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DE L’ANALYSE MUSICALE

A. De la rupture de l’esthétique et de la praxis

3) Culture savante, culture de masse : l’autre dualité

Initié par ce que le musicien et écrivain E.T Hoffmann a qualifié de mouvement

« romantique », la rupture entre une musique fonctionnelle et une musique n’existant que par et pour elle-même se complexifie à mesure que la musique s’industrialise. Comme en témoigne l’historienne Sophie-Anne Leterrier38, elle se définit progressivement au XIXe siècle par la démarcation faite entre « la haute culture musicale et les spectacles de musique

« commerciale» ouverts à tous ».

En effet, le développement des techniques d’enregistrements et de reproduction ouvre les portes de la musique au plus grand nombre et contribuant ainsi au développement que d’aucuns ont qualifié de « culture de masse ». Cette massification de la musique autant que son insertion dans un système économique industriel amène à repenser les fonctions de la musique. Ces dernières émanent non plus uniquement de la structure compositionnelle mais du contexte socio-historique de production. Toutefois, loin de périmer les dualités précédentes, ces réflexions ne font que la déplacer en l’intégrant dans une autre dualité plus large très bien mise en perspective par Edgar Morin (1962) dans « L’esprit du temps », celle d’une double appréhension de la culture : d’un coté, la culture savante, élitiste, reposant sur les critères de jugements esthétiques et de l’autre, la culture « de masse », populaire, industrielle, conduisant à l’homogénéisation de la production artistique.

4) L’art à l’épreuve de l’industrialisation

Développant la spectacularisation amorcée dès le XIXème siècle, l’art devient reproductible, diffusable au plus grand nombre, bref obéit désormais à une nouvelle loi : celle de l’économie de marché et de « l’industrie culturelle ». Cette expression au singulier39 marque nettement la

38 " Musique populaire et musique savante au XIXe siècle. Du "peuple" au "public" in Revue d’histoire du XIXe siècle, N°19. Texte intégral Consulté le 10/03/2004 sur http://rh19.revues.org/document157.html

39 Notons ici l’importance de ce singulier car il réifie l’industrialisation de la culture comme un seul et même phénomène. Aujourd’hui, cette singularité s’est muée en pluriel afin de mieux en appréhender la diversité.

Ouverture et pluralité qui se justifient par la diversification des productions. Comme le déclare fort justement Patrice Flichy (1991) dans sa recherche sur les industries de l’imaginaire « cette notion reste trop vague et peu opératoire pour l’analyse économique de la culture ». (p.37). Dans cette continuité, d’autres chercheurs comme Bernard Miège (1997), Gaétan Tremblay (1990), ou encore Olivier Donnat (2003) partagent cette conception plurielle en articulant leurs travaux non plus uniquement autour de la consommation de masse et la dénonciation d’une corruption de l’art au profit de l’économie et de la rentabilité mais montrent au contraire que loin d’être

distinction qui va être opérée. Initiée en 1947 par Horkeimer et Adorno dans La dialectique de la raison, cette dernière a remplacé celle de « culture de masse » afin d’exclure toute possibilité de justifier la culture comme étant une émanation des masses plutôt que de l’industrie. Car c’est moins la diversité que cette culture propose que l’homogénéisation et le conformisme qu’elle vise à instaurer (Adorno, 1963) qui sont au cœur du problème.

Transformation de l’art d’autant plus importante que cette massification s’accompagne d’une mutation progressive des institutions qui assuraient les liens entre les deux40. Le déclin de l’armée, de l’église au profit d’institutions spécialisées (salles de spectacles, mécénats…) accentue les écarts entre musiciens et non musiciens, entre « grandes musiques » et

« musiques légères » et contribue ainsi à la segmentation des pratiques culturelles

Par ces quelques mots, voici lancé le débat qui alimente depuis lors les problématiques culturelles. Oscillant entre nature et technique, entre la copie et l’authentique, entre le beau et le vulgaire, ces dernières deviennent plus complexes à mesure que l’art devient culturel, qu’il s’intègre dans une économie de marché, qu’il est reproduit à grande échelle et instaure une consommation culturelle de masse. C’est d’ailleurs ce passage de l’œuvre unique aux œuvres copiées et largement diffusées qui achève de consommer la rupture entre l’art savant et l’art populaire. Elle trouve en fait ses origines chez les théoriciens de l’école de francfort. Le texte fondamental balisant les principaux points de cette dualité est sans doute celui de Walter Benjamin : « L’œuvre d’art à l’ère de sa reproductibilité technique» (1936). Car au-delà du temps et des évolutions techniques contemporaines, les arguments émis par l’auteur ont gardé toute leur actualité.

L’auteur allemand revient précisément sur la mécanisation de l’art et la transformation de l’œuvre en bien culturel. Non qu’il récuse le principe de reproduction dans l’histoire, mais sa régies par des principes organisationnels similaires, ces dernières produisent des marchandises de nature très différentes et trouvent des sources de financement et de rémunération hétérogènes.

40 Comme le montre le musicologue Joël-Marie Fauquet (1986) lorsqu’il retrace l’histoire des sociétés de musiques de chambre, ces liens sont assurées par les institutions mais aussi par les associations musicales qui contribuent aux mélanges des styles et à la confrontation permanente des formes artistiques qu’elles soient

« savantes » et « populaires ». Les orphéons autant que les chorales sont inscrits dans des idéologies politiques visant expressément à l’élévation spirituelle et morale et relèvent de programmes d’éducation citoyenne. Au delà de la stricte pratique en amateur et de la création de répertoire, ces organisations permettaient la circulation des genres musicaux autant qu’elles s’influençaient mutuellement. On notera plus particulièrement la place jouée par l’orphéon dans l’éducation populaire. Remarquablement retracée par Gumplowicz (1987), son histoire montre le mélange des genres opérés entre le réseau associatif et la volonté de quelques hommes de confier l'exécution de la "grande musique" au peuple. Participant à la démocratisation de la musique, elle s’inscrivait dans la conception Saint simonienne de la démocratie selon laquelle l’art (la musique en particulier) est un élément primordial pour l’éducation et l’harmonisation sociale.

critique porte précisément sur son aspect mécanique et sériel. Les techniques de reproduction effacent cette authenticité qui est « tout ce qu'elle contient de transmissible de par son origine, de sa durée matérielle à son pouvoir de témoignage historique ». (p.275) Avec la photographie ou le disque, on s’éloigne du lieu réel dans lequel l’objet existe ou est exécuté.

Un mélomane pourra ainsi écouter ses airs favoris traditionnellement exécutés dans les salles de concert effaçant ainsi l’« aura » qui la définissait justement dans la tradition artistique. On voit ici tout l’intérêt d’un tel questionnement à l’heure d’Internet et de la virtualité de la musique naviguant sur le réseau au travers des sites de partages musicaux (p2p).

Problématique de l’ « aura » qui est lié au caractère unique de l’œuvre représentée. Depuis les origines, la tradition artistique s’est vue balancée entre deux pôles : celui de sa valeur rituelle et celui de sa valeur d’exposition. L’analyse de l’œuvre prenant parti tantôt pour l’une, tantôt pour l’autre. Or, selon Benjamin la reproduction annule cette tension en faisant tomber l’œuvre du côté de sa valeur d’exposition en lui ôtant toute « sa magie ». La technique, à l’origine de cette reproduction, efface l’aura de l’œuvre pour n’en donner qu’une pale copie et ainsi contribuer au final à priver l’art de sa dimension esthétique. En d’autres termes, elle réduit ses fonctions d’élévation spirituelles et intellectuelles à son unique valeur d’échange.

Relisant précisément ce texte aujourd’hui devenu un classique, Hennion et Latour (1996)41 s’ingénient à relever les « erreurs » du texte de Benjamin. Sans récuser son originalité ni son intérêt, ils montrent comment ce texte porte en filigrane une vision conservatrice et romantique de l’œuvre d’art. L’un des points fondamentaux de cette relecture repose sur le rapport entretenu entre l’art et la technique. Selon eux, loin d’instaurer des ruptures et de la distance, cette dernière contribue au contraire à instituer des médiations. Et d’illustrer cette affirmation par deux cas concrets. Le premier concerne l’importance de l’innovation et de la technique dans les processus de création. A toute époque, les techniques et leurs évolutions loin de conduire à la fin de l’art ont conduit à son évolution. Ensuite, s’appuyant sur l’histoire de l’art, ils montrent par exemple que la copie d’une statue antique loin d’entacher à son prestige permet au contraire de la connaître et de l’inscrire dans l’histoire patrimoniale de l’art.

Si la mécanisation décrédibilise l’œuvre puisqu’elle la reproduit, la transforme en copie, elle n’en demeure pas moins essentielle puisqu’elle profère à l’œuvre originelle son authenticité et

41 Ce texte est aussi disponible sur Internet : http://textz.gnutenberg.net/textz/hennion_antoine_latour_bruno_l-art_l-aura_et_la_distance_selon_benjamin.txt. Consulté le 30/04/2003

son unicité. Situation finalement paradoxale puisque c’est précisément au travers de cette reproduction tant dénoncée que l’œuvre acquiert son caractère d’unicité et d’originalité. Sans copie, pas d’original. Et d’aller plus loin en affirmant que l’aura de l’œuvre n’existe qu’à partir du moment où il est possible de la comparer avec son double reproduit. Faux problème que d’affirmer une perte d’aura et d’authenticité dans un rapport de comparaison entre l’œuvre et son double. Car cette dernière n’est nullement dépendante de la technique mais plutôt du social qui la construit et lui confère son caractère original et légitime.

Dès lors, ce qui est décrié sous le terme de reproduction n’est autre que le passage progressif d’une culture savante réservée à un petit groupe d’initiés à une culture de masse accessible à tous. Cette perte d’aura dont le point saillant se veut être la technique sous-tend en fait une critique plus générale sur la « massification » de l’art. Prenant le chemin d’un bien commun accessible et consommé par le plus grand nombre, l’art se popularise. Les œuvres perdent le mystère qu’elles réservaient aux quelques initiés qui avaient le privilège de les admirer et d’en jouir.

La question de l’aura n’est donc que la partie immergée d’une réflexion beaucoup plus générale et radicale sur la société de son époque. La démocratisation de l’art et la multiplicité des œuvres achèvent de consommer la rupture entre le fond et la forme. Le système technique et le pouvoir économique profilent des productions réduites à l’émotion, en leur ôtant tout caractère réflexif et intellectuel. Posture qui renvoie à la vision romantique de l’art et à une conception esthétique hégélienne. Pour que l’œuvre réponde à la conception artistique, elle doit impliquer à la fois le rigorisme et l’ascétisme intellectuel et bannir la simple pratique émotionnelle.

« Durant des siècles, les conditions déterminantes de la vie littéraire affrontaient un petit nombre d'écrivains à des milliers de lecteurs. La fin du siècle dernier vit se produire un changement. Avec l'extension croissante de la presse, qui ne cessait de mettre de nouveaux organes politiques, religieux, scientifiques, professionnels et locaux à la disposition des lecteurs, un nombre toujours plus grand de ceux-ci se trouvèrent engagés occasionnellement dans la littérature. Cela débuta avec les boîtes aux lettres que la presse quotidienne ouvrit à ses lecteurs - si bien que, de nos jours, il n'y a guère de travailleur européen qui ne se trouve à même de publier quelque part ses

observations personnelles sur le travail sous forme de reportage ou n'importe quoi de cet ordre. La différence entre auteur et public tend ainsi à perdre son caractère fondamental. Elle n'est plus que fonctionnelle, elle peut varier d'un cas à l'autre. Le lecteur est à tout moment prêt à passer écrivain. En qualité de spécialiste qu'il a dû tant bien que mal devenir dans un processus de travail différencié à l'extrême - et le fût-il d'un infime emploi - il peut à tout moment acquérir la qualité d'auteur. Le travail lui-même prend la parole. Et sa représentation par le mot fait partie intégrante du pouvoir nécessaire à son exécution. Les compétences littéraires ne se fondent plus sur une formation spécialisée, mais sur une polytechnique et deviennent par là bien commun. »

De cette réduction de l’œuvre à son caractère fonctionnel, le statut de l’artiste même s’en trouve transformé. Comme Benjamin le montre dans l’extrait ci-dessus, tout un chacun peut le devenir sans posséder les qualifications nécessaires.

Or, l’effacement de toute distinction entre l’art et le quotidien, entre l’artiste et le commun des mortels conduit progressivement à la disparition de l’oeuvre d’art et à terme à l’effacement pur et simple de l’art comme voix possible d’émancipation sociale. Il y aurait ainsi l’art inscrit dans l’esthétique du « beau » détaché de toute contingence industrielle et l’autre, industriel, léger, appelant à une homogénéisation des pratiques, conduisant à l’aliénation de l’homme, le réduisant à terme à son « unidimensionnalité ». (Marcuse, 1968). Selon Benjamin, le ressort qui faisait osciller l’œuvre entre le réel naturel et le réel subjectivé intellectuellement enrichissant est cassé au profit de la seule jouissance et émotion suscitée.

Radicalisation de la pensée qui nous laisse face non plus à une critique esthétique de l’œuvre, mais à une critique de la production artistique. Aussi pour comprendre l’art, il faut le replacer dans une dialectique de pouvoir. L’avènement de l’industrie conduit à une fonctionnalité purement économique, à une satisfaction émotionnelle et non plus intellectuelle.

Conséquence : l’art reproduit mécaniquement ne semble plus répondre qu’aux principes fonctionnalistes de l’objet utile. Non que Benjamin et les autres auteurs de ce courant de pensée récusent toute fonctionnalité artistique, mais ils critiquent la réification de l’œuvre en bien culturel. Dès lors, l’œuvre ne recouvre plus son caractère rituel et sacré, il n’est plus qu’une monstration sans contenu.

Bien que cette conception ait réinscrit l’analyse dans son contexte de production, ce positionnement analytique n’a finalement que déplacé la dualité précédente. Certes les fonctions de l’art ne sont plus inhérentes à la structure elle-même, mais reposent toujours sur la dualité consistant à séparer l’œuvre de ses usages sociaux. Si cet élargissement permet de comparer les œuvres produites au travers des techniques et des stratégies de production et de diffusion, il n’en efface pas pour autant l’approche duale de l’art et de la culture.

5) La musique : de la production à la réception

Au travers de la transformation de l’œuvre par la technique, de sa diffusion généralisée, toute musique peut être écoutée et pratiquée en des lieux et temps qui lui sont propres. Or si la problématique des fonctions de la musique se complexifie, elle n’en demeure pas moins sujette à un dualisme reposant sur la distinction exposée précédemment : la musique savante est supérieure à la musique commerciale, légère ou encore populaire.

Pour comprendre ce déplacement de la problématique autant que son retour à une hiérarchisation dualisée, tournons-nous vers un de ces principaux théoriciens : Théodor W.

Adorno. Construisant sa philosophie sur des thématiques assez proches de celles de Benjamin, son analyse se fait d’autant plus acerbe qu’elle repose sur une conception esthétique plus rigide. N’acceptant aucune conciliation, il s’insurge contre tout conformisme autant académique, philosophique, qu’esthétique. Et de trancher définitivement sur la nature de l’art en affirmant que « les œuvres d’art non réussies ne sont pas des œuvres d’art. Ce sont des valeurs d’approximation étrangères à l’art […] ». (1970, p.241).

Cette affirmation péremptoire souligne le caractère intransigeant qu’Adorno adopte face à l’art et à la musique. Son amour de la musique le pousse en effet vers un refus délibéré de toute compromission entre le « grand art » et toute autre production artistique. Récusant ainsi les typologies musicales marquant les continuités et les ruptures à l’œuvre dans l’histoire de la musique, il postule au contraire pour une mise en tension de conceptions musicales contradictoires. Ce n’est que par cet exercice de confrontation que l'on peut comprendre les œuvres artistiques et espérer atteindre la vérité dont elles sont porteuses. Il s’emploie donc à déterminer des paradigmes musicaux extrêmes afin d’en relever l’originalité et établir sa philosophie de la nouvelle musique. Dans un ouvrage éponyme, il explique la musique

actuelle à partir de deux modèles musicaux opposés représentés par Stravinsky et Schönberg.

Car « l’essence même de cette musique s’exprime uniquement dans les extrêmes : eux seuls permettent de reconnaître son contenu de vérité » (idem, p.13).

Suivant cette articulation, il rejette purement et simplement tout ce qui pourrait se trouver dans l’intervalle de ces opposés. Ainsi, on comprend mieux le désintérêt, voir le dégoût, qu’il marque à l’égard de toute musique ayant pactisé de prêt ou de loin avec l’industrie.

« À mesure que la toute-puissante culture industrielle tire à soi le principe des lumières et le corrompt pour manipuler les hommes en faveur de l’obscur perpétué, l’art s’élève davantage contre la fausse clarté, oppose à l’omnipotent style du néon de notre époque, des configurations de cet obscur refoulé, et aide à éclairer uniquement en convainquant sciemment la clarté du monde de ses propres ténèbres » (1958, p.25)

Au grand désespoir d’Adorno, la musique a résisté pour un temps à cette tentative productiviste, mais n’en a pas moins succombé aux charmes des sirènes commerciales et industrielles. Ainsi, l’écart entre le radicalisme musical et le consensualisme s’est-il irrémédiablement creusé.

« C’est seulement à l’époque du film sonore, de la radio et des slogans publicitaires mis en musique, que la musique précisément dans son irrationalité a été accaparée par la ratio commerciale. La toute puissance des mécanismes de distribution, dont disposent la camelote esthétique et les biens culturels dépravés, comme aussi les prédispositions socialement créées chez les auditeurs, ont, dans la société industrielle au stade tardif, amené la musique radicale à un isolement complet » (idem, p.15).

Ces critiques véhémentes à l’égard du jazz ou encore des musiques de radio résonnent encore aujourd’hui. Quoi que critiquables à bien des égards parce qu’elles dénient purement et simplement la possibilité d’une quelconque analyse, celles-ci trouvent aujourd’hui un écho

particulier dans le formatage poursuivi par certaines industries du disque et l’influence du marché sur la conception musicale.

C’est à partir de ce déclin progressif qu’il considère la musique et l’art en général.

L’industrialisation de la culture promulgue un art inférieur afin de plaire au plus grand nombre et, ce faisant, elle fait de l’art un objet commercial. Or pour lui l’art, et plus particulièrement la musique, ne peut se réduire à un simple vécu émotionnel. Au contraire, ils doivent aider à porter un regard critique sur la société, doivent amener l’homme à se penser lui-même. La musique de Schonberg par exemple, par les dissonances qu’elle met en œuvre est, selon Adorno, « authentique ». Inscrite dans la société industrielle, elle parle à l’homme de sa condition. C’est d’ailleurs parce qu’elle est le reflet d’une situation insupportable que cette musique est délaissée au profit de musiques légères42. Il résulte de cette situation une mutation de l’art en marchandise dont les effets sont un effacement pur et simple de tout principe révolutionnaire. Car selon Adorno, si les musiciens des siècles précédents (les géniteurs de ce que l’on appelle « la grande musique ») tentaient d’exprimer la plénitude du temps, la musique fonctionnelle la parodie.

« elle aussi va contre le temps, mais ne le traverse pas, elle ne le comprime pas par sa force et celle du temporel, ce qui détruirait le temps, mais s’agrippe de façon parasitaire au temps, le décore. » (Ibid., p.54)

Bref, la philosophie adornienne est celle d’une dialectique entre des mondes qui s’opposent : celui de l’art et celui de l’industrie, celui de la musique savante et de la musique légère. Mais

Bref, la philosophie adornienne est celle d’une dialectique entre des mondes qui s’opposent : celui de l’art et celui de l’industrie, celui de la musique savante et de la musique légère. Mais