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C. La diversité et la différenciation retardée, enjeu stratégique dans le nouveau

1. Définition, mise en place

« La différenciation retardée consiste à retarder le point de différenciation produit ou du process dans le but d’approvisionner des produits semi-finis plutôt que des produits finis. Le but est de produire un maximum d’éléments standards et de repousser le plus longtemps possible le point où chaque produit est différent des autres et a besoin d’être identifié comme tel ».17

La différenciation retardée est un phénomène assez récent qui permet aux entreprises de mieux segmenter leurs offres pour répondre à une demande de plus en plus volatile et spécialisée. Son but premier est d’allier le plus efficacement possible le besoin de flexibilité, dû à une demande fluctuante et le besoin de réactivité désiré par les consommateurs.

Cet outil permet de concilier donc deux thèmes que l’on considère comme antinomique. Une plus grande flexibilité entraîne une fragmentation de la production, une multiplication des outils utilisés, des pièces commandées, mais elle influe également sur les temps de calages, de changements d’outillages et demande donc une mise en application conséquente entraînant une production plus longue et contraignante.

La réactivité, quant à elle, est primordiale pour un secteur tel que l’automobile. Le délai d’attente d’un véhicule est très variable selon la disponibilité du produit et les options choisies par le consommateur. Dans un secteur saturé en Europe occidentale et où la concurrence est forte, l’attente pour un client peut devenir un frein à l’achat et ce dernier se dirigera alors vers la concurrence.

17 H.L Lee, C.S Tang, Modelling the costs and benefits of delayed product differenciation, Management Science 43, 1997.

34 Ainsi, il est impératif pour les acteurs du secteur de concilier ces deux notions en offrant le bon produit, à la bonne personne dans un délai court. La différenciation retardée permet donc d’apporter un élément de réponse à ces problématiques.

Elle se caractérise par un subtil mélange entre flux poussés et flux tirés. Le but final des constructeurs est donc de créer un modèle unique le plus longtemps similaire dans la chaîne de production en le différenciant ensuite avec sa marque, ses options…

Les phénomènes de fusions, d’alliances ou de consortium, comme nous le verrons plus loin permettent d’impliquer encore plus profondément la différenciation retardée au sein du processus productif.

En effet, nous avons vu au cours de notre historique sur l’industrie automobile et sur l’évolution de la société de manière plus générale, que nous sommes passés d’une consommation de masse caractérisée par une offre très peu segmentée et diverses à une demande plus exigeante, obligeant l’ensemble des constructeurs automobiles à segmenter de manière plus pertinente leur offre afin d’offrir un choix plus large au consommateur.

C’est dans ce but que l’ensemble des industriels a vu le nombre de modèles augmenter au cours des années 1990 notamment et la mise en place effective de la différenciation retardée.

Les schémas ci-dessous définissent la logique de la différenciation retardée au sein d’une production et comment elle s’opère dans le processus :

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Source : Supply Chain : Comment réaliser le compromis Productivité/Réactivité, Professeur Olivier Bruel, Département MIL, Hec Paris, Mai 2005

Les schémas ci-contre nous décrivent la mise en place de la différenciation retardée et quelles sont ses caractéristiques. Cette collaboration entre système sur stock (Build to Stock ou Make to Stock), où l’on produit afin de créer des stocks et de pouvoir continuer à produire, et système en flux tendus (Build to Order ou Make to order), où l’on produit au passage de la commande du client et qui permet d’anticiper la demande tout en laissant un panel de choix le plus large possible au consommateur.

Ainsi, dans le premier schéma, c’est d’abord à la productivité et à la réactivité que l’on se concentre. Pour l’industrie automobile, le fait de construire le maximum de véhicules sur une même plate-forme permet de ne pas souffrir de la fluctuation de la demande sur un produit mais au contraire de pouvoir compenser une éventuelle diminution. Tel est l’enjeu principal de la différenciation retardée qui permettra une réduction des coûts importants.

La deuxième partie est celle de la diversité et de la flexibilité. On passe ici à une conception plus semblable aux flux tirés car les modèles vont être conçus en fonction de la demande et des choix de chaque consommateur. De plus, il permettra de distinguer les modèles entre les marques intra ou inter-constructeurs.

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Source : Gestion de la diversité : 3 études de cas ; B.Agard et D.Vinck, 5ème conférence francophone de Modélisation et SIMulation « Modélisation et simulation pour l’analyse et l’optimisation des sytèmes industriels et logistiques ; Septembre 2004.

Source : Supply Chain : Comment réaliser le compromis Productivité/Réactivité, Professeur Olivier Bruel, Département MIL, Hec Paris, Mai 2005

Le schéma ci-dessus nous montre de façon claire la corrélation et non l’opposition entre la production en flux poussés ou make to stock et celle en flux tirés make to order.

Les constructeurs cherchent à retarder au maximum ce point critique de limite pour obtenir une productivité et une réactivité maximale.

L’enjeu premier de la différenciation retardée n’intervient pas au niveau d’un seul et simple modèle de voiture mais surtout entre plusieurs modèles d’une même marque ou d’un même groupe. Ainsi, le but des constructeurs automobiles est de généraliser au

37 maximum la production pour accueillir le nombre maximum de modèles sur une même plate-forme.

Evidemment, selon les gammes et les cibles, l’enjeu de la différenciation retardée ne sera pas le même. En effet, cette dernière entraîne des investissements importants pour les différents constructeurs mais également pour les fournisseurs qui se doivent d’apporter différents produits compatibles. Mais les voitures « bas de gamme » comme les Logan par exemple ne sont pas les seules à ne pas bénéficier d’une diversification limitée.

Les voitures très haut de gamme, comme les Ferrari ou les Aston Martin par exemple sont personnalisables sous une autre forme que les autres modèles, les délais d’attentes sont importants (supérieurs à une année) elles ne nécessitent donc pas une réactivité de la différenciation retardée, tout est posé manuellement, cousu à la main pour exprimer la rareté et l’unicité du produit.

Pour W.Zinn, il existe une classification dans la différenciation retardée : différenciation d’étiquetage, de packaging, d’assemblage et de fabrication. Différentes stratégies y sont associées : la différenciation au stade de la distribution, perceptuelle (même produits pour des servies différents) ou une différenciation au niveau de la production : standardisation et technologie18.

Pour notre sujet, la différenciation se fait au niveau du producteur dans le cadre d’une différenciation de production.

18 W.Zinn, Shoul we assemble products before an order is received? Business Horizons, March April, 1990

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