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Coronographie avec NaCo : filaments infrarouges

2.3 Etude de NGC 1068 ´

2.3.4 Coronographie avec NaCo : filaments infrarouges

Pour v´erifier l’existence de ces structures en bande K, et donner plus de coh´erence `a notre mod`ele en mesurant l’intensit´e ´emise dans ces r´egions, il faudrait augmenter le temps d’expo- sition. Ceci aurait pour cons´equence de saturer le d´etecteur sur la source centrale, et de plus, la lumi`ere diffus´ee augmenterait dramatiquement (ainsi que les effets de saturation gˆenant la d´etection de nos cibles.

Une solution `a ce dilemme consiste `a utiliser la coronographie, ce qui n’a (`a ma connaissance) jamais ´et´e tent´ee sur un NAG, afin d’augmenter (encore !) le contraste autour de la source brillante. Cette technique, utilis´ee principalement en OA pour mettre en ´evidence la pr´esence de compagnons faibles autour d’une ´etoile (plan`ete extra-solaire, naine brune, ...), consiste `a cacher l’objet brillant avec un masque et `a placer un diaphragme pupillaire pour poser plus longuement. Cette technique doit son nom `a ses inventeurs, qui l’utilis`erent pour la premi`ere fois pour ´etudier la couronne solaire (Lyot 1939).

Plusieurs types de masque peuvent ˆetre utilis´es `a cet effet comme le masque de Lyot ou le coronographe `a 4 quadrants, dont un exemplaire du dernier type, con¸cut et r´ealis´e au LESIA, a

2.3 ´Etude de NGC 1068

´et´e install´e sur NaCo en octobre 2003. Principe de la coronographie 4QPM

Le principe du masque de phase `a 4 quadrants (qu’on nommera 4QPM dans la suite) (Rouan et al. 2000) est bas´e sur l’utilisation de lames de phase arrang´ees dans une configuration `

a 4 quadrants, 2 sur une diagonale et les deux autres, d´ephas´es de π sur l’autre. Si on consid`ere une correction parfaite du front d’onde, les 4 faisceaux issues d’une source plac´ee au centre du masque se combinent de fa¸con destructive, nous permettant d’atteindre une att´enuation de 12 magnitudes en laboratoire.

Fig.2.21 – Principe du 4QPM (la diff´erence de couleur repr´esente le d´ephasage de π) et image de champ plat de celui de NAOS (haut). Exemple d’utilisation sur un objet multiple (bas).

Une ´evaluation des performances de ce type de syst`eme peut ˆetre trouv´ee dans Riaud et al. (2001, 2003). L’effica- cit´e d’att´enuation d´epend de la qualit´e de la correction, ce qui r´eserve ce type d’instrument aux objets relativement brillant. Nous avons vu dans la section pr´ec´edente, qu’un Strehl en bande K >0.5 ´etait accessible sur NGC 1068, ce qui justifie d’utiliser un tel instrument.

Bien sˆur, ce type de coronographe ne permet pas d’´eteindre compl`etement la source, mais le principe interf´ero- m´etrique ´evite les effets de diffraction sur le bord du masque et permet donc, en th´eorie de sonder des r´egions plus proches de celui-ci. Ainsi, si dans le cas d’un coronographe de Lyot, on ne peut explorer des r´egions situ´ee `a moins de 4 `

a 5λ/D du bord du masque, dans le cas du 4QPM, on peut s’approcher `a moins de 2 λ/D, ce qui en fait un instrument de choix pour l’´etude des NAG.

Conditions d’observation

J’ai donc r´ealis´e les premi`eres observations coronographiques de NGC 1068 avec le 4QPM install´e sur NACO, juste avant son ouverture `a la communaut´e, en Novembre 2003. Le seeing ´etait tr`es bon, d’environ 0.700et le ciel ´etait clair. NAOS a ´et´e asservi sur le noyau de NGC 1068,

en utilisant l’ASO visible, nous permettant d’obtenir un rapport de Strehl moyen d’environ 0.6, comme annonc´e par le calculateur temps r´eel.

Une s´erie de 100 poses de 1 s a ´et´e acquise sur NGC 1068 et sur une ´etoile de calibration (BD 00413, une ´etoile de de type G0). L’´etoile a ´et´e choisie pour reproduire les mˆeme conditions de correction que sur NGC 1068, et le Strehl obtenu est d’environ 0.55.

Les images de cette ´etoile sont utilis´ees `a la fois pour mesurer les effets de la turbulence r´esiduelle (le halo) et ´evaluer les motifs de diffraction r´esiduels du masque coronographique. Les images sont trait´ees de la mani`ere habituelle, soustraites du ciel et moyenn´ees, et l’image finale de la r´ef´erence est soustraite `a celle de l’objet. On obtient les images pr´esent´ees dans les

2 D´econvolution d’images - ´etude de NGC 1068

Fig.2.22 – Image coronographique en bande Ks de NGC 1068, soustraite de l’image coronogra- phique de la r´ef´erence, compar´ee `a l’image en bande Ks, sans coronographe.

figures 2.22 et 2.23. L’accroissement du bruit et des incertitudes introduits par cette soustraction nous conduit `a ne pas interpr´eter les structures situ´ees `a moins de 0.1500de la source centrale.

D’abord, sur l’image plein champ (1300de cˆot´e), on remarque que la source poss`ede une forme ovo¨ıdale, allong´ee le long de l’axe P.A.=40◦, compatible avec l’axe du jet. On notera

que les motifs diffractifs induits par l’araign´ee du t´elescope ainsi que les zones att´enu´ees par le coronographe (intersections des masques de phase) peuvent donner l’impression d’un bicˆone tr`es bien d´efini. De plus, ces artefacts se trouvent exactement dans l’axe vrai du bicˆone, ce qui g`ene les interpr´etations.

Structures nord : vagues induites par le jet

Au nord de la source centrale (rep´er´ee par le croisement du motif du coronographe), une ´emission diffuse domine sur les grandes ´echelles, avec une tendance `a se regrouper en petits paquets d’´emission pour les r´egions situ´ees `a moins de 100 pc du coeur.

Plus proche de ce dernier, une structure allong´ee le long de l’axe P.A.=-10◦et courb´ee est d´etect´ee (niveaux jaunes sur l’image de droite de la figure 2.22), en accord avec l’´elongation N-S du profile de la source mise en ´evidence sur l’image en bande Ks sans le masque et de l’image obtenue apr`es d´econvolution. Cette structure est partiellement masqu´ee par le coronographe et nous ne pouvons donc pousser plus loin l’interpr´etation. On constate juste que sur cette image, elle a l’allure d’une micro-spirale (forme en S caract´eristique) balafrant le coeur.

Directement au nord de cette structure, on trouve une source (figure 2.22) que l’on peut identifier `a la source IR-CN. Toutefois, la proximit´e de la source centrale empˆeche toute mesure pr´ecise de sa photom´etrie, comme pr´ec´edemment discut´e.

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A environ 15 pc au nord du noyau, on d´etecte une source allong´ee et l´eg`erement courb´ee, identifiable avec la structure IR-1b pr´ec´edemment d´efinie. On note surtout la ressemblance frappante entre la structure mise `a jour par l’utilisation du coronographe et celle obtenue

2.3 ´Etude de NGC 1068

Fig. 2.23 – Image coronographique plein champ (en haut `a gauche), zoom sur les structures filamentaires sud (en haut `a droite). Image coronographique soustraite de la r´ef´erence avec une table de couleur choisie pour mettre en ´evidence les nuages IR-1 `a IR-4 (en bas `a gauche) compar´ee au r´esultat de la d´econvolution en bande Ks.

2 D´econvolution d’images - ´etude de NGC 1068

apr`es d´econvolution, ce qui renforce la confiance qu’on peut avoir sur les autres r´esultats de la d´econvolution.

La d´ecouverte la plus marquante de ces observations coronographiques est la mise en ´evidence `

a 2.2µm des vagues de nuages `a partir de 25 pc nord du noyau et se d´eveloppant le long de l’axe P.A.=47◦. Les premi`eres de ces structures ´etaient `a peine identifi´ees sur l’image Ks sans

coronographe et sont maintenant parfaitement visibles et bien d´elimit´ees. `A l’inverse des images non d´econvolu´ees en L0 et en M, ces structures apparaissent parfaitement distinctes sur l’image

coronographique, b´en´eficiant d’une meilleure r´esolution, et donc d’une taille de pixel 2 fois plus faible. Ainsi, on confirme enti`erement le r´esultat des d´econvolutions sur le plan morphologique et on obtient un bon RSB en bande Ks sur ces structures, ce qui va nous permettre de faire la photom´etrie et de confirmer ou d’infirmer l’hypoth`ese des VSG, ce qui sera fait dans la section 2.3.4.

On confirme ainsi la pr´esence de structures allong´ees, align´ees le long de l’axe radio, mais la pr´esence du masque coronographique masquant la zone o`u se situe le nuage IR-5 ne nous permet pas de v´erifier la pr´esence d’une r´egion d’´emission en bande Ks `a ce niveau. L’hypoth`ese de structures induites par le jet reste toutefois d’actualit´e.

Structures sud : des filaments IR

Toujours dans les r´egions les plus proches du coeur, on d´etecte au sud une structure identi- fiable avec la source IR-CS. Malgr´e tout, comme dans le cas nord, elle est trop proche du centre pour pouvoir ˆetre caract´eris´ee avec pr´ecision. Directement au sud de cette structure, se dessine la contrepartie en Ks de la structure IR-6, de forme remarquablement similaire au r´esultat des d´econvolutions dans les 3 bandes. Malgr´e le manque de contrepartie dans l’UV, cette structure est donc pr´esente du proche IR `a l’IR moyen (Bock et al. 2000), avec une morphologie quasiment constante, aux limites de r´esolution pr`es.

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A plus large distance du coeur, au sud-ouest, de nouvelles structures non d´etect´ees sur les images hors coronographe dans aucune des bandes sont mises en ´evidence. Il s’agit d’un groupe de nuages, tr`es fins, en forme de portion d’arc, semblant entourer le noyau, tels une succession de coquilles `a grande ´echelle. Leur structure et leur position par rapport au noyau poussent `a les rapprocher des vagues de nuages observ´ees au nord, mais elles sont plus ´eloign´ees du noyau et s’´etendent sur une plus grande surface.

Ces structures pourraient ˆetre la contrepartie IR sud, dans le bicˆone d’ionisation, des ana- logues aux structures filamentaires observ´ees au nord dans les images UV (Capetti et al. 1995). Une partie de ces structures apparaˆıt comme un groupe “d’arclets”, `a environ 160 pc sud du noyau, qui se d´eveloppe sur environ 70 pc, mais qui est malheureusement en partie masqu´e par le motif du coronographe. La liaison ´evidente dans la premi`ere s´erie d’arclets dans les quadrants sud et ouest de l’image, nous permet de penser que les structures plus distribu´ees et diffuses observ´ees dans le quadrant ouest `a plus grande distance sont de mˆeme origine.

Selon Thompson et al. (2001), le cˆone d’ionisation sud, non clairement mis en ´evidence dan les observations UV, probablement `a cause de l’extinction du plan galactique de NGC 1068, devrait ˆetre d´etectable dans l’IR. De plus, on note sur l’image pr´esent´ee par les mˆemes auteurs, `

a environ 150 pc sud du noyau, une s´erie de nuages tr`es structur´es et ´emettant dans les raies de l’hydrog`ene ionis´e (Hα et Pashenα) de l’IR. L’origine de ces structures n’a pas ´et´e ´etudi´ee, mais nous notons de grandes similarit´es morphologiques avec celles qui sont d´etect´ees dans nos images coronographiques `a la mˆeme distance, mˆeme si elles poss`edent une allure moins r´eguli`ere et s’´etendent, de plus, plus pr`es du noyau sur les images Hα. Cette ´emission est superposable

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aux structures observ´ees dans la bande du [SiVI] par les mˆemes auteurs, ce qui est comparable, comme discut´e par eux, `a ce qui se passe dans les grands complexes de HII, observ´es dans le plan galactique, o`u ´emission de poussi`ere et d’hydrog`ene ionis´e se confondent, ce qui permet d’en conclure que la poussi`ere est probablement pi´eg´ee dans de tels complexes dans l’environnement du coeur de NGC 1068.

Ces structures ne sont toutefois pas d´etect´ees dans l’IR moyen,, ce qui pourrait t´emoigner d’une sensibilit´e moindre des observations `a 10µm. Dans nos observations en bande Ks, sans coronographes, elles ´etaient masqu´ees par la lumi`ere diffus´ee de la source centrale, et ont ´et´e d´etect´ees pour la premi`ere fois sur une image Hα, en bande ´etroite donc, dans laquelle l’effet du continuum de la source centrale est r´eduit.

Une morphologie si structur´ee dans la NLR sugg`ere un m´ecanisme tr`es particulier pour la modeler. Ces structures ´etant r´eparties en coquilles concentriques autour du noyau, avec une occurrence quasi-p´eriodique, une interpr´etation naturelle pourrait ˆetre l’influence d’un vent pulsant la mati`ere de la NLR et permettant de produire de tels arclets.

Une autre explication pourrait ˆetre du gaz ´eject´e par des supernovae au coeur du NAG, et se dispersant sous forme de bulles de plusieurs dizaines de pc depuis le noyau. La spectroscopie de ces arclets pourrait nous donner plus d’information sur leur v´eritable nature.

On note enfin que ces arclets sont distribu´es sur la face ext´erieure la la r´egion d’´emission structur´ee observ´ee en Hα. De plus, Crenshaw & Kraemer (2000a) trouvent une indication de nuages en d´ec´el´eration dans la partie correspondante du cˆone d’ionisation nord, c’est `a dire `a environ 150 pc au Nord Est du coeur, et aussi la pr´esence d’´emission UV g´en´er´ee par des chocs. Ces arclets pourraient donc tracer l’interface entre le gaz entraˆın´e par le jet et le MIS, l`a o`u les raies en ´emission s’intensifient.

Complexe est-ouest

Dans l’image soustraite de la r´ef´erence (figure 2.22), une structure complexe le long de l’axe est-ouest est d´etect´ee. Proche du coeur, le motif identifi´e par Rouan et al. (1998) comme une trace possible du tore mol´eculaire n’est pas mise en ´evidence. La structure que nous d´etectons traversant le noyau, elle est en partie affect´ee par la soustraction de la r´ef´erence et les motifs in- duits par le masque coronographique. Nous ne pouvons donc pousser plus avant l’interpr´etation, ni mˆeme en mesurer sa photom´etrie. On note qu’elle a toutefois une morphologie complexe, tr`es tortur´ee, et pas vraiment interpr´etable en l’´etat.

Photom´etrie et nano-diamants

Nous avons pu r´ealiser une photom´etrie absolue sur les r´egions qui entoure le coeur situ´ees `a une distance sup´erieure `a 0.1500, sur l’image soustraite uniquement du ciel. La calibration de ces

mesures est faite `a partir du point z´ero d´elivr´e par les donn´ees de calibration de l’instrument, mais nous estimons `a 10% l’erreur de mesure, compte-tenu des incertitudes sur la transmission du masque. Les magnitudes en bande Ks ainsi que les couleurs L0-Ks d´eduite de ces observations

et des pr´ec´edentes, sont pr´esent´ees dans le tableau 2.3.4.

Comme on le voit, ces couleurs correspondent `a une temp´erature d’environ 500 K, pour les r´egions nord, compatibles avec nos observations pr´ec´edentes. Nous avons donc ici une confirma- tion de la temp´erature tr`es ´elev´ee de ces r´egions, de plus, comme nous l’avons vu pr´ec´edemment, ces indices de couleur ´elev´es peuvent ˆetre reproduite avec notre mod`ele simple de VSG.

2 D´econvolution d’images - ´etude de NGC 1068

Position Ouverture Mag Ks Ks-L0

nuage IR-1 0.05 14.0 4.0 nuage IR-2 0.05 14.2 4.2 nuage IR-3 0.05 14.2 4.6 nuage IR-4 0.05 15.0 4.5 nuage IR-6 0.05 13.9 4.3 source N2 0.04 16.0 -

Tab. 2.9 – Photom´etrie et couleur Ks-L0 pour diff´erentes structures identifi´ees sur notre image coronographique. Le rayon d’ouverture est donn´ee en arcsec.

Conclusions de cette ´etude

La coronographie coupl´ee `a l’OA est une toute nouvelle technique pour l’´etude de l’environne- ment proche des NAG. Elle permet de sonder plus en profondeur l’environnement proche de ces monstres et de d´etecter de nouvelles structures tr`es proches et pr´ec´edemment cach´ees par la diffu- sion de la lumi`ere de la source centrale. Dans cette ´etude, nous avons utilis´e un tout nouveau type de coronographe, le 4QPM, dont l’installation sur un des VLT est la premi`ere impl´ementation sur un grand t´elescope et les r´esultats obtenus dans cette ´etude valident compl`etement les per- formances de cet instrument.

En observant l’arch´etype des noyaux de Seyfert II, nous avons mis en ´evidence un envi- ronnement tr`es structur´e et tr`es complexe. Les structures identifi´ees sont similaires `a ce qui a ´et´e observ´e dans les autres bandes de l’IR (3.8 et 4.8µm), `a la mˆeme r´esolution, mais sans masque, et ´etaient compl`etement cach´ees par la lumi`ere diffus´ee de la source centrale lors de nos observations en bande Ks.

La taille, la forme et la photom´etrie des sources observ´ees au nord est en bon accord avec nos interpr´etations pr´ec´edentes en terme de structures model´ees par le jet et contenant de la poussi`ere sous forme de tr`es petits grains, qui seraient chauff´es de fa¸con stochastique par la source centrale.

De plus, de nouvelles structures filamentaires en arc ont ´et´e mises en ´evidence au sud du noyau, qui pourraient ˆetre la contrepartie au sud de l’analogue des structures filamentaires observ´ees au nord dans les images UV. Malgr´e tout, plus d’informations sur ces structures sont n´ecessaires pour comprendre leur nature exacte.

Ces observations ont ´et´e faites dans le cadre d’un test de faisabilit´e et ne repr´esentent qu’une centaine de secondes d’int´egration sur l’objet. Elles confirment toutefois le potentiel d’un tel instrument, coupl´e `a un grand t´elescope muni d’une OA performante, pour la compr´ehension de l’´emission IR des NAG.