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La croissance de l’extrémité céphalique et la mise en place des fonctions oro-faciales

Chapitre I ANATOMIE ET CROISSANCE DE L’EXTREMITE CEPHALIQUE

B. CROISSANCE CRANIO-FACIALE CHEZ L’ENFANT ET EQUILIBRE CRANIO-CERVICAL

4. La croissance de l’extrémité céphalique et la mise en place des fonctions oro-faciales

L'os hyoïde et la langue jouent un rôle important dans la croissance céphalique et l’établissement des fonctions oro-faciales (succion, déglutition, mastication et phonation) chez l’homme.

Ces dernières vont apparaitre au fur et à mesure du degré de maturation tissulaire, ainsi que, de la croissance et de l’évolution psychomotrice de l’enfant. In utéro, la fonction de succion-déglutition est la fonction principale car le fœtus évolue dans un milieu aquatique. Puis à la naissance, la respiration devient la première fonction vitale. La maturation progressive de la langue joue un rôle important dans la mise en place de la mastication vers 6-8 mois et la phonation à partir de 2 ans [3].

4.1. La déglutition et la mise en fonction de la langue

4.1.1. Le rôle de la langue dans la croissance maxillo-faciale

D’après LANDOUZY et coll. (2009) et DELAIRE (1979), au cours de la croissance du fœtus puis de l’enfant, la posture de la tête et du rachis cervical ont un lien important avec le bon positionnement de la langue.

In utéro, le mouvement de déflexion de la tête favorise le début de la déglutition fœtale avec la possibilité pour le fœtus d’approcher ses doigts de la bouche [28]. Au niveau embryologique, il est intéressant de noter que la langue est issue de la migration ventrale de muscles rachidiens incorporés secondairement à l’extrémité céphalique [24].

D’après CHARLIER et PETROVIC, l’action de la langue est primordiale lors de la croissance maxillaire et mandibulaire.

Figure 15: Le rachis cervical s'allonge au même rythme que le maxillaire augmente de hauteur et change

d'orientation par rapport à la base du crâne et que la branche montante de la mandibule se développe verticalement [26].

Au niveau maxillaire, la posture linguale et le volume lingual permettent la croissance sagittale et transversale de la voûte palatine et des cavités sinusiennes [28].

Au niveau mandibulaire, la langue agit de façon indirecte sur les condyles en augmentant l'activité contractile des ptérygoïdiens latéraux. Par la suite, la croissance mandibulaire se poursuit et l’apex de la langue va passer d’une situation inter-arcade à une situation rétro-incisive. Ce changement de conformation spatiale peut être attribué à divers phénomènes [28] :

- la morphogénèse des arcades temporaires et l’éruption dentaire qui augmentent la « boite linguale »,

- l’augmentation du volume lingual plus rapidement que la « boite à langue »,

- la descente de l’os hyoïde qui tracte la « base » de la langue lors de la croissance des vertèbres cervicales,

- le passage de la position couchée à la position assise du nourrisson.

La langue acquière une nouvelle conformation lors de la descente de l’os hyoïde avec une partie intra-buccale persistante et une partie aéro-pharyngée. Cette double situation est déterminante d’un point de vue fonctionnel et morphogénétique. En effet, sa portion libre lui permet de remplir les fonctions de succion, déglutition et de nutrition alors que « sa base » joue un rôle important dans la ventilation.

4.1.2. La déglutition

Chez le nourrisson, lors de la déglutition, la mandibule est stabilisée par la contraction des muscles faciaux uniquement, notamment l’orbiculaire des lèvres et ne nécessite pas d’être stabilisée par la contraction des muscles masticateurs comme chez l’adulte. Les muscles faciaux ne doivent plus jouer de rôle lors de la déglutition adulte, l’occlusion labiale doit devenir passive [3].

Par sa mobilité, la langue peut acquérir de nombreuses positions différentes. Au cours des déglutitions, elle peut s’adapter à toute sorte de configurations et à la présence d’« intrus » tels qu’une tétine ou un pouce. La langue va alors laisser la place nécessaire et adopter une position anormale. Cependant, la présence d’un intrus au long court, lui fait acquérir la variation de position même après la disparition de l’intrus. Des tensions musculaires anormales se créeent et maintiennent la mauvaise posture. De même, si la langue est bien centrée dans la cavité buccale, son action est bénéfique et normale car bien symétrique [24].

C’est au cours de la petite enfance que peuvent se développer des dysfonctions linguales et leurs conséquences d’après AMIGUES (2004) [31]. Les dyspraxie de la déglutition sont rarement isolées et rentrent souvent dans un schéma dysfonctionnel orofacial combinant ventilation orale et parafonctions. La répétition des anomalies de la dynamique musculaire a des conséquences sur le tonus et les postures de repos des muscles des lèvres, des joues et de la langue, perturbant les autres grandes fonctions orofaciales (ventilation, phonation et mastication) [44].

4.2. La ventilation et le rôle de l’os hyoïde

Selon TALMANT (1995), « le déplacement de l'os hyoïde est lié à l'inflexion de la base du crâne et le crâne s'éloigne de l'os hyoïde grâce à la croissance du rachis cervical. Cette croissance axiale des cartilages vertébraux permet à la musculature de la nuque d'élever le crâne par rapport à l'os hyoïde, et au pharynx de s'accroître. Le rachis cervical croît plus vite que le pharynx, une nouvelle structure se crée : l'oropharynx » [51].

Ces modifications au niveau de la base du crâne favorisent le passage de la ventilation nasale à la mise en place de la ventilation orale [3] [5] [6].

Après la naissance, la posture de l’os hyoïde joue un rôle primordial dans le passage de l’air au niveau du carrefour aéro-pharyngien. Les muscles génio-glosses s’insérant sur l’os hyoïde, empêchent l’encombrement de l’oropharynx par la langue en décubitus dorsal sous l’action de la gravité [28].

La situation de l’os hyoïde a donc une relation étroite avec la posture de la langue et de la mandibule et la respiration nasale [28].

4.3. La mastication et la croissance de l’articulation temporo-

mandibulaire

4.3.1. Mise en place de la mastication

La mastication est une fonction complexe qui se développe en même temps que la denture lactéale. Elle va faire suite à la succion-déglutition

De 6 à 18 mois, les premières dents temporaires antérieures apparaissent et avec elle, la préhension-morsure et la notion de limite antéro-postérieure.

A partir de 18 mois, les premières molaires temporaires apparaissent et l’enfant commence à mastiquer. La dimension verticale et la limite transversale commencent à s’établir.

L’apparition des canines et des secondes molaires temporaires marque l’acquisition d’une fonction masticatoire mature. Le broyage devient efficace avec les mouvements de latéralité.

Les mouvements rythmiques mandibulaires dans les trois sens de l’espace assurent la fragmentation et l’écrasement de l’aliment. Ils sont associés à des mouvements coordonnés de la langue, des joues et des lèvres qui assurent le transport, la formation et le contrôle du bol alimentaire (BOILEAU, 2008) [130].

4.3.2. Modes de mastication et ATM

On distingue trois types de mastication parmis la population générale :

- La mastication unilatérale alternée, la plus fréquente et la plus physiologique, avec alternance des côtés travaillants ;

- La mastication unilatérale stricte ou dominante avec toujours le même côté travaillant ; - La mastication bilatérale avec un écrasement simultané de l’aliment des deux côtés [130].

Les anomalies de la fonction masticatrice sont issues de deux origines :

- soit liées à l’atteinte d’un élément de la mastication : dents, occlusion et muscles masticateurs, - soit liées au syndrome de mastication unilatérale dominante décrit par PLANAS (1992) [130]. Au niveau des dents, toute douleur (carieuse, mobilité, interférence) entraine des troubles masticatoires par la mise en place d’un réflexe d’évitement. La personne développe une

Figure 16 : Maintien des voies aériennes et du carrefour aéro-

pharyngien par la position de l’os hyoïde. [Société Française d'Orthopédie Dento-Faciale. Congrès Orthod. Fr., 1982, 53, 1.]

mastication unilatérale ou mange de moins en moins. Une supraclusie incisive favorise le développement d’une mastication en ouverture/fermeture verticale sans latéralités.

Un plan occlusal perturbé en statique et en dynamique engendre des douleurs au niveau des ATM et des perturbations masticatoires. Par exemple, une latéro-déviation d’origine occlusale induit une compression articulaire et la mise en place d’une mastication unilatérale pour éviter la douleur. Au niveau musculaire, des spasmes perturbent la mastication en induisant des douleurs, un trismus ou des hypertrophies musculaires [145].

Le syndrome de mastication unilatérale dominante chez l’enfant conduit au développement d’une asymétrie maxillo-faciale et d’une croissance asymétrique de la mandibule et des condyles. Chez l’adulte, elle a tendance à aggraver les atteintes articulaires [130].