5.2 Étude de la MNS avant, après et pendant une imagination de mouvement
5.2.2 Matériel et Méthode
5.2.4.5 Contraction temporelle des composantes ERD et ERS dans le
Pour quantifier de manière précise la façon dont les différentes composantes cérébrales motrices se
comportent au sein des rythmes sensorimoteurs mu et bêta lorsque l’intervalle de temps existant
entre deux actes moteurs se réduit, nous avons réalisé une nouvelle étude où les participants ont
effectué des mouvements discrets isolés et des mouvements discrets qui se succèdent dans un
délai plus court. Cette expérience permettra de vérifier les résultats observés précédemment avec
la stimulation du nerf médian (Figure 5.14)
Dans cette situation, il est fort probable que les processus à l’origine du rebond, qui suit le
mouvement, vont se chevaucher dans le temps avec les processus à l’origine de l’ERD liée au
mouvement suivant. On peut alors se demander si l’amplitude du rebond bêta va diminuer
graduellement au fur et à mesure que le délai entre les deux réponses diminue. Ce phénomène
serait dû à une additivité des signaux, l’ERS et de l’ERD se compensant l’une l’autre. Une
autre hypothèse suggère que des délais courts entre deux réponses motrices provoqueraient un
phénomène degating [449], induisant la disparition du rebond lorsque l’ERD est temporellement
trop proche de l’ERS. Selon cette hypothèse, les processus liés à l’ERD modifieraient ceux liés au
rebond provoquant ainsi sa disparition. Enfin, si l’on part de l’hypothèse que l’ERD et l’ERS sont
nécessaires au bon déroulement d’une séquence motrice donnée, cela met en avant l’hypothèse
d’une contraction temporelle de ces processus. Dans ce cas, l’ERD et l’ERS présenterait une
latence et une durée plus faible, ce qui témoignerait d’une adaptation des processus sous-jacents
au raccourcissement des délais entre les deux réponses motrices. Il est très probable que les
interaction entre les différentes composantes ne se résument pas à une seule de ces hypothèses.
Quoiqu’il en soit, comprendre la manière dont ces composantes interagissent entre elles nous
parait être une étape essentielle pour mieux concevoir une BCI qui viserait à détecter la tentative
de mouvement durant le réveil peropératoire.
L’expérience que nous avons menée consiste à réaliser une succession de flexions isométriques de
l’index sur une souris d’ordinateur. Le sujet faisait varier les délais entre deux réponses successives
de façon aléatoire et totalement volontaire. Le premier objectif était de sélectionner des réponses
motrices isolées, c’est-à-dire sans réponses qui précède ou qui suit dans une fenêtre temporelle
relativement longue afin de dégager un profil bêta canonique. Le second objectif avait pour but
l’analyse de la nature des modulations des profils canoniques en fonction de la durée du délai qui
sépare deux réponses motrices successives. Cette expérimentation a été menée en deux temps.
Une première étude menée avec 12 sujets volontaires nous a permis de récupérer des mouvements
qui se succèdent dans un intervalle de temps plutôt long (entre 500 ms et 3500 ms). Puis, une
deuxième étude menée avec 9 sujets volontaires nous a permis de concentrer notre attention sur
des intervalles courts (entre 500 ms et 1500 ms).
Les deux études ont été menées séparément sur deux groupes de sujets différents, ce qui nous a
permi d’observer deux réponses canoniques. Les réponses canoniques consécutives aux mouvements
isolés de l’étude n°1 et n°2 correspondent aux modulations décrites dans la littérature (Figures
5.21 et 5.22 ; [185]). Environ 500 ms avant le début du mouvement volontaire, une ERD apparaît
à la fois dans la bande de fréquence bêta et mu et se maintient jusqu’à la fin du mouvement.
Puis, 500 ms après la fin du mouvement, une ERS apparaît dans la bande de fréquence bêta,
principalement entre 13 et 30 Hz dans l’étude n°1 (Figure 5.21), et entre 19 et 30 Hz pour l’étude
n°2 (Figure 5.22). Dans les deux études, le rebond bêta se maintient durant plusieurs secondes
après la fin du mouvement isolé.
5.2. Étude de la MNS avant, après et pendant une imagination de mouvement
Figure 5.21: Analyse temps-fréquence et grand moyennage (n=12) des ERSP pour un
mouve-ment isolé et deux mouvemouve-ments successifs espacés d’un temps plutôt long. 3 fenêtres de temps
ont été définies [2500-3500] ms, [1500-2500] ms et [500-1500] ms. Une ligne noire le moment du
clic. Les deux barres en violets indiquent les bornes durant lesquelles le deuxième mouvement a
été réalisé. La différence significative (p<0,05) est indiquée en rouge dans la partie droite de la
figure.
La première étude montre que lorsque deux mouvements se succèdent et sont séparés de plus
d’une seconde, les deux composantes ERD et ERS sont toujours présents avant, pendant et après
chaque mouvement (Figure 5.21). En effet, lors des intervalles [1500-2500] ms, [2500-3500] ms, on
observe une ERD qui commence avant le mouvement, et qui se poursuit jusqu’à la fin du premier
mouvement dans la bande de fréquence bêta. Ensuite, le rebond bêta lié au premier mouvement
apparaît pour céder sa place à l’ERD présente pendant le deuxième mouvement. Enfin, un
deuxième rebond bêta est observable après la deuxième exécution motrice. Parallèlement à
l’apparition de l’ERD et l’ERS qui suivent le premier mouvement, une ERD continue dans la
bande de fréquence mu est présente. Notons que plus le temps entre deux mouvements est long,
plus le rebond bêta a tendance à s’étaler dans le temps.
Pour mieux comprendre précisément à quel moment le rebond bêta n’apparaît plus entre deux
mouvements, la deuxième étude a été réalisée sur des intervalles plus courts. Puisque les sujets se
sont focalisés sur la réalisation de deux mouvements successifs séparés de 500 ms à 1500 ms, nous
avons réussi à sélectionner des mouvements dans un intervalle plus court. Nos résultats mettent
en évidence que lorsque le deuxième mouvement intervient pour les intervalles [900-1300] ms et
[1100-1500] ms, le rebond bêta a le temps d’apparaître. Certes, il n’est pas de forte amplitude,
mais il est tout de même présent. Par contre, lorsque le délai entre les deux mouvements est
inférieur à 900 ms, c’est le cas par exemple pour les intervalles [500-900] ms et [700-1100] ms,
alors le rebond bêta consécutif au premier mouvement est totalement aboli. A la place, une ERD
continue se maintient le temps de l’exécution des deux mouvements dans la bande de fréquence
bêta.
Figure 5.22: Analyse temps-fréquence et grand moyennage (n=12) des ERSP pour un
mouve-ment isolé et deux mouvemouve-ments successifs espacés d’un temps plutôt court. 4 fenêtres de temps
ont été définies [1100-1500] ms, [900-1300] ms, [700-1100] ms et [500-900] ms. Une ligne noire le
moment du clic. Les deux barres en violets indiquent les bornes durant lesquelles le deuxième
mouvement a été réalisé. La différence significative (p<0,05) est indiquée en rouge dans la partie
droite de la figure.
Lors d’un réveil peropératoire, il est très probable que le patient tentent de bouger plusieurs
membres à la fois et que ses tentatives de mouvements s’effectuent selon une temporalité différente
(voir Chapitre 4). En effet, le risque principal c’est que la peur de la situation pousse le patient à
essayer de bouger d’une manière anarchique. Comme nous avons pu l’observer dans cette étude
l’intervalle de temps existant entre deux mouvements, ou deux tentatives de mouvements influent
directement sur l’apparition des composantes d’ERD et d’ERS. C’est un problème lorsqu’on sait
que la précision d’une BCI est le plus souvent basée sur l’apparition de la composante d’ERD
5.3. Conclusion du chapitre
pendant l’imagination motrice [385,261, 307]. Vraisemblablement, si un patient victime de réveil
peropératoire tente de bouger de manière continue, la phase d’ERD devrait se maintenir dans
le temps [403,367]. De la même manière, si les différentes tentatives de mouvements sont très
proches dans le temps, nos résultats indiquent qu’une ERD globale devrait en résulter (Figures
5.21 et 5.22). Par contre, si le patient a des tentatives de mouvements isolés et assez proches
dans le temps (>1 s), une succession d’ERD et d’ERS vont se succéder, et pourrait poser plus
de difficulté à la BCI en matière de détection.
5.2.5 Conclusion
Dans cette étude, nous avons cherché à mieux comprendre les mécanismes cérébraux sous-tendant
la combinaison d’une imagination de mouvement avec une stimulation du nerf médian. Si nous
avons déjà montré qu’une BCI basée sur la stimulation du nerf médian pourrait être prometteuse
pour détecter la tentative de mouvement lors d’un réveil peropératoire, il s’avère que cela dépend
de quand sera réalisée la tentative de mouvement par rapport à la stimulation du nerf médian. En
accord avec la littérature, nos résultats montrent bien que lorsque la stimulation du nerf médian
est réalisée avant ou au début de l’imagination de mouvement (-500 ms, +250 ms et +750 ms),
l’ERD due à l’imagination de mouvement abolit fortement le rebond produit par la stimulation
dans la bande de fréquence bêta. Une classification offline donne de très bons résultats dans ces
cas-là (> 80 % en moyenne). Par contre, lorsque la stimulation intervient à la fin de l’imagination
de mouvement, l’ERS post-stimulation réapparaît et ne permet pas une bonne précision de la
BCI (>75 % en moyenne). Cette étude nous a permis d’affiner le choix des paramètres de cette
nouvelle BCI, notamment en matière de délai entre chaque stimulation. En effet, les résultats
confirment qu’il serait préférable que la stimulation du nerf médian ait lieu au moins toutes les 4
secondes.
5.3 Conclusion du chapitre
Dans ce chapitre, nous avons montré que la stimulation du nerf médian est une approche très
prometteuse pour concevoir une BCI qui permettrait de mieux détecter les réveils peropératoires.
Une première étude a montré qu’une BCI basée sur une stimulation du nerf médian permet de
mieux détecter l’imagination de mouvement qu’une BCI basée sur l’imagination de mouvement
et l’état de repos. Dans une deuxième étude, nous avons montré que lorsque la stimulation
intervient avant ou au début de l’imagination de mouvement, l’ERS est considérablement abolie,
ce qui permet d’améliorer la détection de l’imagination de mouvement par la BCI. Ces deux
études prises ensembles montrent que si l’on souhaite utiliser une BCI basée sur la MNS, il serait
préférable que le patient soit stimulé au moins toutes les 3-4 secondes.
Le prochain chapitre abordera les deux questions suivantes : est-il possible de prédire la capacité
de futurs participants d’expériences à réaliser une imagination motrice kinesthésique à l’aide
d’un questionnaire subjectif ? Un apprentissage progressif peut-il aider les participants à réaliser
la tâche d’imagination motrice kinesthésique ?
6
Prédiction et amélioration de la tâche d’imagination
motrice
Sommaire
6.1 Un questionnaire subjectif peut-il être utilisé pour prédire la per-formance BCI d’un utilisateur ? . . . 133 6.1.1 Introduction . . . 133 6.1.2 Matériel et méthodes . . . 135 6.1.3 Résultats . . . 140 6.1.4 Discussion . . . 144 6.1.5 Conclusion . . . 146 6.2 Vers un meilleur apprentissage de l’imagination motrice kinesthésique147 6.2.1 Introduction . . . 147 6.2.2 Matériel et méthodes . . . 149 6.2.3 Résultats . . . 153 6.2.4 Discussion . . . 156 6.2.5 Conclusion . . . 159 6.3 Conclusion du chapitre . . . 160