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état de l’art

respectivement 77 et 78 via un réarrangement π‒σ, qui donne l’allylborane disubstitué et régénère le catalyseur actif 73, après élimination réductrice

III.3.3.3. Calculs théoriques

Les résultats expérimentaux et spectroscopiques obtenus nous ont conduits à émettre l’hypothèse qu’un transfert d’électron avait lieu entre le KHMDS et le complexe 4-FeBr2. Bien que nous n’ayons pas réussi à isoler et caractériser l’espèce formée, le postulat suivant a été émis : l’espèce générée serait un complexe de type Fe(I) portant un ligand neutre, LFeBr ou, plus correctement décrit comme un complexe de Fe(II) portant un ligand radical monoanionique, (L•‒)Fe(II)Br (Schéma 103). Cette hypothèse se base également sur les travaux de Chirik, qui a étudié des complexes de Fe(I), tels que LFeBr ou LFeR (R = Me, Ph, etc.).29,64,164 La structure de ce dernier a été modélisée par calculs DFT avec UB3LYP comme fonctionnelle et une base de type double dzeta possédant des polarisations. Le complexe étudié est donc le complexe de type 4-Fe(I)Br ou noté LFeIBr.

Schéma 103. Hypothèse sur la structure et le degré d'oxydation de l'espèce catalytiquement compétente mise en jeu

L’état fondamental du complexe 4-Fe(I)Br est un quadruplet. On peut trouver trois électrons non appariés localisés sur trois orbitales d centrées sur le fer. Mais il existe aussi une polarisation de spin qui délocalise une partie des électrons d sur une orbitale centrée sur le ligand. Ces orbitales naturelles frontières calculées en DFT sont décrites dans le Schéma 104. Deux orbitales naturelles présentent un nombre partiel d’occupation de 1,34 e et 0,66 e. Ces deux orbitales font intervenir à la fois des orbitales atomiques d du métal et des orbitales atomiques centrées sur le système π du ligand. Globalement, ces deux orbitales atomiques suggèrent la présence d’un électron sur le ligand couplé antiferromagnétiquement avec un électron sur le métal. Cette délocalisation des électrons sur le système π du ligand est rendue possible grâce aux interactions entre le fer et le ligand qui affaiblissent la liaison Fe‒N(pyridine). Ainsi, la structure calculée montre que le complexe issu de la

111 mono-réduction du complexe 4-FeBr2 possède les caractéristiques d’un centre métallique Fe(II) à haut spin lié à un ligand radical anionique, (L•‒)Fe(II).

Schéma 104. Orbitales naturelles frontières calculées en DFT pour la structure Fe(II)(L•-)Br ou LFe(I)LBr

Des calculs ont également été effectués pour rationaliser l’étape d’activation de la liaison C‒H. Cette étape d’activation sur le complexe de Fe(II) en présence d’un benzène et d’un équivalent de KHMDS a fait l’objet d’une étude détaillée (Schéma 105).

Schéma 105. Rationalisation de l’étape de C‒H activation

Dans le système ci-dessus, la réduction par le HMDS implique la présence d’un électron supplémentaire sur le complexe et la génération du HMDSdans le milieu. Ainsi, pour les réactifs, les états de transition et les produits formés, de nombreux états de spin ont été testés : triplet, quintuplet, septuplet. Les calculs ont montré que l’état fondamental du fer est l’état quintuplet. Nous avons supposé que l’interaction entre le KHMDS et le complexe de départ 4-FeBr2 mènerait à une perte initiale de KBr et donnerait la paire ionique suivante, [4-Fe(II)Br]+ HMDS. Lorsque cette paire ionique se forme, les calculs montrent que les quatre électrons non appariés restent localisés dans les orbitales d du fer. De manière concertée, un transfert d’électron a lieu entre le HMDSet le ligand 4, en présence de benzène, générant une espèce radicalaire HMDSqui possède un électron célibataire sur son azote, couplée à un complexe de Fe(II) portant un ligand radical anion avec un électron sur son noyau aromatique. Même en présence des réactifs, le fer possède un état fondamental de spin quintuplet (Figure 2). L’état triplet est, quant à lui, proche en énergie de l’état quintuplet : il possède un ΔH de 3kcal/mol et un ΔG de 0,5 kcal/mol par rapport à l’état quintuplet. Cet état triplet possède deux électrons alpha non appariés sur le fer, un électron béta non apparié sur le ligand et un électron alpha non apparié sur la base HMDS. Les états triplet et quintuplet pourraient résulter d’une réduction formelle du ligand par la base. L’état septuplet, quant à lui, est électroniquement similaire aux deux états de spin précédents, sachant que tous les électrons non appariés sont de spin alpha. L’état de transition correspondant à l’étape d’activation C‒H implique de

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manière concertée trois composantes, le catalyseur, la base et le benzène. Le mécanisme d’activation de liaison C‒H peut être décrit comme une réaction formelle acido-basique dans laquelle la base arrache le proton du benzène en créant simultanément la liaison Fe‒C(phényl). Néanmoins, en raison du caractère radicalaire de la base, cette transformation, procède, d’après les calculs DFT, de manière concomitante à une abstraction d’hydrogène pendant un couplage carbone‒fer radicalaire. L’énergie de cette étape pour l’état quintuplet est de 20 kcal/mol, ce qui est compatible avec la température de réaction de 80 °C de notre système. Pour l’état septuplet, la barrière énergétique est plus grande et a été calculée à 38 kcal/mol. Cette plus grande énergie peut s’expliquer par le fait que les quatre électrons non appariés sont tous de spin alpha et qu’ainsi aucune liaison ne peut se former. Enfin, la formation des produits est favorable puisqu’elle présente une exothermicité de ΔH = -16 kcal/mol pour l’état quintuplet. Nous pouvons ainsi émettre l’hypothèse que le complexe L-Fe(II)PhBr, une fois obtenu après l’étape d’activation C‒H , pourrait être réduit par le deuxième équivalent de KHMDS. Ce modèle proposé pour l’étape d’activation C‒H a été validé par les valeurs de KIE expérimentale et théorique (1,23 et 1,37 respectivement).

Figure 2. Résultats des calculs DFT sur la rationalisation de l'étape d'activation C‒H

III.3.4. Perspectives mécanistiques

Rationaliser le mécanisme de cette réaction s’est avéré complexe. Quatre intermédiaires ont été proposés et la structure de ces derniers est en accord avec les données spectroscopiques, chimiques, théoriques et bibliographiques. Néanmoins, nous suggérons que les produits d’activation C‒H et d’homocouplage du dérivé halogéné sont obtenus après des étapes d’addition oxydante, réduction et élimination réductrice. Bien que n’ayant pas réussi à établir clairement le mécanisme de cette réaction, nous avons émis l’hypothèse que les espèces de fer (I) L-Fe(I)Ph165 et L-Fe(I)Br164 décrites par le groupe de Chirik pouvaient intervenir au cours de la réaction. Nous avons alors

113 synthétisé indépendamment ces deux complexes via les deux protocoles décrits dans la littérature par ce même groupe. La réaction stœchiométrique suivante a été effectuée : après génération in situ du complexe L-FePh, un bromure d’aryle a été ajouté afin de réaliser une addition oxydante suivie d’une élimination réductrice pour obtenir le produit d’arylation (Schéma 106). L’utilisation du bromoanisole comme substrat nous a permis d’obtenir le produit d’arylation 150a avec un rendement de 26%. Une voie probable d’obtention de ce dernier serait alors une séquence addition oxydante/élimination réductrice. Deux autres substrats, ayant donné des résultats corrects lors de la réaction catalytique, ont été également testés mais n’ont conduit à aucun produit d’arylation. Cependant, les protocoles décrits dans la littérature par le groupe de Chirik se sont avérés difficiles à reproduire, les espèces impliquées étant généralement très sensibles à l’oxygène. Ce résultat intéressant avec le bromoanisole ne nous permet pas alors d’écarter la génération d’une espèce de type L-FePh dans note milieu réactionnel.

Schéma 106. Synthèse de 4-FePh in situ suivie de l'addition oxydante d'Ar‒Br

De plus, nous avons porté notre attention sur le complexe L-FeBr également décrit par ce même groupe et synthétisé in situ via leur protocole. L’addition de la base KHMDS puis du bromoanisole a mené à l’isolement de 56% de produit d’arylation (Schéma 107), ce qui suggèrerait la présence de ce complexe L-FeBr dans la réaction. Le mécanisme mettrait alors en jeu une étape de réduction sur le complexe L-FeBr, suivie d’une addition oxydante puis d’une élimination réductrice pour générer le produit d’arylation.

Schéma 107. Synthèse de L-FeBr in situ suivie de l'addition oxydante d'Ar‒Br

Ainsi, en nous basant sur les différents éléments mécanistiques obtenus au cours de nos études, nous proposons la séquence réactionnelle suivante (Schéma 108). Ces propositions mécanistiques font par ailleurs écho à d’autres propositions parues depuis dans la littérature. Le groupe de Cárdenas a récemment rapporté un double cycle catalytique impliquant une espèce de fer (I) de type LFeBr comme intermédiaire-clé lors de l’étude de la réaction de couplage de Kumada alkyle-alkyle.68

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Les groupes de Bedford66 et Chirik64 proposent de manière similaire la présence d’un complexe de fer (I) comme espèce catalytiquement active pour les réactions de Negishi et de cycloisomérisation respectivement.

Couleur initiale : bleu nuit

RMN 1H: spectre paramagnétique bien résolu RPE : espèce silencieuse en bande X

RX : pas de délocalisation électronique, « vrai » Fe(II)

et ligand neutre

DFT : 4 électrons d localisés sur le métal

Couleur après réduction : verte

RMN 1H : spectre paramagnétique modifié

RPE : espèce active en bande X due à un transfert

mono-électronique (SET)

DFT : délocalisation électronique, 2 e‒ (Fe), 1 e‒ (L), 2 e‒ (HMDS)  Processus concerté à trois composantes

Schéma 108. Rationalisation des étapes de la réaction de C‒H activation

Ainsi, après réaction avec un premier équivalent de KHMDS, le complexe B serait généré. En présence de HMDS, un transfert mono-électronique (SET, single electron transfert) centré sur le ligand aurait lieu pour donner le complexe C. Le caractère non-innocent de ce ligand permettrait de l’envisager également comme un complexe de Fe(I) portant un ligand neutre. L’étape de C‒H activation concertée ferait intervenir trois composants, le benzène, la base et le complexe, pour produire le complexe de Fe(II) portant un ligand neutre D. Nous avons montré que notre réaction ne générait pas de radicaux aryles, ainsi, une étape d’addition oxydante sur le centre métallique semble probable. Nous pourrions alors suggérer qu’une étape de réduction du complexe D génère une espèce Fe(I) qui peut être sujette à une addition oxydante puis une élimination réductrice pour donner le produit de couplage. Ce chemin réactionnel n’a pas été prouvé à ce jour, néanmoins, les similitudes avec la littérature nous permettent d’envisager cette voie comme probable.

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III.4. Conclusion

En conclusion, la compréhension du mécanisme de cette réaction s’est avérée difficile et quatre intermédiaires réactionnels ont été proposés et validés par des données spectroscopiques et théoriques. Malgré l’incertitude concernant les différentes pistes mécanistiques possibles, cette réaction d’activation C‒H catalysée par un complexe de fer portant des ligands redox non-innocents ne génère pas de radicaux aryles et ne procède donc pas par un mécanisme de substitution homolytique radicalaire. Cette méthodologie constitue une extension de la réactivité des complexes de fer portant des ligands bis(imino)pyridines.

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Chapitre IV. Utilisation de complexes de nickel pour des

réactions de couplages croisés