• Aucun résultat trouvé

Acide jasmonique

2.4. Moyens de lutte contre les pucerons

2.4.3. La création variétale

2.4.3.1 Par sélection classique

La résistance des plantes aux insectes peut être définie comme l’ensemble des caractéristiques d’une plante lui conférant la capacité de s’opposer à la multiplication de population d’insectes ravageurs ou aux dégâts provoqués par celles-ci. Cette caractéristique est toujours mesurée par rapport à une situation de référence (témoin dit sensible), et on restreint souvent l’usage du terme de « résistance » aux caractères héritables qui différencient certaines populations de plantes de la même espèce. La sélection et l’utilisation de ces caractères constituent la base de la stratégie de lutte variétale contre les pathogènes et les ravageurs des plantes cultivées.

La résistance des plantes a été classée en 3 catégories :

- la non-préférence (non acceptation, antixénose) : l’insecte n’accepte pas la plante pour s’alimenter et pour se reproduire, même en l’absence de choix. Ce n’est pas un phénomène de « tout ou rien » et la plupart des cas se traduit par des formes graduées d’acceptation de l’hôte. La forme extrême de la non-préférence est d’un grand intérêt quand la colonisation même brève entraîne des dégâts sévères (toxicoses, infection virale…).

- l’antibiose : englobe les effets négatifs que la plante est capable de produire sur la biologie et la physiologie de l’insecte l’utilisant comme hôte. Les effets typiques de l’antibiose sont des retards de croissance ou une altération du taux de reproduction de l’espèce nuisible cible.

- la tolérance : capacité à tolérer ou à récupérer des suites d’infestations même sévères. L’expression de cette tolérance est déterminée soit par la capacité génétique intrinsèque à ne pas subir les effets délétères d’une infestation (tolérance physiologique directe), soit par la capacité à compenser des dégâts réalisés ou des destructions tissulaires importantes par une croissance accrue après l’attaque. Contrairement aux deux catégories précédentes, la tolérance est plus une caractéristique physiologique de la plante qu’une composante à part entière de l’interaction plante-insecte (sauf cas particuliers comme des tolérances à des toxicoses spécifiques) (Chen, 1996 a).

Tableau 3 : Exemple de gènes majeurs conférant une résistance aux pucerons

Plante Pucerons Gènes Références

Schizaphis graminum GB (1 à 6) (Porter, 2000)

Blé

Diuraphis noxia DN (1à 6) (Dutoit, 1989)

Orge Schizaphis graminum RSG 1a (Edwards, 1985)

Cowpea Aphis craccivora RSC (1 et 2) (Githiri, 1996) Tomate Macrosiphum euphorbiae MI (Rossi, 1998) Melon Aphis gossypii VATt (Pitrat, 1982) Laitue Nasonovia ribisnigri NR (Eenink, 1982) Pêcher Mysus persicae Résistance monogénique (Monet, 1994) ;

(Sauge, 1998)

Dysaphis devecta SD (1 à 3) (Alton, 1977)

Pommier

Les recherches sur les interactions plantes-pucerons ont permis de mettre en évidence de telles résistances dans diverses familles de plantes (Légumineuses, Graminées, Cucurbitacées, Composées…) (tableau 3). Deux gènes de résistance de type monogénique sont particulièrement bien caractérisés dans la littérature :

- le gène VAT (virus aphid transmission) a été identifié à l’INRA d’Avignon à la fin des années 70 (Lecoq, 1979 ; Pitrat, 1980). Ce gène (monogénique dominant) présente l’avantage majeur de conférer une résistance à la transmission par A. gossypii des principaux virus non-persistants des Cucurbitacées. La présence de cet allèle entraîne également une résistance à la colonisation des plantes suivant un mécanisme de non-préférence et d’antibiose. Différentes analyses montrent que cette résistance est constitutive et que les effets du gène VAT s’expriment dans les tissus préphloémiens et dans le phloème (Chen, 1996 b). La cartographie récente d’un allèle probable de ce gène (Agr) a permis de montrer qu’il se trouve dans un cluster de gènes de résistance aux pathogènes (notamment d’un gène codant pour une LOX) (Klingler, 2001).

- le gène MI, chez la tomate, confère aussi une double résistance : une résistance au

puceron Macrosiphum euphorbiae et une résistance aux nématodes (Rossi, 1998). Ce gène dominant a été cloné et séquencé. Il code pour une protéine possèdant des motifs caractéristiques de gènes de résistance impliqués dans la reconnaissance spécifique d’agents pathogènes avirulents : nucléotide binding site (NBS) et un motif riche en leucine (LRR). De la même façon que pour la résistance conférée par VAT, il semble que les pucerons ne possèdent plus la capacité de s’alimenter durablement sur le phloème et n’arrivent plus à se nourrir (Chen, 1997 ; Kaloshian, 2000). Cette résistance est aussi spécifique à une espèce de puceron puisque M. persicae est capable de coloniser les tomates exprimant MI (Goggin, 2001).

Les sélectionneurs ont évidemment exploité ces mécanismes de défense et introgressé ces gènes de résistance dans de nombreuses variétés commerciales. Cependant, il n’existe pas de solutions génétiques pour toutes les espèces végétales, et même à l’intérieur d’une espèce, la résistance n’est pas efficace contre tous les pucerons. Dans les deux exemples développés ci-dessus, la présence du gène de résistance chez la plante hôte permet d’obtenir une résistance à une seule espèce de puceron suggérant une analogie avec la notion de race/cultivar décrite dans le modèle de Flor12 (1971). Ces modes de défense, soutenus par des résistances

12 Modèle gène à gène (Flor, 1971) : la reconnaissance spécifique de l’agent pathogène par la plante est souvent contrôlée par un gène de résistance chez la plante auquel correspond un gène d’avirulence chez l’agent pathogène.

Introduction

37 monogéniques, sont souvent sujets à une adaptation rapide des insectes et à l’apparition de colonies sur les génotypes résistants13.

2.4.3.2 Par transgenèse : une approche nouvelle pour lutter contre les pucerons

L’utilisation de la transformation génétique a également été envisagée dans la lutte contre les pucerons malgré la spécialisation des pucerons pour leur plante hôte (pour revue Jouanin, 2002).

Les premiers travaux publiés au sujet de plantes transgéniques résistantes aux insectes font part du transfert et de l’expression de gènes (CRY) dérivant de la bactérie Bacillus

thuringiensis (Bt). Malgré la grande diversité des gènes codant pour une protéine CRY (130),

peu de delta-endotoxines ont été testées contre les pucerons, et se sont malheureusement révélées inefficaces (Walters, 1995).

La majorité des plantes transgéniques testées contre les pucerons repose sur l’expression d’une lectine appartenant à la famille des lectines à mannose de monocotylédones, la GNA, extraite du perce neige. L’expression de la GNA a permis d’observer un retard de croissance et une baisse de la fécondité chez les pucerons (Hilder, 1994, Stoger, 1999), ce qui correspond au syndrome observé in vitro (Sauvion, 1996). La GNA a également été utilisée en combinaison avec une chitinase de haricot. Dans ce cas, la synergie entre les 2 protéines n’a pas été clairement démontrée (Gatehouse, 1996).

Le génie génétique, combiné à la transgenèse, a permis de franchir les barrières des espèces en introduisant des gènes d’origine bactérienne, virale, fongique et animale dans les plantes. Un gène bactérien codant pour une enzyme (IPT pour isopentenyl transferase), impliqué dans la biosynthèse des cytokinines, a été exprimé dans le tabac sous le contrôle du promoteur d’un inhibiteur de protéase (Smigocki, 1993). L’expression de ce transgène altère le développement de M. persicae. Une caractérisation partielle de la physiologie des plantes transgéniques suggère que la production, la sécrétion ou l’accumulation de métabolites secondaires dans les feuilles puissent être responsables de l’activité insecticide. Toutefois, ce travail n’a pas été exploité plus en avant.

Une dernière stratégie a été utilisée pour lutter contre les pucerons, l’extinction d’un gène. Grâce à la co-suppression d’un gène codant pour un cytochrome P450 spécifiquement exprimé dans les trichomes, les métabolites secondaires des exsudats de trichomes de tabac

13 Des contournements du gène Vat ont déjà été observés en plein champs par un biotype d’A. gossypii guadeloupéen (Sauvion, comm. pers.).

ont été modifiés (Wang, 2001). Une plus grande concentration d’un diterpène (CBT-ol) permet d’observer une réaction de non-préférence de Myzus nicotiana. Cette réaction très forte de résistance suggère que la modification des composés secondaires émis par les trichomes soit aussi une possibilité à exploiter.

Les travaux utilisant la transgenèse dans la lutte contre les pucerons sont relativement récents et le facteur limitant reste le choix du gène candidat. Un programme de criblage systématique de protéines possédant une toxicité potentielle a été entrepris afin de mettre à jour de nouveaux gènes codant pour des protéines aphidicides (Rahbé, 1993 ; Rahbé, 1995). D’autre part, les programmes d’études des mécanismes de résistance des plantes aux pucerons devraient permettre de sélectionner de nouveaux candidats (gènes spécifiquement induits). Le clonage des gènes VAT et MI présente de nouvelles perspectives pour la protection des Cucurbitacées et des Solanacées.