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complexes de nickel

IV.1.1.1. Couplage aryle-aryle

Les systèmes hétérobiaryliques sont souvent trouvés dans les produits naturels et omniprésents dans l’industrie pharmaceutique. Ces motifs se retrouvent aussi fréquemment dans des ligands en synthèse organométallique. Ainsi, le développement de méthodes innovantes et efficaces pour former des systèmes biaryles est devenu primordial. C’est ainsi que depuis quelques années, le palladium, métal hégémonique des réactions de couplages croisés, s’est vu concurrencé par le nickel.168 En effet, l’addition oxydante de liaisons C‒hétéroatomes étant plus facile sur le nickel, celui-ci a été utilisé lors de réactions de type Suzuki-Miyaura. L’on constate alors que les charges catalytiques de nickel (3-10 mol%) sont plus grandes que celles utilisées pour le palladium (0,5-5 mol%) et qu’il existe des limitations en terme de substrats lorsque le nickel est utilisé. Dans le cas de réaction de type Suzuki-Miyaura, les groupes de Ge et Hartwig169 ont développé une méthode

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de synthèse à basse température d’hétérobiaryles utilisant des conditions douces et un catalyseur au nickel stable à l’air et à l’eau (Schéma 109).

Schéma 109. Réaction de Suzuki-Miyaura catalysé par un complexe de nickel stable à l'air et à l'eau

Les auteurs n’utilisent que 0,5 mol% d’un complexe de nickel stable qui ne nécessite pas l’utilisation d’une boite à gants et ne nécessite pas de hautes températures. De plus, quels que soient les substrats de départ, chlorés ou bromés, les produits sont obtenus avec de très bons rendements. Une autre méthode innovante a été proposée par le groupe de Garg en 2013 afin de rendre les complexes de nickel encore plus attractifs.170 Cette méthode utilise des solvants dits verts ou éco-compatibles pour synthétiser des biaryles à partir d’halogénures d’aryles ou de dérivés de phénols. La réaction a lieu soit dans le t-amylalcool ou dans le 2-Me-THF en présence d’un complexe de nickel stable à l’air NiCl2(PCy3)2 pour donner les produits de couplage avec d’excellents rendements (Schéma 110).

Schéma 110. Utilisation de solvants verts pour une réaction de Suzuki-Miyaura catalysée au nickel

Les exemples précédents ont montré que l’utilisation du nickel, cousin du palladium, lors de couplage aryle-aryle était efficace et permettait de s’affranchir de l’utilisation de complexes sensibles de bas degrés d’oxydation. Un nouveau défi serait de combiner ce métal peu onéreux à des ligands redox-actifs car ces derniers permettraient de moduler l’activité catalytique du complexe au moyen de transformations redox intrinsèques. Les travaux sur des complexes de rhodium et de titane des groupes de Wrighton,171,172 et de Gibson et Long25 (I.1.5.1) ont souligné que la modulation de l’activité catalytique lors de l’hydrogénation du cyclohexène était possible via des modifications redox sur les ligands porté ces métaux. Ainsi, en s’inspirant des travaux de ces derniers, le groupe de Bielawski a réalisé un couplage aryle-aryle de Kumada par un complexe de nickel 178 portant deux carbènes N-hétérocycliques (NHC) redox-actifs pour obtenir les produits désirés avec de très bons rendements (Schéma 111).173

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Schéma 111. Couplage aryle-aryle de Kumada catalysé par un complexe redox-actif

L’espèce 176 subit une double réduction pour générer l’espèce catalytique active Ni(0) 177. Une étape d’addition oxydante par un halogénure d’aryle permet de former le complexe-clé 178. Ensuite, Lors de la réaction de couplage de Kumada, l’ajout de deux équivalents de réducteur (Cp2Co) au complexe 178 entraîne une diminution de l’activité catalytique, qui est rétablie après ajout de (CpFe)BF4 en tant qu’oxydant à un électron. Cette chute d’activité catalytique peut être expliquée par la génération, après réduction, d’une espèce plus riche en électrons 180 qualifiée d’espèce « stop », qui défavorise l’étape de transmétallation avec le phényle Grignard. Cette voie est alors appelée voie inactive et est caractérisée par l’étape de réduction de l’espèce 178 en espèce « stop » 180. L’analyse spectroscopique par cyclovoltamétrie et UV-vis montre que l’ajout de deux équivalents de biscyclopentadiényle de cobalt Cp2Co, réducteur à un électron, au catalyseur 178 réduit chaque quinone en semiquinone radical anion. L’oxydation par deux équivalents de (Cp2Fe)BF4, agent oxydant à un électron, permet de régénérer l’espèce de départ 178. Ce processus réversible serait marqué par la non-modification de l’état d’oxydation du centre métallique. Nous pouvons souligner qu’une ambiguïté existe sur le degré d’oxydation formel du nickel de ce complexe: ce serait soit un complexe de Ni(II) portant un ligand NHC radicalaire anionique soit un complexe de Ni(0) possédant un ligand neutre. Cependant, quelque soit son degré d’oxydation, l’espèce 180, très riche en électron est peu susceptible de réagir avec un réducteur, ou de favoriser une étape d’élimination réductrice d’où le nom d’espèce « stop ». En accord avec ces résultats, Bielawski a proposé un mécanisme suggérant que l’activité catalytique est modulée par les modifications redox centrées sur les ligands NHC portés par le nickel (Schéma 112).

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Schéma 112. Mécanisme proposé par Bielawski pour le couplage de Kumada catalysée par un complexe redox au nickel

La voie active, quant à elle, implique une étape de transmétallation par le phényle Grignard sur le complexe 178 pour générer l’espèce Ni(II)‒aryle 179, qui après élimination réductrice donne le produit de couplage et régénère le complexe de Ni(0) actif. Par conséquent, cet exemple, dans lequel en fonction de l’état d’oxydation du ligand, l’activité catalytique est contrôlée, illustre le rôle essentiel que peuvent jouer les ligands redox lors d’une transformation catalytique.