• Aucun résultat trouvé

3.2 Détecter une tentative de mouvement grâce à l’activité cérébrale motrice

3.2.3 Utilisation d’une BCI basée sur l’activité cérébrale motrice

3.2.3.1 Le domaine des BCI

La recherche dans le domaine des BCI aide au développement de nouveaux systèmes qui permettent

à des patients ou à des sujets sains d’interagir avec un dispositif tel qu’un ordinateur ou une

machine en utilisant uniquement leur activité cérébrale, sans passer par la moelle épinière, les

nerfs et les muscles [245]. Généralement, l’activité cérébrale de l’utilisateur est enregistrée grâce

à la technique de l’électroencéphalographie de surface (décrite dans le Chapitre 1), qui consiste à

mesurer, à l’aide d’électrodes posées à la surface du cuir chevelu, des micro-courants électriques

reflétant l’activité du cerveau [246]. Certaines BCI utilisent d’autres techniques d’imageries

cérébrales non invasives (ECoG, fNIRS, IRMf, MEG) voire invasives ou semi-invasives en plaçant

des électrodes au sein même du cortex, ou entre le cortex et la dure-mère mais ce type d’interface

ne sera pas détaillée dans ce manuscrit [247].

Une BCI peut être décrite selon une boucle constituée de six étapes différentes pouvant varier

légèrement d’un système à l’autre (Figure 3.7). La première étape, qui consiste en l’acquisition du

signal, est souvent réalisée grâce à la technique de l’EEG. D’un point de vue neurophysiologique,

c’est lors de cette phase irréversible que la qualité du signal enregistré va prédéterminer la

Figure 3.7: Schéma général de fonctionnement d’une interface cerveau-ordinateur. La boucle

BCI est constituée de six étapes : (1) l’acquisition du signal, (2) le pré-traitement du signal, (3)

sélection des caractéristiques, (4) la classification, (5) l’exécution de la commande et (6) le retour

sensitif. Figure modifiée à partir de [248]

précision de la BCI. La deuxième étape correspond à la phase de prétraitement du signal EEG

et permet de mettre en évidence l’information utile. En effet, l’information utile peut parfois être

noyée par l’activité cérébrale globale [249], c’est pour cela que l’on applique un filtre spécifique

restrictif aux rythmes sensorimoteurs par exemple. L’étape d’extraction des caractéristiques

cherche à transformer l’information, afin que dans l’étape de classification suivante, la BCI puisse

plus facilement déterminer “l’état mental” de l’utilisateur de l’interface. Cette identification

aboutit à la traduction de la reconnaissance de cet état en une commande qui est opérée dans

l’environnement de la personne. L’action de cette commande entraîne ce qu’on appelle lefeedback,

qui permet au sujet d’apprendre le résultat du traitement de son activité cérébral par l’interface

et éventuellement d’apprendre à moduler son activité cérébrale [250].

Figure 3.8: Calibration et exploitation du processus de classification d’une BCI : la phase de

calibration génère des caractéristiques d’intérêt et apprend de classifieur (en haut). La phase de

test réalisée en temps réel permet de traduire l’activité mentale en commande. Figure provenant

de [251]

3.2. Détecter une tentative de mouvement grâce à l’activité cérébrale motrice

Pour utiliser une BCI, deux phases sont généralement requises : (i) une première phase de

calibration s’effectuant généralement offline, et qui, grâce à des algorithmes d’apprentissage

automatique, permet à la BCI d’apprendre à reconnaître les caractéristiques d’intérêt et (ii)

une phase de test, cette fois-cionline où la BCI doit reconnaître l’activité mentale courante du

sujet et la transmettre sous la forme d’une commande (Figure 3.8). Généralement, la phase de

calibration requiert 40-80 essais par tâche mentale pour entraîner convenablement un classifieur

à leur discrimination. Les essais sont réalisés généralement sansfeedback [252, 253,205]. Lors

de chaque phase, une adaptation s’opère entre l’utilisateur et la BCI. D’abord, l’interface

est entraînée à reconnaître les caractéristiques d’intérêt qui sont produites durant la tâche

mentale par l’utilisateur après un repère temporel (e.g. indices visuels, sonores ou vibro tactiles ;

[254, 255, 256, 257, 258, 205]). Ensuite, l’utilisateur réalise les tâches mentales et reçoit un

feedback, le plus souvent visuel, qui lui permet d’adapter la façon dont il génère son activité

cérébrale en fonction du retour que la BCI lui offre [236,259]. Afin d’aller encore plus loin vers

cette double adaptation, certains auteurs proposent que lefeedback soit disponible dès les premiers

essais de l’expérimentation et que l’interface puisse se calibrer, en continu, avec les nouveaux

essais disponibles, en affinant à chaque fois l’apprentissage du classifieur [260,261]. Cette méthode

est très avantageuse car elle permet d’adapter le classifieur voire les caractéristiques d’intérêt

à l’évolution de l’activité cérébrale du sujet [261, 253]. Cependant cette méthode n’est pas

toujours supérieure à la mise en place d’une phase de calibration en termes de taux de bonnes

reconnaissances et peut déstabiliser le sujet.

A l’origine des BCI, le professeur Jacques Vidal posait la question suivante : "Les signaux

électriques observables via l’EEG peuvent-ils être utilisés comme vecteurs d’information dans

la communication homme-machine ou bien pour contrôler des appareils externes tels que des

prothèses ou des vaisseaux spatiaux ? Si l’on se base sur les connaissances actuelles en informatique

et en neurophysiologie, on peut penser qu’un tel exploit est potentiellement imminent." [262].

Quarante ans plus tard, et bien qu’il ne soit pas encore possible de contrôler un vaisseau spatial

grâce à son activité cérébrale, ce domaine est en plein essor

1

. Il se développe aussi vite qu’il

tente de renouer avec un fantasme qui a toujours existé : l’espoir qu’un jour nous serons capable

de contrôler notre environnement avec notre cerveau.

Au cours des dernières décennies de nombreux verrous ont déjà été levés : contrôle d’un curseur

en imaginant bouger la main droite et la main gauche [263], contrôle d’un fauteuil roulant

[264,265,266,267,268], communication bidirectionnelle avec des patients LIS [166,269,165,270]

et en état végétatif [271,272], rééducation après un accident vasculaire cérébral [273,274,275],

nouveaux systèmes de jeux vidéos [276, 277, 278] ou de peinture abstraite [279, 280, 281],

surveillance passive d’états mentaux pour améliorer la vie au travail [100] ou alerter des pilotes

d’avions en cas de fatigue mentale [282, 283]. Il reste cependant de nombreux obstacles pour

rendre les BCI réellement utilisables à grande échelle. La principale difficulté réside dans le fait

de passer d’un environnement expérimental de laboratoire où le matériel est cher, peut agréable

à porter et où le classifieur est (ré)entraîné sur de longues périodes par des sujets sains, à une

situation écologique où le dispositif est peu couteux, agréable à porter, ne nécessite pas de long

apprentissage, est utilisable par tous, tout en gardant une bonne précision. C’est justement dans

le cadre de cette problématique que s’inscrit cette thèse, puisque pour concevoir une BCI qui

permettrait de détecter les cas de réveil peropératoire, il faudra également prendre en compte les

conditions intrinsèques à la pratique clinique (voir Chapitre 4).