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Couplage chimique et analyse par Spectrométrie de masse (XL-MS)

B. Détermination de l’épitope de p38α reconnu par le scFv G9

2. Couplage chimique et analyse par Spectrométrie de masse (XL-MS)

Des techniques résolutives permettent d’identifier l’épitope d’un anticorps telles que la cristallographie des complexes antigène-anticorps ou la génération de mutants par mutagénèse dirigée de résidus au niveau du domaine d’interaction de l’antigène. Cependant ces techniques sont très lourdes à mettre en œuvre. La génération de cristaux est un processus qui peut s’avérer très long voire impossible à réaliser pour certains complexes protéiques. Des cristaux ont déjà été obtenus à partir de scFv issus de la banque HUSCI (Robin et al., 2014). Cependant, les scFv G9 et B2, bien qu’étant solubles lorsqu’ils sont produits dans le cytoplasme de bactéries, agrègent à des concentrations élevées, ce qui constitue un facteur limitant. Une alternative serait alors de reformater les scFv en format Fab.

Pour déterminer la zone d’interaction du scFv G9 sur la p38α, nous avons utilisé des agents de couplage chimiques clivables. Cette approche consiste à créer un pontage covalent entre deux protéines et à étudier les zones d’interaction par spectrométrie de masse en tandem (MS-MS). Cette technique est également utilisée pour l’étude de conformations protéiques.

Il existe un grand nombre d’agents de couplage de spécificités réactionnelles et de longueurs différentes. Lors d’une réaction de « cross-link », l’agent de couplage réagit avec les groupements fonctionnels de chaines latérales de deux aa qu’il lie de manière covalente. Les positions des aa couplés dépendent de la longueur de l’agent de couplage qui créé des contraintes de distance entre les aa liés, permettant de déduire des informations structurelles tridimensionnelles des protéines étudiées.

Afin d’identifier les sites de contact entre le scFv G9 et la p38α, nous utilisons deux agents de couplage clivables par spectrométrie de masse dérivés de l’urée : le BuUrBU et le CDI. Ces deux composés possèdent des réactivités ainsi que des longueurs différentes. L’utilisation de ces deux linkers permettra de générer des informations complémentaires pour l’identification de la zone d’interaction du G9 sur la p38α. Les caractéristiques de chacun des linkers utilisés sont résumées dans le Tableau 2.

Nous avons dans un premier temps évalué par biochimie la formation de complexes entre les deux partenaires p38α et scFv G9 en présence des différents agents de couplage.

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Tableau 2 : Formule chimique et caractéristiques principales des agents de couplage utilisés. Les sites

de clivage lors de la fragmentation dans la cellule de collision de la MS2 sont indiqués par des flèches rouges.

Réaction de couplage avec le CDI

Le CDI est un agent de couplage avec une longueur d’espaceur pratiquement nulle (2,6 Å correspondant à une unité carbonyle). L’utilisation de cet agent permet d’obtenir des modélisations de résolution supérieure aux autres agents de couplage plus longs. De plus, le CDI possède des réactivités similaires vis-à-vis des groupements aminés et hydroxyles des protéines, ce qui lui permet de cibler des régions protéiques supplémentaires et inaccessibles avec les agents de couplage plus classiques comme le BuUrBu (Hage et al., 2017).

La réaction de couplage avec le CDI est effectuée avec 25 équivalents molaires de l’agent couplant par rapport à la quantité totale de protéines. L’analyse des différents profils protéiques obtenus à l’issue de la réaction de couplage a été réalisée par Western-Blot (Figure 34). Les pistes 1 et 5 présentent une bande aux alentours de 130 kDa spécifique de la présence des 3 partenaires p38α/scFvG9/CDI. L’analyse par Western-Blot permet de mettre en évidence la présence de p38α (piste 1) et de scFv G9 (piste 5) au même niveau de cette bande de migration. La colocalisation des deux protéines en présence de CDI en conditions réductrices et dénaturantes démontre qu’un couplage covalent a bien eu lieu entre les deux partenaires protéiques. La piste 7 montre la dimérisation du scFv G9 en présence de CDI (signal aux alentours de 60 kDa) ce qui confirme la tendance générale des scFv à former des diabodies ou des agrégats. En présence de p38α, la dimérisation des scFv est moindre (piste 5) et la part de scFv colocalisant avec la p38α augmente indiquant que les scFv interagissent avec la p38α même en dimérisant, ce qui est en faveur de la formation de diabodies actifs plutôt que d’agrégats inactifs de scFv.

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Figure 34 : Analyse par Western-Blot de la formation du complexe p38α/scFv G9/CDI. Les p38α et

scFv G9 sont en rapport équimolaire. Le CDI est ajouté à 25 équivalents molaires par rapport à la quantité totale de protéine.

La concentration de CDI utilisée pour cette première caractérisation fixée à 25 equivalents molaires est celle décrite dans la littérature (Hage et al., 2017). Cependant la seule publication décrivant la combinaison de CDI avec une analyse MS-MS s’est intéressée à l’étude de croos-links intramoléculaires afin d’obtenir des renseignements sur l’arrangement spatial de protéines comme la BSA et p53 dont les structures sont déjà caractérisées. Ces modèles leur ont permis de valider leur approche mais l’étude d’interactions inter-moléculaires s’avère être plus complexe.

Même si nous observons un signal colocalisant la p38α et le scFv G9 en WB, l’intensité de la bande obtenue correspondante en Ponceau est faible. Le rendement de formation du complexe nécessite donc des mises au point : temps d’incubation, concentration, température, tampon… Ces optimisations seront nécessaires pour la suite de la caractérisation du complexe par l’analyse MS-MS. Une autre hypothèse peut être que les résidus potentiellement couplés par le CDI ne sont pas

114 suffisament proches dans l’espace pour permettre la formation de cross-link entre la p38α et le scFv G9. Nous utilisons donc d’autres agents comme le BuUruBu qui permet des couplages entre résidus plus distants.

Réaction de couplage avec le BuUrBu

Le BuUrBu est un agent de couplage clivable utilisé dans un plus grand nombre de publications que le CDI (Müller et al., 2010). Une gamme de concentration croissante en BuUrBu nous permet de détecter dès 5 équivalents molaires des produits de couplage entre la p38α et le scFv G9 (Figure 35.A). La bande à 72 kDa correspond à un couplage de stœchiométrie 1:1 entre la p38α et G9. Nous décidons de nous placer dans un premier temps dans ce rapport molaire pour étudier l’interaction par Western-Blot (Figure 35.B). La piste 2 du WB nous permet de confirmer la présence de p38α et de scFv G9 au niveau de la bande à 72 kDa.

Figure 35 : Analyse de la formation du complexe p38α/scFv G9/BuUrBu. (A) Bleu de Coomassie de la

réaction de couplage en présence de quantité croissante de BuUrBu (équivalents molaires par rapport à la quantité totale de protéine). Les p38α et scFv G9 sont en rapport équimolaire. (B) Western-Blot de la réaction de couplage en présence de 5 équivalents molaires de BuUrBu.

La bande encadrée en rouge sur le Coomassie et sur les Blots correspond à une interaction p38α/scFv G9 de stœchiométrie 1:1.

115 La présence de crosslink entre la p38α et le scFv G9 est détectée pour chacun des agents de couplage utilisé. La comparaison des profils obtenus en Western-Blot nous montre que l’on n’obtient pas les mêmes couplages entre le CDI et le BuUrBu. Avec le CDI une bande colocalisant la kinase et le scFv est obtenue vers 130 kDa, ce qui pourrait correspondre à une stœchiométrie p38a:G9 de 1:3, 2:1 ou 2:2, alors qu’avec le BuUrBu on détecte une bande caractéristique de l’interaction d’une p38 avec un scFv à 72 kDa dans une stœchiométrie de 1:1. De plus on observe moins de dimérisation du scFv avec le BuUrBu. Il est donc intéressant de mener en parallèle l’analyse avec plusieurs linkers pour obtenir des informations complémentaires quant à la détermination des zones d’interactions entre le scFv G9 et la p38α. Nous pouvons aussi envisager d’utiliser des agents de couplage clivables avec des propriétés différentes comme le DMTMM qui réagit avec des résidus acides (Asp, Glu).

Chacune de ces réactions de couplage entre la p38α et le scFv G9 est en cours d’analyse par spectrométrie de masse MS-MS. Jusqu’à aujourd’hui, l’analyse XL-MS n’a jamais été réalisée pour des interactions de type antigène-anticorps. L’identification des fragments peptidiques impliqués dans les couplages covalents nous permettra de remonter aux séquences correspondantes de la p38 et du scFv impliquées dans l’interaction. Ainsi, les agents de couplage permettent de créer une « empreinte » de résidus couplés à proximité des résidus impliqués dans l’interaction paratope-épitope. Ils nous permettront de définir la zone d’interaction intermoléculaire entre la p38α et le scFv G9 au niveau peptidique mais la détermination exacte des résidus impliqués ne pourra se faire que par la création d’une banque de mutants de la p38α.

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