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CHAPITRE I. CONCEPTUALISATION DE L’EXPLOITATION SEXUELLE

2. L’appréhension juridique de l’exploitation de l’enfant à des

2.2. L’exploitation de l’enfant à des fins de prostitution

2.2.2. Définition du consentement sexuel

Le consentement a pu être défini « comme un processus complexe, dynamique et répétitif que réalise une personne pour se permettre ou permettre à autrui une activité sexuelle avec cette autre personne, en relation à elle, processus qui s’exprime au moyen de différentes ressources, verbales ou non verbales et qui partent d’une préconception de l’activité ou conduite à avoir »123. Le consentement n’est pas

119 La majorité sexuelle est par exemple fixée à 14 ans à Madagascar, 15 ans en France, 16 ans au Canada.

120 L’âge du consentement sexuel est de 16 ans au Canada. En 2018, la France écartait la question de l’âge du consentement sexuel. Madagascar n’a pas fixé d’âge de consentement sexuel.

121 Judith Butler, « Sexual consent: some thoughts on psychoanalysis and law » (2011) 21:2 Columbia Journal of Gender and Law 3.

122 Matthew Waites, The age of consent: young people, sexuality and citizenship, Palgrave, Macmillan UK, 2005, aux pp 30-31.

123 Francisco JJ Viola, « Considérations éthiques sur le consentement comme noyau de la sexualité » (2015) 24 Sexologies 149.

tangible, il n’est pas matériel, il est « obscur et épais comme l’ombre et la chair de tout individu singulier »124; voilà toute la difficulté du consentement125.

La validité du consentement suppose que l’auteur ait été libre de toute contrainte. Cependant, le consentement est « régulièrement soupçonné de ne pas avoir été suffisamment libre pour entraîner les conséquences normatives qu’il est censé produire ».126On peut en effet prétexter que des ressorts qui dépassent la conscience

humaine entrent en jeu, de sorte qu’aucune décision ne soit en vérité totalement libre. Par ailleurs, doit-on faire reposer le consentement sur le désir ou la volonté127? Le

consentement devrait également être éclairé. Cela signifie que celui qui donne son consentement doit avoir conscience de ce à quoi il consent.

Le consentement implique en effet une réflexion préalable, un cheminement durant lequel la personne prend la mesure de l’engagement. L’auteur du consentement peut cependant être dépassé par son consentement, c’est-à-dire des effets de son consentement, la portée de ce qui le lie. Le consentement sexuel est fondamental en ce qu’il permet de poser la distinction entre un acte sexuel consenti et une agression sexuelle. Le consentement sexuel doit donc être explicitement exprimé, portant sur un contenu non équivoque ; ce consentement doit être maintenu tout au long de la relation sexuelle, et ne peut être tenu pour acquis. Il peut être défendu que le consentement sexuel « suppose l'égalité des partenaires et des conditions sociales de possibilité d'un choix »128, cette appréciation n’étant évidemment pas partagée par

tous.

124 Geneviève Fraisse, Du consentement. Paris : Éditions du Seuil 2007, p.21.

125 Cf. Étude sur les attitudes et perceptions du consentement sexuel : Terry Humphreys et Mélanie Brousseau, « The Sexual Consent Scale–Revised: Development, Reliability, and Preliminary Validity » (2010) 47:5 Journal of sex research 420.

126 Bertrand Guillarme, « Deux critiques du consentement » (2012) 2:46 Raisons politiques 67. 127 David Simard, « La question du consentement sexuel : entre liberté individuelle et dignité humaine » (2015) 24 Sexologies 140.

128 Alexandre Jaunait et Frédérique Matonti, « L'enjeu du consentement » (2012) 2:46 Raisons politiques 5.

Pour autant, le consentement sexuel est nul s’il a été obtenu suite à un abus de confiance, s’il a été donné en raison de la crainte de l’exercice de l’autorité, s’il a été fait usage de la force (ou la menace d’emploi de la force). Ajoutons enfin que pour que le consentement sexuel soit valide, le droit doit reconnaître à la personne ayant donné son consentement, la capacité de consentir.

2.2.3. Les réalités de l’exploitation de l’enfant à des fins de prostitution

L’exploitation de l’enfant à des fins de prostitution est abondamment documentée. Certaines études interrogent la propre perception de ces enfants sur l’exploitation à des fins de prostitution129. Les enfants exploités à des fins de prostitution eux-mêmes,

conscients des images fortes, des expressions chargées de connotations, peuvent décider de recourir à d’autres terminologies tels que « compensated dates »130 plutôt

que d’actes d’exploitation à des fins de prostitution. L’envie d’acquérir les biens de consommation est grande à l’adolescence131. Il y a également ce besoin de

correspondre à la norme en termes de l’âge auquel il faudrait avoir eu sa première relation sexuelle ou du nombre d’expériences sexuelles à comptabiliser. Cette pression entre pairs est écrasante, pour être reconnu et accepté. L’urbanisation est également intégrée dans l’analyse du phénomène prostitutionnel, ainsi la vie rêvée ou

129 “As recipients of sexual exploitation, children have insights into the problem and are able to give information that can be used in policy and planning of preventive, sex education and rehabilitation programs addressing sexual exploitation”, Garry M Miles, « Children don't do sex with adults for pleasure : Sri Lankan children's views on sex and sexual exploitation » (2000) 24:7 Child Abuse and Neglect 995.

130 Mee-Hae Kong, « Material Girls: Sexual Perceptions of Korean Teenage Girls who have experienced ‘Compensated Dates » (2003) 9:2 Asian Journal of Women's Studies 67.

imaginée dans les villes attire les jeunes132. D’autres études encore recherchent les

facteurs déclencheurs de l’entrée dans la prostitution dans leurs trajectoires133.

L’exploitation de l’enfant à des fins de prostitution interpelle les idées reçues, celle particulièrement ancrée d’enfants nécessairement issus de milieu pauvres. Les faits cependant indiquent que les valeurs sociales, le consumérisme, la détermination à maintenir un certain niveau de vie, amènent à l’exploitation à des fins de prostitution des adolescents de familles aisées134. Les sociétés traditionnelles protectrices et

solidaires n’en sont pas exemptes. On assisterait ainsi à une érosion progressive mais généralisée des normes traditionnelles interdisant les relations sexuelles avant le mariage135.

L’évocation de l’exploitation de l’enfant à des fins de prostitution renvoie de manière réductrice à des enfants sous l’emprise de réseaux de proxénétisme. Le Secrétaire général des Nations-Unies la définissait pourtant comme “the sexual exploitation of a child for remuneration in cash or in kind, usually but not always organized by an intermediary (parent, family member, procurer, teacher, etc.) ”136. De cette définition,

il ressort clairement que l’exploitation de l’enfant à des fins de prostitution n’inclut pas nécessairement un tiers. De même, celle-ci ne peut être essentialisée à la traite de jeunes prostitués d’origine étrangère137. Plusieurs situations d’exploitations à des fins

132 Timothy P Williams, Agnes Binagwaho and Theresa S Betancourt, « Transactional sex as a form of child sexual exploitation and abuse in Rwanda: Implications for child security and protection » (2012) 36 Child Abuse & Neglect 354.

133 « Par notre démarche exploratoire, des jeunes filles ont souvent déploré les abus sexuels subis à l’enfance, la maltraitance dans le giron familial, la précarité économique des parents, l’absence totale ou une insuffisance de scolarisation, le manque de formation professionnelle », Yvonne C Bambara, « Les facteurs de risque de la prostitution des jeunes filles mineures à Bobo-Dioulasso au Burkina Faso » (2012) 58:1 Service social 110.

134 Oluyemisi Bamgbose, « Teenage Prostitution and the Future of the Female Adolescent in Nigeria » (2002) 46:5 International Journal of Offender Therapy and Comparative Criminology 569.

135 Ibid.

136 Nations Unies, Assemblée générale, Promotion et Protection des droits de l'enfant : Vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, Doc. N.U. A/49/478, 5 octobre 1994.

137 Ces schémas laissent « de côté une prostitution de survie, autonome ou moindrement organisée à l’instar des situations impliquant des adolescentes et des adolescents d’origine hexagonale, moins

de prostitution coexistent, elles ont lieu dans un contexte de pauvreté et de survie économique, ou dans une recherche de "casual sexual exchanges and exploration"138.

L’exploitation de l’enfant à des fins de prostitution peut être occasionnelle afin de se faire offrir, ou pouvoir se payer, des produits de luxe, des biens de consommation. Parfois les actes sexuels - fellations, sodomie et toutes autres pratiques sexuelles - se déroulent dans les toilettes d’établissements scolaires en échange d’argent139. La

« prostitution » peut n’être identifiée par l’enfant qu’à la sollicitation de rue. Enfin, le raccourci qui relèguerait l’exploitation de l’enfant à des fins de prostitution à des actes de pédophilie doit lui également être dissipé140.

2.2.4. L’exploitation de l’enfant à des fins de prostitution sous l’angle du travail de