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Croissance des jeunes de l’année de la truite, Salmo trutta fario, L

avec X test l’environnement dans le site test et Cov la moyenne des matrices de variance- variance-covariance des modèles calculées à chaque simulation

3.3. Implications potentielles du changement climatique

3.3.1. Croissance des jeunes de l’année de la truite, Salmo trutta fario, L

En plus de la température (Brown 1951, Elliott et al. 1995, Abdoli et al. 2007), de nombreux facteurs abiotiques et biotiques contrôlent la croissance individuelle des jeunes de l’année : le débit (Jonsson et al. 2001, Arnekleiv et al. 2006), la nourriture disponible (Clarke & Scruton 1999, Boughton et al. 2007, Ward et al. 2009), les interactions intra- et interspécifiques comme les agressions et la compétition interspécifique (Bystrom & Garcia-Berthou 1999, Lahti et al. 2001), et les rétroactions densité dépendantes (Elliott 1994).

La croissance des jeunes de truite a été étudiée en considérant la taille maximale que peut atteindre un individu 0+ dans un peuplement. La distribution en taille de chaque population de truite est considérée comme étant un mélange de deux lois normales (Macdonald 1987). La première loi représente les 0+ et les lois suivantes les individus plus âgés (Figure 23). Les paramètres du mélange de lois ont été estimés avec un algorithme EM (Benaglia et al. 2009). Dans chacun des 105 peuplements considérés, la taille maximale que peut atteindre un 0+ est estimée comme un quantile (97,5ème centile) de la loi normale associée aux 0+ (Figure 23).

Tailles individuelles Densité 50 100 150 200 250 300 350 0 0.005 0.010 0.015 0.020 YOY > 0+ Figure 23 : Exemple de la

distribution en taille d’une population de truite. Les paramètres de la loi normale associée aux YOY (ligne pointillée) permettent d’estimer la taille maximale (le point noir).

L’échantillonnage s’étalant entre le 1er aout et le 22 novembre, on suppose constante la croissance des 0+ entre ces deux dates (croissance linéaire). Après avoir contrôlé l’effet de la période d’échantillonnage (jour de l’année, D), la température moyenne annuelle de l’air (T), l’amplitude thermique entre janvier et juillet (différence des deux moyennes mensuelles, Td), la surface du bassin versant (A) et la géologie dominante du bassin versant (calcaire ou silice, G) expliquent 49 % de la taille maximale des YOY. Comparé à un modèle intégrant uniquement la température comme variable environnementale, la part de variance expliquée par le modèle complet est significativement plus importante (F4,98 = 13,1, P < 0,001). La relation estimée entre la taille maximale et les variables environnementales est :

G T D T-(A)² (A) -. -L 2418 5,46log 1,56log 11,49 0,47 0,13 1,68 d -10,32 3.33

avec L la taille maximale des YOY estimée par le mélange de lois normales, D le jour de l’année (213-327, 1er aout-22 novembre) et G la géologie dominante (silice).

Le « hierarchical partitionning » (Chevan & Sutherland 1991, Pont et al. 2005, Walsh & Mac Nally 2008) révèle que la température est le facteur environnemental qui, à large échelle, influence le plus la croissance des 0+ de truite (Tableau 11 ; Elliott & Hurley 1997, Ojanguren et al. 2001, Parra et al. 2009). La relation entre la température et la taille maximale des YOY est quadratique (équation 3.32 ; Elliott & Hurley 1997, Ojanguren et al. 2001). La croissance croit avec l’augmentation de la température jusqu’à un maximum thermique puis décroît (Figure 24 ; Ojanguren et al. 2001).

0 100 200 300 400 100 105 1 10 1 15 120 125 2 4 6 8 10 12 14 50 60 70 80 90 100 Taille maximale

Température annuelle moyenne Surface du bassin versant

Figure 24 : Profils marginaux (Fox 1987, 2003) de l’effet de la température moyenne annuelle de l’air et de la

surface du bassin versant sur la taille maximale des 0+ de truite.

La surface du bassin versant est le deuxième facteur environnemental avec la plus grande contribution interdépendante (%Ii) sur la croissance des jeunes de l’année de truite

(Tableau 12). La croissance des 0+ augmente avec la taille du cours d’eau (Figure 24 ; Tedesco et al. 2009). Ce patron est probablement lié à la variation longitudinale des ressources alimentaires disponibles. A température égale, l’alimentation est un facteur clé de la croissance chez la truite (Brown 1951). Récemment, Descroix et al. (2010) ont mis en évidence une augmentation de la croissance des parrs de saumon (Salmo salar) le long du gradient amont-aval des cours d’eau, associée à une modification du régime alimentaire.

La diminution de la croissance des 0+ estimée dans les très faibles surfaces de bassin versant (Figure 24), n’a pas de réelle signification biologique et est probablement le résultat d’un artefact statistique.

La géologie dominante du bassin versant représente 14,2 % des contributions indépendantes des variables environnementales (Tableau 12). En moyenne la croissance des juvéniles de truites est plus forte en milieu calcaire qu’en milieu siliceux (coefficient négatif associé à G, équation 3.33). Ceci s’explique probablement par une plus forte alcalinité et fertilité de l’eau (Kwak & Waters 1997, Almodovar et al. 2006) dans les bassins versants calcaires. La variabilité de la composition chimique de l’eau peut être un facteur majeur de la variabilité des croissances observée (Almodovar et al. 2006). La chimie de l’eau étant elle-même fortement dépendante de la géologie (Allan & Castillo 2007).

L’amplitude thermique entre janvier et juillet est la variable environnementale ayant la plus petite incidence sur la taille maximale des jeunes de l’année de truite (Tableau 12).

Tableau 12 : Résultat du partionnement hiérarchique de la régression multiple reliant la taille maximale des

YOY aux variables environnementales : contribution indépendante (I), contribution jointe (J) et %Ii la

contribution indépendante relative. * Les effets de la variable et de sa forme quadratique (équation 3.33) sont estimés simultanément.

Variable environnementale I J Total |I/J| %Ii

Température* 0,2213 0,0043 0,2170 51,9 45,2

Surface de bassin versant * 0,1721 0,0048 0,1673 35,7 35,1

Amplitude thermique 0,0268 0,0262 0,0006 1 5,5

Géologie 0,0697 0,0068 0,0629 10,3 14,2

Total 0,4898 0,0420 0,4478 11,7 100

3.3.1.1. Limites : période d’échantillonnage

La période d’échantillonnage des 105 sites utilisés dans cette étude, s’étend d’août à novembre. Le jour de l’année a été utilisé dans la régression multiple pour prendre en compte des différences de taille liées à la date d’échantillonnage. Ceci suppose que la croissance des

jeunes de l’année de truite soit linéaire au cours de cette période, et que le taux de croissance soit identique quelle que soit la région dans laquelle sont situées les populations.

3.3.1.2. Perspectives

L’influence de la température sur la croissance des jeunes de l’année de truites, suggère que le réchauffement climatique aura des répercussions importantes sur la structure en taille des populations. La taille des individus est elle-même directement reliée à la stratégie d’histoire de vie des espèces piscicoles (Winemiller & Rose 1992, Vila-Gispert et al. 2002) et à la dynamique des populations (Quinn & Peterson 1996). Une croissance rapide au cours des jeunes stades est souvent associée avec une taille et un âge à la première reproduction précoce (Abdoli et al. 2007, McDermid et al. 2007). Les populations vivant dans des milieux plus chauds présentent des taux de croissance plus elevés au cours des jeunes stades (0+, 1+) et des maturations plus précoces (Abdoli et al. 2007, McDermid et al. 2007). Néanmoins, les patrons de croissance des individus plus âgés s’inversent. Les individus âgés vivant dans des environnements chauds semblent croître moins vite que des individus vivant dans des milieux froids (Abdoli et al. 2007, McDermid et al. 2007). Ceci est probablement dû à l’existence d’un trade-off entre l’investissement gonadique et somatique. Des populations avec une maturité plus tardive favoriseraient l’investissement somatique, alors que des populations avec des croissances rapides favoriseraient l’investissement gonadique (McDermid et al. 2007).

L’existence d’un tel trade-off et l’influence de la température sur la croissance des jeunes de l’année de truite, suggèrent que la truite serait capable d’adapter sa stratégie aux nouvelles conditions thermiques. Il est donc fort probable que la structure en taille des populations de truite s’en trouve modifiée. Un tel changement aurait des conséquences importantes sur l’évaluation de la condition des peuplements piscicoles via la métrique sur les classes de taille. En effet, la truite est l’espèce qui contribue le plus à cette métrique.