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Coup de cœur motivant

Dans le document RECUEIL DE RÉCITS DE PRATIQUE (Page 34-39)

7 ANS / SYRIE

La maman d’Annie parlait surtout chinois, elle aussi. Si elle parlait anglais, c’était un peu comme moi, c’est-à-dire pas grand-chose. Je disais toujours aux parents que la meilleure façon d’aider leur enfant… « Que nous devrions, en commun accord…

l’enfant, vous comme parents et moi… » Généralement, je donne une planification chaque fin de semaine parce que je me suis rendu compte que, dans d’autres pays, les devoirs et les leçons sont de mises. Donc, les parents m’en demandent plus.

De me renseigner sur l’histoire de certains pays, cela m’aide beaucoup.

Annie était très motivée. J’ai passé seulement une année à travailler avec elle l’écoute et l’oral, sa compréhension de texte, la lecture et l’écriture. Elle m’en demandait toujours plus. C’était la première fois qu’un élève m’en demandait davantage. Je me sentais dépassé! Par exemple, quand j’avais prévu des exercices à faire avec les élèves, Annie était rendue au sixième ou au septième pendant que les autres en étaient au deuxième ou au troisième. Comme elle ne parlait pas anglais, elle avait toujours son dictionnaire anglais-français. Si elle voulait me dire quelque chose, elle cherchait dans son dictionnaire ou bien elle allait voir l’élève qui parle mandarin pour lui demander comment dire telle chose.

Je me suis dit : « Ce n’est que le début! Elle progresse tellement vite! » Son progrès était phénoménal! Je me rappelle une fois, c’était pendant la semaine de relâche. Je ne donne pas de devoirs ni de leçons. La maman d’Annie m’avait écrit :

« Monsieur, j’ai cru comprendre qu’il n’y aura pas de devoirs pas de leçons, mais moi, je voulais en avoir pour ma fille! ». Annie m’en avait elle aussi demandé. J’ai dit : « OK, ça va. On ne l’abandonne pas. » Alors, je leur ai donné le lien vers un site web pour les aider davantage. Cela fait des années que j’utilise Les signets de Diane, un site web où l’enfant peut apprendre la grammaire, la lecture, la conjugaison et les mathématiques. C’est un site web fait en France, mais je l’utilise chaque année parce qu’il y a un peu de tout là-dedans pour le premier, deuxième et troisième cycle du primaire. Donc, Annie l’utilisait. Mais comme je l’utilisais aussi en classe après, parce que je montrais aux autres élèves comment y aller, comme Annie m’en demandait beaucoup, j’ai épuisé toutes mes ressources. Pendant que les autres en étaient à leur premier cahier de grammaire, elle, elle était déjà à son deuxième cahier. Elle était très motivée!

Généralement, en accueil, il faut faire beaucoup de socialisation parce que la société canadienne et québécoise est différente des autres cultures. Donc, pour nous, en accueil, la socialisation est très importante. Pour Annie, c’était relativement bien, sauf que parfois, certains termes qui peuvent être injurieux pour nous ne l’étaient pas pour elle. Nous, les francophones, nous savons que « la ferme », ce n’est pas trop gentil à dire. Une fois, elle avait dit à un élève de « fermer sa gueule » et elle m’avait dit : « Mais monsieur (pointant sa bouche), ça, c’est “gueule” donc,

“ferme ta gueule”! » Je lui ai dit, « C’est vrai que ça réfère à la bouche, mais c’est plus gentil de dire : “Est-ce que tu peux fermer ta bouche parce que moi je n’arrive pas à suivre.” » L’enfant à qui elle parlait la dérangeait beaucoup. Je lui ai dit : « Tu peux lui dire ça, mais gentiment. » Elle a très bien vu et compris.

J’ai expliqué à Annie que la classe d’accueil, ce n’est pas la classe régulière, que c’est une classe provisoire. Dans la classe d’accueil, nous n’évaluons pas comme dans une classe régulière : c’est par le parler que ça fonctionne. « Tu es là pour apprendre le français : parler français, écrire en français et puis lire en français parce qu’au régulier, tout se passera en français. Si tu veux aller au régulier, tu

dois maîtriser certaines compétences. Pour nous, en accueil, c’est quatre mots… ».

Annie m’a dit : « Ah OK! Si je fais ça, je pourrai aller au régulier. » Je me rappelle qu’une fois, elle m’a dit : « Mais je n’ai pas d’amis qui parlent français. » Je lui ai dit :

« Fais en sorte d’en avoir! »

Annie a réussi les paliers 1 et 2 en lecture et en écriture. Les mathématiques ne sont pas obligatoires pour envoyer une élève au régulier. Plus les mois avançaient, plus sa progression était superbe! Après avoir réussi les tests d’évaluation par rapport à son palier, elle était prête à aller au régulier. Cela a super bien été! Je me rappelle une fois, j’ai eu une conversation avec sa nouvelle enseignante. Je lui ai demandé « comment ça va? » et elle m’a dit : « Wow! » Annie a donc fini l’année scolaire dans une classe régulière. Généralement, les profs du régulier ont une certaine réticence. Je crois que la prof m’avait dit qu’elle allait essayer de lui faire passer les évaluations ministérielles. C’était superbe! C’est pour cela que je l’ai appelée mon « coup de cœur motivant ». C’est motivant pour moi! Cela me donne le goût d’accompagner mes élèves, surtout lorsque les parents sont collaboratifs.

Avec la mère d’Annie, les communications se passaient toujours par l’agenda. On utilisait Google translate pour communiquer. Donc, elle m’écrivait souvent dans l’agenda et voulait savoir comment ça allait dans la classe, comment elle pouvait aider sa fille, quelles ressources existaient… Son objectif, c’était qu’Annie aille au régulier. J’essayais aussi de motiver la maman à apprendre le français et à aller à l’école pendant que sa fille y était. Ce que j’aimerais dire à un futur enseignant d’accueil, c’est que la collaboration entre les parents, l’enfant et moi, c’est très important! Et l’aspect motivationnel… Pour eux, aller plus loin, c’est à travers les classes régulières. Ils doivent travailler fort. Cela, mes élèves le comprennent. La relation, c’est provisoire…

Une autre chose qui est important pour moi, c’est la planification. En 2009, j’ai commencé la suppléance au premier cycle et en 2013, j’ai eu mon premier poste d’enseignant. J’ai eu un mentor qui me disait toujours qu’en accueil, la planification est très importante pour faire avancer ses élèves. Généralement, tous les parents me demandent une planification où il y a des devoirs et des leçons. Dans la majorité des cas, les devoirs que je donne sont des répétitions, pour ne pas trop alourdir la tâche des parents. Souvent, ils ne parlent pas français donc ils ne peuvent pas réellement aider leurs enfants. Je me rappelle avoir dit à la maman d’Annie : « Si tu veux vraiment aider ton enfant à parler français et à comprendre, tu peux lui demander si elle a fait le devoir. Elle peut juste te montrer le devoir de mardi et de mercredi. Juste ça! »

Ce que j’ai toujours fait dans ma classe, c’est de passer de la langue 1 à la langue 2, c’est-à-dire que j’ai toujours priorisé et encouragé les parents à continuer de parler mandarin ou arabe avec leurs enfants. Ce que j’ai dit à la maman d’Annie, c’est que c’est bien de continuer à apprendre et à parler mandarin avec les amis et que moi, ce que je demande, c’est seulement 15-20 minutes par jour à écouter et à regarder un film ou une émission en français et que le reste se fera en classe. Aussi, pour moi, on apprend en faisant. Si tu ne fais pas de faute ou d’erreur, tu n’apprends pas.

Donc, l’aspect motivationnel et la planification, en plus d’une bonne collaboration avec les parents, c’est ce qui est très important.

La pandémie a tout chambardé. Ma classe a été en confinement au mois de décembre 2020. On a fait environ deux semaines d’enseignement à distance, deux à trois heures par jour. Ce n’était pas du tout pareil. Pour certains, ce n’était pas trop évident l’enseignement à distance. Maintenant, les élèves ont appris le français à un niveau intermédiaire ou avancé, mais avant… J’ai dû subdiviser la classe en deux parce qu’il y avait les moins et les plus avancés. Je ne pouvais pas travailler avec les deux groupes ensemble, en ligne. Pour le premier groupe, je devais parler et expliquer davantage en anglais tandis que pour l’autre, c’était moindre.

À l’époque, je ne maîtrisais pas tous ces gadgets pédagogiques : apprendre à fermer le micro des élèves, par exemple. C’était dur pour moi! Il fallait faire de la discipline. La seule chose qui était positive, c’est que je continuais d’envoyer ma planification aux élèves parce qu’ils étaient habitués de travailler de cette façon-là de septembre à décembre, chaque semaine. Il y a des moments où ils ont fait de la simulation si on devait fermer la classe. Si nous avions à faire la classe à distance une deuxième fois, ce serait mieux puisque nous l’avions déjà fait. Les ressources et les connexions, ce serait mieux. Toute la classe, tous les enfants et aussi la planification, ce serait mieux.

Quand les élèves sont revenus en classe, j’ai dû répéter et reprendre la majorité des notions vues à distance parce que ce n’était pas tout à fait bien compris. Et en classe, avec le masque… En accueil, les élèves ont besoin de voir ma bouche pour la prononciation. Et à maintes reprises, je leur ai demandé d’enlever le masque pour pouvoir parler. J’essaie de leur dire : « Bon, tu es à deux mètres de distance de tous ceux qui ont leur masque… Je veux t’entendre! » Avec le masque, je n’entends pas toujours ce qu’ils disent. C’est dur pour l’enfant d’apprendre le français, de me dire un mot… Ils me parlent de « poisson » et me disent « poison ». Pour l’apprentissage d’une langue, le masque, ce n’est pas évident! Et j’ai l’impression qu’ils parlent plus avec le masque en classe alors que cela devrait être le contraire. Pour le lavage des mains, l’aspect sanitaire, ça va, c’est correct.

En ce qui concerne les ateliers d’expression créatrice, au début, je pensais que c’était pour aider en français, mais après, on m’a expliqué que l’objectif, ce n’était pas cela. C’est pour que les enfants s’extériorisent à travers l’art, d’être à l’aise de tout expliquer. C’est super, c’est beau! Il y avait un élève dans ma classe qui, à la question « qu’est-ce que tu veux devenir dans la vie? », avait répondu « un assassin ».

Il dessinait toujours des gens qui en tuaient d’autres. En creusant davantage, on s’est rendu compte que son père avait été tué et qu’il voulait retourner dans son pays pour pouvoir se venger. Rapidement, je l’ai rencontré et j’ai demandé à la travailleuse sociale (TS) de le rencontrer. La TS lui a expliqué qu’il était mieux qu’il devienne policier pour pouvoir arrêter les assassins et les criminels. C’est grâce à ces activités qu’on a repéré cet élève. Cela m’a permis d’apprendre beaucoup de choses sur mes élèves et ce qu’ils ont vécu dans leur pays.

Je n’avais pas de craintes par rapport à la tenue de ces ateliers dans ma classe, mais beaucoup de parents étaient réticents et ne signaient pas le consentement pour que leur enfant y participe. J’ai dû leur expliquer. Les enfants aussi étaient réticents mais, dès la deuxième séance, ça allait bien. Ce que je disais à l’animatrice des ateliers, c’est que, dans ma classe, la majorité des élèves sont des garçons, 10-11 garçons sur 15 élèves. C’est plus difficile parce que ma classe est bruyante, mais je ne voulais pas intervenir. Il est question d’eux, pas de mon autorité. Je voulais juste les laisser faire, mais l’intervenante m’a dit qu’au contraire, il est toujours mieux d’intervenir. Je lui ai dit : « Bon, OK! » La classe a été répartie par petits groupes, en plusieurs ateliers. Moi, je fonctionne comme cela. Au début et à la fin, je les place en U. Il y a environ quatre semaines, j’ai réorganisé la classe. L’animatrice m’a dit que ça va mieux depuis qu’ils sont placés en cercle. Et je leur demande de respecter leur place respective parce que je connais les élèves qui peuvent déranger.

Avant, je les laissais s’asseoir avec leurs amis mais quand l’animatrice m’a donné libre-choix, je me suis dit : « Bon OK! Ils vont s’asseoir à leur place respective dans un cercle, tout en respectant l’autre organisation en U ». Alors, ça va mieux dans la classe. Pour ce qui est d’animer à deux, j’ai déjà fait le cours de team teaching donc, je n’ai aucun problème avec cela.

Je pense que, finalement, ma classe était idéale pour le projet! Pour tous mes élèves, la deuxième langue, c’est l’anglais et c’est la première fois que cela m’arrive.

La plupart des activités se faisaient en anglais parce que lorsque l’animatrice expliquait dans cette langue, tout le monde comprenait. J’ai l’habitude d’avoir la moitié de ma classe qui ne parle pas anglais donc, il faut trouver une façon de les amener… ceux qui ne parlent pas anglais et qui sont débutants en français… Au fil du temps, j’ai compris que l’objectif des activités, ce n’est pas qu’ils apprennent le français, c’est un moyen pour que les élèves extériorisent ce qui se passe dans leur vie. L’aspect plurilingue n’était pas là. Ce qui est très positif, c’est que nous n’avons pas de cours d’arts plastiques en classe. En faisant différents dessins, ils peuvent extérioriser ce qu’ils pensent et faire passer leurs opinions. Pour moi, c’est une bonne idée parce qu’avant, je ne les voyais pas ainsi. Au fur et à mesure des différentes séances, je me suis rendu compte que c’est un programme super. Cela aide les enfants!

Jean

Je suis enseignante en classe d’accueil au premier cycle du primaire. J’ai décidé de raconter l’histoire d’un élève réfugié de 6 ans qui, lorsqu’il est arrivé au Québec, en plus de ne pas parler français, présentait des difficultés motrices. Dès l’âge de six mois, on lui a diagnostiqué une rigidité aux membres. Une fois au Québec, le diagnostic s’est précisé. Nous savons maintenant qu’il a une sorte de paralysie.

Comme équipe-école, nous avons dû nous mobiliser pour voir à son intégration au niveau physique, linguistique et socioculturel. J’ai aussi choisi de parler de la situation de cet enfant, car il nous a beaucoup fait cheminer et apprendre. Nous avons eu à mobiliser sa famille afin de comprendre ses besoins et d’où il venait, pour mettre en place des interventions adéquates. L’enfant et sa famille m’ont beaucoup touchée. Pour moi, cette famille est un exemple de résilience. Ce sont des personnes qui ont tellement eu à s’adapter et à faire preuve de patience, et ce, toujours avec le sourire. Ils ont su voir le côté positif et bienveillant de la situation.

Ils comprenaient que nous voulions procurer ce qui était de mieux à leur enfant.

Lorsqu’il est arrivé, il n’avait jamais été en contact avec un bâtiment scolaire.

Il est né pendant la guerre et lui et sa famille ont vécu beaucoup de déplacements.

Sa maman nous a raconté qu’ils vivaient dans un contexte très stressant. L’enfant n’avait aucune référence et ne savait pas du tout ce qu’il venait faire à l’école.

Toutefois, il avait certaines connaissances. Il était très intelligent! Nous avons évalué ses connaissances en vérifiant ce qu’il savait des chiffres et des lettres dans sa langue d’origine, l’arabe.

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