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FACE À LA CRISE ÉCOLOGIQUE MONDIALE : ENTRE LES THÉORIES DE LA «  TREADMILL OF PRODUCTION » ET LA MODERNISATION ÉCOLOGIQUE ?

ENVIRONNEMENTALES : LE MARCHÉ DU CARBONE COMME INSTRUMENT DE LUTTE CONTRE LE CHANGEMENT CLIMATIQUE

1.1 FACE À LA CRISE ÉCOLOGIQUE MONDIALE : ENTRE LES THÉORIES DE LA «  TREADMILL OF PRODUCTION » ET LA MODERNISATION ÉCOLOGIQUE ?

Pour expliquer comment l’économie s’est approprié l’environnement comme une dimension rentrant dans le marché de commodités, il est nécessaire de parler brièvement des répercussions dans le monde social de la prise en compte de l’enjeu du changement climatique. La prise de conscience du phénomène et de ses causes a suscité un grand débat politique et scientifique sur la capacité de l’homme à transformer son environnement, ainsi que sur les risques pour l’humanité concernant sa propre empreinte sur la planète (Crutzen, 2002). Durant les années 70, le monde a assisté à un déclenchement de réflexions sur la décentralisation de la place de l’homme sur l’ensemble de la vie terrestre en raison de découvertes scientifiques d’une augmentation exponentielle de GES dans l’atmosphère terrestre. Le rapport du « Club de Rome » de 1972, intitulé « Halte à la Croissance » (1972) ou rapport Meadow, a remis en question la capacité de la planète à générer les ressources nécessaires pour accompagner le progrès de la société. Un progrès qui se traduit par le paradigme de la croissance économique verticale. Cette crise écologique a une corrélation directe avec l’organisation économique sous laquelle l’humanité opère (Bonneuil & Fressoz, 2013 ; Zalaiewicz et al, 2015). « La dégradation généralisée du tissu de la vie sur Terre (biosphère) est le deuxième élément témoignant du basculement vers l’Anthropocène. L’effondrement de la biodiversité est lié au mouvement général de simplification (par anthropisation forestière, agricole ou urbaine), fragmentation, et destruction des écosystèmes du globe, mais il est aussi accéléré par le

changement climatique ». (Bonneuil & Fressoz, 2013 : 21)

Cette prise en compte des risques écologiques rendus par l’existence d’une contradiction entre le modus

operandi du capitalisme et l’écologie a facilité l’ouverture des débats sur la représentation de

l’environnement et son rôle dans notre organisation sociale. Notamment, la prise de conscience de la capacité humaine d’exploitation progressive des ressources a donné naissance à deux courants des pensées sociologiques. Ces courants sont apparus entre les années 70 et 80 afin d’apporter des explications sur comment le monde social peut façonner le rapport entre l’homme et l’environnement :

La théorie de la « Treadmill of Production » (ou TOP) et la théorie de la Modernisation Ecologique (Rosa et

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D’origine néomarxiste, la théorie de « l’engrenage de la production » est une théorie sociale américaine créée par Schnaiberg durant les années 80. Elle vise à expliquer le processus dialectique existant entre le développement économique et l’environnement. La vision de l’écosystème comme un fournisseur éternel de matières premières, destinées à se reconvertir en gains économiques par leur transformation, est l’élément abstrait structurant des sociétés modernes occidentales (Schnaiberg & Gould, 1994). « L’engrenage de la production » analyse comment la croissance économique et l’idée du développement sont devenues des objectifs institutionnalisés ainsi que des composants importants de la structure des sociétés occidentales (Schnaiberg, 1997). Pour comprendre l’enjeu environnemental vécu par le monde occidental, il est fondamental d’observer les éléments qui interagissent dans des processus économiques, politiques et sociaux décrits sous le prisme normatif de la TOP. La théorie prétend rendre intelligibles ces enjeux par le dévoilement de la dynamique sociale qui cause les contradictions écologiques. Celles-ci résultent de l’interdépendance entre la nécessité d’augmenter la production de biens et les conséquences environnementales de cette production. Le conflit sociologique présenté par la TOP engage le capital, l’État, le travail et les conflits environnementaux (Bacchiegga, 2013).

La dynamique décrite par la TOP montre l’interdépendance de tous les secteurs de la société vis-à-vis de l’accélération de la production comme le seul moyen d’atteindre à un développement économique et social. La dynamique, c’est-à-dire l’engrenage, fonctionne de cette manière : le capital accumulé par la croissance de la production est investi dans la recherche de nouvelles technologies dont l’objectif est d’augmenter encore plus les profits des entreprises. Ainsi, le développement de nouvelles technologies est possible grâce à l’organisation scientifique des universités et des instituts de recherche (Gould et al, 2004). La raison tient à ce que le système éducatif soit organisé de sorte à proposer des formations qui visent à améliorer la structure de l’engrenage de production. De la même façon, les médias promeuvent la consommation et les avantages du développement économique national afin d’empêcher que l’engrenage ne ralentisse ou ne s’arrête. C’est pourquoi la quête de développement économique devient la priorité des politiques des États. Afin de garantir la croissance économique nationale, les États accordent une part de leur pouvoir au capital privé leur permettant de maintenir leur propre pouvoir. Par ailleurs, les États estiment maintenir un rapport de pouvoir équilibré envers la population en créant des politiques publiques en faveur de l’emploi et du bien-être social. En réalité, il s’agit d’un partage de la croissance économique avec la population pour garantir sa souveraineté politique (Bacchiegga, 2013). De

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ce fait, selon la modélisation du fonctionnement des sociétés modernes décrites par la « Treadmill of

Production », le bien-être social est conditionné au développement économique.

Toutefois, la problématique environnementale engagée par ce système repose sur la nécessité continue d’extraction des ressources naturelles. Cette production exponentielle génère des déchets résultant des processus industriels, ainsi que d’autres externalités négatives comme la pollution, tous issus de la logique accumulative liée à l’encouragement à la consommation. Étant donné que l’engrenage de la production opère sur les objectifs à court terme, le déséquilibre écologique est une conséquence négligée par cette dynamique (Schnaiberg, 1997). Ainsi, la théorie de la « Treadmill of Production » souligne que les impacts environnementaux perdureront si les relations entre le travail, le capital et l’État restent ancrées sur un système de production croissante (Schnaiberg et al, 2002).

Le cadre théorique de « l’engrenage de la production » montré ci-dessus a été dessiné dans les années 80 aux États-Unis. L’objectif était d’expliquer la variable de la destruction environnementale dans la société américaine à travers une explication sociologique montrant comment les forces conductrices de l’expansion économique rentrent en contradiction avec la quintessence limitée des écosystèmes (Buttel, 2004). Pendant très longtemps, cette théorie a été classée comme néomarxiste. Buttel (2004) souligne qu’elle était considérée marxiste à une époque où la sociologie américaine était encore réceptive aux courants marxistes. Cependant, la prédominance du paradigme néolibéral dans le monde est l’une des raisons pour lesquelles une théorie matérialiste n’a pas eu autant de popularité parmi la communauté scientifique du XXIe siècle. L’émergence d’une sociologie post-moderne née de la crise de l’idéologie

marxiste à la fin du XXe cherche plutôt à s’écarter de la structure de la pensée sociale de cette époque.

Les sociologues cherchent à comprendre la société moderne comme un produit du « désenchantement du monde » (Giddens, 1987). Bien qu’elle soit enracinée dans les structures conceptuelles marxistes, la

métaphore de la « Treadmill of Production » ne suggère pas que les causes des problèmes

environnementaux soient uniquement relatives au capitalisme, aux technologies ou aux entreprises privées. En réalité, l’enjeu de cette roue de la production qui ne doit jamais s’arrêter est ancré dans l’ensemble des dynamiques sociales qui la nourrissent.

Avant de continuer les discussions à propos de la théorie de la Modernisation Ecologique, il est important d’élucider rapidement de quoi il s’agit l’influence du paradigme néolibéral dans les modes d’organisation

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économico-politique actuels. Le néolibéralisme peut être défini comme une politique économique et/ou une idéologie politique (Laval, 2018). Le projet politico-économique néolibéral qui se matérialise à la fin du XXe siècle se traduit par « une marchandisation impitoyable de la société ». (Dardot & Laval, 2010). Dans le régime normatif du néolibéralisme, le marché passe à jouer le rôle central en dehors du champ économique. De cette manière, la croyance néolibérale place le marché comme la source pour la création des solutions pour les enjeux publics et privés (Laval, 2007). Harvey (2007) définit le néolibéralisme

comme tel : « neoliberalism is a theory of political economic practices proposing that human well-being

can best be advanced by the maximization of entrepreneurial freedom within an institutional framework characterized by private property rights, individual liberty, unencumbered markets and free trade »

(Harvey, 2007: 22).

Dans l’ordre néolibéral, la rationalité économique du « laissez-faire » s’est imprégnée dans toutes les sphères de la société. Ainsi, dans une traduction foucaldienne de ce nouvel ordre, l’État cherche à légitimer son pouvoir à partir du bon fonctionnement des jeux de la concurrence dans la société tandis que lui-même a adopté les mécanismes du marché au sein de ses propres institutions. En réalité, l’appareil étatique a intériorisé la logique du marché dès lors qu’il exerce son pouvoir pour réguler et encourager les jeux de la concurrence (Laval, 2010 ; Harvey, 2007). Nous pouvons penser ainsi que le néolibéralisme a réussi à appliquer la notion de concurrence au-delà des activités marchandes. De cette façon, il a assujetti tous les autres types d’activités sociales à cette logique marchande.

D’une façon générale, le néolibéralisme s’applique à trois champs sémantiques. Il peut être traduit comme une idéologie dans la mesure où il compose un ensemble normatif des idées où le marché est un espace des échanges de biens capable de réguler le bien-être social. Le néolibéralisme peut être aussi conçu comme une forme de gouvernement où le pouvoir se légitime par l’encouragement à la concurrence. Finalement, il peut être aussi interprété comme une forme d’organisation sociale où les liens sociaux sont construits sous les rapports d’utilité et de la concurrence. (Machado, 201926 ; Laval, 2007). Ainsi, Laval (2010) résume la logique néolibérale dans une perspective bourdieusienne comme une

forme de domination. « D’un côté, l’enjeu de ce qui sera nommé néolibéralisme semble essentiellement

théorique et idéologique. Il s’agit d’une prétention des économistes dominants à imposer leur

26 Opd Haber, 2012

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représentation du monde économique et social, produisant par là des effets idéologiques puissants »

(Laval, 2010 : 202). Cette domination peut se traduire par une institutionnalisation de la concurrence où nous assistons à la transformation en marchandise des situations « non-marché ». Au regard de cette brève discussion sur la notion du néolibéralisme, nous allons discuter cette rationalité néolibérale appliquée à la résolution de la crise environnementale au long du chapitre.

Ainsi en fonction de sa relation étroite avec le paradigme néolibéral prédominant, la théorie de la Modernisation Ecologique (ME) crée un cadre normatif moins radical que celui de la « TOP ». Au lieu de pointer le paradigme de la croissance économique comme le « vilain » de l’environnement, elle apporte des explications « sociologiques » sur comment les enjeux environnementaux actuels pourraient être corrigés au sein du système capitaliste (Mol, 1995). La Modernisation Ecologique met l’accent sur l’innovation technologique comme un aspect fondamental pour contourner les problèmes environnementaux au sein du marché. Béal précise bien la place des innovations technologiques au sein

de la théorie de la Modernisation Ecologique : « Plus généralement, la Modernisation Ecologique accorde

un rôle déterminant aux technologies dans la résolution de la crise environnementale […] en participant à

la réorientation écologique des systèmes productifs » (Béal, 2016 : 225).

La Modernisation Ecologique explique le potentiel du système capitaliste dans la construction des mécanismes économiques et politico-sociaux pour l’atténuation des dégâts environnementaux et pour la correction des risques entrainés par la production croissante par le biais de l’innovation technologique (Mol & Sonnenfeld, 2000). La théorie se focalise sur la tendance du secteur privé à entreprendre des améliorations environnementales dans les processus industriels afin d’optimiser leur production. La ME lance une perspective plus optimiste de l’organisation sociale du capitalisme en prévoyant un changement des comportements d’acteurs privés face à l’enjeu environnemental. Ce changement se doit notamment à un besoin d’augmentation de l’efficacité productive à partir de l’internalisation des externalités négatives (Buttel, 2000).

Basées sur l’efficacité, ces améliorations seraient viables dans une modernisation encore plus efficace des systèmes industriels. De ce fait, la Modernisation Ecologique voit la transformation de pratiques industrielles transmutées aussi vers les institutions politiques. L’adoption des lois et des politiques publiques plus écologiques suivrait la tendance d’une production plus efficace en termes économiques et

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environnementaux (Mol, 2002). De ce fait, Mol (2002) voit la théorie de la ME comme un outil qui décrit les changements structurels de sociétés et des institutions vers l’adoption de la dimension environnementale dans les pratiques. Cette « nouvelle » rationalité environnementale conduirait à des changements à de petites échelles dans le secteur privé ainsi que dans le secteur public des sociétés plus modernes. Rosa et al. (2015) explique que la théorie de la Modernisation Ecologique s’approche de la théorie économique néoclassique dans la mesure où elle prévoit que les premières étapes du développement économique d’un pays sont accompagnées de pollutions et de problèmes environnementaux. En revanche, quand celui-ci atteint un certain niveau de croissance, il adopte progressivement des pratiques technologiques qui le conduiront à la protection de l’environnement. Au regard de ces prémisses, la théorie de la Modernisation Ecologique fait son apparition en Europe dans les années 90 afin de comprendre sociologiquement les (éventuelles) améliorations environnementales aperçues au niveau local dans certains pays européens (Zaccai, 2015). Dans ce contexte, Hajer (1996) et Buttel (2000) mettent l’accent sur les deux différents types d’appropriations de la théorie de la Modernisation Ecologique. La première consiste à l’interpréter comme un outil théorique visant à comprendre les discours sur l’environnement présent dans les champs politiques des pays développés. La deuxième appropriation repose sur son utilisation comme un projet technocratique. En d’autres termes, il s’agit d’interpréter la théorie comme un outil théorique permettant d’entreprendre des projets environnementaux dans une échelle micro. L’objectif ultime serait donc de traduire théoriquement la recherche de l’optimisation économique à partir des innovations technologiques qui englobent une dimension environnementale. En réalité, la théorie de la ME ne repose pas sur un postulat comme celle de la « Treadmill of Production » puisque son développement n’est pas associé à un corpus théorique sociologique consolidé comme celui des théories marxistes ayant inspiré la construction de la « TOP »

(Buttel, 2000 ; Foster, 2012). « Instead, ecological modernization thought has been more strongly driven

by extra-theoretical challenges and concerns (e.g., about how to respond politically to radical environmentalism and how to conceptualize eco-efficiency improvements that are currently linked to new management practices and technical-spatial restructuring of production). Ecological Modernization has essentially been an environmental science and environmental policy concept which has subsequently been

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Ainsi, du point de vue des risques, la théorie de la Modernisation Ecologique est perçue comme une

réponse plus optimiste que le radicalisme environnemental de la « Treadmill of Production ». En réalité, la

distinction entre les deux théories repose sur la question de l’échelle. La « TOP » regarde les risques environnementaux dans une perspective plus globale, celle de la dynamique de la production dans une société. Son hypothèse repose sur un changement profond dans l’organisation du système capitaliste et de sa dynamique politico-sociale pour atténuer les risques environnementaux. En revanche, la Modernisation Ecologique ne voit pas la viabilité d’un changement profond dans le système. En acceptant le système capitaliste tel qu’il est, la ME voit les fenêtres de possibilités de changements dans la production. Elle prend en compte la question environnementale dans les processus industriels à un niveau plus local. Ces « petits » changements à l’échelle locale configuraient un pas vers l’écologisation des pratiques des sociétés modernes. En raison de cette perspective très radicale, la théorie de la « TOP » est aperçue comme très utopique (Mol, 2000).

En vue de l’absence d’une structure théorique de tradition sociologique, la théorie de la Modernisation Ecologique décrit un processus d’écologisation des sociétés sans créer d’hypothèses robustes sur le rôle de l’État et de la société civile (Zaccai, 2015 ; Bouleau, 2011 ; Buttel 2000). Les enjeux derrière les rapports du pouvoir, ces derniers étant l’enjeu central des études sociologiques, sont négligés dans cette perspective d’un processus d’écologisation des pratiques au sein du capitalisme. Hajer (1996) et Theys (2000) révèlent les limites de cette théorie en affirmant qu’elle n’accorde pas assez d’importance à la question culturelle et sociale des problèmes environnementaux (Rudolf, 2014). Par ailleurs, l’absence de catégorisation de ces notions a contribué à l’apparition des critiques de cette théorie lors des travaux empiriques. En réalité, plusieurs travaux ont montré l’absence d’une corrélation entre efficacité technologique et amélioration environnementale à grande échelle (Foster, 2012).

Des travaux empiriques montrent que l’augmentation de l’efficacité dans les processus industriels portés par l’incorporation des technologies plus vertes n’a pas réduit les émissions de GES (Rosa et al, 2015 ; York, 2006). Bien qu’il y ait une augmentation dans l’efficacité énergétique, la consommation et la production augmentent plus vite. De sorte que la compensation environnementale apportée par le gain d’efficacité ne demeure pas avantageuse en termes d’amélioration environnementale (York, 2010). Au contraire, les émissions mondiales des GES dans l’atmosphère continuent d’augmenter, malgré la crise de 2008 et une brève période de stabilisation (Tollefson, 2017 ; Peters et al, 2012). De ce fait, les auteurs

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démontrent que les enjeux environnementaux ne sont pas résolus seulement à travers l’innovation technologique et l’augmentation de l’efficacité industrielle, selon les principes de la Modernisation

Ecologique (Janicke, 2008). La crise écologique possède aussi des racines culturelles. « Thus growth has

become a part of the taken-for-granted assumptions in most contemporary cultures. Shifts in the composition of consumption and in the techniques of production could in theory compensate for the growth in scale, but, as we have noted, there are many strong systematic forces, political, economic, and

cultural, that prevent or subvert such transactions » (Rosa et al., 2015: 45).

En continuant sur les limites de la théorie de la ME, un autre aspect faisant l’objet de critiques est l’absence d’universalité de cette théorie (Fisher & Freudenberg, 2001 ; Foster et al, 2010). En voyant le jour dans des pays européens comme l’Allemagne et les Pays-Bas, la Modernisation Ecologique décrit un processus d’écologisation dans des sociétés riches et industrialisées. Quoique Mol (2002) ait signalé que la globalisation pourrait être un instrument de dissémination des principes de la Modernisation Ecologique vers d’autres pays, le processus d’écologisation est lié aux spécificités du processus d’industrialisation de chaque pays. Cela figure comme une limite de la théorie puisque les pays plus pauvres ont vécu leur processus d’industrialisation de manière bien différente que celle des pays européens. Notamment, en Amérique latine, où ce processus est marqué par la pauvreté et l’exclusion socio-économique (Milanez, 2009). De cette manière, les problèmes environnementaux des pays en développement sont différents de ceux des pays riches. Dans les pays plus pauvres, les problèmes environnementaux sont souvent étroitement liés aux vulnérabilités sociales. Le processus de « modernisation » économique des pays latino-américains n’a pas résolu les inégalités sociales historiques marquées par le processus de colonisation. En réalité, leur développement industriel, notamment, au Brésil, a contribué à l’intensification de ces inégalités au lieu de promouvoir une distribution de capital. De cette manière, l’innovation technologique ne peut pas se présenter comme le seul élément d’amélioration environnementale dans les sociétés des pays en voie de développement (Ficher & Freudenberg, 2001)

Malgré ces critiques, la théorie de la Modernisation Ecologique reste un cadre théorique « très séduisant » pour penser les problèmes socio-environnementaux dans l’actualité. D’ailleurs, comme Buttel (2000) et Foster et al (2010) le soulignent, la Modernisation Ecologique est plus séduisante que la « TOP » en raison

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une rupture entre écologie et économie. En revanche, la Modernisation écologique en voulant conserver

la croyance dans le système capitaliste, a recrée ce lien. « Il s’agit en apparence d’un oxymore, c’est-à-dire

de la juxtaposition de deux termes a priori opposés ou contradictoires » (Theys, 2000 : 13). En théorisant la

technisation et l’économisation de l’environnement, cette théorie a parlé le langage de l’industrie (Béal, 2016 ; Rudolf, 2014). Au lieu de proposer le ralentissement de la production, comme la TOP, la ME a