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LA COUR CONSTITUTIONNELLE Ouï Madame la vice-présidente Marion Lanners en son rapport;

Arrêt 22/04 du 18 juin 2004

LA COUR CONSTITUTIONNELLE Ouï Madame la vice-présidente Marion Lanners en son rapport;

LA COUR CONSTITUTIONNELLE Ouï Madame la vice-présidente Marion Lanners en son rapport;

Vu l'arrêt de renvoi no 3/04 du Conseil disciplinaire et administratif d'appel des avocats contradictoirement rendu le 25 mai 2004;

Sur les conclusions de Gilles Plottke, avocat à la Cour, déposées le 22 juin 2004 et sur celles de l'Ordre des Avocats du Barreau de Luxembourg déposées le 28 juin 2004;

Considérant que, dans le cadre d'une poursuite disciplinaire dirigée contre Maître Gilles Plottke, la Cour Constitutionnelle a été saisie par le Conseil disciplinaire et administratif d'appel des ordres des avocats des questions préjudicielles suivantes:

«L'article 17, premier tiret, de la loi modifiée du 10 août 1991 sur la profession d'avocat est-il conforme à l'article 14 de la Constitution?»

dans l'affirmative,

«L'article 27 de la loi modifiée du 10 août 1991 sur la profession d'avocat est-il conforme à l'article 14 de la Constitution?»

Sur la saisine de la Cour Constitutionnelle:

Considérant que, d'après le Conseil de l'Ordre, les juridictions disciplinaires instituées par la loi sur la profession d'avocat ne seraient pas concernées par l'article 6 de la loi du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour Constitutionnelle comme ne ressortissant ni à l'ordre judiciaire ni à l'ordre administratif;

Considérant que d'après l'article 95(ter) 2e alinéa de la Constitution, la Cour Constitutionnelle est saisie par toute juridiction des questions de conformité préjudicielles y visées;

Que dès lors l'exception d'irrecevabilité tirée de l'article 6 de la loi précitée du 27 juillet 1997 n'est pas fondée;

Quant à la première question:

Considérant que l'article 17, premier tiret, de la loi du 10 août 1991 sur la profession d'avocat énonce que «le Conseil de l'Ordre est chargé de veiller à la sauvegarde de l'honneur de l'Ordre, de maintenir les principes de dignité, de probité et de

délicatesse qui forment la base de la profession d'avocat et les usages du barreau qui les consacrent»;

Considérant que l'article 14 de la Constitution aux termes duquel «nulle peine ne peut être établie ni appliquée qu'en vertu de la loi» ne saurait affecter ladite disposition légale énumérant une partie des attributions des Conseils de l'Ordre parmi lesquelles ne figurent ni le pouvoir de l'établissement des peines ni celui de leur application;

Quant à la seconde question:

Considérant que l'article 27 de la loi précitée du 10 août 1991 est de la teneur suivante:

«(1) Le Conseil disciplinaire et administratif peut, suivant l'exigence des cas, prononcer les sanctions suivantes:

1) l'avertissement 2) la réprimande

2bis) (L.31 mai 1999) l'amende inférieure à 500 euros; 3) l'amende de 500 euros à 5.000 euros;

4) la suspension de l'exercice de la profession pour un terme qui ne peut excéder cinq ans;

5) l'interdiction à vie de l'exercice de la profession.

(2) La peine de la suspension peut être assortie du sursis pour tout ou partie de sa durée. Le bénéfice du sursis est perdu si le condamné fait l'objet d'une nouvelle peine de suspension pour un fait se situant dans les cinq ans du fait qui a donné lieu à la peine de suspension assortie du sursis.

(3) Le Conseil disciplinaire et administratif peut ordonner l'affichage aux lieux qu'il indique et la publication, totale ou partielle, de sa décision dans un ou plusieurs journaux ou périodiques aux frais du condamné.

(4) L'avocat suspendu ou interdit doit s'abstenir de tout acte de profession d'avocat au sens de l'article 2 paragraphes (1) et (2) à dater du jour où la décision est passée en force de chose jugée, à moins que le Conseil n'ait, par décision motivée, ordonné l'exécution provisoire de la décision ou fixé la date du début de l'exécution.

(5) (L. 18 août 1995) Le recours d'un avocat omis du tableau n'aura point d'effet suspensif, s'il n'en est autrement décidé par le conseil disciplinaire et administratif, saisi par lettre recommandée dans le délai de quarante jours à partir soit de la remise, soit de la signification, soit de l'envoi de la décision d'omission opérés selon l'un des modes prescrits à l'article 26(6).»

Considérant qu'en droit disciplinaire la légalité des peines suit les principes généraux du droit pénal et doit observer les mêmes exigences constitutionnelles de base; Considérant que le principe de la légalité de la peine entraîne la nécessité de définir les infractions en termes suffisamment clairs et de préciser le degré de répression

pour en exclure l'arbitraire et permettre aux intéressés de mesurer exactement la portée de ces dispositions; que le principe de la spécification est le corollaire de celui de la légalité de la peine consacrée par l'article 14 de la Constitution;

Considérant cependant que le droit disciplinaire tolère dans la formulation des comportements illicites et dans l'établissement des peines à encourir une marge d'indétermination sans que le principe de la spécification de l'incrimination et de la peine n'en soit affecté, si des critères logiques, techniques et d'expérience professionnelle permettent de prévoir avec une sûreté suffisante la conduite à sanctionner et la sévérité de la peine à appliquer;

Considérant que, sans préjudice d'autres textes légaux afférents, le chapitre V de la loi précitée du 10 août 1991 énumératif des droits et des devoirs des avocats est à mettre en rapport avec l'article 27 de la même loi en ce qu'il lui fournit l'élément d'incrimination requis par l'article 14 de la Constitution et le rend ainsi conforme à celle-ci.

Par ces motifs:

dit que l'article 17, premier tiret de la loi modifiée du 10 août 1991 sur la profession d'avocat n'est pas affecté par l'article 14 de la Constitution,

dit que l'article 27 de la loi modifiée du 10 août 1991 sur la profession d'avocat est conforme à l'article 14 de la Constitution,

ordonne que dans les trente jours de son prononcé l'arrêt soit publié au Mémorial, Recueil de législation;

ordonne que l'expédition du présent arrêt soit envoyée par le greffe de la Cour Constitutionnelle au Conseil disciplinaire et administratif d'appel des avocats du Grand-Duché de Luxembourg dont émanait la saisine et qu'une copie certifiée conforme soit envoyée aux parties en cause devant cette juridiction.

Arrêt 24/04 du 3 décembre 2004

(MEMORIAL A n° 201, 23 décembre 2004, pp. 2962 à 2963)

« Recevabilité, notion de juridiction – Article 17 et 27 loi du 10 août 1991 sur la profession d’avocat – Article 14 de la Constitution, légalité des délits et des peines,

principe de spécification – Non affectation (article 17), conformité (article 27) »

(…)

LA COUR CONSTITUTIONNELLE Ouï Madame la vice-présidente Marion Lanners en son rapport;

Vu l'arrêt de renvoi no 4/04 du Conseil disciplinaire et administratif d'appel des avocats contradictoirement rendu le 25 mai 2004;

Sur les conclusions de Jos Stoffel, avocat à la Cour, déposées le 14 juin 2004, les conclusions de l'Ordre des Avocats du Barreau de Luxembourg déposées le 18 juin 2004 et les conclusions additionnelles de Jos Stoffel déposées les 25 et 30 juin 2004;

Considérant que, dans le cadre d'une poursuite disciplinaire dirigée contre Maître Jos

Stoffel, la Cour Constitutionnelle a été saisie par le conseil disciplinaire et administratif d'appel des ordres des avocats des questions préjudicielles suivantes:

«L'article 17, premier tiret, de la loi modifiée du 10 août 1991 sur la profession d'avocat est-il conforme à l'article 14 de la Constitution?»

dans l'affirmative,

«L'article 27 de la loi modifiée du 10 août 1991 sur la profession d'avocat est-il conforme à l'article 14 de la Constitution?»

Sur la saisine de la Cour Constitutionnelle:

Considérant que, d'après le Conseil de l'Ordre, les juridictions disciplinaires instituées par la loi sur la profession d'avocat ne seraient pas concernées par l'article 6 de la loi du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour Constitutionnelle comme ne ressortissant ni à l'ordre judiciaire ni à l'ordre administratif;

Considérant que d'après l'article 95(ter) 2e alinéa de la Constitution, la Cour Constitutionnelle est saisie par toute juridiction des questions de conformité préjudicielles y visées;

Que dès lors l'exception d'irrecevabilité tirée de l'article 6 de la loi précitée du 27 juillet 1997 n'est pas fondée;

Quant à la première question:

Considérant que l'article 17, premier tiret, de la loi du 10 août 1991 sur la profession d'avocat énonce que «le Conseil de l'Ordre est chargé de veiller à la sauvegarde de l'honneur de l'Ordre, de maintenir les principes de dignité, de probité et de

délicatesse qui forment la base de la profession d'avocat et les usages du barreau qui les consacrent»;

Considérant que l'article 14 de la Constitution aux termes duquel «nulle peine ne peut être établie ni appliquée qu'en vertu de la loi» ne saurait affecter ladite disposition légale énumérant une partie des attributions des Conseils de l'Ordre parmi lesquelles ne figurent ni le pouvoir de l'établissement des peines ni celui de leur application;

Quant à la seconde question:

Considérant que l'article 27 de la loi précitée du 10 août 1991 est de la teneur suivante:

«(1) Le Conseil disciplinaire et administratif peut, suivant l'exigence des cas, prononcer les sanctions suivantes:

1) l'avertissement 2) la réprimande

2bis) (L.31 mai 1999) l'amende inférieure à 500 euros; 3) l'amende de 500 euros à 5.000 euros;

4) la suspension de l'exercice de la profession pour un terme qui ne peut excéder cinq ans;

5) l'interdiction à vie de l'exercice de la profession.

(2) La peine de la suspension peut être assortie du sursis pour tout ou partie de sa durée. Le bénéfice du sursis est perdu si le condamné fait l'objet d'une nouvelle peine de suspension pour un fait se situant dans les cinq ans du fait qui a donné lieu à la peine de suspension assortie du sursis.

(3) Le Conseil disciplinaire et administratif peut ordonner l'affichage aux lieux qu'il indique et la publication, totale ou partielle, de sa décision dans un ou plusieurs journaux ou périodiques aux frais du condamné.

(4) L'avocat suspendu ou interdit doit s'abstenir de tout acte de profession d'avocat au sens de l'article 2 paragraphes (1) et (2) à dater du jour où la décision est passée en force de chose jugée, à moins que le Conseil n'ait, par décision motivée, ordonné l'exécution provisoire de la décision ou fixé la date du début de l'exécution.

(5) (L. 18 août 1995) Le recours d'un avocat omis du tableau n'aura point d'effet suspensif, s'il n'en est autrement décidé par le conseil disciplinaire et administratif, saisi par lettre recommandée dans le délai de quarante jours à partir soit de la remise, soit de la signification, soit de l'envoi de la décision d'omission opérés selon l'un des modes prescrits à l'article 26(6).»

Considérant qu'en droit disciplinaire la légalité des peines suit les principes généraux du droit pénal et doit observer les mêmes exigences constitutionnelles de base; Considérant que le principe de la légalité de la peine entraîne la nécessité de définir les infractions en termes suffisamment clairs et de préciser le degré de répression

pour en exclure l'arbitraire et permettre aux intéressés de mesurer exactement la portée de ces dispositions; que le principe de la spécification est le corollaire de celui de la légalité de la peine consacrée par l'article 14 de la Constitution;

Considérant cependant que le droit disciplinaire tolère dans la formulation des comportements illicites et dans l'établissement des peines à encourir une marge d'indétermination sans que le principe de la spécification de l'incrimination et de la peine n'en soit affecté, si des critères logiques, techniques et d'expérience professionnelle permettent de prévoir avec une sûreté suffisante la conduite à sanctionner et la sévérité de la peine à appliquer;

Considérant que, sans préjudice d'autres textes légaux afférents, le chapitre V de la loi précitée du 10 août 1991 énumératif des droits et des devoirs des avocats est à mettre en rapport avec l'article 27 de la même loi en ce qu'il lui fournit l'élément d'incrimination requis par l'article 14 de la Constitution et le rend ainsi conforme à celle-ci.

Par ces motifs:

dit que l'article 17, premier tiret de la loi modifiée du 10 août 1991 sur la profession d'avocat n'est pas affecté par l'article 14 de la Constitution,

dit que l'article 27 de la loi modifiée du 10 août 1991 sur la profession d'avocat est conforme à l'article 14 de la Constitution,

ordonne que dans les trente jours de son prononcé l'arrêt soit publié au Mémorial, Recueil de Législation;

ordonne que l'expédition du présent arrêt soit envoyée par le greffe de la Cour Constitutionnelle au Conseil disciplinaire et administratif d'appel des avocats du Grand-Duché de Luxemburg dont émanait la saisine et qu'une copie certifiée conforme soit envoyée aux parties en cause devant cette juridiction.

Arrêt 25/05 du 7 janvier 2005

(MEMORIAL A n° 8, 26 janvier 2005, pp. 73 à 75)

« Article 349 du Code Civil, adoption, enfant légitime, plénièrement adopté – Article 10 bis de la Constitution, égalité des Luxembourgeois devant la loi – Violation »

(…)

LA COUR CONSTITUTIONNELLE

Ouï Monsieur le conseiller Jean JENTGEN en son rapport et sur les conclusions de X et Y, déposées au greffe de la Cour le 8 juillet 2004 ainsi que celles déposées le 12 juillet 2004 par Monsieur le premier avocat général Georges WIVENES;

Vu le jugement de renvoi rendu par le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, 4e chambre, siégeant en matière civile à la date du 27 mai 2004;

Considérant que cette juridiction a, dans le cadre d’une demande tendant à l’adoption simple de Y, ayant déjà fait l’objet d’une adoption plénière par U et V, présentée par son père biologique X, saisi la Cour Constitutionnelle de la question préjudicielle suivante:

«L’article 349 du code civil en ce qu’il limite la possibilité de procéder à l’adoption simple d’un enfant déjà adopté plénièrement à deux hypothèses est-il compatible avec l’article 10bis de la Constitution qui dispose que les Luxembourgeois sont égaux devant la loi alors que l’enfant légitime auquel l’enfant ayant fait l’objet d’une adoption plénière est assimilé en vertu de l’article 368 du code civil peut faire l’objet d’une adoption simple en dehors des deux cas d’ouverture visés à l’article 349 du code civil ?»

Considérant que l’article 349 du Code civil concernant les règles de l’adoption simple, rendu applicable à l’adoption plénière par l’article 367-3 du même code dispose que «Nul ne peut être adopté par plusieurs personnes. Toutefois, une nouvelle adoption peut être prononcée soit après le décès de l’adoptant ou des deux adoptants, soit encore après le décès de l’un des deux adoptants, si la demande est présentée par le nouveau conjoint du survivant d’entre eux.».

Considérant que l’article 368 du Code civil alinéa premier traitant des effets de l’adoption plénière, stipule que: «L’adoption confère à l’adopté et à ses descendants les mêmes droits et obligations que s’il était né du mariage des adoptants. Cette filiation se substitue à sa filiation d’origine, et l’adopté cesse d’appartenir à sa famille par le sang . . .».

Considérant que selon l’article 368-3 du Code civil, «L’adoption plénière est irrévocable.»;

Considérant que par la prohibition inscrite à l’article 349 du Code civil, énoncée ci-dessus, la loi crée une différence de traitement entre l’enfant dit légitime et l’enfant

plénièrement adopté, le second étant pourtant assimilé au premier par l’article 368 du Code civil;

Considérant que le législateur peut, sans violer le principe constitutionnel de l’égalité, soumettre certaines catégories de personnes à des régimes légaux différents à la condition que la différence instituée procède de disparités objectives, qu’elle soit rationnellement justifiée et proportionnée à son but;

Considérant que les notions d’enfant légitime et d’enfant plénièrement adopté sont analogues de par la volonté même du législateur, exprimée dans l’article 368 du Code civil;

Considérant que la différence entre les deux catégories de personnes repose sur un critère objectif, qui est d’avoir ou non fait l’objet d’une adoption plénière;

Considérant que l’institution de l’adoption a pour finalité première l’intérêt de la personne adoptée;

Considérant que la prohibition des adoptions successives a pour raison la stabilité des liens de la parenté adoptive; que cette considération est de prime abord conforme à cet intérêt et est rationnellement justifiée;

Considérant cependant que dans le cas d’une adoption plénière, irrévocable, effaçant tout lien de parenté antérieur de l’adopté et assimilant celui-ci à l’enfant légitime, la loi, en n’admettant comme seule exception à la prohibition édictée que la mort de l’un ou des deux parents adoptifs sans prévoir d’autres causes graves anéantissant l’objectif de la prohibition et pouvant justifier une seconde adoption dans l’intérêt de l’enfant, crée une disproportion entre la situation de l’enfant plénièrement adopté et celle de l’enfant légitime qui peut bénéficier d’une adoption; Considérant dès lors que sous ce rapport, l’article 349 du Code civil est inconciliable avec l’article 10bis de la Constitution.

Par ces motifs :

dit que l’article 349 du Code civil, en ce qu’il limite la possibilité de l’adoption simple d’un enfant plénièrement adopté aux seules hypothèses de la mort de l’un ou des deux adoptants n’est pas conforme à l’article 10bis de la Constitution;

ordonne que dans les trente jours de son prononcé l’arrêt soit publié au Mémorial, Recueil de législation, et qu’il soit fait abstraction, lors de la publication, des données à caractère personnel des parties en cause;

ordonne que l’expédition du présent arrêt soit envoyée par le greffe de la Cour Constitutionnelle à la juridiction dont émanait la saisine et qu’une copie certifiée conforme soit envoyée aux parties en cause devant cette juridiction.