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L’égalité devant la loi Patrick KINSCH

LA COUR CONSTITUTIONNELLE:

LA COUR CONSTITUTIONNELLE:

Ouï le président Thill en son rapport et sur les conclusions des parties Y . . . et X . . . déposées au greffe de la Cour les 25 novembre et 2 décembre 1998 ainsi que sur celles du ministère public y déposées le 2 décembre 1998;

Vu le jugement de renvoi rendu par le juge des tutelles de Luxembourg à la date du 28 octobre 1998;

Considérant que cette juridiction a, dans le cadre d’un litige opposant les parties Y . . . et X . .

quant à l’organisation de l’autorité parentale sur l’enfant naturel Z . . . reconnu par les deux parents, saisi la Cour Constitutionnelle de la question préjudicielle suivante:

« L’article 380 du Code civil en tant qu’il érige en principe que l’autorité parentale envers les enfants naturels reconnus par leurs deux auteurs est exercée par la mère, et en tant qu’il différencie ainsi tant la situation de la mère d’un enfant naturel de celle du père, que la situation du père légitime de celle d’un père naturel, est-il compatible avec le principe de l’égalité des Luxembourgeois devant la loi édicté à l’article 11 (2) de la Constitution ? ».

Considérant que l’article 380 alinéa 1er du Code civile dispose que « Sur l’enfant naturel l’autorité parentale est exercée par celui des père et mère qui l’a volontairement reconnu, s’il n’a été reconnu que par l’un d’eux. Si l’un et l’autre l’ont reconnu, l’autorité parentale est exercée par la mère. Toutefois l’autorité parentale peut être exercée en commun par les deux parents s’ils en font la déclaration conjointe devant le juge des tutelles »;

Considérant qu’en instituant le principe de l’exercice privatif de l’autorité parentale par la mère en cas de reconnaissance d’un enfant par les deux parents et en faisant dépendre une autorité conjointe des parents naturels du consentement de la mère, la loi établit une double différence de traitement, la première entre le père et la mère naturels, la seconde entre le père naturel et le père légitime, qui, suivant l’article 375 du Code civil aux termes duquel « Pendant le mariage, les père et mère exercent en commun leur autorité » participe de plein droit, conjointement avec la mère, à l’exercice de cette autorité;

Considérant que le législateur peut, sans violer le principe constitutionnel de l’égalité, soumettre certaines catégories de personnes à des régimes légaux différents à la

condition que la différence instituée procède de disparités objectives, qu’elle soit rationnellement justifiée, adéquate et proportionnée à son but;

Considérant que les notions de père et de mère naturels sont analogues pour autant qu’elles ont en commun la filiation rattachant l’enfant à ses auteurs;

Considérant que celles de père légitime et de père naturel le sont également, comme procédant du lien de parenté entre l’enfant et son procréateur masculin;

Considérant que la différence entre père et mère naturels envisagée par le législateur consiste en l’espèce dans la spécificité sociologique des concepts de père et de mère; que cette différence est à considérer comme objective;

Considérant qu’il en va de même de la différence entre les père légitime et naturel, cette différence découlant de l’institution légale du mariage;

Considérant que la raison invoquée par le législateur pour justifier l’adoption de l’article 380, alinéa 1er est l’intérêt de l’enfant (Documents parlementaires, travaux préparatoires nos 1548, 1571, 1624, Avis du Conseil d’Etat du 7 juillet 1972; Propositions gouvernementales en vue des textes à retenir par la chambre des députés du 8 février 1973 et rapport de la commission juridique du 9 octobre 1974); Considérant cependant que l’article 380, alinéas 2 et 3 dispose: « Dans tous les cas, le juge des tutelles peut, à la demande du père, de la mère ou du ministère public, modifier les conditions d’exercice de l’autorité parentale à l’égard d’un enfant naturel: il peut décider qu’elle sera exercée soit par l’un des deux parents, soit en commun par le père et la mère; il désigne, dans ce cas, le parent chez lequel l’enfant aura sa résidence habituelle. Le juge des tutelles peut accorder un droit de visite, d’hébergement et de surveillance au parent qui n’a pas l’exercice de l’autorité parentale »;

Considérant qu’il résulte de ce texte que la loi laisse au juge toute latitude pour modifier l’attribution de l’autorité parentale suivant son appréciation de l’intérêt de l’enfant;

Considérant dès lors que l’instauration du principe de l’exercice privatif de l’autorité parentale par la mère naturelle, créant dès l’abord une inégalité entre le père naturel par rapport à la mère naturelle et au père légitime, et par là-même un clivage entre les situations des enfants selon qu’ils sont nés ou non dans le mariage, constitue une différenciation qui n’est ni adéquate ni proportionnée à son but;

Considérant qu’il s’ensuit que l’article 380, alinéa 1er du Code civil, en ce qu’il attribue l’autorité parentale d’un enfant naturel reconnu par les deux parents privativement à la mère, n’est pas conforme à l’article 11 (2) de la Constitution;

Par ces motifs:

dit que l’article 380, alinéa 1er du Code civil, en ce qu’il attribue l’autorité parentale d’un enfant naturel reconnu par les deux parents privativement à la mère, n’est pas conforme à l’article 11 (2) de la Constitution;

ordonne que, dans les trente jours de son prononcé, l’arrêt soit publié au Mémorial, Recueil de législation et qu’il soit fait abstraction, lors de la publication, des données à caractère personnel des parties en cause;

ordonne que l’expédition de l’arrêt soit envoyée par le greffe de la Cour Constitutionnelle à la juridiction dont émanait la saisine et que copie certifiée conforme soit envoyée aux parties en cause devant cette juridiction.