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3.2 Détecter une tentative de mouvement grâce à l’activité cérébrale motrice

3.2.3 Utilisation d’une BCI basée sur l’activité cérébrale motrice

3.2.3.3 Détecter une tentative de mouvement grâce à une BCI

Lors d’un réveil peropératoire, les patients ne réaliseront pas une imagination motrice. Ils vont

avoir le réflexe de bouger pour prévenir le personnel médical de leur réveil, sans pour autant

pouvoir y parvenir à cause des bloquants neuromusculaires [18, 14,1]. De ce fait, la tâche motrice

qu’ils vont réaliser au moment de leur réveil ne correspond pas tout à fait à une imagination

motrice, mais à une réelle tentative de mouvement, et il convient de comprendre de quelle manière

le cortex moteur sera modulé en conséquence pour s’assurer que cette tentative de mouvement

sera détectable dans le signal EEG.

La tentative de mouvement est une tâche motrice qui mériterait d’être plus étudiée [301,302,303].

A l’origine, la technologie des BCI était très orientée vers les patients paralysés pour leur permettre

3.2. Détecter une tentative de mouvement grâce à l’activité cérébrale motrice

de récupérer un contrôle sur leur environnement [250]. Mais travailler avec des patients est plus

difficile, notamment car il faut être en collaboration étroite avec des structures de santé, recueillir

des accords éthiques souvent très longs à obtenir et tenir compte des contraintes de soins et de

l’état de santé des patients. Cela explique pourquoi de nombreux chercheurs se sont d’abord

concentrés sur l’étude de la tâche d’imagination motrice chez des sujets sains en pensant que le

manque de mouvement inhérent à cette tâche permettait de pouvoir le comparer à celui d’un

patient paralysé qui essaye de bouger. Le problème avec cette approche est qu’elle repose sur

l’hypothèse que les signatures cérébrales dans l’EEG sont les mêmes lorsqu’une personne essaye

de bouger alors qu’elle ne le peut pas, c’est la tentative de mouvement, et lorsque qu’une personne

imagine qu’elle ressent des sensations liées au mouvement tout en inhibant l’exécution motrice,

c’est l’imagination motrice kinesthésique.

En vérité, les signatures cérébrales au niveau du cortex moteur ne sont pas exactement les

mêmes, bien qu’elles partagent des traits communs. Déjà au niveau comportemental, les patients

victimes d’une lésion de la moelle épinière sont capables de différencier la tâche de tentative

de mouvement et d’imagination motrice [304]. L’étude de l’activité neuronale par IRMf chez

des paraplégiques montre que lors de la tentative de mouvement, le cortex moteur primaire est

légèrement moins engagé que lors de l’imagination de mouvement mais que les régions du lobe

pariétal et du cervelet, bien connues pour être impliquées dans l’intégration sensorimotrice, sont

plus activées durant la tentative de mouvement [304]. La tentative de mouvement bloque le

rythme mu [305] et est également plus facilement détectable qu’une imagination de mouvement

[301, 303, 306]. En effet, chez des patients paralysés au niveau des membres supérieurs après un

accident vasculaire cérébral (AVC), la tentative de mouvement est plus facilement détectable

dans l’EEG que l’imagination motrice [306]. De la même manière, la tentative de mouvement

réalisée par des patients paraplégiques est mieux détectable par une BCI qu’une imagination

motrice. D’ailleurs, certains patients qui avaient un taux de détection assez faible et qui auraient

pu être considérés commeBCI-illiterate, c’est-à-dire incapable de se servir d’une BCI [294, 307],

ont vu leurs performances augmentées lorsque la tentative de mouvement était utilisée. Selon

Blockland et al., en termes de différences de bonnes classifications, un lien peut être établi entre

la tâche de mouvement réel et d’imagination de mouvement chez les sujets volontaires sains, et la

tâche d’imagination de mouvement et de tentative de mouvement chez des patients tétraplégiques

[301,303].

Si l’étude des modulations cérébrales produites par la tentative de mouvement est possible

chez des patients paralysés ou amputés, c’est quelque chose de bien plus difficile chez les sujets

volontaires sains. Une expérience rare et intéressante a été réalisée par Blockland et al., où des

sujets volontaires sains devaient réaliser à la fois des mouvements, des imaginations de mouvement

et des tentatives de mouvement [301]. Pour accomplir les tentatives de mouvement, un bloquant

neuromusculaire a été injecté à la base de l’épaule, ce qui permettait aux sujets d’être dans des

conditions comparables à une paralysie. Les résultats de cette étude montrent que la tentative

de mouvement entraîne une modulation des mêmes bandes de fréquences qu’un mouvement

volontaire, et que l’ERD associée à la tentative de mouvement est bien plus forte lors de cette

tâche, que lors d’une imagination motrice (Figure 3.9A). De ce fait, la détection des tentatives

de mouvements est plus précise que la détection des imaginations de mouvements (81 % vs. 69

%). Une différence non significative existe entre le mouvement réel et la tentative de mouvement,

bien que l’ERD paraisse plus marquée durant l’exécution réelle (Figure 3.9B). Un autre moyen

d’étudier les modulations cérébrales durant la tentative de mouvement chez le sujet sain est

d’utiliser lequasi-mouvement. Il s’agit d’un mouvement délibérément réduit par le sujet jusqu’à

Figure 3.9: (A) Représentation temps-fréquence pour l’électrode C3 (en haut) et activité EMG

associée lors des tâches de tentative de mouvements (à gauche) et d’imagination de mouvement (à

droite) chez des sujets sains paralysés temporairement de l’avant-bras. (B) Taux de détection (et

intervalle de confiance) obtenus pour des tâches de mouvements, des mouvements isométriques,

d’imagination de mouvement et de tentative de mouvement. Figures provenant de [301]

3.3. Conclusion du chapitre

ce que l’activité EMG associée soit la plus faible possible [308]. Pour réaliser le quasi-mouvement,

le sujet doit auparavant subir un entraînement d’une trentaine de minutes afin d’apprendre à

lancer une commande motrice alors même qu’il réduit progressivement son activité musculaire,

celle-ci devenant presque imperceptible pour l’expérimentateur. En termes d’activation du cortex

moteur, un quasi-mouvement génère une activité similaire à un mouvement réel avec une ERD

plus forte que lors d’une imagination de mouvement. De ce fait, un quasi-mouvement est plus

facilement détectable qu’une imagination de mouvement et peut être étudiée chez les sujets

sains [308]. Finalement, bien que les travaux qui étudient les tentatives de mouvements sont

moins nombreux que ceux qui étudient les imaginations de mouvements, de nombreuses études

laissent penser qu’il est plus facile de détecter une tentative de mouvement qu’une imagination

de mouvement [308, 301, 309, 304, 306]. Par conséquent, la tentative de mouvement consécutive

à la reprise de conscience d’un patient victime de réveil peropératoire paraît envisageable. Nous

présenterons dans les chapitres suivants la démarche que nous avons suivie pour étudier cette

possibilité.

3.3 Conclusion du chapitre

Nous venons de voir à travers les chapitres précédents que le réveil peropératoire est une

problématique importante dans le domaine de la surveillance de l’anesthésie générale et qu’aucune

solution n’existe aujourd’hui alors même que les conséquences de ce type de réveil peuvent

entraîner de graves traumatismes pour le patient. Puisqu’un des premiers réflexes du patient dans

cette situation est de bouger pour prévenir le personnel médical, mais que cela lui est impossible

à cause de la curarisation, nous proposons d’utiliser une interface cerveau-ordinateur afin de

détecter une activité cérébrale motrice, celle-ci étant synonyme de reprise de conscience durant

l’opération. Si les chapitres 1, 2 et 3 ont permis de décrire le contexte scientifique de cette thèse

et suggèrent que la réalisation d’une telle BCI est possible, de nombreux verrous scientifiques

subsistent. Dans ce manuscrit, plusieurs études visant la conception et la mise en place d’une

BCI spécialisée dans la détection des réveils peropératoires seront présentées.

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Faire face aux conditions du réveil péropératoire

Sommaire

4.1 Étude EEG de l’activité cérébrale motrice lorsque les yeux sont fermés . . . . 48 4.1.1 Introduction . . . 49 4.1.2 Matériel et méthode . . . 50 4.1.3 Résultats . . . 54 4.1.4 Discussion . . . 57 4.1.5 Conclusion . . . 60 4.2 Comparaison entre une imagination motrice discrète et une

imagi-nation motrice continue . . . . 61 4.2.1 Introduction . . . 61 4.2.2 Matériel et méthode . . . 63 4.2.3 Résultats . . . 66 4.2.4 Discussion . . . 67 4.2.5 Conclusion . . . 73 4.3 Vers la détection d’une imagination motrice isolée ou combinée . . 74 4.3.1 Introduction . . . 74 4.3.2 Matériel et méthode . . . 77 4.3.3 Résultats . . . 79 4.3.4 Discussion . . . 80 4.3.5 Conclusion . . . 88 4.4 Conclusion du chapitre . . . . 89

Nous souhaitons concevoir une BCI basée sur l’activité cérébrale motrice afin de détecter la

tentative de mouvement d’un patient victime de réveil peropératoire. Pour y arriver, les travaux

déjà existants dans ce domaine peuvent nous aider. En effet, le comportement des ERD/ERS

pour différentes tâches motrices [255,310, 21, 167, 311], les méthodes de classification existantes

pour détecter l’activité cérébrale motrice [252, 251,247], la variation de performance d’une BCI

synchrone ou asynchrone [22,312,313,314] ou le nombre d’électrodes à utiliser [301,315,316]

sont autant de travaux qui peuvent nous aider pour concevoir cette nouvelle BCI. Cependant,

l’état de réveil peropératoire est un état très particulier pour le patient, ce qui pose plusieurs

questions fondamentales auxquelles il faut répondre en amont d’une telle conception.

Dans ce chapitre, nous présenterons plusieurs études de faisabilité dont l’objectif est de mieux

comprendre l’activité cérébrale motrice dans les conditions expérimentales spécifiques à un réveil

peropératoire. Dans la première section, nous nous intéresserons à l’influence d’avoir les yeux

ouverts ou fermés sur l’activité cérébrale motrice. En effet, lors d’une chirurgie, les yeux du

patient sont toujours fermés et l’influence de cette condition pendant le mouvement est peu

connue. Dans la deuxième section, nous présenterons une étude montrant l’influence de la durée

d’une imagination de mouvement sur les modulations ERD/ERS et les taux de détection associés.

En effet, lors d’un réveil peropératoire, il ne sera pas possible de prévoir quel type d’imagination

de mouvement sera effectué par le patient : une imagination de mouvement continue, c’est-à-dire

maintenue pendant plusieurs secondes ou une imagination de mouvement discrète, correspondant

à une tentative de mouvement très brève (<1 s). Il convient donc de s’assurer qu’une imagination

de mouvement discrète sera bien détectable dans le signal EEG. Enfin, dans la dernière section,

nous étudierons les modulations ERD/ERS pour plusieurs tâches d’imaginations de mouvement

impliquant des membres différents. Lors d’un réveil peropératoire, le patient pourrait essayer de

bouger plusieurs membres, soit séparément (main droite, main gauche, pieds), soit de manière

combinée (deux mains, pieds et mains). Il est donc nécessaire de bien comprendre de quelle

manière ces différentes tentatives de mouvement activent des zones sensorimotrices différentes

pour permettre une détection optimale dans la majorité des cas.

4.1 Étude EEG de l’activité cérébrale motrice lorsque les yeux

sont fermés

POINTS CLÉS

Questions : L’activité du cortex moteur lors de l’exécution d’un mouvement

volontaire change-t-elle selon que nos yeux soient ouverts ou fermés ?

Résultats :Lorsque les yeux sont fermés, la désynchronisation neuronale liée au

mouvement (ERD) est moins fortement modulée dans la bande de fréquence mu

(7-13 Hz) que lorsque la tâche est exécutée les yeux ouverts (15 sujets ; permutation

test, p<0,01).

Signification :La légère modulation de la phase d’ERD dans la bande de fréquence

mu lorsque nos yeux sont fermés devra être prise en compte dans la conception

d’une BCI spécialisée dans la détection des réveils peropératoires.

Articles associés

Rimbert S, Al-Chwa R, Zaepffel M, Bougrain L. 2018. Electroencephalographic

modulations during an open- or closed-eyes motor task. PeerJ 6 :e4492.

4.1. Étude EEG de l’activité cérébrale motrice lorsque les yeux sont fermés