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CHAPITRE 1 : INTRODUCTION BIBLIOGRAPHIQUE

C. INTERET D’UN APPORT PROTEIQUE DANS LA MODULATION

1. APPORT EN ACIDES AMINES ET FONCTION ENDOTHELIALE

1.2. Apport en acides aminés soufrés et fonction endothéliale

1.2.3. Cystéine, homéostasie redox et fonction endothéliale

Pour mieux comprendre comment des apports alimentaires en cystéine sont susceptibles de moduler la fonction endothéliale vasculaire via la synthèse de glutathion, il convient de prendre la mesure de la complexité de la signalisation redox dans laquelle sont engagés la cystéine et le glutathion.

Tout d’abord, notons que le glutathion est le principal antioxydant non enzymatique endogène de l’organisme (Fig.45), en raison de sa participation à l’activité catalytique des glutathion peroxydases (enzymes impliquées dans l’élimination des hydroperoxides et peroxides lipidiques), et de sa capacité à capter directement différentes espèces radicalaires. La modulation du statut redox par les propriétés antioxydantes du glutathion constitue souvent l’hypothèse sous-jacente des études de supplémentation en cystéine (Lu 2008).

En outre, par la forte réactivité des groupements thiols présents sur la chaine latérale du glutathion et de la cystéine, ces deux molécules sont présentes dans l’organisme sous deux

formes, les formes disulfures oxydées (glutathion oxydé, GSSG et cystine, CySS) ou les formes réduites (glutathion réduit, GSH et cystéine, Cys). Ces deux couples redox GSH/GSSG et CySS/Cys sont considérés comme de véritables points de contrôle du statut redox (Moriarty-Craige et Jones 2004; Kemp et al. 2008). Bien que la biologie des systèmes redox soit à ces balbutiements, les premières évaluations du potentiel d’oxydoréduction des principaux couples redox de l’organisme ont relevé une véritable compartimentation (Fig.46) cellulaire et subcellulaire de ces systèmes (Kemp et al. 2008). Au regard des concentrations intracellulaires en glutathion, dans les différents compartiments cellulaires, le couple GSH/GSSG est le principal contributeur du maintien du statut redox au niveau intracellulaire (Schafer et Buettner 2001). Au niveau du plasma où les concentrations en cystéines sont bien plus élevées que celles du glutathion, bien que le potentiel redox du couple Cys/CySS soit plus positif (plus oxydé), de récentes études considèrent le couple Cys/CySS comme étant un contributeur majeur au maintien du statut redox extracellulaire (Moriarty-Craige et Jones 2004). La mise en évidence de perturbations fines du potentiel redox de ces deux couples dans différentes situations à conduit Jones à proposer une redéfinition de la notion de stress oxydant, non plus perçu comme un déséquilibre global entre prooxydants et défenses antioxydantes objectivé par l’apparition de produits terminaux d’oxydation, mais plutôt comme une altération localisée et fine de la signalisation et du contrôle redox (Jones 2006). Récemment, le développement de techniques permettant de détecter très finement les formes oxydées et réduites du glutathion et de la cystéine, a permis d’associer des perturbations du statut redox de ces deux couples à des situations pathologiques ou à risque cardiovasculaire (Townsend et al. 2003).

Lorsque l’on induit une déplétion en glutathion réduit par une inhibition de la synthèse du glutathion chez des rats sains, l’oxydation du glutathion objectivée par une diminution systémique et vasculaire du ratio GSH/GSSG, est associée à une diminution de la réactivité vasculaire mesurée ex vivo (Ganafa et al. 2002). Chez l’homme, de faibles concentrations plasmatiques de cystéines totales (formes réduites plus formes oxydées) ont été associées à la présence de pathologies vasculaires périphériques ou cérébrales (El-Khairy et al. 2001), mais pas à un risque accru de mortalité (El-Khairy et al. 2003). Récemment, dans un modèle murin de syndrome métabolique (des rats sous régime hypersaccharosé pendant 6 semaines), il a été observé une altération du statut redox du glutathion, marquée par un potentiel redox du couple GSH/GSSG devenant plus positif (ç-à-d plus oxydé), au niveau hépatique et systémique (Blouet et al. 2007a). En outre, l’équipe d’Ashfaq a rapporté, chez des sujets sains ne

manifestant aucun symptôme clinique de pathologie cardiovasculaire, que le ratio GSH/GSSG (Fig.47) était associé de façon indépendante à une augmentation de l’épaisseur media-intima carotidienne (Ashfaq et al. 2006). Cette étude a été la première à suggérer que le statut redox GSH/GSSG pouvait être un marqueur prédictif de situations pré-pathologiques athérothrombotiques. Très récemment, la même équipe a montré que, parmi les formes oxydées et réduites du glutathion et de la cystéine présentes au niveau plasmatique, seuls la cystine et son disulfure mixte (Fig.48) étaient associés, de façon indépendante, à une altération de la FMD chez des sujets sains (Ashfaq et al. 2008). Ainsi, de nombreuses études restent à réaliser afin de comprendre comment des altérations du métabolisme et du statut redox du glutathion et de la cystéine sont impliquées dans la physiopathologie de l’athérosclérose.

Les connaissances sur la pharmacocinétique de la cystéine et le métabolisme du glutathion étant assez récentes, peu d’études ont, à ce jour, examiné l’effet d’apport nutritionnel en cystéine sur le métabolisme du glutathion et sur la fonction endothéliale vasculaire. D’une part, en 2000, il a été montré chez des sujets sains qu’un apport nutritionnel en acides aminés soufrés (cystéine, 26 mg/kg) pendant 10 jours modulait à court terme la synthèse et le renouvellement du glutathion, par rapport à un repas déplété en acides aminés soufrés (Lyons et al. 2000). Notons à ce stade que l’apport en cystéine a été estimé dans la population nord-américaine à hauteur de 1,3g/j chez les hommes (Huneau et al. 2008). D’autre part, il a été démontré qu’une perfusion intra-artérielle de 500mg de glutathion réduit (GSH) diminuait l’altération de la vasodilatation dépendante de l’endothélium, chez des sujets atteints de pathologies vasculaires (Prasad et al. 1999). En outre, il a été rapporté qu’une supplémentation orale en un donneur de cystéine, la N-acétylcystéine (NAC, 1.2g/j pendant 1mois), augmentait le taux plasmatique de glutathion réduit (GSH) et réduisait les concentrations plasmatiques en glutathion oxydé (GSSG) et en VCAM-1 chez des sujets atteints de diabète de type 2 (De Mattia et al. 1998).

On peut alors supposer qu’un apport en cystéine pourrait réduire des altérations de la fonction vasculaire. Trois études chez l’animal ont rapporté qu’un apport en NAC était capable de moduler la production du NO. Tout d’abord, il a été montré qu’une supplementation supra-nutritionnelle en NAC (1,5g/kg/j) pendant 8 semaines normalisait la diminution de l’expression de la NOS observée sur un modèle de rats diabétiques (Xia et al. 2006). De la même façon, une supplementation de 20 g/l de NAC dans l’eau de boisson pendant 8 semaines induisait une augmentation de l’expression et de l’activité vasculaire

d’eNOS (Fig.49) chez des rats hypertendus (Pechanova et al. 2006). Par ailleurs, il a été proposé que le glutathion pourrait favoriser le recyclage de la BH4, cofacteur de la NOS, augmentant ainsi sa biodisponibilité et activer ainsi la production du NO (Forstermann et Munzel 2006). Il est intéressant de signaler ici que la cystéine et le glutathion peuvent directement réagir avec le NO, produisant alors de la nitrosocystéine et du nitrosoglutathion. Bien que ces nitrosothiols semblent contribuer à la vasodilatation dépendante de l’endothélium, les voies de signalisation et le rôle exact de ces composés restent méconnus (Rassaf et al. 2002a).

De façon intéressante, l’étude de Blouet et collaborateurs a démontré que des protéines solubles du lait (Fig.50), enrichies en α-lactalbumine (riche en cystéine 2g/kg de protéine) étaient aussi efficaces que des doses équivalentes de NAC à réduire l’augmentation plasmatique de 3-Nitrotyrosine protéique induite par un repas hypersaccharosé (Blouet et al. 2007b). Bien que d’autres études restent à réaliser, cette dernière étude souligne l’intérêt d’observer des effets des acides aminés soufrés sur la fonction vasculaire via un apport protéique.