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Définition du secteur informel et des principaux concepts alternatifs

Chapitre 3 : Le secteur informel en Algérie : définition, mesures et estimation

1. Définition du secteur informel et des principaux concepts alternatifs

1.1.1. Définition et critères d’identification du secteur informel [BIT, 1993]

Le secteur informel est, selon la résolution de la 15

ème

conférence internationale des

statisticiens de travail du BIT de 1993, constitué des unités économiques (non agricoles) qui

appartiennent, en tant qu’entreprises individuelles, au secteur institutionnel des ménages, qui

ne tiennent pas une comptabilité complète et dont la personnalité juridique est confondue

avec celle des ménages dont elles dépendent et qui ne sont pas enregistrées. Il comprend ainsi

les entreprises familiales n’employant aucun salarié permanent mais pouvant employer des

travailleurs familiaux et/ ou des salariés occasionnels et les micro-entreprises employant un

nombre de salariés permanents inférieur à un certain seuil (5 ou 10 salariés).

Ainsi, seront considérées comme relevant du secteur informel, les entreprises répondant, de

façon séparée ou combinée, aux critères suivants :

-le statut juridique (entreprises individuelles) ;

-la non tenue d’une comptabilité complète ;

-la taille de l’unité économique

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, inférieure à un certain seuil (5 ou 10 employés) ;

-le non enregistrement (administratif, fiscal ou social) de l’entreprise ou le non enregistrement

de ses salariés ;

-la situation dans la profession (l’auto-emploi des employeurs et indépendants, les aides

familiaux et éventuellement les salariés occasionnels employés par ces employeurs et

indépendants).

Si les deux premiers critères (statut juridique et non tenue d’une comptabilité complète)

permettent surtout de caractériser les entreprises individuelles auxquelles sont assimilées

toutes les entreprises non déclarées (hormis les professions libérales déclarées : avocat,

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Le critère de la taille se réfère à l’établissement et non à l’entreprise (qui peut être composée de plusieurs établissements) dans la mesure où bon nombre de micro-entreprises croissent en créant de nouveaux petits établissements plutôt que d’agrandir l’établissement originel [Hussmanns, 1997 ; Charmes, 1997].

médecin…) du secteur informel (défini comme un sous-secteur du secteur des ménages), il

convient de préciser que les entreprises individuelles ne sont pas toutes informelles (au sens

de la définition retenue), d’où la nécessité de combiner deux à trois critères pertinents, au

regard des spécificités du contexte national, pour identifier les entreprises du secteur informel

au sein du secteur des entreprises individuelles.

La population occupée dans le secteur informel comprend toutes les personnes exerçant un

emploi, pendant la période de référence, dans au moins une unité du secteur informel,

indépendamment de la situation dans la profession (indépendant, salarié, aide familial …) et

de l’exercice principal ou secondaire de cette activité [Charmes, 1994]. En se référant ainsi à

l’emploi occupé au sein de l’unité économique et non à l’individu, cette définition permet de

cerner le phénomène de la pluriactivité.

1.1.2. Exclusion des activités agricoles, souterraines et non marchandes

La définition du secteur informel exclut de son champ les activités relevant de l’économie

souterraine, les activités agricoles ainsi que la production non marchande (production

domestique destinée exclusivement à l’autoconsommation finale et l’autoconstruction

notamment). Contrairement aux activités souterraines, les activités du secteur informel ne sont

pas exercées avec une volonté délibérée d’échapper aux obligations légales (sociales,

administratives, fiscales) [Charmes, 1994, 2002] ; beaucoup d’entreprises préfèrent rester non

enregistrées et non déclarées parce qu’elles ne peuvent pas supporter les coûts de la

réglementation, compte tenu de la faiblesse et de l’irrégularité de leur revenu, ou en raison de

l’absence de contrôle de l’Etat [Hussmanns, 1997, Maldonado, 1995]. Quant aux activités

agricoles, leur exclusion se justifie par la taille importante du secteur agricole dans les pays en

développement et de son évolution en sens inverse du secteur non agricole en expansion

[Charmes, 2002]. En outre, compte tenu de la prédominance des petites exploitations

individuelles

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non enregistrées dans ces pays, l’inclusion des activités agricoles dans les

enquêtes sur le secteur informel rendrait celles-ci très lourdes et leur coût prohibitif.

Cependant, le secteur informel inclut dans son champ les activités non agricoles exercées par

les agriculteurs (pluriactivité) [Charmes, 1994].

Il faut également préciser que cette définition du secteur informel intègre les professions

techniques et libérales (médecins, avocats, comptables…) répondant aux critères de définition

de celui-ci ainsi que les travailleurs extérieurs à l’entreprise (notamment les travailleurs à

domicile), représentant des unités de production indépendantes et répondant aux critères de

définition du secteur informel [Hussmanns, 1997].

1.1.3. Emploi informel et secteur informel [BIT, 2002]

L’Emploi informel est une notion plus large que celle du secteur informel. Il englobe le

secteur informel et l’ensemble des emplois non déclarés des entreprises du secteur formel

(voir chapitre 1).

Alors que le secteur informel se définit par les caractéristiques de l’unité économique dans

laquelle travaille la personne, l’emploi informel se définit par les caractéristiques de l’emploi

occupé (non déclaration, absence de contrat…) [Charmes, 2002].

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En Algérie, la petite exploitation (moins de 10 ha) représente 70% du total des exploitations agricoles et 83.1% des exploitations sont de type individuel (Exploitations Individuelles privées 72.8%, Exploitation Agricole Individuelle 10.2%, EURL 0.02%, Société familiale 0.88%) d’après le dernier Recensement Général de l’Agriculture réalisé en 2001 [MADR, 2003].

1.2. Définition et caractéristiques de l’Economie Non Observée

Le concept d’Economie Non Observée (ENO) a initialement été introduit par le nouveau

système de comptabilité des nations unies (SCN 1993), puis adopté par l’OCDE, en 2002, qui

rajoute aux 3 composantes déjà définies de l’ENO : production illégale, production

souterraine et production informelle, une quatrième catégorie : la production domestique ou

production des ménages pour usage final propre [Zidouni, 2003].

Ce concept, plus large que ceux utilisés jusqu’ici, vise à établir des estimations exhaustives du

PIB [OCDE, 2002]. L’inclusion des activités illégales dans le PIB se justifie par le fait que les

revenus générés par celles-ci sont souvent utilisés pour l’achat des biens et services légaux

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et la préservation de l’identité comptable (PIB = ∑ VA= ∑ Dépenses finales) impose la prise

en compte de ces activités illégales [OCDE, 2003b].En revanche, les activités illégales non

productives relevant de transferts forcés et non d’échanges volontaires (extorsion de fonds et

différentes formes de corruption) ne sont pas prises en compte.

L’Economie Non Observée (ENO) est ainsi définie par l’ensemble des activités productives -

illégales et légales, marchandes et non-marchandes (tableau 23) et comprend 4 composantes

principales [OCDE, 2003a ; Barthélemy, 2005; Adair, 2009 ; Zidouni, 2003].

La production illégale (ou économie criminelle) (Type 7), elle concerne la production de

biens et services dont la vente, la distribution ou la possession sont interdites par la loi (armes,

drogues) ainsi que le trafic de biens légaux (cigarettes, alcool, matériel volé ou non…) ou

d’êtres humais (prostitution, proxénétisme) ; et les activités productives légales exercées par

des personnes non autorisées (confection dans un local clandestin, médecine…).

La production souterraine, regroupe les activités productives légales dont une partie ou la

totalité de la production est délibérément dissimulée pour des raisons économiques (fraude

socio-fiscale, non respect des réglementations)- types 4 et 5- ou statistiques (non

enregistrement au Registre de Commerce)- types 1 et 3.

L’économie souterraine pour raisons statistiques relève ainsi de l’emploi informel.

La production du secteur informel (type 6), recouvre les activités productives (salariées ou

non salariées) des entreprises non enregistrées ou partiellement enregistrées (ne respectant pas

la réglementation sociale). Elle correspond ainsi au concept d’emploi informel du BIT qui

recouvre l’emploi non déclaré (salarié et non salarié) des entreprises individuelles (moins de

10 employées) et des sociétés (plus de 10 employées).

La production domestique (type 8), représente la production non marchande des biens et

services par les ménages. Elle regroupe la production agricole à des fins domestiques,

l’autoconstruction, les loyers imputés des propriétaires - occupants et les services produits par

le personnel domestique rémunéré. Rappelons que ce type de production est exclu du champ

de définition du secteur informel du BIT.

Si la frontière est suffisamment nette entre l’économie informelle et l’économie illégale, elle

l’est, en revanche, beaucoup moins entre cette dernière et l’économie souterraine. En outre, il

est difficile de faire la part des choses entre la production domestique destinée à

l’autoconsommation et celle destinée à la vente [Adair, 2002b].

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Lautier [1994] va plus loin en affirmant que les revenus générés par certaines activités criminelles (le trafic de drogue notamment) contribuent à la création d’emplois et de revenus dans certains pays comme la Colombie où une partie de l’argent de la drogue est recyclée dans la création de micro-entreprises, dans le commerce et autres activités et qu’il serait de ce fait non pertinent de les exclure du champs de l’économie informelle.

Tableau 23 : 8 types d’Economie Non Observée (ENO) dans l’optique de la production (PIB)

Production marchande Production non-marchande Légale e) Illégale

(T7)

(Production et commerce drogue, contrefaçon, prostitution, trafic de véhicules volés, contrebande) a) Souterraine (raison statistique) Non réponse (T1) Non mise à jour (T2) Non enregistrée (T3) b) Souterraine (raison économique) Sous déclaration Valeur Ajoutée (T4) Mal enregistrée (T5) (fraude socio-fiscale, non respect des réglementations) c) Informelle Entreprises individuelles (T6) (< 10 employés, < 5 salariés, auto-emploi) d) Domestique (“autre”)

Production pour usage final (auto-construction, réparation des logements loyers fictifs,), troc et paiements en nature (T8)

Source: Blades and Roberts [2002], cité par [Adair et Bellache, 2008]

1.3. Fraude et évasion fiscale

La fraude et l’évasion fiscales sont des pratiques qui relèvent de l’économie souterraine. Il

existe des différences entre ces deux notions tenant au caractère de l’opération (légale ou

illégale) et aux procédés employés pour échapper à l’impôt.

La fraude fiscale désigne l’ensemble des pratiques illégales qui permettent d’échapper en

partie ou totalement à l’impôt. Ces pratiques sont passibles de peines administratives voire

pénales [Pestieau, 1989].

Les principales formes de la fraude fiscale sont la non facturation (vente et achat sans

facture), location de registre de commerce, sous-estimation des recettes ou surestimation des

charges, dissimulation partielle ou totale d’activités, etc.

L’évasion fiscale est un procédé permettant d’éluder l’impôt en exploitant les lacunes et les

contradictions des réglementations fiscales. N’étant pas illégal, ce procédé n’est pas passible

de sanctions [Pestieau, 1989].

L’évasion fiscale s’appuie sur les dispositions introduites au profit de certaines catégories de

contribuables comme l’exemption, la déduction et le crédit d’impôt

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. En Algérie, il s’agit

surtout de détournement des avantages fiscaux accordés par le code des investissements et les

différents dispositifs publics d’aide à la création d’entreprises.