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Une analyse sociomatérielle de formes alternatives de mise en réseau de la ville

B. Le système énergétique

1. Cuire puis refroidir : une source de chaleur industrielle

La chaleur, présentée en général dans la communication des collectivités et du concessionnaire comme provenant des « hauts fourneaux » d’ArcelorMittal, est en fait récupérée au sein d’une partie très spécifique du processus de fabrication de l’acier, qui ne correspond précisément pas aux hauts fourneaux. Elle est générée au sein de l’unité « matagglo » de l’entreprise, abrégé de matières agglomérées, dont la gestion ne représente qu’une petite partie du processus de production de l’acier et donc de l’effectif de l’entreprise (300 sur 3500), tout comme son étendue spatiale ne représente qu’une petite partie du site de l’industriel (voir Figure 4.5) (Entretien avec un responsable opérationnel – ArcelorMittal – 16/04/2015).

L’ensemble du site d’ArcelorMittal à Dunkerque a pour fonction la transformation de matières brutes, qui arrivent sur le port par voies maritimes, en acier conditionné sous forme de « brames » et de « bobines laminées », principalement par la fusion de fer et de charbon au sein de ce que l’on appelle les hauts fourneaux. Au cours de la transformation des minerais, il est nécessaire de produire ce qui porte le nom d’« aggloméré ». Ce dernier correspond à un état intermédiaire du minerai dans lequel le fer forme des petits morceaux solides qui contiennent de l’air. Pour l’obtenir, on mélange des minerais de fer fin avec de l’eau et un

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combustible et on chauffe à très haute température (1100 à 1200°C), ce qui provoque l’agglomération des minerais fins et leur confère une porosité60

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Figure 4.5 : Organisation spatiale des différents processus au sein d'ArcelorMittal Dunkerque – Réalisation personnelle à partir d’un fond Google Earth (13/04/2016) et d’un plan d’ArcelorMittal

Cette cuisson du mélange est menée au sein de ce que l’on appelle les « chaînes d’agglomération » (voir Figure 4.6) : à l’entrée, une hotte d’allumage crée une flamme qui évolue tout au long des 125 mètres de la chaîne. Le tout peut être comparé à une « grande pipe » (Entretien avec un responsable opérationnel – ArcelorMittal – 16/04/2015). Lorsque les matières arrivent au bout de la chaîne, le mélange est « cuit » et donc solide. Pour le déplacer, il est alors nécessaire de le casser et, surtout, de le refroidir. Le matériau ainsi produit sort en effet de la chaîne d’agglomération à une température de plusieurs centaines de degrés Celsius (proche de 900°C), ce qui compromet son transport en l’état puisque qu’il entraînerait une

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Nous avons obtenu ces informations auprès du responsable environnement et risques technologiques et du responsable des travaux des chaînes d’agglomération du site d’ArcelorMittal Dunkerque. Le premier nous a décrit ce processus en le comparant à la fabrication d’un « gâteau » (ce qui correspond au jargon utilisé dans le milieu de la sidérurgie) : en chauffant un mélange d’eau et de fer fin et en le chauffant, on forme des « grumeaux ».

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usure trop importante des équipements (Entretien avec le responsable de l’environnement et des risques technologiques – ArcelorMittal Dunkerque – 02/02/2015).

Figure 4.6 : La chaîne d'agglomération n°3 du site d'ArcelorMittal à Grand-Synthe – Source : capture reportage explicatif de la récupération de chaleur réalisé pour le compte de Dalkia pour les Assises de l’énergie 2008 – vidéo fournie par Energie

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Aussi, immédiatement après avoir été chauffé, l’aggloméré doit être refroidi. Cette alternance de chauffage et refroidissement n’est pas unique dans le procédé de traitement des minerais, ce qui provoque d’importantes consommations d’énergie au cours des différents processus de fabrication de l’acier61. Pour le cas particulier de l’aggloméré, l’abaissement de la température

est réalisé au sein de ce que l’on appelle un « refroidissoir » (voir Figure 4.7), structure circulaire dans laquelle l’aggloméré tourne tandis que de l’air ambiant circule pour venir le refroidir, jusqu’à une température inférieure à 100°C (de l’ordre de 80 à 100°C).

C’est à cette étape précise de la fabrication de l’acier que la chaleur fournie au réseau de chauffage urbain est récupérée, grâce à une hotte de captation qui aspire l’air chaud et

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L’extrait d’entretien suivant en est une illustration particulièrement parlante : « il y a des pertes partout. On n’arrête pas de chauffer et de refroidir. Il faut chauffer pour transformer, il faut refroidir pour avoir les caractéristiques, après il faut réchauffer pour d’autres traitements et puis il faut chauffer, même quand on est à peu près chaud. Si vous prenez, une brame, une tôle etc., quand c’est chaud, par définition, c’est jamais chaud à la même température partout, l’extérieur est plus froid, l’intérieur est plus chaud etc., tandis que quand vous voulez faire un traitement, vous avez besoin d’une température homogène. Donc la température homogène comment … ben vous réchauffez un peu tout. Et une fois que c’est fait, qu’est-ce que vous voulez ? Vous voulez refroidir … » (Entretien avec le responsable de l’environnement et des risques technologiques – ArcelorMittal Dunkerque – 02/02/2015).

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transfère ses calories à l’eau qui circule dans les tuyaux du réseau au travers d’un échangeur thermique. Le système est comparé à « une grosse cocotte-minute » (Entretien avec le responsable de l’exploitation du réseau – EGL – 03/02/2015) : un ventilateur refroidit l’aggloméré qui est placé sous le « couvercle » qu’est la hotte de captation après laquelle se trouve un échangeur62

de chaleur « air-eau » qui permet de réchauffer l’eau qui « s’en va à Dunkerque réchauffer les petits vieux, les hôpitaux, la piscine … » (Entretien avec un responsable opérationnel – ArcelorMittal – 16/04/2015).

Figure 4.7 : Aggloméré en cours de refroidissement sur un refroidissoir – Source : capture reportage explicatif de la récupération de chaleur réalisé pour le compte de Dalkia pour les Assises de l’énergie 2008 – vidéo fournie par Energie

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La première captation fonctionnant sur ce principe, mise en œuvre en 1985, récupère la chaleur à la sortie de la chaîne d’agglomération « n°3 » du site, qui produit environ 20 000 tonnes d’aggloméré par jour. En 2008, une deuxième captation est mise en place, sur la chaîne d’agglomération « n°2 »63, qui ne produit « que » 5000 tonnes d’aggloméré par jour64. Cette

différence de volume de production se traduit dans la puissance énergétique disponible sur chacune des installations de récupération : 20 MW pour la première et seulement 8 MW pour

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Un échangeur est un équipement technique qui permet de transférer des calories d’un fluide à un autre sans que les matières ne se mélangent. Dans ce cas, on transfère la chaleur de l’air qui a servi à refroidir l’aggloméré à l’eau qui circule dans le réseau de chaleur.

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Les chaînes d’agglomération n°2 et n°3 sont les seules en fonctionnement à ce jour, la première étant hors service depuis de nombreuses années car jugée trop ancienne.

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Ce chiffre comme le précédent nous ont été communiqués en entretien, et comme nous le verrons plus loin, il reflète une capacité plutôt qu’une production réelle.

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la seconde. Au travers de la seconde opération, la récupération de chaleur est couplée à celle de poussières, qui sont réinjectées dans le système de production alors qu’elles étaient auparavant dispersées dans l’atmosphère. La quantité de chaleur récupérée par les captations est mesurée directement au niveau des hottes, par des compteurs dont les mesures sont utilisées dans la facturation de l’énergie d’ArcelorMittal vers EGL, dont nous analyserons plus loin les ressorts (Entretien avec le responsable de l’exploitation du réseau – EGL – 03/02/2015).

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