à débat. Il est difficile de déterminer si en conditions de fonctionnement en pile, cette dissolution se fait par voie électrochimique via l’oxydation des oxydes de surface PtO (équation 1.87), via la réduction des oxydes de surfacePtO2 (équation 1.86) ou par la dissolution électrochimique directe du platine métallique (1.83) [129] :

Pt→Pt2++ 2e− E0 = 1.19 + 0.029 log[Pt2+] (1.83) Pt + H2O→PtO + 2H++ 2e− E0 = 0.98−0.059 log[Pt2+] (1.84) PtO + H2O→PtO2+ 2H++ 2e− E0 = 1.05−0.059pH (1.85) PtO2+ 4H++ 2e− →Pt2++ 2H2O E0 = 0.84−0.12pH−0.029 log[Pt2+] (1.86)

La dissolution du platine peut se faire également par voie chimique (sans transfert d’électron) via la dissolution des oxydes de surface [130] :

PtO + 2H+→Pt2++ H2O (1.87)

PtO2+ H2O + H+ →Pt(OH)+3 (1.88)

PtOH + 1/2H2O + 3/4O2 →Pt(OH)+3 (1.89)

PtO + H2O + 1/2O2+ H+→Pt(OH)+3 (1.90)

La thermodynamique ne permet pas de prédire pour autant la cinétique de dissolution du platine. Or c’est bien cette dernière qui permet d’expliquer (i) pourquoi la tempéra-ture augmente considérablement le taux de dissolution du platine [129] et (ii) pourquoi la formation d’une couche d’oxydes passivante permet d’inhiber la dissolution. C’est pour cette dernière raison que les dégradations sont bien plus sévères pour un catalyseur évo-luant dans des conditions de cyclages en potentiel, présentant des séquences successives de passivation-dépassivation, que dans des conditions de fonctionnement en continu [131].

En pratique, les cyclages en potentiel avec des passages au delà de 1V et des passages en

deça de 0.8V permettent de successivement former des oxydes PtO2 et de les réduire en

Pt2+ (1.85 et 1.86).

Notons que ces valeurs de potentiel indiquées par les diagrammes de Pourbaix (pour les équations 1.83 ; 1.85 et 1.84) sont prises pour du platine massif. Dans le cas des nanoparticules de platine, plus le diamètre est petit, plus la tension de surface augmente. Il en résulte une diminution de la stabilité du platine en phase solide pour un matériau dispersé. Pour une particule de diamètred, la relation de Gibbs-Thomson [132, 130] établit la différence d’énergie de surface comme :

∆GG−T =µ(d)−µ(∞) = 4γΩ

d (1.91)

Avecγ l’énergie de surface exprimée (en eV/Å2) etΩle volume atomique (en Å3/atome). Cela conduit à un potentiel de dissolution de 0.42 V plus bas pour des particules de 2nm par rapport à des particules de 5nm(voir figure 1.25).

Le potentiel réel de dissolution est alors à corriger suivant la relation donnée par Plieth [133] :

∆E =−∆GG−T

zF =4zF dγΩm (1.92)

Avec cette description, Ωm est cette fois un volume molaire, et E un potentiel redox

(en V). 0 1 2 3 4 5 6 0 0.5 1 1.5 2 particle diameter (nm)

Gibbs−Thomson Energy (eV/atom)

Figure 1.25 – Evolution du potentiel de Gibbs-Thomson en fonction du dia-mètre des particules(équation 1.91) - graph d’après [132] γPt = 0.148eV /Å2 et ΩPt = 15.4Å3/atome.

Figure1.26 – Evolution des distributions de taille de particules pour du Pt/C Vul-can prélevé sur un AME neuf, et sur un AME ayant subi un cyclage entre 0.6V et 1V extrait de [134].

1.5. Dégradations des matériaux

catalyseurs de type Pt/C a lieu vers les plus bas potentiels que sur du platine massif [130]. La dégradation du catalyseur est souvent expliquée en 4 mécanismes de dégradations :

Figure1.27 – Représentation schématique des mécanismes de dégradation des particules de platine proposée par Meier et al. extrait de [135].

La dissolution-redéposition a lieu lorsque les particules de platine se dissolvent en

Ptz+ pour migrer via le ionomère sur de longues distances. Une fois dans la membrane, le potentiel diminuant en s’éloignant de la cathode, les particules sont réduites pour former de nouveaux cristallites. Ce mécanisme est à l’origine de la présence d’une bande de platine souvent observée dans la membrane lors des tests de vieillissement impliquant des montées à haut potentiel (E>1V typiquement). Un re-déposition est possible dans l’électrode également, si les conditions le potentiel évoluent dans le temps par exemple. De tous les mécanismes présentés, c’est le seul qui peut aboutir à une perte de masse de platine dans l’électrode. Une des façons de le caractériser expérimentalement est d’utiliser une micro-balance à quartz [136].

Le murissement d’Ostwald nécessite également une étape de dissolution des

par-ticules de platine dans le ionomère, mais à la différence de la dissolution-redépostion, la migration se fait sur de courtes distances, les ionsPtz+ précipitent alors sur des particule préexistantes. Ce mécanisme est très sensible à la distance moyenne entre particules et peut aussi avoir lieu en dessous du potentiel de dissolution. La force motrice de ce mé-canisme est la tension de surface : les particules les plus grosses croissent au dépens des plus petites de façon à minimiser l’énergie de surface totale (équation 1.91).

La coalescence a lieu lorsque deux particules voisines se déplacent sur la surface et vienent à se rejoindre, pour ne former qu’une seule et même particule. Ce mécanisme pourrait expliquer l’augmentation de la taille des particules bien en dessous des potentiels permettant la dissolution du platine (E<0.8V). Ruckenstein et Pulvermacher ont montré que la cinétique de ce procédé de coalescence dépend de la la densité surfacique de parti-cules de catalyseur sur le support, ainsi que de la mobilité des cristallites. Cette dernière augmente avec la température et dépend des propriétés d’adhésion des nanoparticules sur le support [137].

Le détachement des particules de Pt de leur support carboné résulte de la cor-rosion du carbone. Une fois détachées du carbone, les particules sont susceptibles de se retrouver isolées du support carbone, ou du ionomère. Cela conduit à une perte de surface active.

La coalescence et le mûrissement d’Ostwald contribuent à augmenter la tailles moyenne des particules, et donc à faire diminuer la surface active (voir figure 1.26).

Pour les catalyseurs plus récents, à base d’alliages de platine, comme le Pt3Co par exemple, le métal allié moins noble que le platine et souvent instable dans les conditions de la cathode se dissout. Cela donne lieu à une modification de la structure des particules ou même à une contamination du ionomère de l’électrode ou de la membrane [60]. Peu d’études sur l’effet d’une telle contamination sont disponibles, il semble néanmoins que la présence de ces contaminants métalliques provoque une baisse de l’activité du catalyseur pour l’ORR [138].

Le ionomère interagit également avec le platine. Anderson et al. ont comparé les évo-lutions de surfaces actives pour une poudre de Pt/C seule et pour un AME réel : ils ont observé une perte de surface active 5 fois plus élevée pour la poudre seule au bout de 1600 cycles en potentiel entre 0.4 et 1.6V, et en ont conclu que le détachement des particules de platine est freiné par la présence du film de ionomère [139]. Il existe également une interaction du support avec le catalyseur qui est évidente, à l’instar du mécanisme de dé-tachement des particules de carbone dont la cause première est la corrosion du carbone. Ceci nous amène naturellement à la sous-section suivante.