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Une critique du machisme par les enjeux de soumission

Chapitre 2. Un engagement dans la mouvance du féminisme tranquille

2.2. Doux-Amer : un engagement féministe par la littérature

2.2.2. Une critique du machisme par les enjeux de soumission

Les souvenirs de l’éditeur lui permettent de conserver le fantasme de son amour : Il y a quelque chose de poignant à ce qu’une partie de son bonheur soit déjà dans le passé. On était là, soudés l’un à l’autre, sans penser que l’irremplaçable nous échappait, que ces moments ne nous seraient jamais rendus, que, quoi qu’on fasse, quoi qu’on dise, ils ne seraient ni aussi miraculeux, ni aussi exceptionnels qu’on les aurait voulus, et qu’ils seront à jamais interchangeables. Tout de suite après, on est réduit à ne pouvoir plus qu’y rêver. (Martin, 1960 : 22)

Contre son gré, l’éditeur se voit ainsi coincé dans les rouages d’un amour non réciproque, il sent qu’il est victime du confort qu’il s’est imposé en aimant Gabrielle comme il croyait devoir l’aimer. Il se décrit comme un « pauvre bougre » condamné à « errer, désolé, dans les rues poussiéreuses, pour entrer chez lui, le soir tombant » (Martin, 1960 : 28). Claire Martin représente la transparence des sentiments dans la masculinité, elle souhaite réformer le caractère figé de cette transparence en l’apposant à un homme hétérosexuel dominant dans la société. Car en effet, son métier lui accorde une multitude de propriétés qui lui confère un pouvoir symbolique significatif. Le fait qu’il soit le supérieur hiérarchique de Gabrielle lui accorde un statut de domination particulier, qu’il ne se gênera pas à utiliser à ses propres fins.

Comme nous avons pu le voir, Gabrielle est une femme ambitieuse et assidue à son travail. Suzanne Paradis, observe que

[d]u début à la fin du récit, Gabrielle mène le jeu. Elle prend les décisions, les plus graves comme les plus insignifiantes. […] Sa personnalité bien

définie ne fait qu’une bouchée du doux personnage informe qu’est le narrateur (Paradis, 1966 : 152).

En effet, nous constatons que l’éditeur est dominé par Gabrielle dans la sphère amoureuse. L’éditeur évoque à quelques reprises dans sa narration ce sentiment de domination, il affirme : « Je songe, parfois, que les sexes ne sont pas seulement divisés en masculin et féminin, mais en dominant et dominé » (Martin, 1960 : 17). Nous percevons également par cette narration qu’il est le dominé, alors que tout « homme viril » devrait avoir le contrôle, selon la distribution des valeurs symboliques associant les hommes à l’action et au pouvoir et les femmes à la passivité et aux devoirs : « J’aimais, j’étais sans doute aimé, mais je n’étais pas le maître de la situation » (Martin, 1960 : 19). Dans l’idéalisation de l’absence de l’être aimé, nous constatons une évolution de ses pensées et de son comportement, notamment dans le ressassement de ses souvenirs :

J’éprouve un regret poignant à ne pas l’avoir dit. J’entreprends ainsi de longues conversations imaginaires. Puis des propos imaginaires naissent des faits fictifs. Je finis par ne plus très bien distinguer entre le fabriqué et le réel et par m’enivrer autant de l’un que de l’autre. Il arrive que je laisse inexplorés de larges pans du souvenir qui m’occupe et que, plus tard, ma mémoire ne puisse les retrouver quand ils me seraient le plus nécessaires. Car il y a des moments – l’amour a ses disettes – où chaque miette vous est nécessaire. Ceux de l’abandon, oui, mais plus encore ceux de l’absence. (Martin, 1960 : 23)

Nous pourrions donc assumer que Gabrielle le domine, dans la mesure où sa simple présence lui permet de poursuivre son existence. L’éditeur mise d’ailleurs sur l’amour, et non sur le corps ou la sensualité, comme le ciment de la relation. En effet, alors que Gabrielle et l’éditeur sont éloigné·e·s le temps de quelques semaines, une seule journée en la présence de Gabrielle permet de « fleurir les parois du gouffre » (Martin, 1960 : 33) dans lequel l’éditeur se trouve lorsqu’elle n’est pas près de lui. Puis quand Gabrielle le quitte pour Bullard, le seul contact professionnel avec elle est suffisant pour l’éditeur. Pour celui- ci, « [l]’amour ne fait pas la différence entre les miettes et les joyaux. Il accueille tout d’un cœur inassouvi » (Martin, 1960 : 33). Il s’agit encore une fois d’un renversement des valeurs symboliques associées au masculin et au féminin, puisque dans cette situation amoureuse, c’est la femme qui s’inscrit du côté de l’action et l’homme dans celui de l’attente.

Dans cette critique de la domination patriarcale, Martin témoigne de son désir d’ouvrir les possibles des individus, en montrant la superficialité des idées préconçues. D’abord, l’éditeur compare sans cesse le caractère de l’écrivaine à celui des autres femmes qu’il a côtoyées dans sa vie :

Je l’aurais voulue plus semblable à celles qui, dans ma vie amoureuse, m’avaient tellement exaspéré. Je l’aurais voulue indiscrète, envahissante, dépendante, chichiteuse. J’aurais voulu qu’elle pleurniche, qu’elle s’accroche, les soirs où j’avais à faire. Mais elle avait à faire bien plus que moi […] (Martin, 1960 : 37).

Cette irritation ne fait qu’accentuer le caractère figé des genres sexués : alors que l’éditeur avait dénoncé ces traits de personnalité chez les femmes de son passé, les souhaitant plus déterminées, moins dociles et sensibles, il constate qu’il aime être celui à qui « elle s’accroche, les soirs où [il a] à faire ». En effet, l’éditeur aimerait être celui qui accomplit, qui s’accomplit dans le couple. Nous percevons dans le milieu professionnel que l’éditeur souhaite conserver une domination sur Gabrielle. Car comme l’affirme Simone de Beauvoir : « nul n’est plus arrogant à l’égard des femmes, agressif ou dédaigneux, qu’un homme inquiet de sa virilité » (de Beauvoir, 1976 : 29). L’éditeur décrit Gabrielle, dès la première page de l’œuvre, comme « cette femme dont [il a] créé la carrière de [s]es mains, de [s]on cœur, de [s]a volonté » (Martin, 1960 : 7). Cette façon de s’accorder la responsabilité de la gloire de Gabrielle prouve une certaine volonté à s’auto-promouvoir, à se donner raison, à s’octroyer les qualités du bon éditeur qui favorise les avancées de sa jeune recrue jusqu’à son accession à la notoriété. Il affirme dès le début qu’il trouve le premier manuscrit de Gabrielle « bien mauvais : raide, gêné aux entournures, rempli de lieux communs politico-sociaux, de grands sentiments » (Martin, 1960 : 9). Cependant, il lui donne une chance :

Je n’aimais pas encore Gabrielle. Pourquoi me suis-je imposé de lui montrer ses erreurs une à une et de lui dire comment les corriger ? Parce qu’elle avait besoin d’argent ? Parce que je sentais confusément que j’allais l’aimer ? Pour ce que j’avais, sous la gaucherie, décelé de talent ? Je crains que tous ces souvenirs lointains ne soient faussés par ce qui s’est passé après. La mémoire, comme le cœur, se laisse abuser, et souvent par celui-ci, comme de juste. (Martin, 1960 : 11)

Car du registre du souvenir ressort également un sentiment de mélancolie qui semble affliger le narrateur. Ce sont ses souvenirs extirpés qui persistent à reconstituer l’absence :

J’ai sous les yeux un agrandissement de la photo dont je me servis pour la publicité dans les journaux. Gabrielle n’était pas aussi belle. Elle n’avait pas ce sourire provocant, ce visage offert. J’étais ravi de cette photo. Nous nous en sommes servis pendant des années. À cause de cela, je n’ai plus rien de la Gabrielle de ce temps-là, de celle que j’ai aimée. Il ne me reste que celle que j’ai voulu exhiber. (Martin, 1960 : 13)

Cette façon d’exhiber sa recrue impose un certain ordre de domination, qui pose l’éditeur en dominant, alors qu’il s’est lui-même toujours placé en position de dominé. Il est celui qui mène Gabrielle vers la notoriété et il se définit comme le maître du destin de Gabrielle qui peut disposer d’elle comme bon lui semble. Il peut l’exhiber, la cacher et se glorifie de cet accomplissement. Il reviendra d’ailleurs sur cette gloire qu’il a lui-même programmée dans un moment où Gabrielle est vulnérable :

- Tu es amoureuse, c’est très bien. Mais tu n’as pas pensé que, sans moi, tu ne serais rien. Que si je ne t’avais pas lancée, si je ne t’avais pas aimée, tu serais peut-être toujours dans ton petit bureau poussiéreux, que ton premier manuscrit serait toujours au fond d’un tiroir. Tu ne te souviens pas de ces six mois où je t’ai enseigné ton métier ? Tu as oublié ?

Ses yeux désolés. Je crois bien que ce qui l’attristait le plus, c’était ce jour nouveau sous lequel je me montrais.

- Je n’ai rien oublié. Mais je n’imaginais pas que tu me le reprocherais un jour. (Martin, 1960 : 75)

Alors que Gabrielle est tout à fait consciente que cette accession à la gloire est en partie imputable à l’éditeur, il s’agit pour ce dernier d’une arme à double tranchant qui lui permet de se rendre victime de la trahison de Gabrielle, tout en affirmant que le processus d’édition était une façon d’accéder à elle. Nonobstant la personnalité forte et déterminée de Gabrielle, cette ruse de la part de l’éditeur lui permet de se placer en position de dominant, en tant qu’éditeur façonnant son nouveau phénomène littéraire de ses propres mains. Nous pourrions y voir ici une critique du machisme qui règne dans le milieu littéraire, dans la mesure où la gloire est attribuable à celui qui découvre le talent littéraire, et non à l’écrivaine. L’éditeur mise sur la rigidité du champ littéraire, un champ particulièrement défavorable aux femmes de l’époque, en vengeant sa situation de dominé sur le plan amoureux par une domination professionnelle et symbolique. Bourdieu confirme : « l’enjeu fondamental des luttes littéraires est le monopole de la légitimité littéraire, c’est-

à-dire, entre autres choses, le monopole du pouvoir de dire avec autorité qui est autorisé à se dire auteur » (Bourdieu, 1984 : 13). En propulsant la carrière de Gabrielle, l’éditeur s’accorde tous les mérites de son succès : si elle ne l’avait pas rencontré, il affirme qu’elle serait toujours au même stade qu’avant leur rencontre. Cela révèle une certaine restriction à l’affranchissement des femmes et le nécessaire soutien de l’homme dominant. En misant sur la chance qu’elle a eu de le rencontrer, l’éditeur reconstruit cette représentation d’une masculinité qui a le monopole du pouvoir et de la légitimité.

Ainsi, dans la déconstruction de l’édifice patriarcal inauguré par le brouillage des genres, Claire Martin tend également à critiquer la soumission de la femme à l’homme en posant une tension indépendance/dépendance entre les personnages. La liberté amoureuse qui guide Gabrielle, ainsi que son caractère fort et orgueilleux la révèlent en femme indépendante. Or, les relations qu’elle entretient témoignent d’une certaine codépendance, qui place constamment Gabrielle en état de soumission. L’éditeur est dépendant amoureusement de Gabrielle, qui, elle, est dépendante de ce dernier pour sa gloire professionnelle. Michel Bullard, quant à lui, est dépendant de Gabrielle et de l’éditeur pour sa gloire professionnelle, alors que Gabrielle est dépendante de ce dernier amoureusement. Elle « n’est pas tant faible qu’affaiblie par l’ordonnance du système qui la maintient dans un état de dépendance envers l’homme » (Boisclair, 2004 : 39). Boisclair ajoute d’ailleurs : « La seule chance pour la femme de s’extraire du système est de s’émanciper du père ou du mari auquel elle est subordonnée et au capital duquel elle est inféodée » (Boisclair, 2004 : 39). C’est ce que fera Claire Martin en faisant mourir le mari de Gabrielle, Michel Bullard, en quelques pages dans un accident de voiture. Si l’émancipation n’est pas accomplie par Gabrielle elle-même, mais par ce qu’on pourrait appeler « la destinée », nous pourrions penser que Claire Martin souhaitait critiquer cette base du système, en imposant un facteur d’affranchissement libérateur et plutôt efficace, quoique peu agentif (Butler, 2017 : 14).

En outre, il est intéressant de constater que l’éditeur se met en position de domination en se posant comme le tremplin de la carrière de Gabrielle, alors que cette dernière, au faîte de la gloire, fera de même avec son mari, Michel Bullard. En effet, elle est celle qui propose

le manuscrit de celui-ci à l’éditeur, malgré les aptitudes assez quelconques de son mari. Elle se charge des relations éditoriales de son mari avec l’éditeur, elle subvient aux besoins du couple, en plus d’être celle qui lui permet d’accéder à la gloire. Nous pensons que ces actions révèlent le capital symbolique dont elle jouit et sa compréhension des règles qui régissent le milieu littéraire. Nous constatons que cette situation de codépendance entre les personnages intervient pour montrer que le pouvoir est coextensible. En effet, le pouvoir n’est pas concentré entre les mains de quelques personnages : il est diffus et circule en ce qu’il est inhérent à toutes les relations sociales. Cette autre sorte de subversion des rôles traditionnels permet de mettre l’accent sur la notoriété et la gloire de cette femme qui a tout pour réussir. Cette accession à la gloire est toutefois insidieuse, dans la mesure où, par amour, elle se donne entièrement à cet homme qui ne la mérite pas. L’éditeur en viendra même à lui dire, non sans condescendance : « Tu devrais refiler ce monsieur à une femme plus riche que toi. Ces plaisirs sont vraiment au-dessus de tes moyens » (Martin, 1960 : 145). En considérant également son jeune âge, Michel Bullard a une dizaine d’années de moins que Gabrielle, il est intéressant de constater ce nouvel état des choses : c’est Gabrielle, en femme moderne, qui fait vivre son mari.

Cette critique du machisme régnant dans le milieu littéraire par l’intermédiaire des thématiques de la soumission et de la domination permet de situer l’engagement féministe de Claire Martin dans une perspective littéraire. En effet, si la romancière fictive qu’est Gabrielle Lubin construit sa posture d’écrivaine autour d’hommes dominants, force est d’admettre que son intégration dans le champ est plutôt négative : elle se fait modeler par l’éditeur et devient finalement celle qui fabrique la carrière de son mari. André Belleau dans son essai Le Romancier Fictif qualifie Gabrielle Lubin de « fausse romancière » dans la mesure où « elle aurait pu être comédienne et l’éditeur, le directeur de la troupe. Elle aurait pu, à la rigueur, faire de la décoration d’intérieur » (Belleau, 1999 : 131). Son pouvoir et son talent propres lui sont dérobés par cette critique de Belleau. À cet égard, nous croyons que le personnage d’écrivaine et la critique du machisme du milieu littéraire font directement écho à la situation des femmes dans le champ littéraire québécois des années 1960. Cette critique du machisme démontre que sa carrière d’écrivaine n’est pas accessoire à son statut de femme professionnelle. En revanche, nous pourrions faire cette critique à

tout champ qui, d’une façon ou d’une autre, domine et marginalise les femmes. En effet, la critique Suzanne Paradis affirme dans un article :

Mais dans aucun de ses livres […] Claire Martin n’a cherché de solution universelle aux problèmes de la condition féminine. De toutes ses héroïnes, une seule a une raison de vivre, un métier (écrivain) mais Claire Martin l’a dotée d’un tempéramment [sic] solide, virile [sic] qui indique bien son manque de confiance en la féminité. […] Une véritable femme, pour cet auteur, […] ne peut exister en dehors de l’esclavage. C’est là que réside sa plus grosse erreur (Paradis, dans Favreau, La Presse, 8/3/1972 : D1).

Cette déclaration prouve la nécessité de l’illustration d’une multitude d’expériences en littérature, dans la mesure où Paradis attribue aussitôt les caractéristiques viriles du comportement de Gabrielle à sa situation de femme de lettres. Ce qui nous importe est peut-être le fait que le roman raconte l’histoire d’une femme émancipée dans la sphère professionnelle, alors que son émancipation dans la sphère privée est plus mitigée. En revanche, c’est dans la critique et la déconstruction de l’édifice patriarcal que Claire Martin met en scène cette romancière fictive.

En somme, la complexité des personnages de Gabrielle et de l’éditeur permet de remettre en perspective les stéréotypes et brouille derechef les caractéristiques attribuées aux genres sexuels. Si le souvenir et les réminiscences font partie intégrante de Doux-Amer, cet éditeur fictif ne peint pas le portrait d’une époque dans l’élaboration de ses souvenirs, comme le fait Claire Martin dans ses mémoires. Cette dernière souhaitait centrer le récit sur Gabrielle et sur sa carrière, alors qu’en trame de fond se peindrait cette laborieuse histoire de triangle amoureux. Cette thématique du féminisme tranquille attribuée à la femme en milieu de travail contribue à insérer Claire Martin dans les revendications des féministes égalitaires, alors qu’elle recherche l’égalité des chances et problématise les inégalités dans les concepts de la socialisation et du travail (Déscarries-Bélanger et Roy, 1988 : 8).

Si les entrevues de Claire Martin placent son féminisme, qui suppose que la femme détient toutes les clés de son affranchissement, dans une situation équivoque, force est d’admettre que les critiques de la société formulées dans le roman Doux-Amer permettent

de situer son engagement dans un courant plus radical du féminisme, qui suggère que l’égalité des femmes passe avant tout par la réforme de la société en place. En effet, les convictions de Claire Martin font état d’une situation particulière, la situant au tournant de ce féminisme égalitaire vers le féminisme à pensée autonome, ou de la deuxième vague. Nous pourrions affirmer que Claire Martin tend vers le féminisme à pensée autonome dans ses œuvres littéraires. En critiquant la rigidité des genres sexuels et du machisme régnant dans le milieu littéraire, elle admet que le privé est politique, l’aphorisme de prédilection des féministes de la deuxième vague (Déscarries-Bélanger et Roy, 1988 : 10). Or, son épitexte témoigne d’une ambiguïté par rapport à la cause féministe, l’intégrant plus formellement à un féminisme égalitaire, refusant la rupture avec l’ordre établi.

Nous croyons que la consolidation de sa posture d’écrivaine engagée se fait percevoir de manière plus directe dans ses mémoires, Dans un gant de fer (1965-1966), alors qu’elle pose un regard critique sur la société québécoise du XXe siècle. Un passage de Doux-Amer

dévoile d’ailleurs cette œuvre qu’elle rédige en parallèle à ce roman, ce qui construit implicitement sa posture d’écrivaine engagée :

Sa mémoire fut soudain assiégée par tous les pénibles souvenirs de son enfance malheureuse. Elle se mit à les dénombrer obstinément et commença, du coup, un autre roman qui, par ce qu’elle m’en disait, m’inquiétait beaucoup. Après quelques jours, le bon sens lui revint et elle l’abandonna pour reprendre celui qu’elle avait déjà commencé. [...] Mais elle s’y remit, quelques années plus tard et, apaisée, en fit ce livre d’un humour si acerbe, d’une vérité si cruelle, qu’il obtint surtout un succès de scandale. (Martin, 1960 : 35)

Comme l’affirme Robert Vigneault : « Claire Martin restera toujours “pétrie de revendication” face à la discrimination dont a été victime la femme aux mains d’une certaine espèce masculine, superbement représentée par l’homme des Mémoires » (Vigneault, 1975 : 44). C’est donc dire que ces revendications permettent de poser les assises de son engagement, à l’aune de cette déconstruction de l’édifice patriarcal.

Conclusion. D’une lutte individuelle à une lutte collective :

consolidation de la posture d’écrivaine engagée

« C’est pour en venir à écrire ce livre que je suis devenue écrivain »

Claire Martin

Par les différents lieux qui composent son engagement, nous sommes à même de confirmer que Claire Martin prend position dans divers débats qui se déroulent à son époque, notamment sur la littérature, la langue et le rôle des femmes dans la société. Le contexte social contribue également au caractère équivoque et problématique de son