• Aucun résultat trouvé

Suite à la revue systématique ODPTIC, l’échelle CPOT semblait être la meilleure candidate pour évaluer la douleur chez les patients non-communiquant en fin de vie (10). Lors de la mise à jour de cette revue systématique, le REPOS s’est avéré être une échelle de mesure intéressante. Toutefois, d’autres études sont nécessaires pour évaluer sa validité et sa fidélité. L’échelle CPOT a été choisie dans ce mémoire puisqu’elle a été le sujet de plusieurs études de validation et l’objet de recommandations dans des lignes directrices américaines (10, 64, 65). Selon les résultats d’une revue systématique récente portant sur les échelles destinées à évaluer la douleur chez les patients incapables de communiquer en fin de vie, l’échelle CPOT pourrait constituer une échelle de choix pour évaluer la douleur chez cette clientèle (10). Même si les résultats semblent être prometteurs, d’autres travaux sont nécessaires pour évaluer la fidélité et la validité l’échelle CPOT dans un contexte de fin de vie (91). Aussi, peu de données sont disponibles sur sa capacité à détecter de la douleur chez les patients dont l’état de conscience est fortement altéré en raison de l’administration de sédatifs (92). Le résultat moyen de l’échelle CPOT augmentait irrégulièrement entre les deux évaluatrices lors d’une intervention non-douloureuse (92). Les auteurs attribuaient cette variation à une difficulté d’évaluer la douleur chez les patients mis sous haute sédation (92).

3.1 Le développement de l’échelle CPOT

Initialement, l’échelle CPOT a été développée en français au Québec. La population visée par cette échelle est celle hospitalisée aux soins intensifs et incapable de communiquer (93). Le construit à l’étude est la douleur. Quatre signes comportementaux de la douleur sont utilisés pour évaluer la douleur. Ceux-ci sont l’expression faciale, les mouvements corporels, la tension musculaire et la vocalisation (93).

Neuf groupes de discussion, des entrevues individuelles avec 48 infirmières et 12 médecins de soins critiques, et une analyse de 52 dossiers ont été réalisés pour identifier les signes comportementaux de la douleur inclus dans l’échelle CPOT (54, 94, 95). Tous les items de l’échelle CPOT ainsi que les définitions s’y rattachant proviennent de plusieurs échelles existantes dont le COMFORT scale et le PACU Behavioral Pain Rating Scale (59, 93, 96).

L’échelle CPOT est composée de quatre items, soit les mouvements corporels, l’expression faciale, la tension musculaire et la vocalisation. Chacun de ces items est constitué d’une sous-échelle avec un score variant de 0 à 2. Un sous-score de 0 correspond à l’absence d’un signe, 1 à la présence partielle du signe et 2 en sa présence totale. Ils sont ensuite additionnés pour obtenir un score global dont le minimum est de 0 et le maximum de 8. Le score-seuil, mieux connu sous le nom de cut-off score, est un score supérieur à 2. L’administration de l’échelle CPOT comporte cinq directives :

1. Tout d’abord, le patient est observé au repos pendant une minute pour obtenir une valeur de base. L’infirmière observe l’expression faciale, les mouvements corporels et la présence de cris ou de gémissements (vocalisation).

2. Ensuite, le patient est évalué pendant les procédures nociceptives comme la mobilisation ou bien lors de soins pouvant générer de la douleur (par exemple un changement de pansement) pour détecter tout changement dans les comportements causés par la douleur.

3. L’infirmière regarde le patient avant et au moment de l'effet maximal d'un analgésique pour déterminer si le traitement a été efficace ou non pour soulager la douleur.

4. Cette dernière va aussi évaluer le patient au moment de l'effet maximal d'un analgésique pour déterminer si le traitement a été efficace ou non pour soulager la douleur. Le score le plus élevé observé au niveau de l’échelle CPOT pendant la période d'observation est attribué pour chacun des items, représentant chacun un comportement.

5. La tension musculaire est évaluée en dernier, en particulier lorsque le patient est au repos, car la stimulation du toucher seule (lors de la flexion passive et de l'extension du bras) peut entraîner des réactions comportementales.

3.2 Les qualités psychométriques de l’échelle CPOT

Selon de nombreuses études réalisées par différents auteurs, l’échelle CPOT semble être valide. Elle a été jugée sensible à 93% et spécifique à 84% (97) pour détecter la douleur chez les patients aux soins intensifs. Au niveau de la validité de critère, une corrélation de Spearman modérée de 0.59 a été observée lors des procédures douloureuses (93). Aussi, les résultats obtenus suggèrent que l’échelle CPOT est capable de différencier entre le repos et les procédures douloureuses (93, 98). Un résultat de 0.33 (p<0.029) a été obtenu

lors d’un ANOVA, signifiant qu’il est même possible d’observer une différence entre les scores au repos et ceux des stimuli non douloureux (97). Par ailleurs, l’échelle CPOT a obtenu des coefficients de Kappa modérés à élevés entre 0.52 et 0.85 et un excellent coefficient interclasse variant entre 0.78 et 0.91 (93, 99). Ces résultats proposent que l’échelle CPOT semble également avoir une bonne fidélité inter-juges. Sa cohérence interne a, elle aussi, été jugée satisfaisante. En effet, elle a obtenu un alpha de Cronbach global fort à 0.79 (97).

Cependant, peu de données sont connues sur la capacité de l’échelle CPOT à détecter de la douleur chez les patients dont l’état de conscience est fortement altéré en raison de l’administration de sédatifs. Selon une étude de 2017, le résultat moyen de cette échelle semblait augmenter de façon irrégulière entre 2 infirmières-évaluatrices lors d’une intervention non-douloureuse (92). L’échantillon était composé de 30 patients avec un score entre -3 et -5 au niveau de l’échelle de vigilance-agitation de Richmond (RASS). Les auteurs attribuaient cette variation au fait que les infirmières pouvaient avoir de la difficulté à évaluer la douleur chez les patients mis sous haute sédation. Par rapport à la clientèle en fin de vie, ceci pourrait avoir un impact important sur la non-détection de la douleur chez les patients incapables de communiquer sous SPC.

3.3 L’échelle CPOT pour les patients en fin de vie

Environ 20% des patients admis sur une unité de soins intensifs décèdent en raison une défaillance au niveau de plusieurs organes (100). L’état de conscience de ces derniers est aussi volontairement diminué avec l’administration de sédatifs. Cette pharmacothérapie est administrée en raison des procédures et traitements invasifs et douloureux comme l’intubation trachéale et la ventilation mécanique de même que pour soulager le patient en raison de multiples lésions (101). Ainsi, les personnes hospitalisées aux USI ne sont généralement pas capables de communiquer la présence de douleur (101). Les patients recevant des soins de fin de vie peuvent avoir les mêmes problématiques que ceux hospitalisés aux USI. Les sources de douleur sont multiples. Parmi celles-ci, on compte notamment les nombreuses mobilisations, les masses cancéreuses, les métastases et la présence d’une lésion de pression (102, 103). Plusieurs traitements sont prodigués pour favoriser le confort, tels que l’administration d’opioïdes, la radiothérapie palliative et la SPC (9, 104). La SPC vise à diminuer volontairement le niveau de conscience des patients pour

les soulager des symptômes intolérables réfractaires aux traitements conventionnels (9). En raison de l’altération de l’état de conscience, ces derniers ne peuvent pas communiquer la présence de douleur, constituant ainsi un défi important pour les professionnels de la santé (10). Contrairement à la population aux USI, aucune échelle validée n’est disponible actuellement en français pour évaluer la douleur chez les patients en fin de vie recevant une SPC (10). L’évaluation de la douleur varie d’un professionnel à l’autre en raison de ses connaissances et de ses habilités en lien avec cette dernière.

Néanmoins, l’échelle CPOT constitue une échelle de choix pour la population en soins palliatifs et en fin de vie pour plusieurs raisons. Elle a fait l’objet de nombreuses évaluations dans des revues systématiques dans le domaine des soins intensifs et d’une recommandation dans des lignes directrices américaines pour la prise en charge de la douleur et de l'agitation en milieu de soins intensifs (10, 64, 65). De plus, l’échelle CPOT a fait l’objet d’une validation préliminaire en contexte de fin de vie aux USI (91). Les résultats présentés étaient prometteurs au niveau de la validité discriminante et la fidélité inter-juges, mais la faible taille de l’échantillon a constitué une des limites de l’étude (91). Les auteurs ont suggéré de faire d’autres travaux pour évaluer la fidélité et la validité de l’échelle CPOT dans un contexte de fin de vie (91). Devant cette problématique et compte tenu des nouveaux besoins d’encadrement de la surveillance de la SPC associée à la Loi concernant les soins de fin de vie, le projet de recherche Surveillance Optimale de la Sédation palliative

continue s’est intéressé à l’utilisation de l’échelle CPOT pour évaluer la douleur des patients

recevant une SPC. 47 dossiers de patients sous SPC en fin de vie ont été analysés pour évaluer entre autres les qualités psychométriques de l’échelle CPOT. Ce projet de recherche s’est également intéressé à la validation de l’échelle RASS compte tenu de la présence de forte sédation chez ces patients. Dans une perspective de continuité, le prochain chapitre contient un article de recherche rapportant la démarche méthodologique réalisée de même que les principaux résultats.

Documents relatifs