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2 LES DEFIS DU DEVELOPPEMENT EN GUINEE

2.5 Les défis de la Gouvernance

La bonne gouvernance et l’État de droit supposent ce qui suit : i) le bon fonctionnement des institutions; ii) le respect de la séparation et de l’équilibre des pouvoirs (exécutif, législatif, et judiciaire); iii) l’application correcte des lois et règlements en vigueur; iv) la gestion saine, effective et rationnelle des ressources humaines; v) la répartition équitable des richesses nationales entre les populations mandataires; vi) la participation effective des populations au programme de gouvernance politique;

vii) la transparence et l’équité dans le processus électoral; et viii) l’accès à l’information. Tous ces facteurs constituent des critères permettant de réaliser la vision nationale de la société en termes de bonne gouvernance.

De son indépendance en 1958 jusqu’en 2010, la Guinée n’a connu que des régimes autocratiques et militaires et notamment : i) un régime socialiste (1958-1984) caractérisé par un parti unique au pouvoir ; ii) un régime d’exception (1984-1990) mis en place après un coup d’État et qui instaura le libéralisme économique ; iii) un régime autocratique multipartiste (1990-2008) qui a connu une fin difficile (2003-2008); iv) une junte militaire (2008-2010) qui s’est emparée du pouvoir après le décès du Président en exercice.

Ces régimes politiques qui se sont succédé entre 1958 et 2010 n’ont pas pu construire un État résilient doté d’instruments permettant d’affronter les crises, de gérer les changements sociaux dans la stabilité et de prévenir les violences. Ils ont été en outre dans l’incapacité d’asseoir un système politique respectueux des règles démocratiques et basé sur les principes de bonne gouvernance. Contestations

87 l’IIAG évalue les performances en matière de gouvernance dans 54 pays africains et fournit un cadre et un tableau de bord pour évaluer la

électorales, instabilité gouvernementale, mutineries, violations des droits de l’homme, gabegie, népotisme, corruption et trafics de narcotiques, ont jalonné la gestion des affaires publiques sous la 2ème République de 1993 à 2008. Les crises politiques à répétition de la deuxième moitié des années 2010 dont le summum a été le coup d’État de décembre 2008, sont l’illustration de cette gouvernance chaotique qui a caractérisée la Guinée. En même temps, elles ont mis à nu l’extrême fragilité des institutions étatiques face aux chocs politiques et sécuritaires.

A partir des élections présidentielles de novembre 2010, il a été consacré le retour à l’ordre constitutionnel permettant aux nouvelles autorités d’engager de nombreuses réformes économiques et sociales qui ont visé la modernisation des instruments de la gouvernance.

Ainsi, le pays a enregistré des progrès en indicateurs en termes de gouvernance politique et sociale, gouvernance sécuritaire, gouvernance judiciaire, gouvernance administrative, gouvernance économique, gouvernance locale et gouvernance environnementale. Selon l’indice Mo Ibrahim de la gouvernance87, la Guinée a légèrement amélioré son classement en passant du 40ème/54 rang en 2015, au 39ème/54 rang en 2019, comme l’illustre le tableau ci-dessous.

Indices Mo Ibrahim en pour

cent

2016 2017 2018 2019 Cible

202088

Classement 39/54 37/54 39/54

Gouvernance Globale

43 43,1 42,9 42,5 50

livraison des biens et services publics et les résultats des politiques publiques dans les pays africains https://mo.ibrahim.foundation/iiag

88 Cibles 2020 indiqués dans le PNDSE

Sécurité

Tableau 11 Qualité de la gouvernance de 2016 à 2019

Source : Rapport Mo Ibrahim de la Gouvernance 2020

En matière de gouvernance globale, l’indice Mo Ibrahim y relatif indique une légère amélioration.

Celui-ci est passé de 41,8 pour cent en 2015 à 42,5 pour cent en 2019. Ce qui suggère que des défis demeurent pour faire beaucoup plus mieux, et notamment pour atteindre la cible de 50 pour cent prévue dans le PNDES.

Malgré le progrès en termes d’indicateur et au cours de la décennie écoulée, la situation sociopolitique de la République de Guinée est restée tumultueuse, marquée par une crise de confiance, des tensions électorales périodiques et la rupture du dialogue entre les acteurs politiques. Ce déficit de confiance tire son origine du non-respect par les gouvernements précédents des multiples accords politiques successifs pris depuis 2014 mais aussi d’un processus électoral, entaché d’irrégularités, et souvent, objet de contestations et de violences.

L’accumulation des frustrations d’origine politique, liées notamment au contentieux électoral non purgé, au lendemain des élections successives de 2018 et du double scrutin législatif et référendaire de mars 2020, les conditions de vie difficiles des populations urbanisées et le sentiment d’isolement des communautés rurales ont contribué à exacerber cette situation de malaise général. Par ailleurs, les dénis de justice, les violations répétées des libertés individuelles et collectives et la gestion approximative des revendications corporatistes y compris des Forces de défense et de sécurité (FDS) ont été source de tensions et également des motifs de discorde et de frustrations, en milieu civil et au sein des FDS.

L’annonce au début de l’année 2021, d’un Programme pour « Gouverner autrement » et la création d’un Cadre permanent de dialogue politique n’ont pas pu inverser cette tendance et des tensions générales ont persisté sur le plan politique et institutionnel. C’est dans ce contexte que le coup d’Etat militaire est intervenu le 05 septembre 2021,

89 Indice sur les réformes juridiques qui favorisent l’inclusion économique des femmes construit autour de 8 indicateurs : déplacements, accès à

ouvrant la voie à une transition, avec de nouveaux enjeux et des défis majeurs à relever.

Principaux défis en matière de bonne gouvernance

2.5.1 La parité homme-femme

En matière de parité homme-femme, le gouvernement a fait différents efforts dont la ratification de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (ODD 10.2 et 10.3). C’est dans cette perspective qu’après s’être situé à 0,84 en 2015/2016, classant la Guinée au 58e rang sur 140 pays en matière d’égalité homme/femme sur le marché du travail, l’indice de compétitivité globale89 2017/2018 a progressé à 0,96, situant dorénavant la Guinée au 11e rang sur 137 pays. Ainsi, à ce jour, l’accès des femmes aux services sociaux ne souffre d’aucune restriction légale.

En droite ligne avec cette volonté politique du gouvernement qui corrobore la Vision d’une Guinée émergente à l’horizon 2040, la Politique Nationale du Genre a été actualisée, validée et diffusée en 2017.

Et, dans le cadre de sa mise en œuvre, 101 agents de santé ont été formés en 2017 en prévention/prise en charge des cas de violences basées sur le genre (VBG), et sur les normes sociales liées aux mutilations génitales féminines. Après avoir actualisé le document de stratégie nationale de lutte contre les VBG, le gouvernement entend poursuivre les réformes structurelles afin de lutter contre ces violences (ODD 5.2).

Aussi, c’est dans le même ordre d’idées que la loi exige qu’un quota de 30 pour cent soit réservé aux femmes dans le cadre des élections nationales. Mais le respect de cette exigence souffre sur le terrain de la pratique. Ainsi, en dépit de la cible de 40 pour cent indiquée dans le PNDES, l’analyse des indices Mo Ibrahim en la matière fait ressortir une évolution décroissante, passant de 41,2 pour cent en 2015 à 38,9 pour cent en 2019. Cette situation s’explique par la non-application de la loi sur les quotas en vigueur.

Ce quota est d’ailleurs en régression au niveau de l’Assemblée nationale, dont le nombre de femmes députées qui était de 25 sur 114 députés (soit 21,9 pour cent) en 2013, n’est plus que de 16 sur 114 (soit 14,04 pour cent) en 2020. Concernant le denier gouvernement mis en place début 2021, sur un total de trente-six ministères, seuls neuf ont une femme à lueur tête. Quant à la participation et à la représentativité des femmes au niveau local, elle demeure encore très faible avec seulement six

l’emploi, énumération, mariage, maternité, gestion d’entreprise, gestion d’actifs et prestations de retraite

femmes élues maires sur les 342 (soit 1,7 pour cent) que compte la Guinée lors des élections municipales de février 2018 et une seule Gouverneure.

Poursuivant la même volonté politique, le 2 mai 2019, la République de Guinée a adopté une loi sur la parité selon laquelle les femmes doivent constituer 50 pour cent des listes électorales. L’article 2 de la loi, qui a été adopté à l’unanimité, stipule que : « La parité s’applique à toute liste de candidats à des élections nationales et locales, ainsi qu’à des fonctions électives dans des institutions publiques ».

Ainsi, en prévoyant une alternance entre hommes et femmes sur les listes électorales, la nouvelle loi du 2 mai 2019, prépare le terrain pour améliorer la représentation des femmes dans les instances aux niveaux local et national. Les Nations Unies, par ailleurs, apportent un appui dans le cadre de la mise à jour du plan national d’action stratégique pour la travers l’adoption du Statut de la magistrature, et qui se résument comme suit : i) installation du Conseil Supérieur de la Magistrature en juillet 2014; ii) signature et application effective du Décret n°2014/146/PRG/SGG fixant le régime de rémunération des magistrats; iii) mise en place de la Cour Constitutionnelle; iv) mise en place effective de la Commission Nationale.

En matière de Droits de l’homme et de libertés publiques, en plus du ministère de la Justice, il existe un ministère de l’Unité Nationale et de la Citoyenneté qui bénéficie d’une totale liberté d’expression et de dénonciation des atteintes aux droits de l’homme.

Grâce à cette liberté de ton et d’action, la protection des droits humains a été renforcée en Guinée et les bases d’un état respectueux des libertés fondamentales sont posées. Aussi, une Loi sur le maintien de l’ordre a été adoptée pour la première fois en Guinée afin d’encadrer l’action de la police et de la gendarmerie.

Un regain de confiance dans les institutions judiciaires s’installe progressivement, accompagné d’une baisse du recours à la violence pour résoudre les différends. Cependant, cette situation reste exposée à plusieurs facteurs de fragilité dont : i) l’inadéquation ou la mauvaise application de certains textes juridiques; ii) la corruption et le manque de transparence; iii) l’interférence des acteurs politiques;

iv) la prise en compte insuffisante des valeurs traditionnelles; v) les insuffisances des capacités humaines du secteur de la justice; vi) la faible

vulgarisation des textes; vii) les insuffisances en matière de codification, d’alignement et d’application des normes; viii) la défiance des citoyens face au système judiciaire; ix) le système pénitentiaire non conforme aux standards internationaux relatifs aux traitement des détenus; x) le rapprochement de la justice des justiciables en particulier, l’accès aux Cours d’Appel); xi) l’ineffectivité du système d’aide judiciaire.

En matière d’état de droit et de justice, la Guinée a enregistré un recul au regard de l’Indice Mo Ibrahim, qui est de 30 pour cent en 2019 contre 35,4 pour cent en 2015, tandis que la cible prévue en 2020 dans le PNDES est de 54,1 pour cent. Le pays a perdu 5.4 points. Toutefois, des efforts ont été fournis, tels que la suppression de la cour d’assise et de la cour des mineurs en 2017, dont les dossiers en cours et les compétences sont dorénavant transférées aux tribunaux de première instance. Poursuivant ces efforts, huit tribunaux de justice de paix ont été érigés en tribunaux de première instance. Par ailleurs, le code militaire a été adopté et promulgué en 2017 et les autorités poursuivent l’action de promotion de la transparence dans l’attribution des marchés, entre autres par des formations et par la révision du Code des marchés publics et de ses décrets d’application.

En matière de lutte contre la corruption, une amélioration a été constatée au niveau de l’Indice Mo Ibrahim, qui est passé de 23,8 pour cent en 2015 à 26,7 pour cent en 2019, la cible prévue pour 2020 étant de 33 pour cent. Pour poursuivre ces efforts, une loi anticorruption a été adoptée et promulguée en 2017.

2.5.3 L’environnement des Affaires La Guinée améliore progressivement son climat des affaires grâce à l’engagement d’une série de réformes structurelles. Le pays est classé 156ème rang mondial sur 190 pays en 2020, contre 179e en 2012 par Doing Business. Ce score historique, depuis le lancement du classement en 2004, s’explique principalement par les réformes engagées en matière d’obtention de permis de construire, de facilités à la création d’entreprise et de protection des investisseurs. En 2018, le pays a gagné 56 places en matière de facilités de création d’entreprise par rapport à 2012, 99 places en ce qui concerne l’obtention de permis de construire, 28 places quant à la protection des investisseurs, 19 places quant au règlement de l’insolvabilité et 9 places quant au transfert de propriété. Une entreprise est dorénavant créée en 72 heures, avec liberté de fixation de la valeur de la part sociale dans le cas des Sociétés à responsabilité limitée (SARL), valeur qui était auparavant fixée à 100 000 GNF. D’autre part, les délais de traitement des dossiers d’octroi de permis de construire ont été réduits de 69 jours à 29 jours.

Malgré les progrès accomplis, le climat des affaires reste confronté à des défis liés à la faiblesse du cadre juridique, à l’insuffisance des infrastructures énergétiques et de transport (seulement 25 pour cent du réseau routier bitumé, à peine plus de 1000 km de chemins de fer, etc.), et aux lourdeurs administratives et pratiques de corruption.

2.5.4 Les capacités statistiques et la programmation

Certes des acquis importants ont été obtenus dans le cadre du développement du système statistique national (SSN) mais des défis importants persistent et doivent être relevés pour réussir la planification et la gestion du développement. Ils se résument comme suit :

1) faible diversification des produits statistiques pour répondre à la demande;

2) faible qualité des produits statistiques et faible valorisation des données à travers le développement de la recherche;

3) faible capacité technique et opérationnel de l’INS, organe central de coordination du SSN induit par une insuffisance de personnel qualifié et d’équipements;

4) insuffisance de modèles de prévision à court terme et faible articulation entre les comptes nationaux et le cadrage macroéconomique;

5) faiblesse des ressources humaines, matérielles et financières dans les structures sectorielles et déconcentrées productrices de statistiques;

6) forte dépendance au financement extérieur pour la réalisation des activités statistiques;

7) faible capacité nationale dévaluation de la mise en œuvre des politiques publiques;

8) faible capacité de planification et de gestion du développement.

La Guinée est entrain de réhabiliter la chaîne de planification, programmation, budgétisation, suivi et évaluation (PPBSE) en vue d’apporter des réponses plus structurées et cohérentes aux défis présents et futurs du développement. De gros efforts ont été fournis dans ce chantier mais les défis à relever sont nombreux et complexes. Tous secteurs confondus, les capacités de planification et de gestion du développement demeurent globalement faibles et se caractérise par :

1) Un déficit de personnel qualifiés en planification, programmation, budgétisation, analyse sectorielle, suivi et évaluation et absence de cadres organiques dédiés aux fonctions de PPBSE ;

2) Un déficit de capacités techniques et opérationnelles des services déconcentrés en charge de la fonction PPBSE ;

3) La non prise en compte de la dimension spatiale dans la planification, notamment les échelons administratifs du pays conformément

aux lois sur la

décentralisation/déconcentration ;

4) La non-institutionnalisation de la planification spatiale ;

5) Le manque de cohérence, au niveau régional des instruments (schémas ou plans) avec les instruments de planification de développement économique et social que sont le PNDES et les PRDES (Plans Régionaux de Développement Economique et Social) ;

6) La faible capacité de prévision macroéconomique : la répartition de cette fonction entre le Ministère de l’Economie et des Finances à savoir la Direction Nationale des Etudes Economiques et de la prévision (DNEEP) et celle du Ministère du Plan et du Développement Economique à savoir la Direction Nationale du Plan et de la Prospective n’est pas explicite et limite sa portée et la qualité des résultats ;

7) La faible mise en œuvre des dispositions de la nouvelle LORLF notamment celles relatives à l’application du principe de la pluri-annualité à travers le CBMT, les CDMT globaux et sectoriels, et partant, le contrôle budgétaire, la gestion des investissements publics ainsi que la redevabilité et le contrôle citoyen ;

2.5.5 Les collectivités locales

Les politiques d’inclusion socio-économiques doivent être renforcées pour que les Guinéens puissent davantage bénéficier d’infrastructures socio-productives par rapport au passé. Depuis 2010, le Gouvernement s’est pourtant engagé dans une dynamique de développement local. Plusieurs réformes ont été mises en œuvre dans ce domaine et ont notamment abouti à :

1) L’élaboration du Code révisé des collectivités locales et ses textes d’application ;

2) L’allocation de subventions de fonctionnement aux collectivités locales ;

3) La création du Fonds National de Développement Local (FNDL) ;

4) La création de l’Agence Nationale de Financement des Collectivités Locales (ANAFIC) en 2019.

L’ANAFIC a pour but principal de développer la stratégie de décentralisation et de lutte contre la pauvreté en Guinée. Elle constitue l’instrument de financement de la décentralisation et du développement local. Ce programme de développement communautaire a pour objectif global de renforcer la gouvernance locale, ainsi que les capacités socio-économiques des populations, particulièrement les femmes, les jeunes, et les

groupes marginalisés en milieu rural. Depuis son lancement l’ANAFIC a permis de financer 91 projets d’infrastructures sur toute l’étendue du territoire pour un montant global de 349 075 980 415 GNF.

2.6 Analyse des impacts de la pandémie à