• Aucun résultat trouvé

IV- Acceptation de la vaccine par la population

2- Déclaration obligatoire et préservation des cas contacts

Dès qu'un cas de variole était déclaré aux services d'hygiène, des mesures sanitaires préventives était mises en place immédiatement afin d’endiguer la propagation du virus : désinfection des lieux, isolement du malade, vaccination et revaccination de l’entourage et des cas contacts209.

❖ Une maladie à déclaration obligatoire

En 1820, les médecins ou chirurgiens mais aussi les parents, instituteurs, chefs d'ateliers, étaient tenus d'informer l'autorité locale dès que la variole atteignait un de leurs malades, enfants, élèves ou ouvriers, sous peine d'être poursuivis devant le Tribunal de police municipale. Dans ce cas, des signes ostensibles devaient être placés sur la porte des maisons infectées, et les individus, consignés chez eux, ne pouvaient de nouveau circuler, aller dans les églises, salles

205 « ADSM, 5M226, relevé général des vaccinations en 1819 », op. cit.

206 ADSM, 5M238, essai d’application des dispositions légales pour la vaccination obligatoire. Dr OTT, 1914. 207 LAURENT, « La vaccine dans la Seine-Inférieure en 1903 », in La Normandie Médicale, 1904, p. 290. 208 ADSM, 5M236, discours du Dr Desbois, Compte-rendu des travaux du Comité Central de Vaccine, 1862. 209 MOMOT J. « La variole en Seine-Inférieure » Études Normandes, n°3, 2006. Des Normands à l’épreuve. p. 59.

69 de spectacles et autres lieux publics, qu'après la chute complète de toutes les croûtes

varioliques210.

Une loi mise en place le 5 avril 1884 relative à la protection de la population indiquait que les médecins devaient déclarer dans les 24 heures au bureau d’hygiène les cas de variole survenus parmi leur patientèle.

Cette obligation de déclaration devient officielle avec la loi nationale du 30 novembre 1892 relative à la déclaration obligatoire des maladies infectieuses. L’article 15 de cette loi imposait aux médecins, officiers de santé et sages-femmes, l’obligation de déclarer aux services d’hygiène de la ville les cas de maladies épidémiques. La liste de ces maladies fut dressée par arrêté du ministre de l’Intérieur, après avis de l’Académie de médecine et du Comité consultatif d’hygiène publique de France.

La variole était une de ces maladies à déclaration obligatoire, avec onze autres affections (la fièvre typhoïde, le typhus, la scarlatine, la diphtérie, le choléra, la peste, la suette miliaire, la fièvre jaune, les fièvres puerpérales et les ophtalmies du nouveau-né)211.

Dans une lettre du maire de Duclair au préfet en 1895, nous voyons la rigueur policière avec laquelle les varioleux étaient repérés et isolés, et on imagine le climat de crainte qui régnait dans les communes à l’évocation de la maladie : « Le dimanche 19 mai, précisément vers 4

heures de l’après-midi, un certain Hamel Francis, environ quinze ans, voyageur ambulant, atteint de variole confluente, est passé dans la commune de Duclair. Après avoir été certifié malade il est redirigé en grande diligence à l’Hôtel-Dieu de Rouen où il y entre 6 heures après avoir été aperçu »212.

La même année, une rouennaise, madame Lambert, n’hésita pas à écrire au préfet pour dénoncer des cas de variole parmi ces voisins. Les autorités de santé ont alors recours à la désinfection des logements et de la literie dès le lendemain213.

❖ Une vaccination des cas contacts

Aujourd’hui, il est connu qu’une vaccination réalisée dans les 24 heures suivant le contact infectant permet d’éviter la variole. Si elle est faite plus tardivement au cours des troisièmes ou quatrièmes jour de l’incubation alors l’immunité engendrée par la vaccine est partielle et la variole survient dans une forme atténuée214.

Ce procédé était déjà employé au début du XIXe siècle. L’officier de santé Guillemont, médecin à Yvetot, fit cette découverte en 1814 à Autigny près de Fontaine-le-Dun. Il rendit visite à une patiente qui présentait les premiers symptômes d’une variole. Sa sœur, craignant d’être touchée, demanda à être vaccinée. Monsieur Guillemont écrit à ce sujet dans ses observations : « étant 210 Rapport du Comité central de vaccine sur les vaccinations pratiquées en France en 1820, Paris, p. 9.

211 ANTONIOTTI V.,PELLISSIER M.-C.SIMEONI C.ET ALL., Déclaration obligatoire des maladies infectieuses, in

Revue de santé publique, 2002, vol. 14, p. 165.

212 ADSM, 5M140, une lettre du maire de Duclair au préfet, 21 mai 1895.

213 ADSM, 5M140, au sujet de mademoiselle Lambert, lettre du 9 septembre 1895.

214 LEMIERE,MONDOR,RAVINA,PATEL, « Variole », in Pratique médico-chirurgicale. 4ème édition, Masson et Cie., Paris, 1953, vol. 9.

70

décidée à la vaccination, je n’ai pas cru convenable de la refuser, je l’ai vaccinée à tout hasard »215. Elle présenta une fièvre qui dura douze heures puis une éruption discrète et fut rétablie. Il vaccina ainsi avec succès plusieurs enfants asymptomatiques qui étaient en contact étroit avec un malade, notamment à Dieppe, Doudeville et Bretteville, les préservant de la variole.

Il existe de nombreux exemples de vaccinations autour d’un cas. En 1820, les maires des communes touchées par la variole indiquaient par une affiche les maisons contaminées, et invitaient les habitants à s'abstenir de tout contact avec ses occupants. Aussitôt les vaccinateurs du canton se déplaçaient dans la commune infectée pour y vacciner tous les individus qui pouvaient craindre la contagion216.

En 1889, une malade admise à l’Hôtel-Dieu de Rouen déclara une variole 48 heures après son admission. Elle fut immédiatement mise en isolement, et son cas fut signalé au bureau d’hygiène. Les médecins ont dû ensuite rapidement vacciner et revacciner tout le personnel de l’établissement en moins d’une semaine.

En 1904, une épidémie de variole hémorragique sévissait à Sotteville-lès-Rouen. Le docteur Laurent se rendit au domicile d’une famille attaquée par la maladie, il fut effrayé de voir que leur garçon de trois ans était parmi eux sans jamais avoir été vacciné. Il déclara : « En présence

de ce fait qui, malheureusement, est loin d’être rare, une mesure que nous ne saurions trop recommander est de vacciner toutes les personnes habitant une maison contaminée »217.