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nous appartiennent, mais d’autres non

Dans le document RECUEIL DE RÉCITS DE PRATIQUE (Page 44-51)

8 ANS / CONGO

elle a beaucoup de difficultés. Elle est suivie par l’orthopédagogue et moi, je la vois aussi en récupération. J’ai révisé plein de notions avec les élèves au début de l’année parce que toute la classe a manqué beaucoup de notions et, évidemment, ils ont oublié beaucoup de choses.

Je pense que ce n’est pas encore assez et, même si elle parle d’aller au régulier, pour l’instant, je ne la vois pas y aller. Alors, elle va rester en accueil l’année prochaine, selon mes recommandations. Après, je ne sais pas… Des fois, on peut faire un an de moins. On pourrait envoyer l’enfant en 4e année au lieu d’en 5e année, mais je ne vois pas comment on peut le faire. Quand j’analyse son dossier, c’est plus à cause de son parcours, du manque de stimulation qui est nécessaire pour chaque enfant.

C’est prouvé, il y a des élèves en maternelle qui commencent à quatre ou cinq ans qui réussissent moins bien parce que les parents n’ont pas comblé cet écart. Cela commence vraiment très tôt alors, quand un enfant commence à fréquenter l’école à dix ans comme Sarah… En tant qu’enseignante, je dois accepter cette situation, ce qui n’est pas facile parce que j’aimerais que tout le monde réussisse. Chacun à son rythme pour apprendre, on différencie… Mais deux ans de retard en lecture par exemple, comme c’est le cas de Sarah, je trouve que c’est beaucoup! On ne parle pas de quelques difficultés spécifiques; c’est en français et en mathématiques, les deux matières que j’enseigne.

J’ai rencontré les parents de Sarah pour leur présenter le plan d’intervention et aussi pour leur parler de ses résultats. J’ai parlé avec son père qui est quand même ouvert à la discussion. Par contre, il me l’a dit clairement : « Je travaille la nuit, mon épouse ne parle pas français et on est réfugiés. Je sais que quand elle devait aller à l’école, on était en train de trouver un nouvel endroit pour vivre... » Donc, il est conscient des difficultés de son enfant. J’ai aussi parlé avec le prof qu’elle a eu l’année dernière, ce qui prouve que mon opinion n’est pas subjective. Plusieurs personnes confirment que l’enfant progresse, mais que ce n’est pas assez pour aller au régulier à cause du retard qu’elle a accumulé. Ce n’est pas encore assez après deux ans en accueil. Comme j’ai dit, l’année prochaine, Sarah devra retourner en classe d’accueil mais après, je ne sais pas quel sera son parcours. Soit elle va faire un progrès vraiment magique ou incroyable, ou elle ira en classe spécialisée. Cela signifie que cela lui laisse moins de chances de se trouver un travail qui pourrait être payant.

Le défi, c’est que Sarah aille au régulier. Le fait de rester en accueil pendant trois ans, ce n’est pas très agréable pour l’estime de soi. La première année, ils apprennent de nouvelles choses. La deuxième année, ils consolident des notions;

on les pousse encore plus pour qu’ils apprennent. Mais je trouve que la troisième année, ça peut être difficile pour l’élève vu qu’il y a de la répétition; car c’est un peu les mêmes thèmes qu’on apprend. Ce n’est pas comme au régulier non plus. C’est une classe transitoire. Les élèves rêvent d’aller au régulier, ils en parlent. J’ai déjà connu un autre élève qui était resté trois années en accueil. J’ai senti que cela a un peu influencé sa motivation parce qu’en accueil, on n’offre pas toutes les matières qu’ils ont au régulier. C’est aussi surtout parce que les élèves voient que leurs amis vont au régulier et pas eux.

Côté social, Sarah est gentille et sociable, mais elle manque un peu de confiance en elle. Du côté organisationnel, ce serait à travailler aussi : « Où sont les duo-tangs? » Donc, le côté social, ça se passe bien. Il faudrait travailler un peu plus sa confiance en elle pour aller de l’avant. À l’oral, elle est capable de s’exprimer en

français. Elle a même appris l’anglais en parlant aux autres élèves à l’école. C’est un phénomène courant et difficile à expliquer, mais il y a des enfants qui apprennent l’anglais à l’école, à l’oral. Donc, le côté oral, ça va bien, comme le côté social. Mais ce n’est pas assez, surtout qu’en 4e et en 5e année, on écrit de plus en plus. Il y a aussi de plus en plus de travail autonome, de plus en plus de tests, etc. On se prépare à aller au secondaire.

Je n’en ai pas encore parlé avec Sarah mais j’imagine qu’elle comprend que c’est plus difficile pour elle que pour d’autres. Cela lui prend plus de temps pour répondre.

C’est une enfant de dix ans donc, à mon avis, elle comprend ses difficultés. C’est quand même une enfant mature, aussi! Elle est sociable, mais ça s’en va, ça part. J’ai l’impression qu’il lui arrive de jouer un peu plus seule qu’avec les autres. Des fois, elle va jouer avec les autres, mais d’autres fois… J’ai remarqué que quand il s’agit des jeux en équipe, elle va être choisie en dernier. En même temps, à la récréation, elle va jouer avec les autres. Cela arrive de temps en temps, ce phénomène n’est pas constant. Je ne sais pas comment l’expliquer mais peut-être que c’est le manque de confiance en elle qui l’empêche de se joindre aux autres. Des fois, elle joue très bien avec les autres, mais d’autres fois, elle est plutôt solitaire.

Pour un enseignant, l’idéal, c’est de collaborer avec les parents. Moi, je travaille fort en classe et les parents aident à la maison. Certains parents travaillent eux aussi très fort. Si un élève a des difficultés d’apprentissage très importantes, avec le travail des parents, on peut adoucir cela. Dans le cas de Sarah, elle progresse, mais je sais que je peux compter juste sur moi. Si ses parents pouvaient aider, peut-être qu’on arriverait à un autre résultat. Sarah a manqué beaucoup d’années, ce qui est très, très grave, mais si ses parents pouvaient consacrer du temps aux devoirs ou à travailler la lecture à la maison… En tant qu’enseignant, on est prêt à tout. Pour moi, c’est plus difficile d’accepter l’échec de cette élève parce que je me dis que cela pourrait être autrement. Quand on peut se dire : « On a tout fait les parents et moi donc, c’est vraiment parce qu’il y a des difficultés d’apprentissage… » Dans le cas de Sarah, c’est : « OK, l’enfant n’allait pas à l’école donc… » Je compte sur moi et sur mes collègues, mais je ne peux pas compter sur ses parents, pas parce qu’ils sont fermés, mais parce que la famille vit des circonstances, qu’ils n’ont pas beaucoup de moyens. C’est ça qui est difficile : on dirait qu’on est coincé, avec peu de moyens.

En raison de la pandémie, l’écart est devenu encore plus important. Pour quelqu’un qui ne doit pas manquer d’école du tout comme Sarah, manquer quatre mois l’année dernière (à cause de la fermeture des écoles), c’est sûr que cela a un impact sur sa réussite. Je ne sais pas si son enseignante donnait des cours en ligne… je pense qu’à un moment, tous les enseignants en donnaient… mais ses parents n’avaient pas accès à un ordinateur. Cette année, ma classe a été fermée deux fois. La première fois, on a donné un ordinateur à Sarah parce que je savais qu’elle n’en avait pas. J’ai expliqué à ses parents comment l’utiliser et tout. Je leur envoyais l’horaire et des fois, elle était présente, mais d’autres, elle ne l’était pas.

Malgré la présence de l’ordinateur, cela prend des parents qui disent aux enfants :

« N’oubliez pas qu’il y a un cours! » Ce qu’on pouvait faire, on l’a fait, mais aller à la maison d’un enfant…

Cette année, ma classe a été fermée deux fois, mais, même à distance et en deux semaines, c’est sûr qu’on apprend. Ça se fait bien! Mes élèves ont appris certains thèmes en mathématiques, par exemple. Quand on est retourné en classe, j’ai

repris toutes les notions qui avaient été vues en ligne étant donné que certains enfants avaient de la difficulté en mathématiques. C’est bien d’écouter deux fois, en ligne et en classe, même pour savoir c’est quoi la routine ou être discipliné…

Mais pour faire un cours en ligne, il faut être connecté. C’est peut-être plus difficile pour certains élèves qui vivent dans des familles nombreuses. Les chances ne sont pas égales pour tous les enfants! Il y en a qui sont connectés chaque jour, qui font leurs devoirs et dans ces cas-là, il faut dire « merci » aux parents! Il y a des élèves qui sont très autonomes et qui, même au début, étaient aidés par leurs parents.

Mais il y a des enfants qui ne le sont pas et ce n’est pas juste!

Au début, j’ai remarqué que le fait de faire les cours en ligne avait aussi eu un impact sur d’autres élèves de mon groupe, pas seulement sur Sarah. J’avais l’impression qu’ils avaient presque tout oublié. J’étais stressée! Mon groupe, c’est un groupe mixte : il y a des élèves pour qui c’était la deuxième année en accueil au début de l’année scolaire. J’ai senti qu’ils avaient oublié plein de notions. Ils étaient comme des débutants. J’avais l’impression d’avoir seulement des élèves qui n’avaient pas appris le français l’année dernière. Donc, on a travaillé vraiment très, très fort parce qu’il y avait beaucoup de rattrapage à faire. Au bout de quelques mois, j’ai commencé à voir que les élèves avaient pris le rythme. Ils étaient plus à la tâche. Je voyais cela en lecture et en écriture, surtout. Cela a quand même pris deux mois pour avoir l’impression qu’on avançait, pour faire une mise à niveau.

Donc, au début, c’est vrai que l’impact de la COVID et de la fermeture de la classe sur les élèves, je l’ai vu de mes propres yeux!

Pour certains, il y a donc beaucoup de rattrapage à faire en classe. C’est beaucoup de travail, beaucoup de stress! Quand la classe ferme, la plupart des élèves participent bien mais ce n’est pas tout le monde qui fait ses devoirs. Après, quand ils reviennent, il faut remettre toute la classe au même niveau. Sarah, par exemple, était souvent absente donc, au retour, il faut la mettre au courant de ce qu’on a déjà vu. Ça prend quelques journées additionnelles au lieu d’avancer dans le programme.

C’est beaucoup, beaucoup de stress parce qu’il y a beaucoup d’enjeux en accueil!

L’année prochaine, certains élèves vont aller au régulier. En moyenne, cela prend deux ans en accueil mais eux, ils n’auront pas fait deux ans au complet. Donc, c’est comme s’ils avaient manqué quatre mois (à cause de la fermeture des écoles au printemps 2020). Pour mes élèves, la question c’est : « Est-ce qu’ils vont aller au régulier en septembre et pouvoir commencer l’année avec leur nouveau groupe? » Sinon, ils vont aller au régulier en janvier mais c’est moins intéressant.

Donc, pour moi, l’enjeu est là : le passage de l’accueil au régulier. Il faudra qu’on travaille très, très fort! C’est pour cela que j’ai apprécié les ateliers d’expression créatrice qui ont été donnés dans ma classe. Je trouvais que c’était en dehors de notre curriculum. Les enfants ont pu parler de sujets différents, ils ont dessiné, c’était différent. Ce n’était pas les mathématiques, le français… Mais le stress est là parce que je sais que si quelqu’un a été testé positif et a été en contact avec une personne de la classe, on va devoir fermer à nouveau. Par exemple, si j’apprends que l’animatrice des ateliers a été testée positive et que ma classe doit fermer pour deux semaines… Ça, ça a été un stress toute l’année. À cause de la COVID, je planifie les notions à apprendre, mais quand ma classe ferme, je dois tout réorganiser parce qu’enseigner en ligne, c’est tout à fait différent! Je me dis : « OK, ça va bien aller.

Mais est-ce qu’on sera en présentiel? » Aller à l’école sans savoir si on est ouvert ou pas ou si quelqu’un doit s’absenter, cela me stresse beaucoup! Je suis contente quand tout le monde est présent.

En ce qui concerne les masques, on les distribue et on dit aux élèves « remet ton masque sur le nez ou sur la bouche » plusieurs fois par jour. C’est très, très spécial!

Moi aussi, en tant qu’enseignante, je porte le masque. Quand je parle, j’aimerais que les enfants voient comment j’articule les sons. Avec le masque, ce n’est pas pareil. J’ai l’impression que c’est une autre personnalité que je présente aux élèves.

Ils ne voient pas la moitié de mon visage. C’est spécial de ne pas pouvoir sourire aux élèves!

Chaque fois que la classe a fermé, les élèves avaient hâte de revenir. La première fois, pour eux, c’était intéressant d’être en ligne, mais après quelques jours où ils ne voyaient plus leurs amis… Ils sont heureux de se retrouver quand ils reviennent en classe. Je leur donne un peu de temps pour qu’ils s’ajustent parce que c’est quand même un grand changement dans leur routine d’être en ligne ou en présentiel.

Après, c’est une période pour réviser les notions que j’ai vues avec eux en ligne pour que ceux qui étaient absents puissent suivre. La deuxième fois, quand ma classe a fermé, les élèves étaient très tristes. On a fermé mercredi et jeudi, c’était la journée pizza… Je leur ai acheté des Tim bits après, mais ça ne remplace pas la pizza. Ils sont contents d’être à l’école. J’espère qu’on va rester jusqu’à la fin de l’année scolaire. Dès que quelqu’un est un tout petit peu enrhumé, on ne reste pas les bras croisés; je me suis fait tester deux fois parce que je voulais être sûre. Là, j’ai eu mon vaccin, mais je continue de porter le masque. J’ai l’impression que je suis quand même un peu plus rassurée.

En ce qui concerne le comportement des élèves, disons qu’au début de l’année, nous avons établi nos règles de classe. J’avais un système d’émulation avec Classe Dojo. Cette année, c’était spécial parce qu’on avait quelques règles liées à la COVID 19 : se mettre des distances, se laver les mains… Certaines règles ont changé plusieurs fois, surtout au début de l’année. On se lave les mains beaucoup, beaucoup plus souvent qu’avant. Les élèves doivent aussi porter le masque. Avant, c’était par rapport à l’âge, mais maintenant, c’est obligatoire de porter le masque à l’école. Je constate que les élèves s’adaptent rapidement, mais c’est plus de gestion pour nous. Cela nous enlève des minutes d’enseignement vu qu’on doit désinfecter, faire des rappels, distribuer les masques… En général, les tables sont désinfectées plusieurs fois. Les élèves s’adaptent. Je n’ai vu personne résister aux règles. Il faut leur dire de remettre leur masque, faire plusieurs rappels, mais en général, dans ma classe, ça va bien.

En ce qui concerne les ateliers, je trouve que c’est un projet rafraîchissant pour mes élèves. C’est surtout pour eux que je voulais participer à ce projet. On ne peut pas faire de sorties culturelles cette année. On est toujours dans notre bulle.

Pour pratiquer le français, ils ont besoin de parler à d’autres gens. Même pour leur développement social, ils ont besoin de moi, mais aussi de quelqu’un qui vient de l’extérieur. Et les élèves aiment beaucoup ce projet! C’est une activité à part de l’enseignement… C’est comme une période libre, un projet spécial, où on fait des arts plastiques. C’est dans la catégorie des « activités spéciales ». Ils ont beaucoup de liberté et ils peuvent parler la langue qu’ils veulent tandis qu’avec moi, ils pratiquent le français parce qu’ils veulent apprendre à parler. Donc ça, ça leur plaît aussi et, à mon avis, ils apprécient ce côté.

J’ai laissé beaucoup de place au projet. Je participe : je regarde, j’observe et j’écoute mes élèves, mais j’ai laissé toute la place à l’animatrice. Je voulais que les élèves soient complètement avec elle, avec ses règles, parce qu’avec moi,

c’est différent. Je voulais qu’ils suivent. Donc, je n’interviens pas vraiment mais j’apprends des choses sur mes élèves. J’en apprends un peu plus sur leur passé, sur certaines préférences. J’apprends aussi comment ils participent quand ils ne sont pas avec moi. Certains participent beaucoup avec moi et moins pendant les ateliers avec l’animatrice, ou vice versa. Je n’ai pas tout retenu, mais j’apprends « ce que dans mon pays j’aimais le plus faire », par exemple. On a des causeries en classe mais j’ai l’impression qu’avec l’animatrice, ils discutent plus en profondeur des sujets, ils sont un peu guidés, aussi et ils répondent. J’ai donc beaucoup apprécié parce que j’ai vu mes élèves dans la classe, en étant à côté d’eux. D’habitude, soit on est au centre de l’action, soit on travaille pendant la période libre. J’ai beaucoup apprécié d’avoir cette possibilité d’observer comment ils parlent, comment ils s’expriment, comment ils commentent.

On dirait que certains enfants sont plus impulsifs pendant les ateliers. Comme je disais, c’est une ambiance où il y a un autre adulte que moi. Je trouve que c’est plus lousse, qu’il y a moins de règles donc, cela favorise l’ouverture. Par exemple, ils doivent respecter le droit de parole, mais, si l’élève veut s’exprimer tout de suite, sans lever la main, cela passe. Dans ma classe, on essaie de respecter le droit de parole parce que c’est important qu’ils attendent leur tour. Quand ils dessinent, c’est comme si c’était la collation ou la période libre et, quand ils parlent, l’ambiance est moins formelle. Quand on apprend les mathématiques, les enfants ne peuvent pas parler; ils font leurs exercices. Quand c’est la lecture en dyade, ils peuvent parler et quand c’est une activité en équipe, aussi, mais pendant les ateliers, je vois que les élèves parlent avec leurs voisins. C’est cool pour eux!

Avant de commencer le projet, j’avais des craintes par rapport à la COVID parce que quand on rouvre après une fermeture, il y a beaucoup de rattrapage à faire.

Je me disais : « OK, il faut que je sois quand même prête à donner du temps pour les ateliers. » Si cela avait été une année normale, cela aurait été parfait, mais, vu que c’est une année où l’enseignement a été un peu coupé, en ligne ou en présentiel, chaque heure est importante. Je me suis dit : « Est-ce que j’aurai assez de temps pour enseigner mes notions, vu qu’il y a une heure qui est réservée pour

Je me disais : « OK, il faut que je sois quand même prête à donner du temps pour les ateliers. » Si cela avait été une année normale, cela aurait été parfait, mais, vu que c’est une année où l’enseignement a été un peu coupé, en ligne ou en présentiel, chaque heure est importante. Je me suis dit : « Est-ce que j’aurai assez de temps pour enseigner mes notions, vu qu’il y a une heure qui est réservée pour

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